premiere partie - Association Just`Aix

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Histoire du droit
L2
PREMIERE PARTIE :
La Révolution française et l’Empire
(1789-1815)
Au cours de cette courte période, des principes politiques et sociaux vont devenir le socle de
l’Etat contemporain. C’est une période fondatrice. La Révolution française est un bouleversement
qui va renverser des structures pluriséculaires fondées sur la tradition.
Certains historiens expliquent que le Révolution française n’est pas une véritable scission mais il
s’agit bien d’une accélération.
La Révolution française va prendre le contre-pied de l’Ancien Régime. On passe d’une
souveraineté monarchique à une souveraineté nationale. L’Empire et le Consulat vont fixer au plan
institutionnel et juridique certains traits fondamentaux de la France.
La Révolution française est une période clé, charnière.
Chapitre I : La quête d’un nouveau régime.
Section 1 : L’instabilité constitutionnelle (1789-1799)
1789 : ouverture de la Révolution française
1799 : coup d’Etat de Napoléon Bonaparte, fermeture de la Révolution.
Ces dix dernières années, qui font la décennie révolutionnaire, sont le théâtre d’une recherche
perpétuelle de l’équilibre, du meilleur régime politique. Cette recherche explique les va-et-vient
entre les différents types de régimes. On passe de la monarchie constitutionnelle (qu’on aurait pu
fixer) à la République, la République radicale de Robespierre ou la République conservatrice. Il y a
une oscillation entre les régimes modérés et les régimes radicaux.
§ 1 : La monarchie constitutionnelle (1789-1792)
Cette période débute juridiquement le 17 juin 1789 lorsque le Tiers-État se proclame Assemblée
générale : c’est la révolution juridique. C’est une période qui se termine le 10 août 1792 par l’assaut
contre les Tuileries et la chute de la Royauté.
a- Les Etats Généraux
Il y a, à la veille de la Révolution française, plusieurs crises :
-
Crise politique : dont le symbole est la contestation parlementaire. Ces cours de justice qui
ont des prétentions politiques veulent partager l’initiative des lois et donc la souveraineté du
roi.
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- Crise financière : il y a un véritable problème fiscal au cours du XVIIe siècle : les impôts
sont faibles, ils rentrent mal. Vers 1776, Louis XVI décide de soutenir les américains dans la
guerre pour l’indépendance. La guerre va creuser le déficit et accélère la crise financière. De
plus, cette guerre pose un problème psychologique majeur : c’est une monarchie (France)
qui tend la main à une République (américains) pour se débarrasser d’une monarchie
constitutionnelle (Grande-Bretagne).
- Mauvaises récoltes
Face à la monarchie, une autre problème se pose : celui des privilèges. La France, dans toutes ses
couches sociales, contient des castes de privilégiés. Toute entreprise de la Royauté se heurte à ces
privilégiés.
Pour résoudre la crise, le gouvernement royal décide d’avoir recours à une institution qui ne
fonctionne plus depuis le XVIe siècle : les Etats Généraux alors que les assemblées de notables et
les Parlements se dérobent.
Le 8 août 1788, Louis XVI sur le conseil de son ministère convoque l’assemblée des Etats
Généraux le 1er mai 1789.
=> Comment faire face à une assemblée qui ne fonctionne plus depuis plus de 150 ans ?
Entre le 8 août 1788 et la réunion des Etats Généraux, tout le débat public porte sur les modalités de
la réunion : comment représenter le Tiers-État ? Le Tiers-Etat, c’est 95% de la population.
Avant, il fonctionnait comme tel : la noblesse envoie ses députés, la bourgeoisie et le Tiers-Etat font
de même. Il n’y avait pas de comptabilisation des députés et ils avaient une voix chacun.
Seulement, le clergé et la noblesse réunis étaient supérieur en nombre et donc en voix.
A l’automne 1788, le Tiers-Etat demande :
- le doublement des députés du Tiers
- le vote par tête, une voix par député.
Pendant ce débat se crée un parti national ou encore patriotique. C’est un parti qui défend les
intérêts du Tiers. On le qualifie de national car on commence à dire à cette époque que le Tiers c’est
la nation.
En janvier 1789, une brochure apparaît écrite par l’abbé Sieyès : Qu’est ce que le Tiers-État ? C’est
le fondement du droit public moderne. Dans cet écrit, il dit :
- Le Tiers-Etat, c’est la nation
- En France désormais c’est la nation qui doit être souveraine.
=> C’est l’expression de la souveraineté nationale.
En mars 1789, les élections des députés ont lieu. On rédige alors les cahiers de doléances qui
doivent être présentés au roi pour renseigner le gouvernement royal sur la situation de la France. On
recueille les griefs de la noblesse, du clergé et du Tiers-Etat. On s’aperçoit que ces cahiers sont dans
l’ensemble d’une assez grande modération, il n’y a pas d’idées révolutionnaires, pas de contestation
de la légitimité du roi. Par contre, la réforme fiscale et la fin des privilèges sont réclamées.
Il y a très peu de cahiers sur la nécessité d’une constitution écrite (en France, il y a une constitution
coutumière autour des lois fondamentales). La France souhaite un mouvement de réformes
effectuées sous l’égide de Louis XVI, qu’il en soit l’initiateur.
Le 1er mai 1789 a lieu l’ouverture solennelle des Etats Généraux à Versailles, lieu de résidence du
roi. Louis XVI a cédé sur le doublement du Tiers afin qu’il y ait une configuration d’égalité entre le
Tiers et les 2 autres mais il n’a pas cédé sur la question du vote et maintient les exigences de
délibérations séparées.
Louis XVI commet une maladresse : il charge Necker de l’ouverture de la réunion au cours de
laquelle il annonce au nom du roi que les Etats Généraux seront limités à la question financière (une
part infime des problèmes soulevés dans les cahiers). Le Tiers se réfugie alors dans une attitude
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constante d’obstruction. Mirabeau refuse de siéger. Un véritable bras de fer s’installe entre le TiersEtat et la Royauté.
Trois dates importantes vont se succéder :
-
17 juin 1789 : les députés du Tiers, rejoints par quelques députés du clergé et de la noblesse,
se déclarent Assemblée Nationale. Il y a une vraie volonté de représenter la nation alors
qu’on se trouve dans une tradition absolutiste où seul le roi peut représenter la nation. La
révolution juridique est consommée. C’est l’acte de naissance de la souveraineté nationale et
l’acte de décès de la souveraineté monarchique.
-
20 juin 1789 : les députés du Tiers Etat veulent siéger mais ils en sont empêché, des gardes
sont placés devant leur salle. Ils se réunissent alors dans une salle vide de Versailles : la salle
du jeu de paume où est fait le serment du jeu de paume. Les députés jurent de ne pas se
séparer avant d’avoir donné une constitution à la France. On bouleverse l’ordre
constitutionnel de la France. L’Assemblée Nationale qui n’est pas encore reconnue par le roi
s’octroie le pouvoir constituant. C’est une rupture décisive au niveau du droit public.
-
27 juin 1789 : Louis XVI s’avoue vaincu et ordonne à la noblesse et au clergé de rejoindre le
Tiers afin de former l’Assemblée Nationale. Il reconnaît la légitimité de l’Assemblée
Nationale.
-
9 juillet : l’Assemblée Nationale se proclame Assemblée Nationale Constituante.
-
14 juillet : on parle de troupes étrangères près de Paris. Le peuple de Paris s’arme et prend la
Bastille qui est le symbole de la justice arbitraire. C’est le début officiel de la Révolution
française mais juridiquement elle est faite.
Face à l’Assemblée Nationale constituante, au pouvoir établi légitime se crée un pouvoir
insurrectionnel qui veille de très près à ce qui se fait à l’Assemblée Nationale.
-
Nuit du 4 au 5 août : l’ Assemblée Nationale abolit les privilèges, la vénalité des charges et
les résidus de la féodalité (droits seigneuriaux). C’est le début de la révolution sociale car la
société telle qu’elle existait est dissoute.
Le 5 août, la révolution juridique, sociale et événementielle est faite.
b- La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
Une idée est assez largement diffusée : on ne peut rédiger une constitution sans avoir écrit
auparavant une déclaration des droits selon les constituants. On a une vision unitaire de la
déclaration et de la constitution, l’une ne va pas sans l’autre. La commission est rapide et le projet
de Champion de Cicé est retenu en août.
Le 20 août 1789, l’Assemblée Nationale entreprend une discussion article par article.
Le 26 août, l’Assemblée Nationale adopte le texte définitif de la DDHC. C’est un texte court qui
compte 17 articles et un préambule qui insiste sur la solennité de la DDHC, sur le caractère
inviolable et sacré des droits individuels et sur l’observation des droits et la garantie du maintien de
la constitution à venir et du bien commun.
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Saint-Just : « Le bonheur, c’est une idée neuve en Europe ».
La DDHC est soumise au roi qui dans un premier temps va donner accession puis va finir par
accepter purement et simplement ce nouveau monument juridique. La DDHC va être installée en
préambule de la future constitution.
Quelles sont les motivations des constituants ?
-
Dégager sous une forme rationnelle les principes de la meilleure constitution politique
possible. Le rationalisme est une idée neuve. Ceci explique pourquoi les constituants ont une
vision unitaire de la constitution et de la DDHC. Dans la DDHC, on doit avoir les
instruments pour forger la constitution.
Dès sa naissance, la DDHC est partie intégrante du bloc de constitutionnalité. Dans la
période qui suit, les députés vont invoquer de façon unitaire une déclaration de la
constitution.
De la DDHC, on peut avoir une lecture soit jus naturaliste (droit naturel), soit légicentriste (droit
positif).
On parle de liberté, d’égalité, de sûreté, de propriété, de la résistance à l’oppression. Chacun de ces
principes correspond à un abus de l’Ancien Régime. On peut voir ce texte comme une machine de
guerre dirigée contre l’Ancien Régime.
1. La liberté
C’est sans doute l’idée la plus abondamment déclinée.
- liberté d’aller et venir
- de penser, de conscience
- d’expression
Avant 1789, ces libertés n’existent pas. En France, il n’y a qu’une seule religion autorisée : le
catholicisme romain. Ces libertés sont garanties sur le plan pénal (articles 7 à 9)
- la présomption d’innocence
- la non rétroactivité de la loi pénale.
Les anglais ont depuis longtemps un Habeas Corpus, une garantie du droit pénal. Montesquieu, au
cours du XVIIIe siècle a diffusé très largement en France les idées anglaises. Il y a également des
emprunts à l’esprit des Lumières : Beccaria, un milanais qui s’opposait à l’archaïsme et l’arbitraire
de la justice. Ce que l’on met en place c’est le principe de la légalité des infractions et des peines : il
n’y a que des infractions et des peines prévues par la loi. Ceci est dirigé contre l’Ancien Régime et
permet de garantir la liberté du justiciable. Ce principe est repris par le Code pénal de 1891.
2. L‘égalité
C’est une égalité uniquement juridique. C’est l’égalité en droit face à la justice, face à la fiscalité.
La DDHC a donc une connotation libérale. D’ailleurs, Marx la critiquera.
3. La propriété
Elle est reconnue par deux articles : articles 2 et 17 (expropriation pour cause d’utilité publique).
C’est un droit inviolable et sacré. On ne peut pas spolier, il faut obligatoirement indemniser. C’est
une révolution. Jusqu’en 1789, c’est un terme qui n’existe pas en France. On parle de possession, de
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saisine. De la féodalité à 1789, la propriété est divisée en domaine éminent et domaine utilisé. La
DDHC réunifie la propriété. On retrouve l’influence de John Locke dans l’esprit des constituants
car son Traité du gouvernement civil est réédité 1790. Pour John Locke, la propriété est la première
des libertés.
4. Les droits collectifs
La DDHC précise des droits plus collectifs.
Article 3 : il consacre la souveraineté nationale
Article 16 : il consacre la séparation des pouvoirs. Tout régime qui n’a pas de séparation des
pouvoirs n’a pas de constitution. C’est la balance des pouvoirs comme l’entendent Locke et
Montesquieu.
5. La loi
C’est un terme récurrent, on le trouve dans de nombreux articles.
Article 6 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». C’est une phrase directement tirée du
Contrat social de Rousseau. La loi est faite par le peuple souverain donc par tous les citoyens. Par
conséquent, la loi est infaillible. L’obéissance à la loi est la liberté car elle est l’œuvre de tous.
L’article 6 abrite le basculement légicentriste de la constitution, monument du droit positif. La loi
est le cadre de la liberté de l’Homme et du citoyen. Cela fait de l’Assemblée Nationale le véritable
souverain : c’est la représentation nationale.
La loi est faite par les représentants du peuple : c’est la dérive de la représentation nationale vers la
représentation parlementaire. C’est une conséquence du légicentrisme.
En 1789, il n’y a pas d’organe pour contrôler le parlement. La souveraineté parlementaire est une
usurpation.
Carré de Malberg, dans La loi est l’expression de la volonté générale dénonce ce légicentrisme et
l’usurpation de la souveraineté nationale.
Les juges ne peuvent interpréter la loi, c’est la théorie du juge automate (Montesquieu), qui se borne
à dire le Droit.
c- la constitution de 1791.
La DDHC est rédigée rapidement alors que la constitution s’est construite beaucoup plus lentement.
A l’issue de très longs débats, le texte de l’acte constitutionnel est voté le 3 Septembre.
Le 14 Septembre 1791, Louis XVI, monarque constitutionnel, accepte la constitution et lui jure
fidélité : C’est la première constitution écrite de la France.
Elle diffère des anciennes Lois fondamentales car elle est le fruit d’une démarche volontariste.
Les modèles étrangers (anglais et américains) qui ont été évoqués, ont été minorés.
La Constitution de 1791 est un produit franco-français qui ne s’est pas inspiré du Bill of Rights ou
de la constitution américaine de 1787.
Dans l’Assemblée Nationale, certains voulaient s’inspirer de la tradition Anglo-saxonne,
notamment les monarchiens, emmenés par Mounier qui voulait copier les institutions anglaises et
particulièrement le bicamérisme à l’anglaise.
Mirabeau : « Nous ne sommes point des sauvages, arrivons nus sur les bords de l’ Orevoc. »
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On a rejeté les modèles étrangers car il a fallu concilier les impératifs révolutionnaires avec
l’institution royale. On cherche à régénérer la monarchie et à la mettre en phase avec une société
moderne. Tout en préservant la monarchie constitutionnelle, la constitution de 1791 intègre les
nouveaux principes du droit public présents dans la DDHC (séparation des pouvoirs, …).
Le pouvoir législatif est attribué à une assemblée unique très imposante, composée de 745 députés
élus dans le cadre départemental (nouvelle formation administrative) pour une législature très courte
de 2 ans.
Cette assemblée est à l’initiative de la loi (elle en a le monopole) et a le pouvoir de ratifier les traités
internationaux.
C’est elle qui vote les impôts et les dépenses publiques (cf. principe du consentement à l’impôt et le
droit royal à l’impôt).
L’assemblée est chargée de surveiller l’application de la loi et la constitution lui octroie une tutelle
générale sur l’appareil administratif.
L’assemblée est seule à organiser ses sessions et règle, seule, ses délibérations.
En réaction à l’absolutisme, on a gonflé le pouvoir législatif.
La personne royale est reconnue inviolable et sacrée mais sa sphère de compétence est restreinte. Il
joue encore un rôle important au niveau des relations extérieures, il promulgue les décrets (les
décrets sont votés par les députés puis ils deviennent lois après la sanction royale).
Il est entouré de ministres qui sont considérés comme des commis du pouvoir exécutif mais ne
forme pas un véritable ministère.
Il y a bien séparation des pouvoirs mais c’est une séparation trop rigide. La représentation nationale
est inviolable et le roi ne peut pas dissoudre l’assemblée. Il n’y a pas de moyens d’action du pouvoir
exécutif sur le législatif.
Le roi est également considéré comme un représentant de la nation. On lui a octroyé le droit de
veto, il peut bloquer une mesure de l’assemblée. Le choix entre veto absolu et veto suspensif a fait
débat mais c’est finalement le veto suspensif qui est retenu. Une mesure peut être bloquée pendant
deux législatures soit quatre ans mais lorsque celle-ci est représentée devant l’assemblée elle
devient loi.
La séparation des pouvoirs se fait au détriment du pouvoir exécutif, il n’y a donc pas d’équilibre des
pouvoirs.
Le régime mis en place n’est pas un régime parlementaire car il n’y a pas de responsabilité des
ministères, pas de liens entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif.
=>C’est une phase de réaction à l’arbitraire, les abus de l’Ancien Régime.
La souveraineté nationale
On a adapté le principe de la souveraineté nationale mais avec un corollaire : celui de la
représentation parlementaire. C’est un système imaginé par Sieyès. La nation ne s’exprime que par
la bouche de ses représentants.
En 1791, on n’a pas fait le choix du suffrage universel. On lui a préféré le suffrage censitaire et
indirect. L’absence du suffrage universel est une entorse au principe de la souveraineté nationale
consacrée dans la DDHC car il n’y a alors pas d’égalité juridique. Le suffrage a suivi l’opinion de
Sieyès qui est un des soutiens les plus importants de Bonaparte. Il invente le coup d’Etat et rédigera
la constitution de 1799. Sous la République jacobine, Sieyès se fait discret.
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Sieyès imagine une théorie qui est celle de l’électorat-fonction en opposition à l’électorat-droit. Il
propose de distinguer la citoyenneté active (pourvus de droits politiques) et la citoyenneté passive
(dénués de droits politiques). Sieyès propose la notion de capacité qui est le résultat de toute la
philosophie des Lumières. Tous les philosophes (sauf Rousseau) défendent cette idée. Qui peut agir,
celui qui a une capacité :
- les propriétaires, ceux qui ont des biens.
- Ceux qui paient des impôts
La notion de capacité est importante car elle débouche sur la notion de compétence et sur la
technocratie. Ne votent que ceux qui ont la capacité technique. Cette notion s’oppose à celle de
conscience d’appartenir à un peuple défendue par Rousseau.
La constitution met en place le système capacitaire. Sociologiquement, c’est donner le pouvoir à la
classe supérieure, la bourgeoisie libérale.
Le mode de suffrage mis en place en 1791 est plus restrictif encore que le mode de scrutin utilisé
pour élire les députés des Etats généraux de 1789. C’est une aberration, une entorse aux principes
de la DDHC (égaux en droits).
La constitution votée et acceptée par le roi se met en place le 1er octobre 1791 et dure jusqu’au 20
septembre 1792 : C’est la Législative.
On assiste non pas à la pérennisation de la législative mais à un emballement de la Révolution. Du
1er octobre au 20 septembre 1792, le processus s’accélère.
La fuite de Varennes
En juin 1791, la famille royale décide de quitter Paris alors que c’est interdit par la Constitution. Le
roi veut rejoindre les régiments royalistes postés à la frontière. Il est arrêté à Varennes et ramené à
Paris. La fuite de Varennes représente le divorce entre le roi et la nation.
En avril 1792, la France déclare la guerre à l’Autriche puis la Prusse et toute l’Europe (armée
coalisée). Le roi veut cette guerre car il mise sur la défaite des troupes révolutionnaires pour
reprendre le pouvoir. Mais elle est également désirée par l’Assemblée car c’est une sorte de
croisade révolutionnaire, la volonté de libérer les peuples européens du joug des monarchies.
La guerre commence mal. Louis XVI utilise très mal son veto en juin 1792 :
- contre la mesure sur les prêtres réfractaires (ceux qui ont refusé de prêter fidélité à la
constitution civile du clergé car cela constituait pour eux une rupture avec la papauté) par
opposition aux prêtres constitutionnels
- contre la mesure sur les camps de volontaires venant de Province placés autour de Paris.
C’est un veto impopulaire car il donne l’impression que le roi veut bloquer l’effort de
guerre.
A cela fait suite deux journées insurrectionnelles :
- 20 juin 1792 : Le peuple en armes envahit les Tuileries. Le roi est obligé de porter le bonnet
phrygien et de boire un verre de vin à la santé de la nation.
- 10 août qui fait suite au 25 juillet. Le 25 juillet, le chef des armées coalisées publie un
manifeste placardé dans Paris dans lequel il prévient que si la personne du roi était attaquée
par les parisiens, il détruirait militairement la ville. Pour les parisiens, c’est la collusion
manifeste entre la royauté et les étrangers. Pour eux, le roi trahit les français. Les fédérés,
une section parisienne, prennent d’assaut les Tuileries. Louis XVI et Marie-Antoinette se
réfugie auprès des députés.
 la Royauté est morte.
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La constitution de 1791 est caduque. L’Assemblée décide de laisser la place à une nouvelle
assemblée : La Convention Nationale.
§ 2 : La République jacobine (20 septembre 1792-27 juillet 1794)
C’est une période qui correspond à la phase radicale de la révolution. C’est l’installation du régime
républicain et la mise en œuvre du gouvernement révolutionnaire.
a- Les débuts de la Convention
Le 20 septembre 1792, la Convention Nationale siège pour la première fois. Les 759 députés sont
élus au suffrage universel.
C’est également le jour de la victoire à Valmy : l’armée française récupère l’avantage pour la
première fois face à l’armée coalisée.
La Convention commence à se demander ce qu’elle doit faire du roi.
Le 21 septembre, elle décrète l’abolition de la Royauté en France. Il n’y a pas de proclamation de la
République.
Le 22 septembre, la Convention Nationale date désormais les actes officiels de l’an I de la
République. C’est une façon discrète et indolore de passer à la République.
Le 25 septembre, sur la proposition de Danton, la Convention élabore un décret qui proclame la
République française « une et indivisible ».
Au moment de la chute de la Royauté, la République est dans tous les esprits. C’est le fruit d’un
mouvement ancien : le républicanisme classique.
Depuis Machiavel au XVIe siècle, certains penseurs ont une idée particulière de l’Etat, de la
citoyenneté.
Avec Rousseau, le républicanisme devient moderne car il intègre l’idée de démocratie.
Le 21 septembre, c’est la République qui s’impose car il n’y a pas d’autre régime possible.
Camille Desmoulins : « le 14 juillet 1789, à Paris, nous n’étions pas tous républicains ».
Le problème de la République, c’est qu’il est quasi-impossible de la définir (République=non
royauté).
