que tels, ils ne relèvent pas du procès de travail mais d’une conduite transgressive
personnelle, aggravée par l’ascendant moral relatif à l’interaction d’aide ou d’éducation, ce
qui conduit à la qualifier d’abus d’autorité relatif à mission conférée. Ils tombent sous le
coup de la loi et exigent que ceux qui en sont témoins exercent leur responsabilité
d’assistance à personne en danger, notamment par le signalement.
2/ Certains actes relèvent de l’insuffisance de moyens ou de l’insuffisance de vigilance, de
précaution, autrement dit, d’une part, de l’obligation de moyens partagée par les pouvoirs
publics et le gestionnaire de l’établissement, d’autre part, des professionnels eux-mêmes
en ce qu’il doivent mettre en œuvre les moyens disponibles, assurer les responsabilités
relevant de leurs compétences et signaler si nécessaire l’insuffisance de moyens
susceptible de porter atteinte à l’intégrité des personnes.
3/ Certains actes relèvent de la négligence des professionnels au contact du public. Sans
qu’ils soient motivés par une intention de nuire, ils engagent la responsabilité des
professionnels incriminés et de leur encadrement, qui encourent des sanctions
disciplinaires voire pénales.
4/ Certains actes relèvent de la contention ou de la limitation de liberté (isolement) pour
assurer la protection de la personne (ex : empêchement de se blesser) et la sécurité
relative à son environnement (ex : consignes de sécurité) et sont paradoxalement motivés
par la bientraitance.
L’amalgame de différentes conduites est d’autant plus problématique que la maltraitance y devient
la figure inversée des bonnes pratiques. celles-ci sont alors définies par défaut de maltraitance,
sous la forme de normes injonctives ou/et d’un moralisme culpabilisant, dénués de portée pratique
et jetant l’opprobre sur un corps professionnel.
Ainsi, la recommandation de l’ANESM (Agence nationale de l’évaluation sociale et médico-sociale)
relative au « Rôle de l’encadrement dans la prévention et le traitement de la maltraitance »
(décembre 2008) entretient-elle la confusion en abordant la maltraitance comme « un risque
incontournable, consubstantiel des pratiques pour tous les professionnels au contact des
personnes vulnérables ». Or consubstantiel signifie par nature, constitutif en soi. Le qualificatif
induit l’idée que la volonté de maltraitance accompagne a priori la motivation à l’origine de l’activité
professionnelle.
Certes, la relation d’aide est asymétrique, inégalitaire. Mais pourquoi la penser, par nature, comme
une relation de dépendance ou de domination. Il est dangereux de considérer comme
consubstantiel ce qui est une perversion à combattre. Une telle conception situe la bientraitance,
non pas comme une qualité en soi, dénaturée par certaines conduites, mais comme le simple
opposé d’un défaut relevant de la nature même de l’interaction d’aide voire la considère comme
l’effort à soutenir pour lutter contre une tendance naturelle.
Déclarer la maltraitance comme un risque consubstantiel de l’existence des établissements
sociaux et médico-sociaux, c’est déplacer les responsabilités, dissimuler les facteurs de
vulnérabilité (l’exclusion économique, la discrimination par les capacités fonctionnelles, les
problématiques socio-éducatives familiales) qui occasionnent la nécessité de interaction d’aide. S’il
y a maltraitance consubstantielle, ce n’est pas dans l’interaction consécutive à la vulnérabilité mais
dans les processus à l’origine de cette vulnérabilité.