De la Maltraitance à la Bientraitance: naissance d’un concept. • Vendredi 17 avril 2015 SGE • • • • Dr Béatrice TAVERNIER-VIDAL gériatre PH honoraire CHU de DIJON Médecin Coordonnateur EHPAD PSDP… « Il est mille fois plus aisé de faire le bien que de bien le faire » Montesquieu « de l’esprit des lois, 1748. » Maltraitance : un seul mot, de nombreuses déclinaisons…La Maltraitance est un néologisme de notre langue qui a trouvé sa place dans nos dictionnaires entre 1992 et 1994. Bienfaisance Bienveillance Bientraitance: un mot plutôt qu’un autre? Avec ou sans trait d’union: bien-traitance: ce néologisme est encore largement absent des principaux dictionnaires généralistes. Le droit de vieillir et d’être vieux sans être déconsidéré, disqualifié… • La courbe des réserves fonctionnelles…du Pr BOUCHON • Inégalité devant « les effets du temps qui passe sur l’organisme humain » • Variabilité extrême du vieillissement différentiel…des atteintes physiques et des difficultés intellectuelles dites banales du vieillissement, à différencier soigneusement des maladies. • Acceptation de soi et de l’autre: tolérance sans jugement de valeur, même des « fragiles » et La guerre des âges n’aura pas lieu… Oui il y a la technique et la science: le « Cure » une affaire d’hommes. • Oui, nous avons à cœur de les connaître, de les maîtriser… en équipe • Techniques de soin: « cure » • Par formations initiale et continues permanentes • Apprentissage de nouveaux gestes, de nouvelles méthodes de soin, de nouvelles pratiques professionnelles qu’il faudra évaluer (EPP) • Technique de la relation PNL, Analyse Transactionnelle, Hypnose Ericksonniene, relation d’aide… apprentissages émanant des sciences humaines… • Techniques de l’information et de sa transmission, du transfert des données: logiciels informatiques, télémédecine.. Oui, mais il y a aussi le discernement des valeurs, des fondamentaux qui vont donner sens au soin: CARE, pour l’élément féminin… • Le « CARE » prendre soins d’un Autre, ce qui n’est pas prendre en charge un objet de soin: Oui qui? L’appendicite du 15, le confus du B2 ? le petit papy qui va faire son petit pipi? • patient • résident • usager? bénéficiaire? client? • Quel que soit son nom, il est au centre de nos préoccupations. Quel que soit son nom, pour les médecins il y a le serment d’Hippocrate et le code de Déontologie « je ne te demande pas quelle est ta race, ta nationalité ou ta religion, mais quelle est ta souffrance? » Louis Pasteur La maltraitance n’est pas l’inverse de la bientraitance Il n’existe pas de définition juridique de la maltraitance. Le Conseil de l’Europe a proposé cette définition: « Tout acte ou omission qui a pour effet de porter gravement atteinte, que se soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l’intégrité corporelle, à la dignité ou au bien être en général d’une personne vulnérable » Elle fait parfois suite à des oublis, des négligences, voire de la non-traitance. « Le vieillard au risque de la maltraitance » 30 novembre 2000: 8 ème journée gérontologique de VITTEAUX: Pr HUGONOT,Madame BUSBY pour ALMA France débuts de l’aventure en 1995. écoute téléphonique Classification des maltraitances: 1 Violences physiques 2 Violences psychologiques 3 Violences financières 4 Violation des droits du citoyen 5 Violences médicamenteuses 6 Négligences actives 7 Négligences passives Maltraitance ordinaire • Quotidien banal.. le terme « ordinaire » fait écho à son usage actuel dans les sciences sociales. Maltraitance obligée: annonce d’une mauvaise nouvelle: annonce faite par quelqu’un qui n’a pas envie de le dire à quelqu’un qui n’a pas envie de l’entendre. L’isolement infectieux: bientraitance pour les uns maltraitance pour le contaminé… Les négligences (Jérome Pélissier) • « Donc, ici, ni délits ni crimes • Ici, bien souvent, pas d’intention de nuire • Ici, bien souvent, pas de conscience des conséquences du comportement ou de l’absence de comportement • Ici, bien souvent, dominent justement l’absence de conscience, l’absence de pensée, d’intention, d’empathie • au bout de toute ces absences, l’absence de l’ Autre.. Vite,vite nous n’avons pas le temps…dépêchez-vous. • « faire à la place de » pour aller plus vite peut être aussi une maltraitance car l’individu est effacé: incompétent,incapable, dépendant..non autonome. • Il ou elle ne dit plus rien… Adieu l’estime de soi. surtout dans des actes qui touchent à l’intimité. Les évaluations sont elles « maltraitantes »? Quand on fait le Girage….si je suis incontinente je n’ai pas envie que tout le monde le sache… Le secret professionnel est-il protégé sur les ordinateurs? • Plus la situation accroît le niveau de dépendance à l’égard de son environnement, la « fragilité » la vulnérabilité plus le risque de maltraitance est important. Une maltraitance « ordinaire » qui peut faire le lit de la perte d’autonomie : • « Ces réactions entraînent le plus souvent une totale intolérance et une non-acceptation des troubles, considérés comme incurables, ce qui déclenche un rejet du vieillard gêneur ou au contraire une hyperprotection infantilisante. Ces deux attitudes sont très vite aggravantes chez un individu qui, perdant ainsi identité et personnalité donc motivation et initiative, se retrouve là encore totalement désadapté, sombre dans un état dépressif ou anxieux avec souvent syndrome confusionnel aggravant le rejet ou se réfugie dans un état de dépendance infantile et de grande régression psycho-motrice avec inhibition majeure. Le risque est donc grand à partir d’un trouble encore bénin de faire tomber le vieillard dans une spirale qui accélérera son évolution vers la démence ou la régression. »( Pr Michel Gaudet DIGUB 1995) Dans le contexte particulièrement difficile