Il faut en revenir à Cicéron : « est res publica, res populi ».
La République c’est le peuple càd la communauté des citoyens régie par une loi commune. C’est le
peuple qui se constitue en régime républicain.
On assiste à une division au sein de l’assemblée. A droite, on trouve la Gironde, quelques députés
issus de la région de Bordeaux emmenés par Brissot. Ce sont des gens qui se méfient de Paris qui a
pris un poids considérable depuis le 14 juillet. Ils veulent renforcer le pouvoir de la province. A
gauche, on trouve les Montagnards représentés par Saint-Just, Danton, Marat, Robespierre (club des
jacobins ou des Cordeliers). Ils s’appuient sur Paris. Au centre, on trouve le Marais ou la Plaine.
Ces députés rejoignent les Girondins ou les Montagnards selon les questions débattues.
De fin septembre à début octobre, une grande question fait débat : que faire du roi ?
La Convention va décider de juger Louis XVI pour atteinte à la sûreté générale de l’Etat et
conspiration contre la liberté des français.
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Le procès s’ouvre en décembre 1792 dans une ambiance lourde sur fond de division politique.
Le 15 janvier 1793, le roi est reconnu coupable, l’appel au peuple étant rejeté.
Le 19 janvier, la mort est votée par une très courte majorité.
Le 21 janvier, le roi est exécuté.
Chaque député est passé à la tribune dire ce qu’il souhaitait pour le roi. L’exécution de Louis XVI
est un événement lourd de sens. Cela signifie que tout retour en arrière est impossible.
Danton : « Aujourd'hui, les ponts sont rompus ».
On a tué la personne divine du roi. C’est la rupture irrémédiable entre la Gironde accusée de vouloir
sauver le roi et la Montagne qui passe pour la pointe de la révolution.
La légitimité de la mort de Louis XVI est contestable. Cette convention en avait-elle le droit ?
Sur le plan juridique, il est difficile de justifier le procès fait au roi car la Convention est à la fois
juge et accusateur. L’affaire du procès ne répond qu’à une logique politique. Les conventionnels
l’ont dit dès le départ : c’est une mesure de salut public, hors du cadre légal. Ils ont tranché entre la
Royauté et la Révolution française.
C’est Robespierre qui a le mieux résumé ce dilemme : « Louis doit mourir parce qu’il faut que la
patrie vive ».
b- La constitution de l’an I
On a remplacé le calendrier grégorien par le calendrier révolutionnaire (1792=an I).
Dès octobre 1792, la royauté est abolie, la Convention nationale a mis sur pied un comité qui est
chargé d’élaborer une nouvelle constitution. Les premiers à soumettre un projet sont les girondins
inspiré par Condorcet. C’est un projet qualifié de républicain voire de républicain classique. C’est
un projet également démocratique car il propose le suffrage universel direct. Il propose également
l’idée d’une censure populaire sur les actes du corps législatif. L’originalité du projet tient à cette
idée de mettre au pouvoir exécutif un conseil des ministres élu au suffrage universel
 idée de cabinet ministériel, formation solidaire
 doter l’exécutif d’une légitimité issue du suffrage universel.
La volonté de renforcer les prérogatives des départements est une innovation mais elle va permettre
aux Montagnard d’accuser les Girondins de fédéralisme. Dans un climat de guerre contre l’Europe
coalisée, cela peut être considéré comme une entreprise visant à saper l’unité. Ce projet confirme
deux tendances :
- les girondins sont républicains
- Les girondins se méfient de la capitale.
Finalement, quand le sort du roi est réglé, ce projet est enterré suite à une agitation insurrectionnelle
à Paris entre le 30 mai et le 2 juin 1793 suscitée par les Montagnards. Les troupes en armes
entourent la Convention Nationale et obligent à arrêter des Girondins (c’est une mesure qui va en
fait à l’encontre de la représentation nationale, la Convention Nationale s’automutile).
Les meneurs sont en prison ou en fuite, il n’y a plus de faction girondine.
Le projet montagnard élaboré rapidement est quasiment l’œuvre exclusive du Comité de Salut
Public créé en avril 1793 et rejoint par des députés conventionnels. La constitution va être adoptée
par la Convention sous le nom de Constitution de l’an I le 24 juin 1793. C’est sans doute la
constitution la plus démocratique que la France ait connu.
La constitution est précédée par une déclaration des droits plus longue que la DDHC de 1789. La
déclaration innove sur le plan social : elle consacre l’égalité sociale avec par exemple le droit à
l’assistance publique, le droit au travail ou le droit à l’instruction.
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L’article 35 consacre le droit à l’insurrection lorsque le gouvernement viole les droits du peuple,
l’insurrection est le plus sacré des droits.
On a un pouvoir législatif confié à une assemblée unique élue au suffrage universel, c’est un retour
à un législatif monocaméral de tradition. C’est une assemblée omnipotente car elle nomme les
membres de l’exécutif.
Il y a un conseil exécutif, fort de 24 membres nommés par l’Assemblée. C’est un pouvoir commis,
subordonné.
La Constitution de l’an I qui introduit dans le droit français la pratique d’un veto populaire. Les
décrets votés par l’Assemblée ne deviennent des lois que si, dans les 40 jours suivants l’envoi du
texte aux départements, dans la moitié de ceux-ci plus un, le dixième des assemblées électorales n’a
pas formé de réclamation (en France, il y a l’époque 83 départements). C’est soumettre la loi au
veto populaire. Dans le cas contraire, le projet de loi est soumis au référendum. C’est une mesure
très démocratique dont on entrevoit mal les modalités de mise en application. Cela impose que les
citoyens se tiennent au courant de l’actualité législative. L’application est hypothétique.
Les circonstances dramatiques dans lesquelles évolue la révolution en juin 1793 :
- guerre contre l’Europe
- insurrection vendéenne
- troubles occasionnés par l’arrestation des Girondins
- troubles fédéralistes à Lyon, Marseille…
Vont différer l’application du texte. Le texte est ratifié par le peuple avec 2 millions de voix pour le
10 août 1793 (jour anniversaire de la chute de la Royauté).
La Constitution de l’an I n’a en fait jamais été appliquée. La constitution de l’an I va devenir au
cours du XIXe siècle un mythe pour les républicains et les socialistes.
Les progressistes (républicains radicaux) ont pour mot d’ordre du pain et la Constitution de l’an I.
On évoque la Constitution de l’an I jusque dans les débats politiques de 1946. Le parti communiste
évoque le souvenir de la Constitution de l’an I.
c- Le gouvernement révolutionnaire
Devant la menace intérieure et extérieure (la contre-révolution), la révolution se radicalise en avriljuin 1793. Tout cela provoque la substitution d’un gouvernement révolutionnaire au gouvernement
constitutionnel. Le gouvernement révolutionnaire est basé sur quelques principes dont l’expression
se retrouve dans les discours des meneurs. Il n’y a pas de constitution du gouvernement
révolutionnaire mais seulement des textes.
La première déclaration qui officialise l’entrée dans le gouvernement révolutionnaire est le décret
du 19 Vendémiaire an II (10 octobre 1793). Ce décret de la Convention établit que le gouvernement
de la France sera révolutionnaire jusqu’au retour de la paix. C’est une idée de Saint-Just et de
Robespierre qui dominent le Comité de Salut Public, le centre d’impulsion politique. Ils établissent
la nécessité d’une dictature de salut public qu’ils justifient par le fait qu’il faut abattre les ennemis
de la révolution c'est-à-dire les ennemis de la République. C’est une dictature à la romaine qui
reprend les institutions extraordinaires mises en place sous la République Romaine. Le décret
précise qu’il s’agit de mettre en place un gouvernement de guerre (intérieure et extérieure).
Le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) complète le précédent. Ce décret va renforcer la
concentration des pouvoirs au sein du Comité de Salut Public. La France va atteindre un niveau de
centralisation qu’elle ne connaîtra jamais plus. Ce décret va restreindre les pouvoirs des autorités
départementales car selon les Montagnards, elles sont soupçonnées de fédéralisme. Ce décret donne
Histoire du droit
L2
donc plus de compétences aux districts et aux municipalités. Il associe le gouvernement (Comité de
Salut Public) et la périphérie (districts, communes). On envoie auprès de chaque périphérie les
représentants du gouvernement qui possèdent des pouvoirs extraordinaires pour les contrôler. Le
décret légalise la dictature du Comité de Salut Public, il donne à son action un cadre légal.
Le discours de Robespierre du 5 Nivôse an II (15 décembre 1793) parachève la théorie du
gouvernement révolutionnaire par un rapport envoyé à tous les districts, toutes les communes. Il
explique que le but du gouvernement révolutionnaire est de fonder la République alors que le but du
gouvernement constitutionnel n’est que de la conserver. Dans ce rapport, Robespierre dit : « Le
gouvernement révolutionnaire ne doit aux ennemis du peuple que la mort ». C’est la justification
politique et juridique de la Terreur.
Le 5 septembre 1793, la Terreur est à l’ordre du jour. Elle utilise des moyens radicaux pour abattre
les ennemis.
L’épistémè jacobine combine deux notions :
 La Terreur
 La Vertu
Robespierre : « sans la Terreur, la Vertu est impuissante, sans la Vertu, la Terreur est funeste ».
La Vertu est une vieille idée républicaine qui remonte à Machiavel et travaillé par les républicains
classiques. La Vertu est la base même du régime républicain : c’est une combinaison du civisme
(intérêt général) et le patriotisme. C’est ce qui va justifier la Terreur. On va procéder à l’épuration
du corps social des éléments contre-révolutionnaire. La Terreur c’est l’élimination pure et simple
des opposants politiques.
Lorsque Montesquieu s’intéresse au gouvernement anglais, c’est la vertu civique à laquelle il pense.
Les jacobins associent un concept républicain classique à un concept nouveau. La nécessité de
sauver la République contre ses ennemis conduit les jacobins à déclencher un véritable terrorisme
d’Etat qui utilise tous les moyens de la répression politique et met en œuvre une conception
révolutionnaire de la loi. Cette conception diffère de la conception classique. C’est une conception
de l’application de la loi, la façon de l’appliquer vite et efficacement.
La Terreur légale distingue républicain et ennemis de la Révolution. Parmi les ennemis, on classe
désormais :
* les ennemis historiques, par nature :
- les nobles
- les prêtres réfractaires
- les fédéralistes
* les nouveaux ennemis :
- ceux qui suivent les girondins
- ceux qui font du marché noir
- les simples suspects
Au printemps 1794 (an II), Robespierre va éliminer les factions rivales, les Hébertistes qui
souhaitent le renforcement de la Terreur et les Dantonistes ou Indulgents qui souhaitent un arrêt de
la Terreur. Robespierre justifie l’élimination des factions (arrestation puis procès devant le Tribunal
Révolutionnaire) en expliquant que la Révolution doit avancer entre deux écueils : l’excès et le
modérantisme. Les Hébertistes et Dantonistes sont exécutés.
En mai, c’est la Grande Terreur après l’exécution de Danton qui dure jusqu’en Juillet 1794. La
Grande Terreur culmine avec le décret du 22 Prairial an II (10 Juin 1794) qui est une véritable
accélération du processus judiciaire, un renforcement de l’arsenal répressif. Les républicains
« tièdes » sont considérés comme de nouveaux suspects.
Histoire du droit
L2
Au même moment, les jacobins imaginent le citoyen modèle (idée de Saint-Just et Robespierre) :
« Héros de bon sens et de probité ». C’est l’antithèse du contre-révolutionnaire.
§
3 La République conservatrice.
Au printemps 1794, la République est sauvée. Les insurrections intérieures ont été détruites et les
armées sont victorieuses. L’acharnement de Robespierre va entraîner sa perte et celle de son parti.
Le 27 juillet 1794, un complot est mené contre le parti de Robespierre qui va se faire arrêter par la
Convention. Saint-Just fait un discours testament à la Convention. L’erreur de Robespierre a été de
ne pas nommer ceux qui allaient subir les foudres de la répression. La question de savoir qui étaient
les cibles a entraîné une peur chez conventionnels, les députés du centre basculent du côté de ceux
qui veulent la tête de Robespierre. Le lendemain de leur arrestation, ils sont exécutés. Robespierre
et ses amis sont hors-la-loi (procédure exceptionnelle), ils ne sont donc pas jugés par le Tribunal
Révolutionnaire, ils montent directement à l’échafaud.
C’est la fin de la République jacobine, c’est une période qui coïncide au reflux de la Révolution.
a- La Convention Thermidorienne
On a abattu le parti le plus radical. Mais en 1794, au lendemain de l’exécution de Robespierre, on
ne veut pas revenir à la période anté-1789. La plupart des conventionnels ont voté la mort du roi.
C’est une République modérée, conservatrice qui se met en place, loin des rêves égalitaristes des
jacobins.
La Convention prend un décret le 21 Nivôse an III (10 janvier 1795) qui introduit une fête
commémorative : « la juste punition du dernier roi des Français ».
La Convention Thermidorienne souhaite aussi naviguer entre deux écueils : le jacobinisme et le
royalisme. Le pouvoir pendant 5 ans tente de se tenir au milieu.
La dernière partie de la vie de la Convention est marquée par la répression dont elle fait l’objet.
Le 1er avril 1795 a lieu une insurrection populaire. Le peuple réclame le pain et la Constitution de
l’an I.
Du 20 au 23 mai 1795, le peuple en arme envahit la Convention. Ferro est décapité. Ces
insurrections sont pour les conventionnels inspirées par le jacobinisme et sont réprimées par
l’armée.
Les royalistes tentent un débarquement sur la presqu’île de Quiberon. Hoche repousse ces factions
et les exécutent tous.
L’affaire du 13 Vendémiaire : le général corse Bonaparte tire sur les émeutiers royalistes devant
l’Eglise à Paris.
Les Conventionnels thermidoriens souhaitent appliquer une constitution à la France mais pas celle
de l’an I car la démocratie y est trop poussée. Il faut en rédiger une nouvelle. Les conventionnels
vont s’y employer. Le projet de Sieyès est adopté le 5 fructidor an III (22 août 1795). On a une
nouvelle constitution, la Constitution de l’an III.
Le même jour, juste après l’adoption, les conventionnels qui doivent se séparer décident que les 2/3
d’entre eux doivent être impérativement réélus dans le corps législatif, les futures assemblées. C’est
le décret des 2/3 motivé par l’ambition des conventionnels, par la volonté de se maintenir entre
royalistes et jacobins.
b- Le directoire
Histoire du droit
L2
C’est le nom de la période du 5 fructidor an III au 18 brumaire an VIII (22 août 1795 au coup d’Etat
de Bonaparte) mais c’est aussi le nom du régime et le nom du titulaire du pouvoir exécutif.
Cette constitution s’ouvre par une déclaration sauf que la déclaration de l’an III est une déclaration
des droits et des devoirs du citoyen. C’est totalement nouveau. Par esprit de modération et en
réaction à ce qui s’est produit entre 1792 et 1794, les constituants ont voulu marquer la soumission
de l’individu au corps social mais également l’identité nécessaire entre l’éthique civique et la
morale domestique. Un bon père, un bon époux est forcément un bon citoyen.
Certains historiens pensent que les constituants de l’an III « ont mis le moralisme politique au
service de la prose bourgeoise ».
La séparation des pouvoirs est consacrée. On adopte pour la première fois le bicamérisme. La
constitution a subi l’influence du modèle anglo-saxon.
Le législatif est confié à deux assemblées :
- un conseil des 500
- un conseil des anciens (250 députés).
Les 500 sont considérés comme l’imagination de la République. Les anciens incarnent la raison
(comme une chambre haute). Le problème est que les anciens et les 500 sont élus par les mêmes
électeurs, seuls les conditions d’âge et de domicile permet de distribuer les rôles. Les deux
assemblées ont la même légitimité ce qui entraîne une possibilité de conflit.
Pour être éligible aux 500, il faut avoir au moins 30 ans et être domicilié depuis 10 ans au moins sur
le territoire de la République.
Pour être éligible aux anciens, il faut avoir au moins 40 ans et être domicilié depuis au moins 15 ans
sur le territoire de la République.
Les deux assemblées ont des pouvoirs équivalents : l’initiative législative appartient aux 500 qui
prennent des résolutions que seuls les anciens peuvent transformer en lois en les acceptant mais
sans avoir le droit de les amender.
Il n’y a pas de concertation, pas de travail commun.
Le pouvoir exécutif est entre les mains du directoire exécutif composé de 5 membres nommés par
les deux conseils législatifs. Les 500 établissent une liste de directeurs et les anciens choisissent les
5. Le directoire est élu pour 5 ans et est renouvelé d’un 1/5 chaque année.
L’exécutif est doté de pouvoirs renforcés. Il y a des ministres autour des directeurs mais il n’y a pas
encore de responsabilité politique des ministres. Ce n’est donc pas un régime parlementaire.
La séparation des pouvoirs qui existe dans l’acte constitutionnel est trop rigide. Les pouvoirs ne
peuvent pas collaborer, il n’y a pas de moyens d’action l’un sur l’autre.
La vie du directoire est scandée par les coups de force.
Vers Fructidor an V (septembre 1797), il y a une nette poussée royaliste. Le directoire va invalider
la majeure partie des députés qui sont arrêtés (soit relégués, soit envoyés au bagne). Portalis a été
« fructidorisé ».
Vers Floréal an VI (mai 1798), il y a une nette poussée qui vient de la gauche, c’est une retour du
jacobinisme. Le directoire invalide les députés. C’est un coup d’Etat car cela transgresse la voie
électorale.
Le 30 Prairial an VII (18 juin 1799) a lieu un coup de force pratiquée par les conseils qui obligent
certains directeurs à la démission. C’est une politique qui dépend des rapports de force dont l’arbitre
est l’armée.
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L2
Le 18 Brumaire an VIII, Napoléon Bonaparte, général républicain, vainqueur de la campagne
d’Italie revient d’Egypte pour réprimer les émeutes royalistes. Il met fin au régime du directoire et
de la constitution de l’an III.
Sieyès est dans l’antichambre de ceux qui poussent Bonaparte à faire ce coup d’Etat. Le coup d’Etat
est présenté comme une restauration de la légalité républicaine, il restaure l’ordre républicain face à
un régime pourri.
A l’Opéra de Paris, lorsqu’on apprend que Bonaparte pousse les députés par la fenêtre, les
spectateurs chantent le chant du départ, l’hymne principal de la République.
La Constitution de l’an III consacrait la souveraineté nationale, le coup d’Etat restaure le suffrage
censitaire et indirect.
Pour bénéficier des droits politiques, il faut :
- être de sexe masculin,
- être né en France ou résider depuis un an sur le territoire de la République,
- être sur le registre civil cantonal
- s’acquitter une contribution directe
- avoir au moins 21 ans. Cette condition peut être écartée lorsque l’électeur a fait campagne
dans les armées de la République.
On est revenu au principe de la capacité. Le principe de la souveraineté nationale est maintenu mais
elle est lésée.
Section 2 : Le césarisme moderne (1799-1815)
Le Coup d’Etat du 18 Brumaire an VIII met un terme à la Révolution.
En décembre 1799, Bonaparte proclame de façon officielle : « la Révolution est fixée aux principes
qui l’ont commencés, elle est finie ». Bonaparte entend stabiliser les institutions françaises en
retenant l’héritage de 1789 mais également en assurant l’ordre. Le régime nouveau combine le
libéralisme de 1789 et l’ordre. Il inaugure un nouveau régime : le césarisme (terme qui apparaît au
XIXe siècle) qui emprunte son nom à César, celui qui termine la République Romaine.
La pratique gouvernementale repose sur la rencontre d’un homme charismatique auréolé de la
gloire militaire et du peuple. C’est en fait une République de façade derrière laquelle se cache la
réalité d’un pouvoir personnel : la monocratie.
Les institutions républicaines sont théoriquement conservées mais elles sont vidées de leur contenu.
Le régime glisse progressivement vers l’Empire (1804).
§
1 : La Constitution de l’an VIII et le Consulat.
Cette une période sous l’influence romaine d’où la terminologie romaine utilisée. Le régime prend
le nom de Consulat (pouvoir exécutif à Rome).
La Constitution de l’an VIII très vite rédigée va demeurer la Loi Fondamentale dans la France
jusqu’en 1814, malgré de multiples modifications.
La nécessité d’élaborer une nouvelle constitution s’est imposée.
Le 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), le nouvel acte constitutionnel est rédigé par Napoléon
et Sieyès puis ratifié par plébiscite mais il y a eu des falsifications massives. C’est un texte très
court (Napoléon le voulait court et obscur) composé de 95 articles. Ce qui frappe c’est
l’extraordinaire renforcement du pouvoir exécutif qui tranche avec la tradition précédente.
Le pouvoir exécutif est confié à 3 consuls nommés pour 10 ans mais la réalité du pouvoir appartient
au Premier Consul c'est-à-dire Bonaparte. Il est le pivot du pouvoir exécutif et des institutions.
Bonaparte :
- Est le seul en tant que Premier Consul à avoir l’initiative des lois, des règlements.
Histoire du droit
L2
- Nomme les fonctionnaires, les officiers et les juges
- Est assisté par des ministres dont la nomination et la révocation se fait discrétionnairement.
Ce sont des commis. Il n’y a toujours pas de responsabilité ministérielle (qui serait un
contrepoids à l’exécutif).
- Convoque les assemblées
- Préside le Sénat
Il y a une collusion manifeste entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Les assemblées ne
sont pas maîtres de leur propre organisation.
Le pouvoir législatif est éclaté entre plusieurs assemblées :
- Le Tribunat composé de tribuns, en référence aux tribuns de la plèbe sous la République
Romaine.
- Le Corps Législatif qui est le dernier souvenir des assemblées révolutionnaires.
- Le Sénat qui est également un rappel à Rome.
Le Tribunat est un organe qui comprend 100 membres âgés d’au moins 25 ans et mandés par les
sénateurs. Il lui revient de discuter les projets de loi faits par le Conseil d'Etat.
Le Corps Législatif est composé de 300 députés d’âgés au moins 30 ans nommés par les sénateurs.
Les législateurs votent les lois sans avoir le pouvoir de les amender.
Le Sénat est l’organe le plus important, le plus prestigieux. Il est composé de 60 sénateurs.
Bonaparte nomme les sénateurs, il doublera leur nombre quelques années plus tard. Ils doivent avoir
au minimum 40 ans. Ils sont inamovibles et nommés à vie par cooptation. Il contrôle la
constitutionnalité des lois.
C’est la première fois depuis 1789 qu’est traduit le contrôle de constitutionnalité des lois. C’est une
idée de Sieyès. Le Sénat est le gardien de la Constitution. On parle de Sénat conservateur.
Le Sénat nomme également les juges de cassation, les commissaires aux comptes et les consuls.
Le législatif est morcelé, encadré, contrôlé et minoré.
Sieyès : « l’autorité vient d’en haut, la confiance vient d’en bas ».
La question de la citoyenneté devient secondaire. Faire acte de citoyenneté revient à faire confiance
au gouvernement, adhérer à la pratique du gouvernement.
C’est une façade démocratique dans la mesure où la Constitution de l’an VIII restaure le suffrage
universel.
Sont citoyens :
- les hommes d’au moins 21 ans
- résidant depuis 1 an au même endroit sur le territoire
L’effectivité du suffrage est bridée par les listes de confiance qui sont des listes de notabilité. Le but
est de trier le corps civique et de permettre de dégager divers candidats aux fonctions
administratives et législatives.
Les électeurs de chaque arrondissement (subdivisions des départements) désignent un dixième
d’entre eux pour former une liste de confiance communale. Les membres de cette liste élisent un
dixième d’entre eux pour former la liste de confiance départementale. Les membres de cette liste
élisent à leur tour un dixième d’entre eux pour former la liste de confiance nationale. Certains
d’entre eux sont pris par le Sénat pour les fonctions publiques nationales. Dans les listes inférieures,
on y trouve le personnel administratif local.
Les élections sont contrôlées par les préfets et sous-préfets. Ce sont des listes de notables qui sont
uniquement favorables au régime.
Histoire du droit
L2
La Constitution de l’an VIII crée un Conseil d'Etat. Initialement, le Conseil d'Etat met en forme les
projets de loi provenant du Premier Consul. Il a une fonction politique. Les 50 membres sont
nommés par le Premier Consul et révocables à merci.
A l’origine, il comprend 5 sections :
- Finance
- Législation
- Guerre
- Marine
La section du contentieux sera créée sous le Ier Empire. Bonaparte le préside très svt, c’est son
enfant chéri.
Le Conseil d'Etat est au sommet de l’appareil administratif. C’est une juridiction administrative
supérieure, un organe qui intervient dans la confection de la loi. On parle d’ailleurs de « législatif à
4 assemblées ».
Le 18 Floréal an X (8 mai 1802), un Senatus Consulte (acte sénatorial) décide de réélire le Premier
Consul pour dix années supplémentaires à l’issue des dix ans. Le peuple français va approuver la
mesure. C’est un plébiscite favorable, cette fois-ci sans falsification.
Le Senatus consulte du 4 août 1802 établit au profit de Bonaparte le consul à vie. On apporte
quelques retouches à l’acte constitutionnel de l’an VIII.
§
2 Le Premier Empire
C’est la conséquence de la personnalisation du régime de Bonaparte. Bonaparte choisit le régime
impérial. L’Empire est instauré en 1804 et la Constitution de l’an VIII va être remaniée et être
appliquée jusqu’en 1814 qui correspond à l’année des revers militaires en Russie. En 1814,
Napoléon Ier va être contraint d’abdiquer. Les alliers européens vont être cléments avec Napoléon
puisque ce dernier va être exilé à l’île d’Elbe. Il pourra disposait d’une petite armée, d’une
souveraineté diminuée. Mais Napoléon revient et débarque à Paris : c’est la période des 100 jours. Il
va donner à la France un acte additionnel à la Constitution de l’Empire qui opère une libéralisation
de l’Empire. Le rédacteur de cet acte est Benjamin Constant, un grand libéral. L’acte a été
surnommée : « la Benjamine ».
Le 18 juin 1815, Waterloo sonne le glas de l’épopée napoléonienne.
a- L’établissement du régime impérial
Le 4 mai 1804, une motion est déposée devant le Tribunat qui propose que le Premier Consul soit
déclaré Empereur des Français et que la dignité impériale demeure héréditaire dans sa famille.
Le Senatus Consulte organique établit l’Empire le 28 Floréal an XII qui sera sanctionné par le Sacre
de Napoléon Ier le 2 décembre 1804 à Notre-Dame de Paris.
Ce Senatus est une mini-constitution, un texte de 142 articles qui opère le toilettage de la
Constitution de l’an VIII. Dès le départ, l’originalité de ce régime est d’associer la République à
l’Empire (Cf. Octave Auguste, l’Empire Romain).
Dans l’acte du 18 mai 1804. La République française est confiée à un Empereur qui prend le titre
d’Empereur des français. La République s’est trouvée un tuteur. C’est une référence à la théorie
cicéronienne du princeps. Dans l’optique de Cicéron, c’est pas le Prince c’est le 1er des citoyens,
vertueux et sage : TUTOR REI REPUBLICAE.
En 1804, on baigne dans cet état d’esprit. Napoléon Bonaparte a renoué la chaîne du temps et
adapté la théorie de Cicéron. Pendant longtemps, les documents officiels ont cette entête :
République française, Napoléon Ier Empereur. C’est une sorte de syncrétisme.
Histoire du droit
L2
Napoléon souhaite flatter l’orgueil républicain car il a sous son ordre un million de soldats qui sont
des soldats de l’an II, l’armée de la République. Le 18 Brumaire pourrait être réédité par d’autres
généraux.
Le Code Civil est parfois présenté comme une œuvre réactionnaire révolutionnaire. D’autres
pensent que c’est un compromis, un droit intermédiaire entre le droit d’après la Révolution et les
anciennes lois. Portalis sait à quelle personne il s’adresse : les millions d’hommes qui composent
l’armée impériale sont des cadets. L’égalitarisme qui est le fruit de la révolution est présent dans le
Code Civil (droit des successions). Il se retrouve dans les mesures qui servent à récompenser les
cadets. Le Code Civil est une sorte de constitution civile orientée vers la satisfaction de ceux qui
vont se battre.
Le Premier Empire est une monarchie :
- liste civile qui prévoit les dépenses, les dotations pour la famille.
- Mise en place d’une cour qui ressemble à l’ancienne cour du roi
- Recréation d’une noblesse, très bon moyen de fidéliser une clientèle.
- Retour du droit divin lors du Sacre par la grâce de dieu.
- l’instauration d’un catéchisme impérial.
La personnalisation du pouvoir rappelle plus Versailles que la Bastille, il y a bien une réalité
monarchique même si l’on flatte l’orgueil républicain.
La portée constitutionnelle du Senatus de l’an XII ne bouleverse pas le régime du Consulat.
Quelques modifications mineures sont intervenues :
- le Sénat acquiert la faculté de discuter les projets de loi
- le Tribunat, entre 1799 et le début de l’Empire, est devenu un véritable foyer d’opposition à
Napoléon Ier notamment lors de la discussion du projet de Code Civil. Il devient suspect
aux yeux de l’Empereur. Le Tribunat perd son unité, divisé en fonctions puis supprimé en
1805.
L’adage de l’Empire est : « Décider est le fait d’un seul homme ». L’Empereur détient tous les
pouvoirs. L’essentiel de la législation prend la forme de décrets impériaux ou passent par le canal
des senatus consult.
Pour gouverner, Napoléon Ier s’appuie sur les grands dignitaires de l’Empire et les ministres
nommés et révoqués discrétionnairement.
- Talleyrand
- Fouquet devait se faire fusiller si Napoléon avait vaincu à Waterloo.
- Portalis, ministre des cultes
bLes 100 jours : Napoléon revient de l’île d’Elbe. La première restauration a une très mauvaise
image. Louis XVIII et les Bourbons sont revenus avec les armées étrangères, cela a un impact sur
l’orgueil national. Il est très vite haï. Pour les français, c’est la légitimité qui revient.
En 1815, les 100 jours interrompent la première restauration. Louis XVIII repart en Belgique
escorté par l’armée anglaise. Napoléon doit susciter un sursaut patriotique dans l’esprit de l’an II car
la guerre est inévitable contre les pays européens.
Il est nécessaire de libéraliser les esprits d’où l’acte additionnel. La nouvelle constitution impériale
promulguée le 22 Avril 1815 est rédigée par Benjamin Constant qui passe pour un opposant
farouche à Napoléon. Elle ouvre la porte au libéralisme politique. Cet acte garantie aux citoyens
Histoire du droit
L2
français des libertés essentielles dans l’esprit de 1789. Napoléon veut se présenter comme le général
de la République qu’il était avant le coup d’Etat. Il essaie de ressusciter le passé.
On procède à une refonte de la distribution des pouvoirs.
Constant est anglophile et s’inspire du modèle britannique. Le législatif est confié à deux
chambres :
- Une chambre des Représentants
- Une chambre des Pairs, les grands dignitaires, sorte d’aristocratie impériale.
En 1814, Louis XVIII promulgue une Charte dans laquelle se trouvaient ces deux chambres.
Les Représentants doivent avoir au moins 25 ans, élus au suffrage universel pour 5 ans. C’est un
gain démocratique indéniable.
Les Pairs sont nommés par l’Empereur. Ils ont irrévocables et héréditaires.
Les deux chambres votent les lois mais l’initiative reste l’apanage de l’exécutif.
Le pouvoir législatif peut inciter le gouvernement à proposer une loi.
L’Empereur dispose du droit de dissoudre la Chambre des Représentants. Progressivement, on
rentre dans le régime parlementaire, la séparation des pouvoirs est moins rigide.
Des ministres peuvent être membres des chambres.
Le contreseing ministériel est obligatoire.
L’acte additionnel n’a pas retenu le principe de la responsabilité politique des ministres. Ce n’est
donc pas encore un régime parlementaire.
C’est le reflet d’un acte constitutionnel dont la philosophie est plutôt libérale. Napoléon a besoin de
retrouver l’adhésion de la France.
A la mi-juin 1815, Napoléon entre guerre très rapidement contre la Prusse et la Russie. Mais la
défaite de Waterloo sonne le glas de l’épisode napoléonien. Napoléon est exilé à Sainte-Hélène. Les
coalisés n’ont pas voulu réitérer l’épisode de 1814. Il meurt en 1821. Napoléon aurait aimé se retirer
aux Etats-Unis mais il ne disposait pas du passeport pour.
Chapitre II : Une nouvelle organisation administrative locale.
Section 1 : L’effort de rationalité (1789-1799)
La Révolution a jeté à bas les vieilles structures de l’Ancien Régime. L’œuvre révolutionnaire est
une réaction contre la diversité qui caractérisait l’Ancien Régime. En 1789, on est en pleine mode
de l’autonomie locale. Les circonstances qui caractérisent la Révolution vont créer un regain
centralisateur.
§
1 : Les réformes de la Constituante : vers l’autonomie locale.
Les constituants ont des priorités parmi lesquelles la réforme administrative. C’est une priorité car :
1. Il faut remédier à un système lourd, complexe.
2. Elle est réclamée dans les cahiers de doléances.
On va aboutir à une refonte totale de l’administration locale.
a- L’innovation départementale.
Histoire du droit
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Les départements apparaissent en 1789. Au sein de l’assemblée constituante, on a des débats très
variés qui ont abouti à des projets parfois farfelus mais également des projets sérieux, notamment
celui de Sieyès et de Thouret. Ces derniers cherchent à établir un découpage de la France en
départements sur la base d’une rationalité qui intègre certains critères :
- fiabilité administrative
- critère de population
- critère correspondant à des impératifs géographiques.
Ce projet est retenu et donne lieu de décret qui va devenir une loi après sanction royale : le décret
du 11 novembre 1789.
La France se trouve découpée en 83 départements qui remplacent les anciennes structures de
l’Ancien Régime. Les départements sont subdivisés en districts. Il peut y avoir jusqu’à 9 districts
dans un département selon l’importance de la population. Les districts eux-mêmes sont divisés en
canton.
Le décret du 26 Février 1790 confirme le découpage administratif et fixe les chefs-lieux des
départements.
Entre ces deux décrets, la Constituante s’est penchée sur la question des assemblées d’électeurs et
les assemblées administratives (districts et cantons).
Le décret du 22 décembre 1789 considère les départements et les districts comme des cadres
administratifs mais également comme des circonscriptions électorales. Il aménage le régime
électoral et le régime administratif de cette nouvelle structure. Ce décret fait preuve de tendance
décentralisatrice assez audacieuse car il fait des élections l’origine des autorités locales.
Le département est doté d’un conseil de 36 membres élus pour 4 ans par les citoyens actifs. Ce
conseil de département se réunit pour une cession annuelle qui peut aller jusqu’à un mois. Ce
conseil désigne en son sein un exécutif qui est le directoire de département composé de 8 membres
constituant un organe permanent. Il est chargé d’assurer l’exécution des décisions du conseil
départemental.
Auprès de ces deux structures, on retrouve un procureur général syndic qui est élu par les citoyens
actifs et qui va jouer le rôle d’arbitre en cas de conflit entre le conseil et le directoire. Il joue
également le rôle de conseiller, c’est une sorte de juriste.
Au niveau des districts, on retrouve un conseil composé de 12 membres élus par les citoyens actifs
et un directoire pris en son sein de 4 membres. Pour jouer le rôle de charnière entre les deux, on
trouve un procureur syndic élu qui officie comme arbitre et conseiller.
Non seulement, on a redécoupé la carte administrative mais on a aussi doté ces structures
d’autorités locales.
La loi du 22 décembre 1789 détaille aussi les compétences attribuées à ses différents organes.
Les compétences sont assez larges, surtout concernant les départements. Elles sont accompagnées
d’une double tutelle :
- l’une exercée par l’assemblée (pouvoir législatif)
- l’autre exercée par le roi constitutionnel (chef de l’administration générale du Royaume).
On s’aperçoit aussi que les fonctions confiées aux autorités départementales sont de nature étatique.
On délègue des compétences d’Etat et leur exercice est délégué à l’échelon local. Ceci freine
l’aspect décentralisateur car les compétences sont purement administratives. Les autorités
départementales ne disposent pas du pouvoir règlementaire et ne peuvent rendre des arrêtés que sur
les affaires particulières. Les domaines de compétences départementales sont :
- la fiscalité
- la voierie
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L2
- l’enseignement
- la santé
- la sécurité
Le domaine de compétences s’étend aux matières administratives classiques.
Les autorités de districts sont quant à elles subordonnées à celle des départements. Ces autorités
sont chargées de répartir les contributions publiques entre les municipalités. Les districts vont servir
de relais.
Avec la loi de décembre 1789, on s’aperçoit que les constituants ont souhaité maintenir les autorités
locales sous la tutelle du corps étatique central.
L’élection, la collégialité et la pratique de l’autorité locale vont réaliser une certaine autonomie
locale mais dans la tête des constituants on ne souhaite pas vraiment la décentralisation.
b- La révolution municipale
C’est la loi du 14 décembre 1789 qui aménage le nouveau système municipal. On a voulu gommer
les anciennes disparités administratives qui existaient notamment entre les villes et les campagnes.
Pour répondre aux vœux exprimés dans les cahiers de doléances. Dans chaque commune, on va
trouver un corps municipal permanent variant selon l’importance de la population de 3 à 21
officiers municipaux.
Là aussi, les officiers sont élus par les citoyens actifs et ce corps municipal se transforme au moins
une fois par mois en conseil général de la commune par l’adjonction d’un nombre double de
notables élus dans les mêmes conditions que les officiers municipaux, soit 6 à 42 notables.
Les citoyens actifs de la commune désignent également par l’élection un maire qui est le chef de
l’exécutif municipal et un procureur qui est chargé de la défense des intérêts de la commune. Le
maire et le procureur sont élus pour deux ans.
C’est une organisation uniforme qui s’applique à la ville comme à la campagne. La Constitution par
cette loi a créé un véritable pouvoir municipal. Il y a deux catégories de fonctions :
- les fonctions propres à la municipalité
- les fonctions déléguées par l’Etat.
 la répartition des contributions publiques entre les habitants de la commune
 la réalisation des travaux publics d’intérêt général.
Lorsque la commune (c’est une vraie révolution) exerce ses compétences propres, l’autorité
municipale n’agit pas comme une autorité déléguée. Elle a un véritable pouvoir municipal.
Exemple : * la gestion des biens communaux
* la police
* l’ordre public
§
2 : Le retour de la centralisation et les aménagements du directoire.
Ces aménagements nouveaux faisant place à l’élection ne pouvaient perdurer dans les circonstances
dans lesquelles évoluent la Révolution (guerre, révolution vendéenne). On assiste à un retour de la
centralisation. La radicalisation révolutionnaire a des effets sur la nouvelle organisation
administrative.
Le décret du 14 frimaire an II remodèle l’administration locale selon les impératifs politiques du
moment c'est-à-dire du gouvernement de Salut Public.
Les corps départementaux étaient suspects de fédéralisme. Le décret va quasiment anéantir les
compétences des organes du département. Seuls sont maintenus les directoires exécutifs c'est-à-dire
Histoire du droit
L2
les 8 membres de l’exécutif. Les conseils et les procureurs sont supprimés. Quant aux attributions,
elles sont réduites à deux choses :
- la répartition des impôts
- la surveillance des domaines nationaux (issus de la nationalisation des biens de l’Eglise).
Ce sont les districts qui vont récupérer les attributions prises aux départements. De même pour les
communes. Les communes récupèrent les pouvoirs de police, de surveillance, de contrôle. Il faut
appliquer les lois relatives aux suspects (ennemis de la République). Ce n’est pas la décentralisation
car auprès des municipalités on place des agents nationaux, des représentants en missions qui
vérifient si le district et la commune suivent bien les injonctions du Comité de Salut Public. On peut
parler de délocalisation. Mais cela ne dure qu’un temps car rapidement a lieu la Révolution
Thermidorienne.
On va s’apercevoir que le directoire a été un peu ambigu car il veut mettre un point d’arrêt aux
pratiques révolutionnaires mais le directoire s’est aperçu que la centralisation était un bon moyen de
gouverner.
La Constitution de l’an III présente un très long passage concernant l’administration locale.
On reproche aux districts d’avoir été les agents fidèles du gouvernement révolutionnaires. Ils sont
dont supprimés.
Les départements sont réhabilités dans leurs prérogatives. A la place du conseil et du directoire, on
a une administration départementale composée de 5 membres élus au suffrage censitaire pour 5 ans.
Ce sont des notables qui sont élus à ces fonctions.
On va refondre le système des communes. On distingue 3 plans :
- Les villes de plus de 100 000 habitants (Paris, Marseille, Lyon)
- Les villes entre 5 000 et 100 000 habitants
- Les villes de moins de 5 000 habitants
Les villes de plus de 100 000 habitants vont être divisées en plusieurs administrations pour éviter la
mise en place de formations révolutionnaires comme à Paris.
Les villes entre 5 000 et 100 000 habitants disposent d’une administration centrale municipale
composée selon l’importance de la population de 5 à 9 administrateurs élus pour deux ans.
Pour les communes de moins de 5 000 habitants, on crée la municipalité de canton. Chaque
commune englobée dans la municipalité de canton désigne un agent municipal et son adjoint. On
regroupe toutes ces personnes dans la municipalité cantonale qui est présidée par un président élu
au niveau cantonal assisté par les agents municipaux et par des bureaux.
Auprès de chaque administration départementale ou municipale, le régime de l’an III place un
commissaire du directoire. C’est là que se trouve l’ambiguïté puisque les compétences des autorités
locales s’accompagnent d’un agent de l’Etat.
Section 2 : Hiérarchie et centralisation.
Napoléon Bonaparte, après avoir étranglé la République, arrive au pouvoir. C’est un militaire qui a
besoin d’ordre. Le système en place ne lui convient pas. Il va refondre le système et faire apparaître
des institutions (1799) qui vont perduré jusqu’à nos jours. Il met en place le canevas durable de la
France administrative.
Histoire du droit
L2
La loi organique (LO) du 28 Pluviôse an VIII (LO du 17 Février 1800) va créer un bouleversement.
§
1 : Le département.
Sous la Révolution, on était dans une oscillation entre l’autorité départementale et l’autorité
municipale. La Loi organique va donner au département un statut quasi-définitif. Elle va innover en
créant une nouvelle subdivision : l’arrondissement. Elle va également créer le préfet et
l’administration préfectorale.
Alexis de Tocqueville, l’Ancien Régime et la Révolution : « Par-dessus la révolution, l’Intendant
donne la main au préfet ».
L’institution préfectorale par certains aspects rappelle l’intendant de l’Ancien Régime. Le préfet est
un agent du pouvoir central, nommé par le Premier Consul et il est révocable par la même autorité.
Pour exprimer cette situation de dépendance, on dit qu’il est révocable « ad nutum ». L’autorité le
révoque selon son bon plaisir. Le préfet est le rouage principal de l’administration telle qu’elle se
met en place en l’an VIII.
Au niveau du département, le préfet réitère, renouvelle l’unité de commandement qui prévaut à la
tête de l’Etat. Le préfet joue le rôle de Premier Consul au niveau local. C’est une reproduction à
l’échelon local du système central.
L’article 3 de la loi organique du pluviôse an VIII énonce que « le préfet est chargé seul de
l’administration ». La loi de Pluviôse va doter le préfet d’attributions illimitées autant sur le plan
politique qu’administratif.
Sur le plan politique, le préfet à partir de l’an VIII jusqu’à la loi sur la décentralisation Gaston
Defferre de 1982. Il joue le rôle d’agent électoral du régime. C’est encore plus pertinent sous un
régime qui consacre le suffrage censitaire. C’est également le censeur de l’opinion public. Il vérifie
qu’on pense comme le pouvoir central.
Sur le plan administratif, le préfet exerce une surveillance étroite des degrés inférieurs de
l’administration. Le préfet nommé par le Chef de l’Etat est sous la tutelle hiérarchique du ministère
de l’an VIII auquel il rend compte par le biais de rapports nombreux.
Dans chaque département, la loi organique institue autour du préfet deux organes :
- Un conseil général
- Un conseil de Préfecture
Le conseil général est une sorte d’assemblée qui n’est pas permanente et qui n’est que consultative.