de la fin de la vie • La douleur et la souffrance qui peuvent marquer les périodes d’ approche et la survenue de la mort rendent encore plus insupportables tout manque d’humanité, tout défaut d’accompagnement ou d’information, toute attitude déplacée. Et ce quel que soit l’âge… • La première condition pour permettre un soin et une présence adaptés serait que la fin de vie et l’imminence de la mort soient dites et mon expérience personnelle montre comme c’est difficile... • Sensation d’échec: soignants dans le malaise, médecins fuyants… • faire disparaître rapidement les traces…et deuils impossibles… importance de l’accueil des proches du Réagir? signaler? Comment? • • • • Que dit la loi? Que se passe-t-il dans la vraie vie? Procédures protocoles… carcant institutionnel? Produire des documents qui fondent nos actions et nos pratiques: Charte Qualité, projet d’établissement, projet personnalisé, pour répondre à des injonctions d’évaluation: interne, externe pour obtenir la certification… • Signalement des évènements indésirables inscrit dans la Démarche Qualité (directrice des soins, infirmière coordonnatrice, procédures, fiches…) Ce que dit la loi Elle impose à chacun de ne pas se taire et d’agir face à un certain nombre de situations: • L’article 434-1 du Code Pénal fait obligation à toute personne ayant eu connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles d’en commettre de nouveaux qui pourraient être empêchés, d’en informer les autorités judiciaires (3 ans d’emprisonnement 4500 euros d’amende) Ce que dit la loi • L’article 434-3 du code pénal prévoit des sanctions pour quiconque a connaissance de mauvais traitements et n’en a pas informé les autorités judiciaires ou administratives. • L’article 223-6 du code Pénal prévoit des sanctions pour quiconque pouvant empêcher par son action immédiate,sans risque pour lui ou pour des tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’est abstenu volontairement de le faire. Dans la vraie vie: libérer la Parole • La plupart du temps ce sont des gens extérieurs qui signalent: l’élève, le stagiaire, l’intérimaire, la famille, le bénévole…Plus l’établissement est ouvert, moins il y aura de secrets indicibles… • Plus il y aura de parties communes, moins il y aura de secrets d’alcove. • Plus le soignant se sent écouté, plus il pourra parler… • Encore une fois les a priori, les jugements de valeur sont exclus, la bienveillance de l’écoute fait partie de la bientraitance. • Le « bénéficiaire » et ses proches inclus dans la démarche. Alors pourquoi ne signalons nous pas? • • • • • • « on laisse aller, car à quoi bon? » « on se fera mal voir » « on est solidaire » « la paille et la poutre » Il faudra faire un écrit et ça restera… Peur d’une diffusion hors des murs à la Grande Presse pour Grand Public par exemple.. • C’est Mme M? alors… Nulle bientraitance n’est possible si la maltraitance ne fait l’objet • D’une définition précise, diffusée à tous les acteurs de la communauté soignante (médicaux et paramédicaux, administratifs et techniques) • D’une réflexion collégiale sur les facteurs de risques et l’élaboration commune de moyens de prévention • D’une connaissance partagée des conduites à tenir face à un évènement maltraitant • D’un positionnement cohérent de l’encadrement et des médecins avec la culture de vigilance. ANESM Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux: la bientraitance: définition et repères pour la mise en œuvre juin 2008 recommandations de bonnes pratiques professionnelles. ANESM « La proximité des deux concepts de bientraitance et maltraitance signale une profonde résonance entre les deux. Utiliser le terme de bientraitance oblige en effet les professionnels de santé à garder la mémoire, la trace de la maltraitance. Ainsi la bientraitance, démarche volontariste, situe les intentions et les actes des professionnels dans un horizon d’amélioration continue des pratiques tout en conservant une empreinte de vigilance incontournable. La bientraitance est donc à la fois démarche positive et mémoire du risque. » Information des patients, résidents, proches, soignants • Circulation de l’information • Epanchements sur la toile… • Ecriture de livres « mon expérience dans les griffes de l’hôpital » • Mon père en Alzheimer.. « La délivrance de l’information s’inscrit dans une interaction humaine dans laquelle l’histoire et les représentations de chacun jouent un rôle essentiel mais invisible » Un certain regard sur le soin • Comment être bientraitant si l’on n’est pas soimême bien-traité? • Faire émerger le plus possible les ressources et les compétences, parfois enfouies, de tous les professionnels dont on sait qu’ils ne peuvent pas être bien-traitants s’ils ne sont pas bien-traités eux mêmes, reconnaissant le sens de leur action dont la valeur est en retour reconnue. • Le « CURE » et le « CARE » ensemble? ANESM 2015 • 18/03/2015: Enquête relative au degré de déploiement des pratiques professionnelles concourant à l’amélioration de la qualité de vie (bientraitance) dans les EHPAD • Instruction n° DGCS/2A/2015/60 du 3 mars 2015 relative au questionnaire d’autoévaluation des pratiques de bientraitance dans les établissements accueillant des personnes âgées (EHPAD) Alors la bientraitance: mythe ou réalité? • Il s’agit d’une notion subjective, multidimensionnelle et difficile à cerner. Elle touche l’ensemble des acteurs à chaque étape du parcours de soin. Définir, figer cette notion dans des mots est difficile. • La bientraitance des plus vulnérables d’entre les siens est l’enjeu d’une société qui se veut éthique: un enjeu d’humanité. • Cet enjeu touche à l’acceptation de la différence: toute la différence entre un Autre qui me ressemble tout en étant différent.