On va trouver dedans des notables locaux entre 16 et 24 appelés les conseillers généraux. Ils sont
nommés pour 3 ans par le chef de l’Etat puis à partir de l’an X, ils seront nommés pour 15 ans
toujours par le Premier Consul. Ces conseillers généraux sont choisis sur la liste de confiance
départementale. Le conseil général élit son président mais ne peut se réunir que sur convocation
préfectorale. Ils ne sont pas maîtres de leur organisation.
Les compétences du conseil général sont la fiscalité et les finances essentiellement :
- Répartition des contributions publiques entre arrondissement.
- Vote les centimes additionnels c'est-à-dire la part prise sur les contributions publiques qui
vont remplir la caisse départementale.
Le conseil de préfecture (ancêtre du Tribunal administratif) est un organe de contentieux et de
justice administrative. L’arrondissement remplace le district et sont créés dans chaque département.
On va créer des sous-préfets placés dans chaque arrondissement. C’est un agent national nommé par
le chef de l’Etat. C’est quelqu’un qui joue le rôle de transmission des ordres du préfet.
Histoire du droit
L2
Auprès de lui, il y a un conseil d’arrondissement dans lequel on trouve 11 membres nommés par le
chef de l’Etat et pris sur la liste de confiance communale.
C’est un conseil général en réduction qui est chargé de la répartition des contributions publiques
entre les municipalités et vote les centimes additionnels qui approvisionnent le budget de
l’arrondissement.
Ce sont des structures pérennes dans tout le XIXe siècle. Napoléon Bonaparte a mis en place une
oenomia durable.
§
2 : La commune.
Après les innovations du directoire, on va revenir à l’uniformité. On supprime les municipalités de
cantons. Chaque commune sera dotée d’un maire avec des adjoints et un conseil municipal.
Dans les communes de plus de 5 000 habitants, le maire et les adjoints sont nommés par le Chef de
l’Etat.
Dans les communes de moins de 5 000 habitants, c’est le préfet qui les nomme.
Les maires et les adjoints sont nommés pour 5 ans et sont révocables ad nutum par les autorités qui
les ont nommés. Le maire est doté d’attributions importantes, il dispose notamment d’un large
pouvoir règlementaire en matière de police. Il peut déléguer certaines compétences à ses adjoints.
Par contre, les arrêtés du maire sont susceptibles de contrôles a posteriori par le préfet (tutelle).
Le conseil municipal est composé de 10 à 30 conseillers municipaux choisis par le préfet sur la liste
de confiance communale et sont nommés pour 3 ans puis à partir de l’an X pour 20 ans.
En l’an X, on va introduire un peu de démocratie dans la municipalité. On a un senatus consult du
16 Thermidor an X qui, dans les communes de moins de 5 000 habitants, instaure l’élection des
conseils municipaux par les électeurs du canton.
Le conseil municipal est réuni par le maire, c’est un véritable organe délibérant à la différence du
conseil général de département. Il a des prérogatives d’ordre financier :
- répartition des contributions publiques entre les habitants de la commune.
- Vote des centimes additionnels pour remplir la caisse de la commune.
Le conseil municipal délibère sur les besoins particuliers de ses locaux et de la municipalité. Cela
ouvre un certain pouvoir municipal. Les délibérations sont soumises à un contrôle a posteriori du
préfet.
La ville de Paris est soumise à un régime spécial. La ville est divisée en 12 arrondissements avec
dans chaque arrondissement un maire et des adjoints nommés par le Chef de l’Etat et sont placé
sous l’autorité du préfet de la Seine et sous l’autorité d’un préfet de Police. Par contre, Paris n’a pas
de conseil municipal, c’est le conseil général du département de la Seine qui joue ce rôle et qui va
perdurer longtemps.
CHAPITRE III : une nouvelle justice
Il s’agit de prendre le contre-pied de l’Ancien Régime :
- la justice est secrète
- la présomption d’innocence est méconnue
- la justice est archaïque, notamment au niveau des pénalités.
- L’égalité des justiciables n’existe pas.
Histoire du droit
L2
Tout au long du XVIIIe siècle, la justice pénale est accusée (Voltaire). On reproche à la justice
civile le désordre, l’abondance des juridictions, l’existence de plusieurs niveaux, l’imprécision des
compétences.
On demande une rationalisation, une simplification mais également une justice moins chère et plus
rapide.
Section 1 : L’œuvre de la Constituante.
Dans l’assemblée constituante, il y a beaucoup de juristes. C’est un travail qui débute très vite et
débouche sur la loi des 16 et 24 août 1790. Des principes nouveaux apparaissent conformes à la
DDHC. On va mettre en place une nouvelle organisation juridictionnelle qui s’écarte du chemin de
l’ Ancien Régime.
§
1 : Les principes généraux.
La logique qui préside à son élaboration est une logique de rejet de l’Ancien Régime judiciaire. On
condamne la justice retenue et les Parlements.
A partir de 1789, on supprime les Parlements et en 1792-93, ces parlementaires sont menés à
l’échafaud.
Le principe de la séparation des pouvoirs va contribuer pleinement à l’affirmation d’un pouvoir
judiciaire spécifique, libéré de l’autorité royale mais cantonné dans une sphère strictement délimitée
puisqu’il faut éviter tout empiètement d’un pouvoir sur l’autre. Cela va donner naissance à cette
conception étroite, modeste du juge chargé d’appliquer la loi de manière mécanique. Les juges sont
censés s’en tenir à la loi (pas d’interprétation) et ne peuvent pas troubler des opérations des corps
administratifs ni ne peuvent citer les administrateurs du fait de leur fonction.
La DDHC inspire l’idée de l’égalité des citoyens devant la justice.
On a supprimé dans la nuit du 4 au 5 août 1789, la vénalité des offices. On a supprimé la
patrimonialité. Les constituants se trouvent devant un problème : comment recruter les juges ?
Comment recomposer le vivier de la magistrature ?
Il faut trouver un procédé de recrutement compatible avec les orientations philosophiques de la
DDHC. Le choix se porte sur l’élection des juges. Les magistrats du siège sont élus pour 6 ans par
les citoyens actifs du ressort dans lequel se trouve le tribunal. Les magistrats sauf les juges de paix
doivent justifier d’au 5 moins années de profession d’une activité juridique. Cela ouvre la porte aux
anciens magistrats, aux avocats, aux avoués, aux notaires, aux greffiers. La Révolution change les
principes mais pas les hommes. Dans les fonctions judiciaires, on va retrouver les mêmes hommes.
En matière criminelle, on essaie d’adopter une formule de justice populaire : le jury (pratique anglosaxonne). C’est une sorte de concrétisation du rêve d’une justice rendue par le peuple. On va
maintenir pour le ministère public, le principe de la nomination par le roi. Par contre, il n’y a plus
de possibilité pour le pouvoir exécutif de révoquer les agents du ministère public sauf cas majeurs.
A côté des agents royaux, la loi de 1790 met des accusateurs publics élus.
§
2 : Une organisation juridictionnelle rationalisée.
Sur ce terrain, on voit une rupture avec l’Ancien Régime car il y a des cadres géographiques
nouveaux.
Les juridictions d'exception ont disparu (avant prodigues). La seule que l'on a retenue est la justice
consulaire.
Histoire du droit
L2
Aujourd'hui, la qualification de juridiction d'exception est un terme péjoratif car il est associé à la
politique. Avant 1789, on connaît les tribunaux d'exception mais on n’est pas du tout dans le
politique. A partir de 1789, la justice d'exception va devenir une juridiction exceptionnelle
(politique ici).
Pour répondre aux voeux des cahiers de doléances, on va essayer de simplifier l'organisation
juridictionnelle, notamment le trop grand nombre de degrés.
Nouveauté : On distingue désormais la justice civile de la justice pénale. On va avoir des
juridictions compétentes en matière civile et d’autres en matière pénale. L’autre nouveauté c’est
également la naissance d'un Tribunal de Cassation.bn
a- La justice Civile.
La loi des 16-24 Août 1790 est une loi refondatrice. Elle institue en matière civile 3 tribunaux, donc
3 sortes de juge :
- Tout d’abord, les arbitres,
- Puis les juges de paix
- Enfin les tribunaux de district.
On a donc 3 juridictions.
Les 2 premiers (arbitre et juge de paix) participent d'une logique tout à fait typique de justice issue
de la philosophie des Lumières : logique de la conciliation, logique d'accorder les parties. C’est
typique des Lumières car elle repose sur une foi (un peu naïve) en la nature humaine.
Résultat : Quand on scrute un peu les affaires, on s’aperçoit que cette logique a tapé dans le vide. Il
n’y a pas de grands résultats. C'est quand même l'esprit du temps. Les arbitres sont des particuliers,
plutôt des notables choisis par les deux parties. Ce sont des particuliers qui rendent des solutions,
rendues exécutoires sur ordonnance du Président du Tribunal de District. Ce sont donc de simples
citoyens mais ils font des actes de justice.
Normalement, l’arbitrage est facultatif mais les législateurs de 1789 l'ont rendu obligatoire dans
certains cas, notamment ceux qui impliquent des parents proches. Ce qu'on cherche ici, c’est
accorder les familles.
Ensuite, les juges de paix : une justice de paix par canton (un juge).
Ils ont des compétences qui s'accordent à cette politique de la conciliation.
Ils ont aussi des fonctions contentieuses : ils peuvent statuer sur les causes mineures, mobilières et
personnelles, au maximum jusqu'à 50 livres à charges d'appel.
Enfin le Tribunal de District institué dans la circonscription de Lyon. Et ce tribunal va connaître des
affaires personnelles et mobilières jusqu'à 1000 livres. Parfois en appel les juges de paix, et des
affaires immobilières jusqu'à 50 livres de revenu.
Le problème alors des constituants, législateurs est le problème de la peine.
Jusqu'en 1789, on connaît l’appel hiérarchique : l’appel romano-canonique (la peine qu'on a
préservé à partir de la chute de l'Empire Romain, la juridiction devant l'Eglise). Il a fallu attendre la
redécouverte du droit romain vers le XIIe siècle pour que celui-ci soit remis en scène devant les
cours laïques.
Au-dessus des Tribunaux de District, on ne va pas pouvoir faire appel. Pour cela, le législateur a
inventé "l'appel circulaire" : soit les parties qui veulent continuer la procédure se sont mises
d’accord sur un Tribunal de District voisin, auquel cas l'appel est interjeté devant ce Tribunal de
Histoire du droit
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District, soit il n’y a pas d’accord et on va réunir 6 Tribunaux de District et les proposer. Si les
parties ne sont pas d’accord, le 7ème est obligatoire. Il s’agit donc d’un appel vers une cour de même
niveau.
Alors, le recours en cassation est possible, mais si on a maintenu la cassation, l’appel hiérarchique a
été effacé.
La loi d'Août 1790 transforme les juridictions de commerce et on demande à tous les juges civils de
connaître des litiges commerciaux.
b- La justice pénale.
Les cahiers de doléances sont pleins de demandes de réformer la justice pénale, trop archaïque.
Mais aussi les philosophes des Lumières (comme Voltaire) se sont dressés contre cet archaïsme.
Dans cette même loi de 1790, ils vont établir 3 degrés :
1. Le Tribunal de Police Municipale : on y trouve des administrateurs municipaux chargés de juger
des infractions mineures. La loi précise le terme infraction mineure : les peines ne peuvent pas
dépasser 500 livres et un emprisonnement de 8 jours au plus. Il peut y avoir appel par rapport à ces
tribunaux. L'appel est interjeté devant le Tribunal de District.
2. Le Tribunal de Police Correctionnel. On va le trouver dans chaque canton. Le juge de paix statue
en matière correctionnelle mais ici le juge de paix est assisté par des assesseurs citoyens. Ils n'ont
qu'une voix consultative.
De manière assez originale, la mise en oeuvre de l'action publique incombe soit à la victime, soit au
juge qui peut s'en saisir d'office ou un particulier qui applique le principe de la dénonciation civique
(c'est ici l'originalité).
 Chaque citoyen est un peu responsable de l'ordre public.
Ce que la loi nomme délits, ce sont les violences, offenses aux moeurs, et les homicides par
imprudence. Les délits peuvent être sanctionnés d'une peine qui peut aller jusqu'à 2 ans de prison.
Là aussi, on peut faire appel devant un Tribunal de District (paradoxe car c’est une instance civile).
3. Le Tribunal Criminel de Département.
Il sera évoqué par la loi de 1790 mais mis en forme par la loi de 1791.
Il appartient à ce tribunal de réprimer les crimes et on a mis là en place une mise en place
compliquée. Le but est de préserver la liberté individuelle.
La procédure compliquée se déroule aussi de cette façon : l'action est déclenchée par un particulier,
soit par le juge lui-même, sans intervention du ministère public. Ce n'est pas lui qui lance l'action.
L'instruction préparatoire est placée sous la conduite du juge de paix. La mise en accusation est
ensuite prononcée par un jury de 8 membres tirés au sort par les citoyens de district. Enfin, le
jugement se déroule devant le Tribunal Criminel dans lequel on va trouver les juges, un président
élu, entouré de juges pris dans les Tribunaux de District de département, complété par un jury de 12
membres composé de citoyens de département.
Il y a un accusateur public qui est un officier judiciaire élu (comme les présidents et les juges de
district). C'est lui qui soutient l’accusation et qui affronte l’accusé à armes égales.
Les jurés se prononcent ensuite sur la culpabilité en se fondant sur leur intime conviction. Entré en
scène à ce moment là, le procureur du roi nommé par le roi a pour rôle de requérir l’application de
la loi. Le Tribunal, in fine, inflige la sanction prévue par les textes légaux.
Remarquable : ce double jury (jury d’accusation et jury de jugement). On va prendre un
fonctionnement étranger : le jury vient d'Angleterre et le juge de paix est connu en Hollande et en
Histoire du droit
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Angleterre.
c- Le Tribunal de Cassation.
Il est créé par la loi du 27 novembre et 1 décembre 1790.
Ce tribunal compte 42 juges élus devant justifier d'au moins 10 années d'exercice d'une profession
judiciaire. La mission du Tribunal de Cassation est de veiller à l'observation de la loi par les
juridictions inférieures. Il ne peut pas trancher les litiges, mais seulement casser les jugements pour
violation des formes ou contraventions expresse à la législation, il doit renvoyer les plaideurs
devant un nouveau tribunal civil ou criminel.
Le Tribunal de Cassation tel que prévu n'est pas en mesure d’élaborer une jurisprudence. La
jurisprudence est une source de droit dont se méfient les révolutionnaires. On est dans ce mythe de
la loi toujours.
Ce n'est pas la Révolution qui crée la Cassation, le Tribunal de Cassation. L’ancêtre est le Conseil
du Roi (qui casse les décisions). La révolution a aussi enlevé à ce tribunal certaines prérogatives.
Section 2 : La justice révolutionnaire.
Comme on le sait, à partir de 1792, on entre dans la phase la plus radicale de la Révolution. Cette
phase radicale est assez peu propice au respect et à l’application des principes posés par DDHC et
loi des 16 et 24 Août 1790. Les principes seront bafoués. Il est intéressant de voir à ce moment là
que la justice devient une forme accessoire du gouvernement révolutionnaire. La justice devient un
moyen de gouverner.
§
1 : La mise en place d'une législation d'exception.
Le mot qui revient le plus souvent dans cette période est "les suspects". Ce sont de mauvais
républicains ou carrément des contre-révolutionnaires.
Donc, il faut trier le corps social pour le purger des éléments qui ne sont pas révolutionnaires et
républicains. Dès 1791, cette catégorie est forgée par le législateur révolutionnaire. Dès 1791, on a
forgé la catégorie des suspects. Qu'est ce qu'un suspect ? Il n’y a pas de crime précis, mais par son
attitude, il compromet l'oeuvre de régénération nationale. Parmi eux se trouvent les prêtres
réfractaires considérés comme des ennemis naturels de la révolution. Dès 1791, on imagine ces
suspects en référence à ces prêtres réfractaires que l'on souhaite emprisonner. En 1793, la
Convention (Robespierre et Saint-Just) va élargir la notion : sont réputés suspects tous ceux qui sont
hostiles à la République. Par exemple, les nobles, les prêtres, les émigrés, les parents d'émigrés, les
étrangers. Bref, tous ces gens là doivent être incarcérés jusqu'à la paix. A ce moment là, on veut
juste incarcérer et pas tuer tout le monde.
La mise en oeuvre de sûreté incombe à des comités de surveillance formés de patriotes. Ces comités
sont dotés du pouvoir d'appréhender (arrêter) les ennemis de la Révolution. Le bilan est assez
important : entre 300 000 et 800 000 personnes arrêtées durant La Terreur.
Un cap supplémentaire est franchi avec "la mise hors la loi" décrétée en 1793. Une personne
concernée est soumise à une vérification d'identité, puis elles sont exécutées. La mise hors la loi
dispense de l'instruction et du jugement : les personnes sont exécutées directement.
Sont concernés les opposants armés à la révolution, ceux qui portent la cocarde blanche (symbole
royal), les aristocrates, les ennemis de la République en général ou ceux qui exercent des fonction
publiques dans des parties du territoire national occupés par l'ennemi (maire, magistrats) car ils
passent pour des collabos, donc des ennemis. Les émigrés capturés sont considérés comme
Histoire du droit
L2
susceptibles d’être mis hors la loi.
D’un point de vue pratique, des commissions militaires établissent la matérialité de l'infraction et
prononcent la peine de mort.
§
2 L'institution de juridictions d'exception.
On s'aperçoit courant 1793 que les tribunaux ordinaires ne sont pas en mesure d’assurer une
répression politique suffisante.
En mars 1793, la Convention décide de mettre en place un Tribunal Révolutionnaire à Paris. Le
tribunal extraordinaire de Paris juge les infractions contre-révolutionnaires et les infractions d'ordre
économique qui visent à saper l'effort de guerre. Les juges sont nommés par la Convention. Malgré
quelques changements, on a essayé de conserver la procédure juridique pénale. Mais, après 1794,
on va changer un peu la procédure. Par exemple, il n’y a pas d'écoute de témoins, on refuse au
prévenu une défense. Et on ne va prévoir que soit l'acquittement, soit la mort.
C'est à ce moment là la Grande Terreur.
Ce Tribunal de Paris jugera Marie-Antoinette, Danton, les Girondins...
Malgré ce monopole on a vu apparaître des juridictions d'exception, des répliques du tribunal
parisien. A côté, d
ans certaines villes, on a même des commissions révolutionnaires
extraordinaires. Ex : Lyon, qui s'est insurgé.
On appelle ça aussi des commissions populaires dont le but est de réprimer de manière expéditive.
A tout cela on rajoute in fine les tribunaux criminels censés juger révolutionnairement. Concernant,
ces tribunaux criminels, on a beaucoup de disparités selon les départements. Dans certains
départements, ils vont être impitoyables et dans d'autres départements ils vont être très modérés.
Mais globalement, la Terreur judiciaire a fait entre 17 000 et 40 000 morts.
Toutes ces institutions vont bien sûr disparaître après la chute de Robespierre mais certains comme
le Tribunal Révolutionnaire de Paris vont être préservés. On va les maintenir pour éliminer la
faction de Robespierre mais le 31 Mai 1795 on va le supprimer.
A ce nombre de morts, il faut rajouter ceux qui meurent pendant les combats à l'ouest (en Vendée
par exemple), ceux qui tombent lors des sièges de Lyon, Marseille, Toulon et les victimes des
exactions des 2 camps.
Section 3 : La réorganisation napoléonienne.
Le Directoire ne va pas remettre en cause les principes de la Révolution libérale. Il y a eu quelques
aménagements, par exemple on va abroger en 1796, le principe de l'arbitrage obligatoire pour les
litiges familiaux. Les Tribunaux de District vont être remplacés par des Tribunaux Civils
Départementaux. Les résultats de la réformette du Directoire conduisent à une diminution du
nombre de tribunaux. Mais l’appel reste circulaire.
Une fois encore, c'est Napoléon qui va procéder à une profonde réorganisation de l'appareil
judiciaire en profondeur. La Constitution de l'an VIII et la loi de Pluviôse an VIII ont pour effet de
diviser la justice en 2 branches : l'ordre judiciaire et l'ordre administratif.
§
1. L'ordre judiciaire.
Il est tout à fait logique au regard du nouveau régime, de l’état d'esprit de Bonaparte, que soit
abandonné le principe de l'élection des juges. En effet, il a des intentions monocratiques. On va
supprimer ce principe et on retourne à la nomination de l'Ancien Régime.
Histoire du droit
L2
Les juges, indépendants du justiciable vont être nommés par le Premier Consul sauf ceux de
Cassation nommés par le Sénat. En contrepartie, les juges seront inamovibles sauf cas de forfaiture.
Ceci étant, Napoléon n’a pas repris la vénalités des offices.
La procédure de révocation ne peut être mise en oeuvre que devant le tribunal de Cassation. Cela
conforte la liberté judiciaire. Des juges vont révoquer d’autres juges. Cela donne aussi à la
profession un respect corporatif.
Napoléon procèdera tout de même à des épurations dans la magistrature en 1807 et 1810. Cela
réduit évidemment la portée de l'inamovibilité.
Le ministère public rentre donc totalement sous le pouvoir exécutif. Désormais le ministère public
est nommé. On recommence à parler de procureur, de substitut, et bien entendu ces agents du
ministère public sont eux révocables, en tant qu'agent du gouvernement.
L'oeuvre napoléonienne concerne aussi la formation des juges. La révolution a supprimé les facultés
en 13 Mars 1804 et créé 12 écoles de Droit dont une à Aix-en-Provence chargée de former les futurs
juges et chargée de former les futurs avocats. Ce sera un décret qui les appellera facultés. A partir
de 1808-1809, l’entrée dans la magistrature est subordonnée à l'obtention d'une licence en droit
complétée de 2 années de stage faites dans un barreau.
a- La Justice civile.
On va maintenir les Juges de paix. Ils ne seront plus élus mais nommés par le chef de l'Etat pour 10
ans sans bénéficier de l'inamovibilité.
Par contre, ils se bornent à concilier les parties et trancher les litiges civils de faible importance.
Alors, Bonaparte a estimé que les tribunaux départementaux étaient trop éloignés des justiciables :
on va donc mettre des tribunaux civils d'arrondissement ayant une compétence de droit commun en
première instance et jugement en appel des décisions du juge.
On innove en créant des tribunaux d'appel qui vont devenir des Cours d'Appel en 1804, puis en
1810 des Cours Impériales. Il y a à peu près une Cour d'Appel pour 3 départements. On a éliminé
l’appel circulaire. On le remplace par l'appel hiérarchique : c'est l'appel romano-canonique.
En 1806, l'Empire crée les Prud'hommes, et en 1807, on opère la réforme des tribunaux de
commerce.
b- La justice criminelle.
La séparation des justices civile et criminelle est maintenue mais elle n’est pas aussi tranchée
qu'auparavant. Il faut distinguer avant et après 1808.
Code de procédure criminelle en 1808.
Les juges de paix sont investis de la simple police.
Le tribunal d'arrondissement se charge du correctionnel.
Le tribunal criminel départemental juge les crimes.
Jusqu'en 1808, on conserve le jury d'accusation et le jury de jugement.
Par contre, c'est désormais le ministère public qui est à l'origine des poursuites pénales.
A partir de 1808, on va modifier l'organisation et la procédure.
Tout d'abord, les maires des communes qui sont dépourvues de justice de paix retrouvent des
compétences de simple police. Des décisions comme celles des juges de paix sont susceptibles
d'appel devant les tribunaux d'arrondissement. Par contre, on revient à l'appel circulaire. Les
tribunaux d'arrondissement vont vers un tribunal d'arrondissement voisin en appel. Les tribunaux
criminels sont supprimés et à leur place sont institués les Cours d'Assise.
Les Cours d'Assise ne siègent pas de manière permanente composées de magistrat pris dans les
Tribunaux d'Arrondissement ou les Cours d'Appel. C'est une chambre des mises en accusation qui
est une section de la Cour d'Appel, substitué au jury d'accusation. Par contre, le jury populaire du
Histoire du droit
L2
jugement est maintenu. C'est désormais le préfet qui maintient la liste des jurés (favorables à l'ordre
napoléonien). Les jugements des Cours d'Assise ne sont pas susceptibles d'appel. Seule la Cassation
est possible.
Cette reprise en main de la justice criminelle se traduit par la création en 1801 de Tribunaux
Criminels Spéciaux. On voit là que le régime napoléonien poursuit le retour à la justice
exceptionnelle.
Les tribunaux Criminel Spéciaux statuent sans jury, en dernier ressort et sans possibilité de
cassation.
Ces tribunaux créés pour lutter contre l'opposition politique du Premier Consul sont complétés par
des Conseils de Guerre ou des Commissions militaires constituées dans des circonstances spéciales.
On voit là les débuts d'une tradition très française qui va s'enraciner : le retour à la justice politique.
c- La Cour de Cassation.
On voit réapparaître le terme en 1804. Elle est composée de 48 juges nommés à vie par le sénat. On
trouve 3 sections :
- La section des requêtes qui filtre les pourvois,
- La section civile
- La section criminelle qui statue.
Il y a quand même un petit plus par rapport à la période révolutionnaire : celle-ci a obtenu un rôle
disciplinaire sur les magistrats.
Elle tranche aussi les questions de compétences entre les tribunaux de l'ordre judiciaire et
administratif.
Bémol : cette Cour n'a toujours pas les moyens d'imposer des choses aux juges du fond car elle ne
peut pas créer de la jurisprudence.
§
2. L'ordre administratif.
Il est acquis depuis 1790 que les tribunaux judiciaires n'ont pas à connaître des litiges
administratifs. Il faudra attendre la Constitution de l'an VII et la loi de Pluviôse an VIII pour voir
l'administratif enlevé aux ministres et filer à des ordres juridictionnels : les Conseils de Préfectures
et le Conseil d'Etat.
a- Les Conseils de Préfecture.
Ils sont présidés par le préfet, ils comptent un nombre variable de conseillers : entre 3 et 5, plutôt
des notables provinciaux. Ces conseils n'ont qu'une compétence d'attribution stricte : en matière de
contentieux des travaux public, des contributions directes, en matière de contentieux dans le cadre
des domaines nationaux et à partir de l'an X, la grand voirie. Leur activité s'exerce sous le contrôle
du Conseil d'Etat qui est juge d'appel. A côté de cette compétence d’attribution stricte, on a des
attributions administratives et consultatives.
c- Le Conseil d'Etat.
Il est composé de maîtres des requêtes et d'auditeurs choisis discrétionnairement par le pouvoir.
Cet organe va recevoir des fonctions multiples.
Exemple : registre contentieux. Il appartient au Conseil d'Etat de résoudre les difficultés qui se
présentent en matière administrative. Donc, il va se prononcer en appel des décisions des Conseils
de préfecture, il va examiner en premier et dernier ressort les recours dirigés contre les actes des
Histoire du droit
L2
autorités administratives (ministres et préfets), et trancher les conflits d'attribution.
Jusqu'en 1806, ce contentieux n'est pas considéré comme une matière spécifique. Le Conseil d'Etat
est saisi par les ministres, et il transmet sur l'affaire un avis au chef de l'Etat qui va statuer par arrêté
ou décret. Le plus souvent, le Premier Consul puis l'Empereur se conformera à son avis.
En 1806, des réformes sont introduites : création de la Commission du Contentieux qui est présidée
par le Ministre de la Justice, spécialisée dans l'instruction des affaires.
Toujours en 1806, on reconnaît un droit de saisine direct aux particuliers.
Les innovations qui sont apportées en 1806 rendent possible l'émergence d'une jurisprudence
administrative.
CHAPITRE IV : Un droit sous emprise étatique.
L'Etat va encadrer le Droit.
Section 1 : La souveraineté de la Loi.
La Révolution est aussi juridique. L'Assemblée Constituante va révoquer les vieux principes de la
royauté pour mettre en place une nouvelle conception du Droit, fondée sur la toute puissance de la
Loi. C'est une rupture sur un certain plan par rapport à l'Ancien Régime car la Révolution
constituante va substituer à l'absolutisme un régime destiné à garantir une réelle sécurité juridique.
Et, ce régime passe par le légicentrisme et par ce corollaire, l'effacement des sources concurrentes.
Mais c'est aussi une continuité.
La toute puissance de la Loi est une idée qu'on retrouve chez des penseurs comme Jean Bodin, qui
dit que la marque principale de la souveraineté est le pouvoir de faire et de casser la loi. La loi est
placée ici au centre de l'Etat.
Cette toute puissance, elle est renforcée par la philosophie des Lumières : Nomophilie chez les
Lumières.
Tout concourre à faire de la loi une Reine. Sur ce plan là, la Révolution n'est pas tellement une
rupture, mais une passerelle.
§
1 Le légicentrisme.
La Révolution a pour conséquence première d'installer la Loi au sommet de la pyramide normative.
C'est une situation qui existe grâce aux mutations qui ont affecté la pensée juridique depuis le
Moyen-âge, la Renaissance etc. C’est un travail pluriséculaire.
L'idée de Droit naturel n'est pas remise en cause par les révolutionnaires mais il y a quand même
quelques changements substantiels. Les auteurs classiques situaient la source du droit dans une
nature créée par Dieu, offerte en modèle. Les modernes, de leur coté, ramènent tout à eux, tout à la
nature humaine et tout à la Raison. Seul L'Homme pris en tant qu'individu est revêtu de droits, de
droits antérieurs à la société et que l'Etat a le devoir de reconnaître et de respecter. Ces droits
Subjectifs sont déduis par la Raison mais à partir de l'abstraction que constitue la Nature humaine.
C'est à la Loi qu'il appartient de les concrétiser.
Cette conception nouvelle l'intègre parfaitement. La loi est bien le fondement juridique des droits de
l'Homme. C'est la Loi qui détermine, qui limite et qui garantit les libertés consacrées par la
déclaration. Ce recours à la loi est indispensable parce que la logique individualiste des
révolutionnaires nie l'existence de règles naturelles, de liens sociaux régissant les rapports entre les
Histoire du droit
L2
individus. Il faut donc se tourner vers le Droit positif.
Ce qui se passe aussi, c'est le rôle joué pendant la Révolution (toute la Révolution), le rôle joué par
le législateur.
Le législateur révolutionnaire est appelé au cours de cette décennie à jouer un rôle capital : il a
développé les conséquences juridiques, les principes omnipotents nouveaux. Quelque part, le
législateur est omnipotent. Cette omnipotence est bien conforme à l'idée du légicentrisme. C'est un
travail pluriséculaire qui remonte jusqu'à J.BODIN.
Parce qu'elle émane de la communauté politique, représentée par ses députés, parce qu'elle est
l'expression de la volonté générale, la loi vaut pour tous sans exception.
Et donc, elle concerne le Droit public comme le Droit Privé (tout à fait nouveau).
Donc il n’est pas étonnant que les révolutionnaires considèrent la loi comme un outil de
transformation de la société.
C'est ce qu'on appelle "l'esprit du Droit intermédiaire" (le droit de la révolution) : la mise au sommet
de la Loi. (Le prof n’aime pas cette expression car à son avis le droit forgé par la Révolution n'est
pas un droit mis entre parenthèse, mais un Droit fondateur.)
§
2. L'effacement des sources concurrentes.
Ce qu'il y a dans cette nouvelle conception du Droit, c’est une forte dose de rationalisme. C'est le
maître mot des Lumières. Ce rationalisme tourne le dos à la tradition au passé, à l'expérience et va
réétudier les sources non législatrices du Droit : les coutumes, Le Droit romain, la jurisprudence, ou
encore le règlement.
a- Les coutumes et le Droit romain.
Les coutumes sont dénoncées par les révolutionnaires.
Un système archaïque, incohérent, contraire au principe d'égalité juridique. Or l'égalité juridique
passe par l'uniformité des règles. On va tenter de les faire disparaître mais certaines vont subsister,
comme par exemple les régimes matrimoniaux.
Cette condamnation (des Lumières aussi), n’est quand même pas très juste.
La coutume dans l'Ancien Régime n'est pas une source archaïque, incohérente car on a essayé de
concilier les différentes cultures.
Concernant le Droit romain, les révolutionnaires s'en méfient car c'est un droit impérial,
monarchique. C'est un Droit suspect.
Si, on maintient la droit romain, source de non-uniformisation. Le droit romain va donc être sacrifié
: rejet d'un droit étranger et la nécessaire uniformité juridique. Dans le midi de la France, on va
parfois le maintenir (dans le silence de la loi)
b- La jurisprudence.
C’est normal qu'elle soit supprimée. Les révolutionnaires disent que la loi est parfaite et infaillible :
il n'est donc pas nécessaire de l'interpréter. Le juge est donc contraint d'appliquer la loi de manière
mécanique (triomphe de la vision de Beccaria et de Rousseau). Les constituants vont d'ailleurs
imposer la théorie du syllogisme : une majeure, une mineure et une conclusion.
La Majeure c'est la loi, les faits constituent la mineure, la conclusion c'est le jugement.
Le problème du syllogisme judiciaire, c'est qu'on peut établir n'importe quoi.
Conséquence : les magistrats ne peuvent plus créer de jurisprudence. Voici ce que dit Robespierre
en Novembre 1790 : "Ce mot doit être effacé de notre langue. Dans un Etat qui a une Constitution,
Histoire du droit
L2
dans un Etat qui a une législation, la jurisprudence des tribunaux n'est autre chose que la Loi".
S'ils sont hostiles à la jurisprudence, les révolutionnaires paradoxalement en ont toutefois favorisé
l'émergence en décrétant la motivation des arrêts et la publication des décisions du Tribunal de
Cassation.
Il va falloir quand même attendre la loi du 28 Mars 1800 qui supprime ce qui bloque la création la
jurisprudence : le référé législatif. Le Code Civil de 1804 réintègre officiellement la jurisprudence.
Le juge retrouve ainsi sa liberté d'arbitrage.
c- Le règlement.
Au commencement de la révolution, il y a une très grande méfiance du pouvoir exécutif et on refuse
d'attribuer au Roi une capacité normative, même secondaire. Donc, la Constitution de 1791 va
disposer que le Roi ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations
conformes aux Lois pour en ordonner, pour en rappeler l'exécution. C'est la conséquence ultraradicale de la séparation des pouvoirs.
Alors la réalité institutionnelle est quand même un peu plus nuancée dans la mesure où on s'est
aperçu que quelques unes des proclamations royales avaient un caractère règlementaire. Il continue
d'exister. Ensuite, à partir de là, les autorités révolutionnaires vont prendre des mesures destinées à
compléter ou excéder les dispositions législatives.
Enfin, on retrouve ce pouvoir règlementaire lors du Directoire car l'exécutif peut créer du droit dans
le cadre d'une décision générale et impersonnelle, qui sont parfois même contraires aux textes
législatifs. C'est peut être la source juridique qui a le mieux résisté au légicentrisme.
Section 2 : La codification.
Cette codification participe à la logique rationaliste et légaliste qui triomphe à partir du XVIIIe
siècle qui se fait d’abord en Allemagne et en Italie.
En France, le mouvement de codification a connu des étapes : celle de la révolution et celle placée
sous l'égide de Napoléon Bonaparte qui va connaître le succès. On peut dire que si l’Ancien Régime
n'accouche pas de Code, l'Etat royal a quand même tenté à un moment de réunir les règles de droit.
Exemple : les grandes ordonnances de Colbert sous Louis XIV.
§
1 La codification révolutionnaire.
On est avec le primat de la Loi, avec cette activité intense du législateur, on a cru que la décennie
révolutionnaire offrirait de bons résultats de codification. En fait, les résultats limités.
a- le succès de la codification pénale.
On compte principalement 2 monuments juridiques :
- le Code Pénal de 1791 élaboré par le comité de législation criminelle de la constituante. Ce CP
prend en compte les principes de la DDHC. Il répercute aussi le principe de la légalité des
incriminations et des peines. Donc, on va contenir dans ce Code Pénal la liste exhaustive des
infractions ainsi la liste exhaustive des peines correspondantes. On va voir disparaître la législation
criminelle pour blasphème par exemple, le suicide, l'homosexualité (finit en tant qu'infraction).
C'est bien une oeuvre qui s'inspire des Lumières.
Il y a aussi des nouveautés dans la conception même de la peine : les peines vont être exemplaires,
Histoire du droit
L2
pas pour effrayer la population, mais cela sert à l’amendement du criminel, à la réhabilitation du
coupable.
C'est ici un voeu pieux qui explique que l'on préfère à la peine de mort les travaux forcés par
exemple. C'est un système qui est nouveau, qui se veut plus humain. Par exemple, on va supprimer
toutes les modalités d’applications de l'Ancien Régime : torture, la roue, l’amputation.
On essaie d'humaniser. Ce système a malgré tout des défauts, notamment au niveau de la légalité
des infractions et des peines. Il doit appliquer et ne peut donc distinguer de circonstances
aggravantes etc. Et pour ne pas affliger des peines trop lourdes, les jurys vont être tentés de
prononcer des acquittements : le fameux "acquittement scandaleux".
C'est un système qui est quand même en évolution par rapport à l'ordonnance de 1570.
- Le Code des Délits et des Peines de 1795. Là, on a voulu effacer un peu le souvenir des excès de
la période jacobine. On a voulu marquer par l’élaboration d’un nouveau Code Pénal, le retour à
l’esprit de 1789. C’est un Code qui porte essentiellement sur la procédure car il y a 596 sur 646
articles qui s'intéressent à la procédure. C'est un code qui revalorise les droits de la défense. Les
peines prévues sont à peu près celles instituées par le code de 1789. C'est un retour pur et simple à
l'esprit de la Révolution. Donc, il y a 2 camps : ceux de 1791 et ceux de 1795.
b- L'échelle de la codification civile.
Le 7 Juillet 1790, au sein de l'Assemblée Constituante a été exprimé le voeux de rédiger un code
général de lois simples, claires et appropriées à la Constitution. Les constituants eux vont consacrer
leur temps à l'élaboration du Code Pénal. La constituante va aussi intervenir en matière civile, mais
c'est rare que le constituant aborde la question du Code Civil, et il faudra attendre la Convention
pour voir les députés s'intéresser très officiellement à la rédaction du Code Civil. 2 projets qui
n'aboutiront pas. Le comité de législation de l'Assemblée présidé par Cambacérès va proposer 2
projets : en 1793 et en 1794 :
- Le premier projet est très marqué par l'idéologie révolutionnaire dans le domaine de la famille et
celui des successions. Il est divisé en 719 articles. Il va être très longuement discuté. D’Août 1793 à
Novembre 1793, il va être rejeté car les députés le trouvent trop compliqué et paradoxalement trop
juridique. Donc, on va décider de renvoyer le projet devant une commission de 6 philosophes et on
les charge de gommer les imperfections des juristes dont apparemment on se méfie. Le travail va
s'interrompre et ne reprendra jamais.
On va proclamer le gouvernement révolutionnaire.
- Le Second projet est présenté après la chute de Robespierre, toujours par le même comité de
CAMBACERES. C’est un projet plus court, plus libéral qui met l'accent sur la philosophie et sur la
morale, mais en fait, qui se réduit à une énumération de principes sans développement. La
Convention va discuter 2 articles sur 297 et va écarter cette nouvelle rédaction car on se dirige vers
une évolution conservatrice de l'assemblée.
Cambacérès ne cède pas et remet le projet en jeu en 1796. Le dernier projet sous le Directoire est
composé de 1104 articles conçus dans un esprit modéré. On y retrouve des emprunts faits au droit
romain, à la coutume de Paris, et des emprunt fait à la doctrine juridique avant le révolution, ex:
POTHIER.
C'est un code modéré, mais on y retrouve certaines avancées révolutionnaires telles que le divorce,
l'adoption, les qualités successorales. Justement, il reste encore trop d'esprit révolutionnaire dans
cette solution et le conservatisme des conseils va expliquer qu'on renonce à faire ce code.
A partir de 1796, on a l'impression que l'idée de codification civile va être mis au Second plan.
Histoire du droit
L2
L'idée de rédaction de Code Civil ne suscite qu'un intérêt limité. PORTALIS explique qu'on ne peut
faire de bon Code Civil au milieu de crises politiques. Tous les projets ont été emportés dans la
tourmente révolutionnaire.
§
2 La codification napoléonienne.
La mise en place du Consulat puis Empire, le rétablissement de l'ordre et d'une autorité
gouvernementale omnipotente sont les conditions idéales pour élaborer le Code Civil et Napoléon
Bonaparte pense que le tissu social perturbé par la Révolution a besoin d’être consolidé.
Donc, le Code Civil lui apparaît opportun : c’est une manière de doter la France d'une Constitution
civile pérenne. On va assister au Code Civil et la codification d'autre matières.
a- Le CODE CIVIL.
On a un arrêté consulaire du 1er Août 1800 qui institue une commission de 4 membres chargés
d'élaborer un projet de Code Civil. Dans cette commission, on va trouver des juristes plutôt
expérimentés, mais plutôt de l'Ancien Régime, et appartiennent aux deux grandes traditions de la
société française : tradition écrite et coutumière.
Ecrite : Naleville, PORTALIS => tendance romaniste.
Pays coutumier : Tronchet, Bigot De Préameneu.
Il a introduit Portalis dans le camp napoléonien. Cambacérès, furieux de ne pas être dans cette
commission, glissait des commentaires sous la porte. Ces 4 bonshommes, vont élaborer en moins de
6 mois un texte de 2 509 articles dont on a tout dit.
Il comprend un livre préliminaire consacré aux principes généraux du Droit et 3 livres qui traitent
respectivement des personnes, des biens et de la propriété.
L'ensemble est précédé du fameux Discours préliminaire de PORTALIS, résumé de la philosophie
qui anime une conception modeste du rôle du législateur.
Discours : "Les codes des peuples se font avec le temps, mais à proprement parler, on ne les fait
pas."
Le projet de la commission passe de la Cour de Cassation aux Tribunaux d'Appel pour avoir leur
sentiment. Ils font preuve d'observations plutôt techniques. Les juges vont pousser la commission à
conserver les acquis révolutionnaires notamment sur l'adoption et le divorce.
Napoléon a aidé au maintien du divorce. En Juillet 1801, le projet est discuté par la section de
législation du Conseil d'Etat, dans laquelle on a beaucoup d’anciens conventionnels (plutôt
républicains) et la section, elle va aussi pousser la commission à préserver les acquis
révolutionnaires dans de nombreux domaines. Après, va s’ouvrir la phase la plus longue du travail
préparatoire et, l’occasion de plus de 100 séances. Le projet est au début débattu. On va au cours de
ce travail mettre en place un simple titre préliminaire constitué par quelques articles. On va
maintenir le divorce par consentement mutuel et introduire l'adoption. On va progressivement
présenter ces projets au tribunat, on va soumette le projet au corps législatif. D’emblée, le Tribunat
est le plus critique. Napoléon exclut les tribuns qui s'opposent. On va soumette le projet au Sénat. Il
va obtenir le vote de toutes les parties du Code Civil. L’ensemble sera promulguée par la loi du 21
Mars 1804 : la France est dotée du Code Civil.
Revenons sur la philosophie de ce code et de son contenu. Si on écoute Portalis, le Code Civil serait
avant tout une oeuvre de transaction. C’est un double compromis : concilier le droit antérévolutionnaire et celui fait à partir de la révolution, concilier le droit coutumier et le droit romain.
En fait, si on scrute bien le Code Civil de 1804, on doit s’apercevoir qu'on ne minore pas les grands
principes de la révolution libérale. Ceux de 1789, par exemple : la promotion de la propriété. Ceci
est l'état d’esprit de 1789 et le fait de tenir compte de manière non-négligeable les acquis de la
Histoire du droit
L2
révolution montre que le Code Civil ne peut être qualifié d'oeuvre réactionnaire.
On trouve dans le Code Civil un double compromis :
- La synthèse entre le droit coutumier et le droit écrit
- La synthèse entre l'ancien droit et le droit qui s’applique après la révolution.
Pour le "droit intermédiaire" : Dans la codification napoléonienne, la part du « droit intermédiaire »
ne doit pas être minorée. On ne va pas retrouver les positions radicales jacobines dan le Code Civil,
mais on va trouver les grands principes de la Révolution Bourgeoise.
La promotion de la propriété en est un symptôme. Dans le Code civil, la propriété est considérée
comme plein et entière, c'est un droit exclusif.
Il en est de même pour la notion d'égalité juridique : telle que consacrée dans la DDHC de 1789, on
la retrouve dans le Code Civil. On ne revient pas à une société d'ordre, une société inégalitaire telle
qu’on l’a connue avant la révolution française.
Par exemple, en matière successorale, le Code Civil adopte le principe de l'égalité dans les
successions.
Malgré le Concordat signé entre la France et la papauté, le principe de la laïcité continue de
s'appliquer à l'Etat civil et au mariage.
C'est encore une avancée de la révolution. Le divorce va être maintenu.
Portalis : (Ce qui explique finalement la pérennité de la législation révolutionnaire): « Nous avons
respecté les lois publiées par nos assemblées nationales sur des matières civiles. Nous avons
respecté toutes celles qui sont liées aux grand changements opérés dans l'ordre politique et qui nous
ont parus évidemment préférables à des institutions usées et défectueuses. »
Dans le Code Civil, on retrouve aussi en partie l'Ancien Régime. On est allé chercher des idées dans
les ordonnances royales, dans les coutumiers rédigés dans le droit Romain et même dans le droit
canonique. Concernant les ordonnances, c'est à dire les Lois du roi, à bien scruter les emprunts de
1804, on s'aperçoit que les apports en Droit civil sont minces.
Là Portalis et les autres ont fondé peu de matières d'inspiration.
Il y a quand même certaines dispositions techniques qui ont été récupérées.
Daguessau, le chancelier a promulgué des ordonnances qui portent sur des matières de droit privé et
le comité de rédaction de 1804 va emprunter quelques dispositions techniques dans le code de 1804
notamment en matière de donation ou de testament.
Force est de constater que les solutions de Pothier sont reprises dans le Code Civil, et de ce fait le
droit commun coutumier irrigue le droit commun du XIXe siècle.
Autre exemple : la puissance paternelle. Dans le Code Civil, elle est mise en scène comme elle
l'était dans le droit coutumier.
Il en est de même pour l'autorité maritale. Dans le Code Civil, celle-ci est conforme à ce qu'elle était
sous l'Ancien Régime.
Le régime matrimonial communautaire vient directement de la source coutumière.
Le Droit Romain (le droit du midi, dit aussi "le droit écrit") influence aussi le Code Civil.
Le droit canonique reste une source mineure mais il y a quelques traces : la séparation de corps
vient du droit canonique de l'Ancien Régime.
 Le Code Civil apparaît comme un compromis, c'est une espèce de syncrétisme juridique.
C'était déjà le cas dans les projets de CAMBACERES (vu plus haut).
Histoire du droit
L2
b-Les autres codes napoléoniens.
Ils sont au nombre de quatre :
- 2 concernent le Droit privé,
- 2 concernent le Droit pénal.
On réitère pour élaborer ces 4 codes la procédure qu'on a utilisé pour le Code Civil :
- commission de rédaction,
- consultation des magistrats,
- mise en forme définitive par le Conseil d'Etat,
- in fine, examen par les Assemblées législatives.
Contrairement au Code Civil qui lui opère la synthèse du droit de l’Ancien Régime et du nouveau
droit, les 4 codes Napoléoniens sont eux marqués par l'Ancien Droit.
On a tout d'abord en 1806, un Code de Procédure Civile. A le lire, on s’aperçoit qu'il est largement
tributaire de l'ordonnance civile de 1667, qui codifiait déjà la procédure civile, ou du moins une
tentative, sous l'égide de Colbert.
Donc Bonaparte et les juristes en 1806 copient plus ou moins, globalement l'ordonnance.
Le deuxième code date de 1807, c'est le Code de Commerce.
On va s'apercevoir qu’on est dans la reproduction de l'Ancien Régime car ce dernier reproduit de
manière assez proche les ordonnances de 1673 (ordonnances sur le commerce) que l'on appelait à
l'époque le Code Savary. Et les ordonnances de 1681 et 1673 ont inspirées ce code.
Enfin reste la codification pénale en 2 temps :
En 1808 est créé un Code de Procédure Pénale.
En 1810 est un Code Pénal.
L'un et l'autre s'inspirent directement de l'ordonnance de 1670 (ordonnance mise en place sous
Louis XIV).
Ce qu'on peut voir de la codification napoléonienne est un retour à l'Ancien Régime. On ne revient
quand même pas aux peines archaïques de l'Ancien Régime.
Mais on revient sur des idées de 1789 comme la présomption d'innocence. On revient un peu sur
l'idée que but de la peine est de rééduquer le criminel.
Par exemple, le Code Pénal réintroduit pour les parricides la peine accessoire de l'ablation du poing
droit avant l'exécution capitale. C’est donc un retour certain sur l'Ancien Régime.
PARTIE II :
La France des notables.
1815-1870
La France cherche sa voie constitutionnelle pendant cette période.
Mais, on voit deux choses importantes : d'une part l'avènement du régime parlementaire, et d'autre
part l'enracinement progressif du suffrage universel.
On s'intéressera à l'évolution du droit avec deux temps : d'une part la rigidité des monuments
napoléoniens qui semblent pérennes et d’autre part on assistera à la mise en place d'une législation
Histoire du droit
L2
spéciale qui porte sur le travail, la fiscalité : des matières que le Code Civil et le Code de Commerce
n'ont pas forcément abordé.
CHAPITRE 1 : Les va-et-vient constitutionnels.
SECTION 1 : La Monarchie constitutionnelle (1815-1848)
§
1 La Restauration.
Il faut revenir à la première abdication de l'Empereur Napoléon Ier.
Il est à l'île d'Elbe. Une fois qu'il a abdiqué, on a le Sénat qui écrit une adresse au peuple français :
c’est l’acte du 4 Avril 1814. Le Sénat explique aux français qu'il s'agit "de rétablir la véritable
monarchie" mais "en limitant par de sages lois les divers pouvoirs qui la composent."
Et deux jours après, une commission rédige une nouvelle constitution.
Cette Constitution sénatoriale reconnaît que le gouvernement français est monarchique et
héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéniture : la Loi salique.
On retrouve donc d'anciennes lois de dévolution de la couronne. L'article 2 porte que le peuple
français appelle au trône un certain Louis Stanislas Xavier qui est le frère du dernier Roi. Cet article
2 est intéressant car ce qu'il dit est très clair : le peuple appelle librement un Roi.
Le Sénat dans cet article 2 et dans la constitution prétend créer la monarchie de toute pièce.
Il est prévu que la constitution sera soumise au peuple par ratification. Et le prétendant Bourbon est
prévu qu'il sera proclamé Roi des Français. On se retrouve un peu dans la configuration de 1791
("Roi des Français").
Il s'agit d’un véritable contrat, un pacte entre le peuple Français et le représentant de la dynastie des
Bourbons.
Louis XVIII va rejeter la Constitution Sénatoriale au nom de la tradition. Louis XVIII se prétend
Roi de France selon la Loi fondamentale.
Depuis 1795, il se considère comme un Roi de Droit.
Le contenu de la Constitution Sénatoriale mérite qu'on s'y arrête. Le projet marque une rupture avec
la tradition révolutionnaire mais aussi une rupture avec la tradition césariste. On peut voir à l'oeuvre
un constitutionnalisme conservateur mais aussi libéral qui emprunte tout à la fois des idées de 1789
et au modèle britannique.
La déclaration de Saint-Ouin traduit la volonté de Louis XVIII de renouer la chaîne du temps. Ce
qui s'est passé avant pour Louis XVIII est nul et non avenu.
Dans la déclaration, Louis XVIII se propose d'adopter une constitution libérale. C'est dans cet état
d'esprit qu'est élaboré le nouvel acte constitutionnel : la Charte du 4 Juin 1814.
Elle est communiquée en Chambre. C'est une charte "octroyée" par le Roi. Elle n'existe que de la
seule volonté royale.
D'ailleurs le terme de Charte relève du vocabulaire de l'Ancien Régime. Ce sont les seigneurs qui
accordaient les chartes.
Ce qui frappe dans le document constitutionnel : rien n'est prévu quant à la succession. On ne sait
pas comment la royauté passe en des mains différentes. Pour les rédacteurs de la Charte, il est donc
clair que la Loi salique va s'imposer.
Cette charte est donc un texte constitutionnel qui prend place dans l'ordonnancement traditionnel du
royaume. La Charte vient compléter les anciennes Loi fondamentales.
Le texte ne constitue pas la puissance royale.
Ce qu'on va trouver, c’est une simple règlementation de l'exercice du pouvoir royal.
Histoire du droit
L2
L'idée principale qui se dégage de ce texte constitutionnel est l'unité du pouvoir d'Etat. Le roi
détient le monopole de la puissance exécutive. Il est le chef suprême de l'Etat, chef des armées, c'est
lui qui est maître des relations internationales, c'est lui qui nomme à tous les emplois publics, y
compris ceux de justice.
Il y a un article 14 (très important par la suite) qui précise que le Roi peut faire les règlements et des
ordonnances nécessaires pour l'exécution des Lois et la sûreté de l'Etat. Cet article 14 est une sorte
d'arme nucléaire que le roi a à sa disposition pour les temps de crise.
Pour la fonction législative, on trouve que le roi a un pouvoir prépondérant : le Roi est le seul à
avoir l'initiative des lois.
Les chambres peuvent supplier le monarque de proposer une loi qui leur paraît répondre à une
nécessité d'intérêt général, mais les chambres n'ont pas l'initiative des lois.
Le Roi nomme les pairs et ce, en nombre illimité.
En plus, le Roi peut dissoudre la Chambre des députés.
Le pouvoir législatif est bicaméral (inspiration anglaise, c'est la première fois à part sous le
Directoire avec une sorte de bicaméralisme tronqué).
La chambre des députés est composée de 262 députés.
Les députés sont élus pour 5 ans. Pour être député, il faut avoir plus de 40ans, et payer au moins
mille francs de contribution directe. Donc on est revenu au système capacitaire : on a trié le corps
électoral.
A côté, on a une chambre des pairs. Ils sont nommés par le Roi, il peut les nommer à vie ou à titre
héréditaire : c'est le Roi qui choisit.
A regarder l'économie générale de la Charte de 1814, entre les pouvoirs exécutif et législatif, le
législatif est en dessous. La Charte se place plutôt dans la lignée de la Constitution de l'an VIII.
Mais même plus faible que l'exécutif, le législatif peut quand même dresser des obstacles.
1- Aucun impôt ne peut être établi s'il n'a été consenti par les deux chambres.
Cela signifie que malgré ces velléités de retour à l'Ancien Régime, Louis XVIII et les rédacteurs ont
conservé le principe de 1789 du libre consentement à l'impôt. Le fait de donner au gens un véritable
poids dans la politique fiscale, c'est déjà renoncer à l'Ancien Régime pour aller vers le régime
parlementaire. Nous sommes donc dans le domaine de la modernité.
2- Le roi a l'initiative des lois. Toutefois, toutes les lois doivent être discutées et votées librement
par la majorité des deux chambres.
La Charte accorde quand même au Parlement la possibilité d'empêcher. Cette possibilité établit
l'aspect constitutionnel de la royauté en 1814. C'est parce que le pouvoir législatif peut dresser des
obstacles à l'exécutif qu'on peut parler de Monarchie Constitutionnelle.
On ne peut pas encore parler de parlementarisme parce que les ministres sont responsables (art 13)
mais il s'agit d'une responsabilité strictement pénale, la Charte est discrète sur le contreseing
ministériel.
Comme on ne définit pas la responsabilité : c'est une responsabilité pénale.
Comme le Roi, dans la Charte est seul détenteur de la puissance exécutive, à proprement parler, il
n'y a pas de cabinet ministériel. Il ne peut pas y avoir de solidarité ministérielle.
Donc la Charte de 1814 ne crée pas le régime parlementaire. Par contre, c'est la pratique qui va faire
déboucher ce texte vers le parlementarisme.
a- Considérations générales.
Le 8 juillet 1815, c'est le retour définitif de Louis XVIII.
Histoire du droit
L2
Le 9 Juillet, on a la formation d'un ministère étonnant : Talleyrand, et Fouchet.
Chateaubriand : « j'ai vu le vice appuyé sur le bras du crime. »
En Août 1815, on a l'élection de la première Chambre des Députés et on assiste à l'élection d'une
chambre dominée par les ultras royalistes. On appelle cette chambre : la Chambre Introuvable.
A partir de là, on avoir entre 1815 et 1830, 3 phases qui vont se succéder :
- 1815 /1816 : le règne de la Chambre des Ultras, la Chambre Introuvable : on appelle ça la Terreur
Blanche.
- 1816/1820 : période au cours de laquelle les modérés, dits aussi les Constitutionnels
progressivement s'enracinent. C’est l'origine parlementaire.
- 1820/1830 : Cette période correspond aux royalistes. L’assassinat de l'hériter du trône va susciter
une réaction et faire élire des ultras. Cette période est dominée par les Ultras. Ces derniers vont
amener la Révolution.
Tout au long de cette période on a trois grandes familles parlementaires :
-Un centre : Dans lequel on trouve des royalistes modérés. Ils veulent l'application de la Charte
surtout dans l'esprit de stabiliser les droits constitutionnels par une monarchie limitée. On y trouve
Guizot.
- A Droite : Les ultras. Ils sont Contre-révolutionnaires. Ils veulent revenir comme avant.
On trouve Joseph de Mestre et aussi comme théoricien Louis de Bonald. Ce sont des penseurs
contre-révolutionnaires qui souhaitent le retour à la monarchie de Droit Divin.
Joseph de Mestre est l'un des grands penseurs politiques de l'époque. Il a une idée particulière de la
Révolution : la Révolution c'est la providence divine, châtiment de Dieu. Pour lui, la Révolution a
bien eu lieu.
Dans les Camps des ultras, on va trouver également Charles X, et Villèle, ou Polignac.
- A gauche : les indépendants, les libéraux (très peu sont républicains). La plupart sont monarchistes
constitutionnels mais ils veulent qu'on aille plus loin dans les libertés politiques. Le maître à penser
est Benjamin Constant.
La confrontation de ces 3 courants permet l'acclimatation progressive au régime parlementaire.
Donc, la naissance de ces traditions permet la mise en place progressive du parlementarisme.
Malgré le vide des textes, c'est la pratique qui va progressivement entraîner la mise en place du
régime parlementaire. Rien ne laissait prévoir cela dans la Charte. C'est plutôt le climat politique
qui préside.
Il y a aussi des auteurs qui ont une influence véritable qui vont faire prendre conscience comme
Benjamin Constant.
En 1815, les Ultras vont trouver que le régime parlementaire s’affaiblit. Paradoxalement : les ultras
vont lancer cette pratique qui va aboutir à la mise en place du parlementarisme.
Les ultras écoutent aussi beaucoup Chateaubriand qui va écrire un ouvrage politique très important :
La Monarchie selon la Charte.
La pensée de Chateaubriand converge à ce moment avec les idées libérales de Benjamin Constant.
Chateaubriand admet la nécessaire correspondance entre le ministère et l'opinion publique par le
biais de la Chambre des Députés.
C'est en d'autres termes, évoquer la nécessité de la responsabilité politique des ministres.
Histoire du droit
L2
En 1815, on a Vitrolles, un des inspirateurs de la déclaration de Saint-Ouin. Vitrolles, en 1815, suite
à l'influence de Chateaubriand, pense que l'irresponsabilité du chef de l'Etat doit déboucher sur son
effacement et derrière l'écran ministériel.
Progressivement, va apparaître l'idée qu'il faut mettre en place entre le pouvoir exécutif et le
pouvoir législatif un trait d'union, qui sera formé par les ministres réunis en cabinet et
progressivement on va voir plusieurs éléments se combiner pour donner constitutionnellement la
copie du régime parlementaire à l'anglaise.
Cet élément c'est la mise en place d'un cabinet. Le mot cabinet n'existe pas dans la Charte.
Le terme apparaît avec l'ordonnance du 9 juillet 1815 qui établit le ministère Talleyrand/ Fouchet.
Et dès le départ, le cabinet apparaît comme un organe solidaire, unitaire, distinct du monarque,
habilité à tenir des réunions hors de la présence du Roi (Les conseils de cabinet) mais sous la
direction d'un chef qui lui prendra le nom de Président du Conseil.
La solidarité des ministres de ce cabinet est sur le terrain politique et institutionnel la traduction de
la responsabilité. Il y a responsabilité parce qu'il y a solidarité.
A partir de 1815, s'instaure en pratique l'idée que le cabinet fait corps et que ses membres doivent
être responsables de la conduite des affaires.
Dans l'ouvrage de Chateaubriand, il insiste bien sur cette unité politique.
Deuxième élément qui favorise cette tendance, c'est le fait que le Roi Louis XVIII va jouer le jeu de
la responsabilité ministérielle.
Il va prendre l'habitude de choisir ses ministres dans la tendance majoritaire des chambres. Et à
l'inverse, il renvoie le cabinet qui n'a plus la confiance des chambres. Dans cette mise en place,
l’impact est considérable dans la pratique de la politique de Louis XVIII lui-même.
Louis XVIII est un anglophile convaincu et ce jeu parlementaire ne lui déplaît pas.
Troisième élément, c'est l'instauration d'un dialogue entre les gouvernements et les chambres. Ce
dialogue n'est pas prévu par la Charte. La Charte prévoyait simplement que les ministres pouvaient
être membres soit de la Chambre des Députés soit de la Chambre des Pairs.
On a précisé qu'ils pouvaient y être entendu. L’article qui suivait précisait que c'est devant les
chambres qu'ils devaient être accusés si la responsabilité pénale devait être mise en cause.
La pratique de l’adresse apparaît. Le roi fait chaque année un discours du trône dans laquelle il
présente les grandes lignes de sa politique. L'adresse va être au début comme une réponse au
discours du trône. Le deuxième moyen est l'examen des pétitions. C'est qu'à travers la pétition
discutée, on peut mettre en cause la politique gouvernementale. Ces pétitions permettent de
critiquer pour les chambres. Le gouvernement peut évidemment y répondre.
Ensuite, on trouve les questions posées aux ministres. On admet progressivement que l'exécutif se
doit d'informer le pouvoir législatif.
On trouve aussi la discussion du budget. La discussion va être pour les chambres l'occasion de le
critiquer. Il s'agit ici de discuter de manière détaillée comment on utilise les dépenses et les recettes.
Plus que tout autre chose, la discussion du budget s'est révélée comme la clef de voûte de
l'édification
du
régime
parlementaire.
La discussion du budget permet ce rapport étroit entre le Roi et les chambres.
Le dernier élément est la dissolution de la chambre des députés et la manière dont Louis XVIII
l'utilise. La conséquence de cette dissolution annoncée dans la charte fait de la nation l'arbitre entre
le Roi et le pouvoir législatif.
Louis XVIII va l'utiliser à 2 reprises de manière véritablement parlementaire. Il va demander aux
électeurs
de
trancher
des
crises.
Charles X lui, va utiliser cette arme comme une arme despotique.
Histoire du droit
L2
Par conséquent, soit la nation donne raison au roi et change la majorité ou alors le peuple est
content et renvoie la même majorité. Celui qui a perdu cède.
Le régime parlementaire s'enracine progressivement. Mais alors que le régime s'est enraciné, la fin
de la période va être marqué par des velléités entre ultras et absolutistes. On peut dire "la faute en
appartient à Charles X". Charles X, ultra, chef de file de cette tendance politique en 1824. Une fois
au pouvoir, il va tenter de débrider son ultra royalisme.
1829 marque le premier coup d'arrêt du parlementarisme.
Charles X (avec chambre modérée) promulgue une ordonnance en 1829, qui méconnaît les
nouvelles règles du parlement puisque cette ordonnance appelle au ministère Polignac, un ultra
alors que la chambre est modérée. Bien entendu, on applique le parlementarisme naissant : on se
trouve
en
conflit.
Puis, Charles X qui ne comprend pas la logique parlementaire va dissoudre la Chambre des Députés
et fait donc appel à l'arbitrage de la Nation.
Cette élection renvoie immédiatement la même majorité. L'opposition à Polignac est même
renforcée. Charles X refuse de tenir compte du verdict électoral et reconduit Polignac.
Ce qui va vraiment déboucher sur la Révolution de 1830, c'est le fait que le roi, sentant le blocage
des institutions par rapport à cette situation, va choisir d'utiliser l'arme atomique qu'est l'article 14. Il
va vouloir légiférer par ordonnance. Il va établir 4 ordonnances :
- 1830 : il suspend la liberté de la presse. Suspendre la liberté de presse est le corollaire
indispensable du régime parlementaire, c'est totalement attentatoire à la logique. Charles X le fait
quand même.
Il remet en vigueur une vieille loi de 1814. Il faut cadenasser la liberté d'expression. Aucun journal
écrit périodique ne peut paraître sans une autorisation préalable renouvelable tous les 3 mois. Non
seulement sont soumis à ce régime grand nombre de journaux mais aussi, les mémoires relatives
aux procès des sociétés savantes (articles scientifiques). C’est véritablement la mise en cage de la
liberté d'expression.
- la deuxième ordonnance dissout la chambre qui vient d'être élu. On dissout donc une deuxième
fois dans la foulée. La dissolution nouvelle, si on prend la Charte au pied de la lettre, elle n'est pas
anti-constitutionnelle. Mais elle ne va pas dans le sens de la logique parlementaire. Mais même s’il
ne viole pas la constitution formelle, on viole ici la constitution coutumière. Le roi se soucie très
peu de ce que pense le pays légal.
- La troisième ordonnance est une ordonnance qui veut selon les termes du texte réformer selon les
principes de la Charte Constitutionnelle les règles d'élection. C'est donc une loi électorale nouvelle.
Cette ordonnance change la procédure sur 3 points :
* Elle réforme l'utilisation des collèges électoraux.
* Le nombre des députés est abaissé.
* On va élever le cens électoral, on va inclure en prime des 1000 francs de contribution, l'impôt sur
les portes et les fenêtres, et le droit de faire du commerce.
Cette ordonnance diminue drastiquement le corps électoral.
On réduit le nombre d'électeur et on réduit de fait le nombre des éligibles. La réforme électorale
essaie de faire tomber cette classe sociale issue de la nouvelle bourgeoisie libérale issue de
l'industrie.
- La quatrième ordonnance convoque les collèges électoraux remaniés pour procéder à des
élections.
Si on regarde bien ces 4 ordonnances. Hormis la première qui correspond à un changement
Histoire du droit
L2
politique de nature réactionnaire, force est de constater qu'aucune ne va véritablement à l'encontre
de la Charte de 1814.
Le roi bloque l'ascenseur social. S’il n'avait pas touché les modalités électorales, on n’aurait peut
être pas fait la Révolution car la bourgeoisie libérale remarquable en ce temps là. Il s'agit d'une très
grave faute politique.
Le 26 Juillet 1830, Thiers qui est un opposant à Charles X et à Polignac écrit dans Le journal
constitutionnel, alors que le journal n'a pas le droit de paraître: "le Régime légal est interrompu.
Celui de la force est commencé. Nous sommes dispensés d'obéir".
L'insurrection débute en effet à Paris le 27 Juillet, ces trois jours jusqu'aux 30, on va les appeler les
Trois Glorieuses. Cette Révolution va aboutir à la chute de Charles X qui prend le chemin de
l'Angleterre.
Il n’est pas question de le rappeler, il a fait couler le sang du peuple. Les oppositions du front libéral
sont pour la République même si on a peur du jacobinisme, et même d'une guerre avec l'Europe.
Thiers : "La république nous exposerait à d'affreuses divisions, elle nous brouillerait avec l'Europe".
On va alors appeler Louis Philippe de la branche cadette des Bourbons, et il pourrait remplir le rôle
de Roi national. La première raison c’est qu’il est fils D'Orléans.
Louis Philippe est quelqu'un qui a participé au premier combat de la révolution car il s'était engagé
dans l'armée française. C'est un jacobin. Mais, il porte sur lui une sorte de syncrétisme : il incarne
les capétiens et rappelle les principes de 1789.
Il parait comme le personnage idéal pour éviter le retour des Bourbons et pour installer la
restauration. On va lui demander d'accepter la Charte révisée, et il acceptera de devenir le Roi des
Français. En 1830, on entame la Monarchie de Juillet.
§
2 La Monarchie de Juillet.
C'est une période qui va de 1830 à 1848. C’est encore une période de Monarchie constitutionnelle.
Va se terminer au cours de cette période l'apprentissage du parlementarisme.
La première question à trancher est celle de la légitimité du nouveau monarque.
Louis Philippe d'Orléans n'est pas censé monter sur le trône normalement.
Il faut donc lui trouver une légitimité. On ne peut pas invoquer le droit dynastique.
Le trône n'est vacant que du fait de la violence révolutionnaire. On est dans l'état d'exception.
D'autre part, Louis Philippe ne peut pas se présenter comme un délégué de la souveraineté
nationale.
Finalement, c'est la révolution qui passe pour la source de la légitimité de Louis Philippe. On va
expliquer que ce nouveau monarque a été choisi par la Nation pour restaurer l'ordre constitutionnel
bafoué par Charles X. Mais on va essayer de truffer cette légitimité par des droits dynastiques.
Louis Philippe serait le seul à pouvoir rétablir le droit constitutionnel. Il est issu des Bourbons, et la
Nation invoque le seul Bourbon capable de rétablir l'ordre constitutionnel.
Louis Philippe, pour certains opposants, sera un usurpateur. Alors que ceux qui ont fait la révolution
le présentent comme le Roi-citoyen. Sous sa houlette, il va y avoir un aménagement du nouveau
régime. Il faut toiletter la Charte.
Elle est révisée en Août 1830, c’est donc très rapide. Cette charte révisée, on va l'appeler "La Charte
Bérard". Il y a quand même des choses très nouvelles : la Charte de 1830 n'est plus octroyée, elle
émane de la volonté nationale. Ce n'est plus une concession du Roi.
D'ailleurs, la souveraineté redevient nationale.
Histoire du droit
L2
Le nom du Roi indique qu'on n’est pas tout à fait dans la chaîne du temps en plus.
Son nom : Louis Philippe Ier au lieu de Louis. On entend donc pas continuer la dynastie capétienne
:
on
est
véritablement
dans
une
nouvelle
monarchie.
En 1830, les constituants entendent bien créer quelque chose de nouveau.
L’autre signe révélateur de la rupture est le retour du drapeau tricolore. Ce qu'indique l'art 67 de la
Charte : "La France reprend ses couleurs. A l'avenir, il ne sera plus porté d'autre cocarde que la
cocarde tricolore".
Autre indice : l’article 6 : « Le catholicisme cesse d'être religion d'Etat, il devient la religion
professée par la majorité des Français. »
L'art 7 récompense les journalistes libéraux : « La censure ne pourra être rétablie. »
Deux évènements viennent très tôt parfaire cette révision de la Charte :
- D'abord, la loi électorale du 19 Avril 1831.
Non seulement on a augmenté le nombre de députés, mais on a abaissé le cens. Désormais pour
pouvoir voter, il faut payer entre 200/300 Francs de contribution directe (avt 1000 francs). On
maintient le suffrage censitaire, et on augmente donc le corps civique.
- La loi du 29 Décembre 1831.
Cette Loi réalise la réforme de la Chambre de Pairs. On va supprimer l'hérédité, on institue la rente
viagère. On établit par la loi les catégories sociales dans lesquelles le Roi doit effectuer le choix des
pairs. Ce faisant, on réduit la marge de manoeuvre du pouvoir exécutif dans son contrôle de la
chambre haute.
Si cette réforme correspond à une libéralisation, elle indique aussi un changement de société. Jusque
là, on trouve les terres dans l'aristocratie et notamment l'aristocratie terrienne. A partir de 1830, on
prend en compte le fait que cette classe là ait donné des signes réactionnaires, mais on voit aussi
que la société est en train de changer. On est au début de la révolution industrielle. La révolution de
1830 tente de faire coïncider le pays légal avec le pays réel.
Donc, on prend en compte les nouveautés et les partisans de Louis Philippe sont les capitaines
industriels, le monde de la banque, etc.
C'est dans ces catégories nouvelles que le régime de Juillet va trouver ses principaux appuis. C’est
un chef-d'oeuvre tactique.
La Monarchie de Juillet durant ses 18 ans d'existence, permet l'ajustement définitif des rouages
parlementaires.
La révision de la Charte va permettre, par exemple en donnant aux chambres l'initiative des lois. On
va aussi rendre publiques les séances de la Chambre des Pairs. La transparence, l'information est un
instrument du régime parlementaire. Et puis, la Charte révisée permet de bien distinguer entre la
responsabilité pénale des ministres et le principe de la solidarité gouvernementale. On n’est plus
dans le flou comme en 1814. On entre pleinement dans le régime parlementaire.
Toutes le techniques esquissées au cours de la période précédente, à savoir l'adresse au roi,
discussion du budget etc., vont se développer.
C'est très tôt que va apparaître le système de la question de confiance. Cela date de 1831 et inauguré
à
cette
date
par
la
Président
du
Conseil
:
Casimir
Perrier.
C’est le premier Président du Conseil à poser la question de confiance à la Chambre des Députés et
à la Chambre des Pairs.
Histoire du droit
L2
La question de confiance est destinée à affirmer la cohésion de la majorité sur laquelle s'appuie le
gouvernement. Cette question est donc très importante.
Ce qui va poser problème, au regard de la Charte révisée, c’est le rôle du monarque.
La question va se poser essentiellement à partir de 1839. Les premiers Chefs du Conseil tentent de
maintenir le Roi comme à l'anglaise, surtout dans l’expectatif. On relègue le roi dans ses
appartements au moment des conseils. Louis Philippe va tenter de s’interresser : certains
l'admettent, d'autres pas.
On sait qu’à partir de cette date, Louis Philippe va vouloir jouer un rôle.
Thiers qui incarne la France progressiste du libéralisme, le parti du mouvement veut confiner Louis
Philippe dans le rôle limité.
Thiers "Le Roi règne, mais il ne gouverne pas".
Face à lui, il y a François Guizot, libéral qui incarne plutôt la Droite, le parti de la résistance, pas
très favorable aux réformes. Il pense que la Monarchie de Juillet est le régime idéal. Guizot ne
partage pas l'avis de Thiers, il veut que le roi gouverne : et il répond "Le trône n'est pas un fauteuil
vide".
A ce moment là, alors qu'on est en train de consolider le régime parlementaire, apparaît la
distinction entre 2 traditions du parlementarisme français :
1- La tradition moniste (portée par Thiers). On ne rend le cabinet ministériel responsable que devant
le législateur, avec un roi aux pouvoirs limités.
2-La tradition parlementaire dualiste. Dans cette tradition parlementaire dualiste, le roi n'est pas
relégué à des tâches secondaires, et il y a pour le cabinet ministériel une double responsabilité :
devant le Parlement et devant le Chef de l'Etat. Cette forme on l'appelle aussi "l'orléanisme
politique".
Le régime de la monarchie de Juillet va à partir de 1840 se fixer dans l’immobilisme politique et
social. C’est sans doute en grande partie le faute de François Guizot qui tient le gouvernement (il est
président du Conseil ou un ministre important). Sa vision va amener la révolution de 1848.
Guizot au pouvoir fait intervenir le roi de manière active. Il est partisan du parlementarisme actif
(dualiste). Il a une vision dépassée et une grande méconnaissance de l’évolution sociale. C’est un
représentant de la bourgeoisie dont le père était girondin sous la Révolution, victime de La Terreur.
A ses yeux, on a atteint le point d’équilibre. C’est un peu comme Aristote, il cherche la voie
moyenne. Avec le régime de Louis Philippe, il pense qu’on a la meilleure constitution possible et
reste sur le schéma de 1789 même si c’est un historien. Pour lui, la Monarchie de Juillet se trouve
entre la République jacobine dans sa conception terroriste et la Monarchie absolue.
En 1840, on n’est pas du tout dans la même situation sociale et économique. La France connaît une
mutation sociale et politique. Elle est au début de la Révolution industrielle.
La première erreur de François Guizot est de croire que la bourgeoisie à qui il appartient peut être
considérée comme la classe moyenne mais en 1840, c’est devenu l’élite, la nouvelle aristocratie. La
classe moyenne de Guizot s’est déplacée au sommet de la pyramide sociale.
Sa deuxième erreur est qu’il n’a pas compris la réalité de la loi du nombre, du suffrage universel
auquel il est hermétique. Quand on lui demande d’abaisser le cens électoral donc élargir le corps
électoral il répond « enrichissez-vous ». Il n’a pas compris que le choix était le suffrage universel
soit dans le sens plébiscitaire comme sous le Second Empire, soit dans le sens démocratique et
représentatif comme sous la IIIe République.
Histoire du droit
L2
A ceci s’ajoute, vers la fin de la Monarchie de Juillet, la mise en exergue de scandale : népotisme
dans la fonction publique,… L’opinion publique va délaisser le régime de Louis Philippe et
l’opposition va pouvoir organiser la Révolution de 1848.
Section 2 : La loi du nombre
§
1 La Seconde République
La Monarchie de Juillet tombe en Février 1848 suite à la campagne des Banquets. L’opposition
républicaine s’est reformée pour combattre Louis Philippe et Guizot. Avant, elle n’avait pas les
moyens de se manifester publiquement (suppression de la liberté publique,…). Ils ont une idée :
organiser des repas privés dans lesquels l’opposition est manifestée.
La révolution a lieu à Paris. La révolution n’est pas confisquée puisque c’est la République qui
s’installe le 24 février 1848. On met en place un gouvernement provisoire de la République
française.
Sur le plan interne, en 1848, la situation a changé. Il y a un véritable enthousiasme pour la
République.
Enthousiasme chez les républicains :
- républicains institutionnels
- républicains pour le mouvement social.
Les légitimistes sont ravis de tordre le coup de Louis Philippe l’usurpateur. Même les catholiques
sont contents de cet événement car c’est l’achèvement de l’évangile.
Sur le plan international, la donne a changé. 1848, c’est le printemps des peuples. Il y a des
révolutions partout en Europe : Allemagne, Prusse, Vienne, Italie, Pologne. C’est un grand moment
d’émancipation populaire.
La Révolution de 1848 (mini révolution de quelques jours) est très bien acceptée par l’Europe,
change les données mises en place au Congrès de Vienne.
Dès le départ, il y a une ambiguité : quelle République mettre en place ?
Cette interrogation explique que la Seconde République qui dure 3 ans est l’histoire de tensions
récurrentes :
- entre républicains et mouvement socialiste
- entre bourgeoisie et notables
- assemblée et Louis Napoléon Bonaparte élu Président de la République en 1848.
a- Le gouvernement provisoire
Le 24 Février sort du château de l’Hôtel de Ville de Paris le gouvernement provisoire dont la
légitimité est purement insurrectionnelle. On y trouve des gens très variés :
- Le poète LAMARTINE qui est un admirateur des Girondins. Il a écrit Histoire des
Girondins en 1847. C’est un républicain modéré. Il veut faire oublier le Comité de Salut
Public et la Terreur.
- LEDRU-ROLLIN qui est un républicain modéré comme Lamartine.
- Louis BLANC qui est socialiste
- ALBERT qui est ouvrier.
Le gouvernement se situe entre le républicanisme modéré et le républicanisme radical voire le
socialisme.
Il y a en fait deux véritables tendances :
- ceux qui jusqu’en 1848 gravitaient autours du Journal La Réforme, plutôt socialiste dans la
lignée de Blanc.
Histoire du droit
L2
- Ceux qui gravitaient autours du Journal Le National, plutôt républicain institutionnel comme
Ledru-Rollin
Ce gouvernement est un peu la boîte de Pandore. On trouve 3 catégories de dirigeants :
- les membres du gouvernement qui sont ministres
- les membres qui ne sont pas ministres
- les ministres qui ne sont pas membres du gouvernement. Ce sont des auxiliaires du
gouvernement.
Le clivage est très rapidement entre les républicains institutionnels et les républicains radicaux.
Quand il y a la Révolution, le peuple en arme a porté le drapeau rouge de la Révolution, il a fallu
toute la force de persuasion de Lamartine pour leur faire accepter le drapeau tricolore. Ce
gouvernement va s’auto-attribuer, alors qu’il n’a qu’une légitimité institutionnelle, la plénitude du
pouvoir législatif. Il va entreprendre un programme de réformes, notamment la mise en place des
ateliers nationaux (revendications sociales). A l’époque de la Révolution à Paris, beaucoup de gens
sont sans travail. Il s’agit de mettre à bas l’héritage de la Monarchie de Juillet.
A partir du 24 Février, le gouvernement va s’atteler à des réformes qui vont dans le sens de la
devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.
Dans la liberté, on a :
- L’abolition de la peine de mort en matière politique, Victor Hugo l’a demandé. C’est l’une
des premières mesures du gouvernement provisoire. C’est une concession de la part des
républicains modérés. C’est une manière de couper le cordon avec La Terreur et de rassurer
les français. C’est une mesure romantique, socialiste mais c’est aussi une tactique politique.
- Les lois sur la restriction de la liberté de la presse sont supprimées et proclame à nouveau la
liberté entière de la presse.
- Dans le sens de cette révolution romantique, l’esclavage est aboli grâce à Victor Schoelcher.
C’est une mesure hautement symbolique.
Dans l’égalité, on a :
- Suppression des titres de noblesse. C’est également l’une des premières mesures du
gouvernement.
- Consécration du suffrage universel direct. On veut aller plus loin dans l’égalité juridique.
1848 est un grand moment de la fraternité. La République fraternelle se traduit également par la
garantie de travail à tous les citoyens. C’est une République un peu messianique dans la fraternité,
la solidarité. Les républicains veulent réunir les français. Beaucoup de catholiques rejoignent cette
République. Il y a une dimension syncrétiste. Il faut faire accepter la République pour tous.
L’une des mesures les plus importantes c’est la consécration du suffrage universel. Ca fait
longtemps qu’en France on ne l’a pas pratiqué et du jour au lendemain on passe de 170 000 à 9
millions d’électeurs. C’est un suffrage uniquement masculin. C’est le signe le plus évident du
passage de la Monarchie de Juillet à la République.
Le problème c’est que les membres du gouvernement provisoire ont peur du suffrage universel. Les
villes comme Paris vont donner leur voix à la République mais les campagnes qui sont soumises à
l’influence des curés, des notables ? On a des textes du ministre de l’intérieur Ledru-Rollin qu’il
envoie au préfet (les préfets sont appelés les commissaires de la Républiques) leur demandant
d’éclairer les électeurs , jouer leur rôle d’agent du gouvernement. Il faut voter pour le
gouvernement. La Seconde République au niveau de la pratique démagogique n’a rien à envier à la
Restauration ou à l’Empire. Les Républicains ont peur du suffrage universel.
Le gouvernement prend tout d’abord un décret du 5 mars qui modifie les modalités électorales :
- l’âge électoral est abaissé à 21 ans
Histoire du droit
L2
- le suffrage universel est direct
- l’éligibilité est accordée à 25 ans
- les militaires peuvent voter
- la condition de résidence est envisagée avec beaucoup plus de souplesse.
On ouvre le corps électoral.
Il s’agit d’envisager l’élection d’un monument : l’Assemblée Nationale Constituante forte de 900
députés. On voit revenir la tradition révolutionnaire de l’Assemblée unique et nombreuse.
La nature confidentielle du vote, on impose le vote secret. Bulletin est rempli avant que l’électeur
n’arrive. La rupture est radicale par rapport à la monarchie censitaire. Le gros problème auquel se
heurte le gouvernement provisoire c’est l’éducation du peuple.
Est-ce que dans les campagnes, la République s’est intégrée ? C’est la question que se pose les
constituants jusqu’au 23 Avril 1848, date de l’élection de l’Assemblée nationale.
Il y a environ 8 millions d’électeurs qui se déplacent soit 83,69% de participation.
Les hommes du gouvernement provisoire ont raison de se méfier. L’assemblée constituante est en
décalage avec la couleur du gouvernement. C’est une assemblée modérée. C’est une sorte de rejet
de la révolution, de méfiance envers les républicains socialistes. C’est une condamnation du
radicalisme parisien.
On va avoir au niveau de la composition de l’assemblée 3 grandes forces :
- une centaine de républicains avancés, progressistes naviguent autour de quelques idées
socialistes (ce sont ceux qui ont été sanctionnés).
- 300 monarchistes appelés les « républicains du lendemain », monarchistes qui ont fait
campagne pour la République. Cela montre tout le poids des élites locales, des notables.
- Le bloc majoritaire est constitué de 500 républicains qui sont modérés en deçà des
républicains qui siègent au gouvernement provisoire.
C’est bien le rejet de la monarchie et l’expression d’une certaine méfiance d’un républicanisme
radical, trop révolutionnaire, trop parisien.
On compte une trentaine d’ouvriers. Dans la tradition des révolutionnaires, l’assemblée est
composée majoritairement de juristes, d’hommes de lois. La tradition est respectée. Lors de la
séance inaugurale du 4 mai 1848, la République est enfin et officiellement proclamée. On a la
légitimité du suffrage universel.
Cette République du 4 mai qui a pris ses distances avec la République insurrectionnelle. On voit le
jeu des ambiguités, une République qui correspond aux vœux du pays. L’événement qui va achever
cette Seconde République. Ce sont les journées de juin 1848 à Paris, on a un nombre d’ouvriers
chômeurs très importants jusque là occupés dans les Ateliers nationaux mais il est question de les
fermer et de jeter ces personnes à la rue. On a entre le 23 et 26 Juin des journées insurrectionnelles
qui sont sévèrement réprimées par les troupes d’Eugène Cavaignac. C’est une République qui dirige
les troupes qui tirent sur les ouvriers.
Ces journées sont très importantes car elles vont accélérer l’évolution du régime républicain qui
n’est plus conforme à l’esprit des révolutionnaires de février 1848. Elles vont prononcer le divorce
entre la classe ouvrière et la République. A partir de là, cela explique la très grande méfiance du
mouvement socialiste envers la République. Il faudra attendre Jean Jaurès pour que le socialisme
réintègre la République.
Ces journées de juin ont pour effet de renforcer le conservatisme de l’Assemblée constituante. C’est
à ce moment qu’apparaît le parti de l’ordre qui réunit tous les députés qui veulent l’ordre social et
qui ont peur de la Révolution. Ce parti va dominer l’assemblée et diriger la République vers le
conservatisme.
Ce glissement conservateur permet l’apparition de la réunion de la rue de Poitiers ou Parti de l’ordre
qui est une coalition des droites dans laquelle on voit Locke, une minorité de légitimistes et enfin
une frange de républicains qui basculent dans le conservatisme. C’est la peur de l’anarchie. Un
indice est que comme chef du gouvernement et Président du Conseil, il désigne des modérés qui ont
Histoire du droit
L2
siégé dans la Monarchie de Juillet.
b- La Constitution du 4 novembre 1848.
C’est un texte court : 116 articles réunis en 12 chapitres. Il y a un préambule important qui rappelle
les grands principes de la Révolution et qui se veut en osmose avec le contexte de 1848. La
République est placée sous la protection du progrès et de la civilisation. La République a pour
action de faire accéder tous les citoyens à un degré plus élevé de moralité, de bien être et de
lumière. La République a pour principe la liberté, l’égalité et la fraternité mais elle a aussi pour base
la famille, le travail, la prospérité et l’ordre public.
La Constitution met en place les pouvoirs suivants :
- Le pouvoir législatif : une assemblée unique qu est forte de 750 membres élus pour 3 ans.
La forme législative a fait débat, des constituants ont tenté de défendre le bicamérisme mais ils ont
été balayés car elle correspond à la tradition monarchique. Il y a la volonté derrière ce rejet du
bicamérisme de mettre en place un pouvoir qui représente l’unité nationale : Lamartine : « Avons
nous 2 nations pour avoir 2 chambres ? ». Cette assemblée a l’initiative des lois partagée avec
l’exécutif.
-
Le pouvoir exécutif : une nouveauté, le titulaire de l’exécutif est le Président de la
République.
Il est élu au suffrage universel, devra être de nationalité française, avoir au moins 30 ans et ne pas
avoir perdu sa nationalité. Il est élu pour 4 ans et il est non rééligible immédiatement, après 4 ans il
peut revenir. Le Président de la République doit prêter serment devant l’Assemblée Nationale et il
jure fidélité à la République démocratique une et indivisible. Ces attributions sont encadrées par le
pouvoir législatif. L’exécutif peut proposer un projet mais pour qu’il puisse être présenté par les
ministres, il doit passer l’examen préalable du Conseil d’Etat.
Or, le Conseil d'Etat tel qu’il est organisé dans la Constitution est totalement dépendant de
l’assemblée (c’est elle qui nomme le Conseil d'Etat). Le Conseil d'Etat est un auxiliaire de
l’assemblée. C’est donc une manière d’enrayer l’action législative du Président de la République.
La Constitution dit aussi que c’est le Conseil d'Etat qui prépare les règlements d’administration
publique, qui fait seul ceux de ces règlements à l’égard desquels l’Assemblée Nationale lui a donné
une délégation spéciale. Donc l’essentiel du pouvoir.
La révocation des agents publics n’est valable qu’après que le Conseil d'Etat ait donné sa
délégation. C’est la même chose pour le droit de grâce réservé au chef de l’Etat mais après avis du
Conseil d'Etat. Enfin le Président de la République peut ratifier des traités mais aucun n’est définitif
s’il n’a pas été approuvé par l’Assemblée Nationale. Le Président de la République est censé
décider de la défense mais il ne peut entreprendre une guerre ou une opération sans le consentement
de l’Assemblée Nationale. Et enfin le Président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée
Nationale.
Cette séparation des pouvoirs est rigide. Autour du Président de la République, on trouve les
ministres : la Constitution de 1948 manque de clarté sur la Responsabilité politique pour autant il
semble bien qu’on ait intégré dans la pratique Constitutionnelle l’idée d’une Responsabilité
politique des ministres. La Constitution mentionne la nécessité du contreseing ministériel qui
permet aux ministres d’endosser la Responsabilité du chef de l’Etat. Le problème de 1848 est qu’on
est dans un parlementarisme moniste, mais ce qui hypothèque le bon fonctionnement du régime
parlementaire est cette séparation rigide. Il semblait évident que très rapidement le Président de la
République pourrait rentrer en conflit avec l’Assemblée Nationale et la seule solution est le coup
d’Etat de 1851 le 2 décembre.
Histoire du droit
L2
L’élection du Président de la République aura lieu le 10 décembre 1948 : Ledru-Rollin (républicain,
un petit peu radical), Raspail, Lamartine (un des rares révolutionnaire qui en juin 1848 s’est déclaré
outré par la répression sur les ouvriers), Cavaignac et Louis Napoléon Bonaparte (le neveu de
Napoléon 1er). Louis Napoléon Bonaparte n’a pas la stature de Napoléon Ier. Il fait partie des
sociétés secrètes républicaines qui, en Italie, veulent établir la République. Il a un passé de
révolutionnaire. Il a tenté sous la Monarchie de Juillet un coup d’Etat qui a été un fiasco et il a été
condamné au fort de Arn. C’est quelqu’un qui a intégré dans sa vision politique une dimension
sociale. En 1839 il a fait paraître un fascicule : l’instruction du paupérisme ou extinction du
paupérisme ??.
Guizot va dire concernant Louis Napoléon Bonaparte : « C’est beaucoup d’être à la fois une gloire
nationale, une garantie révolutionnaire et un principe d’autorité ».
Louis Napoléon Bonaparte incarne tout ça et sa candidature va être porté par la légende
Napoléonienne. Dans les années 1830, on s’est souvenu de la grandeur du génie Napoléon et ait
apparu sa légende. Sous la monarchie de juillet, on est allée chercher les cendres de l'empereur à St
Hélène et on l'a porté aux invalides
Tiers estime : « C’est un âne que l’on mènera ».
Le 10 décembre 1848, il obtient 5,5 millions de voix et est élu avec une grande majorité, Cavaignac
1.4 millions, Ledru-Rollin environn 36000, et LAMARTINE 17000 voix.
Au delà de cette victoire qui indique le rejet des institutions parisiennes par la grande masse
paysanne, cette élection permet de mesurer toute la méfiance qu’a le pays envers les Républicains
avancés (progressiste).
La deuxième élection capitale est celle de l’Assemblée Nationale le 13 mai 1849. Il y a plus de
31% d’abstention. La gauche révolutionnaire fait 100 députés, on a 200 démocrates sociaux, qui
sont plus à gauche que la gauche républicaine et qui représente la réaction des villes pour envoyer
un groupe assez compact du mouvement social et 450 députés conservateurs qui vont avoir le
pouvoir au sein de l’Assemblée Nationale.
L’Assemblée Nationale est conservatrice et le Président de la République est inclassable pour
l’instant. On va vers une crise. La République romantique a totalement changé.
§
2 La seconde République.
La Constitution de 1848 s'inscrit dans la tradition républicaine car on retrouve le système de
l'assemblée unique, et quelque part un recul par rapport à ce qui s'est passé depuis 1815. C’est un
retour de la tradition républicaine.
En 1849 a lieu l’élection d'une assemblée nationale conservatrice. C’est la victoire du parti de
l'ordre. L'enjeu de la Seconde République à ce moment là, c'est le conflit entre le Président et
l'Assemblée. Louis Napoléon Bonaparte est Président de la République et n'a pas le droit de
demander une réitération de son mandat. Louis Napoléon Bonaparte va se couper définitivement de
l'Assemblée. En 1849, l'Assemblée Nationale oblige le Président à valider l'intervention française
en Italie. A Rome s'est mise en place une République. La France va intervenir pour rétablir la
papauté dans ses prérogatives. Le Président de la République va prendre position contre
l'intervention française en Italie.
Il y a un deuxième domaine où le Président se coupe de l'assemblée: le sujet du suffrage universel.
L'assemblée veut revenir au suffrage censitaire. La loi du 31 mai 1850 vise à restreindre l'exercice
du droit de vote. Par exemple, on va multiplier les cas de déchéance électorale, exiger un domicile
Histoire du droit
L2
fixe d'au moins trois ans. On restreint le corps civique.
Immédiatement, Louis Napoléon Bonaparte défend le suffrage universel et critique la loi électorale,
et se positionne contre l'Assemblée. Louis Napoléon Bonaparte, son problème c'est sa réélection.
A partir de 1850, commence à s’agiter l'idée d'une révision de la Constitution. Les auxiliaires du
gouvernement à ce moment là ce sont les préfets (agents du gouvernement, pas de l'Etat). A partir
de 1851, on voit partout en France les préfets lancer une pétition demandant la révision
constitutionnelle. Cette pétition va recueillir un peu plus d'un million de signatures.
Le 19 juillet 1951, la question de la révision est posée à l'Assemblée Nationale. L'assemblée rejette
la motion, même si 446 députés votent pour la révision. Mais, il faut les trois quarts de l'assemblée.
Dans ce vote, il est intéressant de voir que les légitimistes (ceux fidèles au souvenir des Bourbons)
ont voté pour la révision. Les orléanistes (favorables au régime de 1830) ont également voté pour.
Par contre, ce sont les républicains qui ont fait capoter le projet de révision.
Le18 Juillet 1851, il n’y aura pas de révision constitutionnelle et ne permettra pas à Bonaparte
d’accéder de nouveau au pouvoir légalement. La seule solution est le coup de force.
Le 2 Décembre 1851 est une date symbolique chez les bonapartes.
Le prince président prend immédiatement une série de décrets: dissolution de l'Assemblée
Nationale et du Conseil d'Etat (auxiliaire de l'assemblée).
Louis Napoléon Bonaparte va justifier la dissolution de l'Assemblée par "le salut républicain". Il va
expliquer que le Conseil d'Etat et l'Assemblée sont un foyer de complot contre la République.
Quelque part, ce que veut montrer Bonaparte, c'est qu'il rend au peuple français sa souveraineté
constituante. Il veut défendre le suffrage universel. Il se veut le garant de l'expression populaire.
Parmi les décret, il y a l'abrogation de la loi de 1850, le rétablissement du suffrage universel plein et
entier, et dans cette foulée, il y a la convocation des électeurs pour un plébiscite. La question qui va
être posée aux électeurs qui composent le peuple est la suivante :
"Le peuple français veut le maintien de l'autorité de Louis Napoléon Bonaparte et lui délègue les
pouvoirs nécessaires pour établir une Constitution".
Ce coup d'Etat a quand même suscité une assez forte résistance. Ce que fait Louis Napoléon
Bonaparte, c'est ce qu'a fait son oncle: il étrangle la République.
En province, ont lieu plus de 25 000 arrestations.
Directement après le Coup d'Etat, on va mettre en place des tribunaux spéciaux qui doivent épurer
le corps civique et les fonctionnaires (on appelle ça des commissions mixtes).
Les 20 et 21 Décembre 1851 a lieu le plébiscite.
Résultats : 7.4 millions de "oui" et 640 000 "non".
On doit noter quand même l'importance du vote négatif. Bien entendu, relativement au oui, le non
n’est pas lourd. Mais quand même plus d'un demi million de citoyens refusent le coup d'Etat.
Louis Napoléon Bonaparte dira : "La France a répondu à l'appel loyal que je lui avais fait. Elle a
compris que je n'étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit".
§
2 Le Second Empire.
A partir du coup d'Etat, va s'écouler presque un an pendant lequel le régime bonapartiste n'est pas à
proprement parler le Second Empire. On va maintenir la République, et ce n'est qu'au bout d'un an
qu'on va passer au rétablissement de l'Empire. On va « toiletter » la Constitution. Ce régime est une
sorte de dictature qui a la façade de la République. Le contenu est monocratique. On voit se répéter
ce qui s'est passé sous le Consulat.
Le 14 Janvier 1852, on promulgue une nouvelle Constitution.
Ce n’est pas officiellement l'Empire encore, mais un nouveau régime se place dans la tradition du
Histoire du droit
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Premier Empire. Louis Napoléon Bonaparte comme l'avait fait Napoléon Premier va proclamer son
attachement à la France régénérée de 1789. On accepte l'héritage de 1789. C’est aussi une manière
de condamner la Restauration et la Monarchie de Juillet. On est aussi dans le souvenir de la
monocratie. "Etant responsable, il faut que son action soit libre et sans entrave".
L’article 3 de la Constitution du 14 janvier 1852 précise "Le président de la République gouverne
au moyen des ministres, du Conseil d'Etat, du Sénat et du corps législatif ». C'est à dire que tous les
organes cités dans l'article sont les auxiliaires du chef de l'Etat. L'article 3 est donc très clair : on
renie la tradition parlementaire.
Alors, on retrouve la façade républicaine en son article 2 : "Le gouvernement de la République
française est confié pour 10 ans au Prince Louis Napoléon Bonaparte.".
Bien entendu, on n’évoque pas le terme du mandat, ni les conditions de la rééligibilité du Président.
La seule hypothèse est celle de son décès. S’l décède, le Sénat convoquera la Nation pour que soit
procédé à une nouvelle élection présidentielle.
L'article 17 vient nuancer le républicanisme : "le Président, de son vivant, peut recommander par un
acte secret le nom de son successeur". Cet article 17 qui introduit de facto la question dynastique
prouve que déjà, l'Empire héréditaire est dans les esprits des constituants.
Le Président de la République détient tous les pouvoirs de la fonction exécutive. Il nomme à tous
les emplois civils et militaires, il fait les règlements nécessaires pour l'exécution des lois. Il est chef
des armées, il déclare la guerre, il fait les traités de paix, d'alliance, et de commerce. Il est donc
maître des relations extérieures. Dans chacun de ces domaines, aucune approbation législative n'est
nécessaire. La justice se rend en son nom. Il a le droit de grâce.
On est sur un retour de l'Ancien Régime (avant 1789).
En plus, ce Président a seul l'initiative des lois. Il sanctionne la loi. Il est en amont et en aval du
processus législatif.
Point d'orgue : "le chef de l'Etat est maître de toute modification constitutionnelle (le Sénat peut en
proposer mais pour qu'elle soit valable il faut l'accord du chef de l'Etat)."
On retrouve un pouvoir législatif morcelé.
Le Conseil d'Etat n'est pas un organe législatif, mais on le fait rentrer dans ce pouvoir.
En 1848, c'était l'auxiliaire de l'Assemblée Nationale. Il est redevenu l'auxiliaire de l'exécutif ici.
Ses membres sont nommés par le chef de l'Etat et révocables par lui. C'est lui qui rédige les
règlements d'administration publique. C'est lui qui met en forme les projets de loi du chef de l'Etat.
Les amendements du corps législatif doivent lui être transmis, et c'est le Conseil d'Etat qui les valide
ou les refuse. Surtout, (montre tout le recul ici) ce sont les conseillers d'Etat qui vont défendre
devant le Corps législatif les projets de loi du chef de l'Etat. Les ministres ne peuvent plus paraître
devant le Corps législatif. C’est un recul très important de la tradition républicaine.
Le Sénat, selon la Constitution de 1852, est le gardien de la loi fondamentale. C'est aussi le gardien
des libertés. C'est bien le Sénat de l'an VIII qui réapparaît, celui de Sieyès. Le Sénat est composé de
deux catégories de sénateurs : des membres de droits (cardinaux, maréchaux, amiraux...) car le
nouveau régime entend se reposer sur l'Eglise ainsi que l'armée (Marx écrit des livres sur le Coup
d'Etat, il explique que c'est le retour de la Goupille et du sacre) et des membres désignés : peuvent
être sénateurs tous les citoyens que le Président juge bon d'élever à la dignité sénatoriale.
Finalement, le Sénat par sa composition est bien l'auxiliaire du gouvernement.
Tous ces gens de droit ou pas, sont inamovibles et nommés à vie. Bien entendu, pour enrayer
l'hypothétique opposition au Sénat, le Président peut nommer autant de sénateurs qu'il le veut (ça lui
permet de conserver une majorité).
Le Sénat est dépendant : le Président nomme le Président du Sénat, convoque l'assemblée. Mais le
Sénat a quand même des pouvoirs importants. Par exemple, les sénateurs peuvent adresser au chef
Histoire du droit
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de l'Etat un rapport dans lequel ils posent les bases d'une loi d'intérêt national. Même si les
sénateurs n’ont pas l'initiative des lois, ils peuvent par ce biais participer à l'élaboration de la loi.
Surtout, le Sénat exerce un contrôle de constitutionnalité des lois, et ce dans deux hypothèses :
- Aucune loi ne peut être promulguée sans être soumise au Sénat, et là le Sénat peut s'opposer
à toute loi qui serait contraire à la Constitution, à la religion, à la morale, à la liberté des
cultes, à la liberté individuelle, à l'égalité des citoyens devant la loi, à l'inviolabilité de la
propriété, et au principe de l'inamovibilité de la magistrature. De même, le Sénat peut
s'opposer à toute loi qui compromet la défense du territoire national. C’est l’hypothèse d’un
contrôle de constitutionnalité à priori. La loi n'existe pas, elle est en devenir.
-
Celle d'un contrôle à posteriori. Dans ce cas, le Sénat peut annuler tous les actes qui lui sont
déférés comme anti-constitutionnels par le gouvernement ou qui sont dénoncés comme tels
par des pétitions de citoyens. Le problème de ce contrôle c'est qu'on voit mal le
gouvernement légiférer, et ensuite s'apercevoir que la loi n'est pas constitutionnelle. De
même, les pétitions de citoyens, dans un régime issu d'un coup d'Etat on peut douter de la
liberté de ce droit de pétition. Cela comporte forcément un risque.
Le Sénat peut réglementer par Senatus Consulte mais pour être valable ils doivent être sanctionnés
et promulgués par le Chef de l’Etat.
Les membres du Corps Législatif sont issus du suffrage universel. Ils sont élus pour 6 ans mais il
n’y a plus d’indemnité parlementaire.
On est dans un nouveau recul du parlementarisme. En fait, le seul pouvoir important du Corps
Législatif est la possibilité de voter et de discuter les projets de loi, mais on a vu que le droit
d'amendement était encadré par le Conseil d'Etat. C'est surtout le vote et la discussion de l'impôt qui
vont être décisifs. Tout cela est mince.
De plus, dans la Constitution, le Président convoque le Corps et a le droit de le dissoudre. On est
revenu à une République d'apparat. C'est ce qui explique le retour à l'Empire.
Le 9 Octobre 1852, Louis Napoléon Bonaparte se trouve à Bordeaux. Là, il fait un grand discours
dans lequel il dit qu'à ses yeux le pays semble vouloir revenir à l'Empire.
Le 7 novembre 1852, le Sénat va adopter à l'unanimité moins une voix, le Senatus Consulte qui
rétablit la dignité impériale. Et dans la foulée, Napoléon Bonaparte va prendre le nom de Napoléon
III. C’est lui qui s'inscrit dans la dynastie et prend le nom de Napoléon III.
Les 21 et 22 Novembre 1852, un plébiscite relatif au retour à l’Empire donne le résultat suivant :
7.8 millions de "oui" et 253 000 "non". L'opposition est très peu importante.
Le 2 Décembre 1852, un décret consacre l'avènement officiel du Second Empire.
Le 25 Décembre, un Senatus Consulte réforme la Constitution et la rend conforme au nouveau
régime dont on a doté la France.
On a l'habitude de distinguer dans les manuels classiques, deux phases du Second Empire : une
phase autoritaire (début du régime) et une phase libérale (fin du régime) au cours de laquelle
l'Empire se libéralise à tous les niveaux. C'est vrai que jusqu'en 1858 -1859, pas grand chose qui
vient troubler l'ordonnancement du nouveau régime.
L'opposant le plus célèbre est Victor HUGO. Ce sont, en fait, les affaires extérieures qui vont mener
à la libéralisation du régime.
Une fois Empereur, Napoléon III avait déclaré : "L'Empire, c'est la paix". Il voulait sans doute
rassurer le peuple français et ses voisins européens. Ceci est rapidement remis en cause, dès 1854.
C'est l'entrée en guerre de la France aux côtés de la Grande Bretagne contre la Russie, pour
officiellement porter secours à l'Empire Ottoman, mais surtout ce que cherchent les français, c'est la
révision des traités de 1815. On veut redessiner une carte de l'Europe. Depuis 1815, la France n'est
Histoire du droit
L2
pas considérée comme une puissance de premier plan. En faisant la guerre, on essaye de redorer le
blason.
La France remporte la guerre de Crimée, et en 1855, le traité de Paris qui sanctionne la défaite de
l'Empire russe, couronne cette réussite. On redessine un peu la carte de l'Europe, surtout dans les
Balkans.
Autre affaire extérieure moins évidente : la Campagne d'Italie. L'Italie n'est pas unie. Les patriotes
italiens cherchent à faire l'unité de leur pays, et notamment les Piémontais. Depuis quelques années,
ils lorgnent vers Paris. Avec le passé de Carbonaro qui est celui de Louis Napoléon Bonaparte, il est
favorable à l'unité italienne. Il y a donc deux verrous à faire sauter : l'Autriche qui occupe
notamment la Lombardie et les Etats pontificaux.
En 1858, un évènement va débloquer les choses : l'attentat d'Orsini. Orsini, un noble italien qui veut
l'unité, monte un attentat contre Napoléon III qui en réchappe. Orsini sera condamné à mort. A
l'échafaud, il exhortera Napoléon de réaliser l'unité italienne. Cet évènement précipitera
l'intervention de la France.
La campagne d'Italie commence. Même si la façade est généreuse, au niveau militaire, il y a
quelques erreurs. Quelques batailles notamment Solferino, seront difficiles, longues, et elles
montrent les limites de l'armée française. Personne ne s'en aperçoit sauf les prussiens.
Les conséquences politiques vont être assez problématiques pour Napoléon III. Il permet donc la
réalisation de l'unité italienne. Apparaît le royaume d'Italie. Mais l'intervention italienne va couper
Napoléon III de sa base catholique. En effet, les catholiques français lui reprochent d'être intervenu
en faveur des piémonts au détriment de la papauté. Il a perdu donc l'appui des catholiques. (cf. :
organisation du Sénat : catholiques, un des pieds du régime). Pour compenser cette perte, Napoléon
va mettre en place une amnistie générale, en pensant reconquérir les républicains. Malgré cela, les
républicains ne deviennent pas des soutiens de l'Empire.
En 1860, le Traité de libre échange est signé avec la Grande Bretagne. Cela va valoir à Napoléon III
l'hostilité des milieux d'affaire, alors qu'en France pendant cette période là, cela correspond au
décollage de la révolution industrielle. Ce traité était en faveur des consommateurs, mais cela l'a
coupé des nouveaux milieux d'affaires.
Donc, il se retrouve coupé de sa base et il faut chercher d'autres appuis, d'où la libéralisation du
régime.
Il y aura encore quelques démêlées en 1866. La guerre austro prussienne pour l'hégémonie sur
l'Allemagne est remportée par la Prusse. Napoléon avait pendant très longtemps soutenu la Prusse,
mais lors de la guerre contre l'Autriche, il a soutenu l'Autriche qui va perdre. C’est l’échec de la
diplomatie française qui aura des répercussions internes.
Dès 1860, il faut libéraliser l'Empire. Napoléon III a bien compris qu'il devait anticiper les
réformes.
Il y a deux étapes dans la libéralisation.
1- Une première vague : 1860 => 1869
2- 1869-1970.
Cette libéralisation en deux temps est intéressante au plan constitutionnel car elle coïncide aussi
avec un retour du parlementarisme.
La première vague débute avec un décret du 24 Novembre 1860 qui rétablit l'adresse c’est-à-dire la
possibilité d'un dialogue entre le Corps Législatif et le gouvernement. On crée des ministres sans
portefeuilles chargés de défendre les projets de loi du gouvernement devant le Corps Législatif et
devant le Gouvernement. Cela favorise le dialogue et le retour progressif au parlementarisme.
Histoire du droit
L2
En 1863 a lieu un petit recul : on va supprimer les ministres sans portefeuilles pour mettre en place
un seul ministre : un ministre d'Etat. C’est un recul par rapport à 1860, sauf que ceux qui ont
impulsés la réforme, ne se sont pas aperçus qu'on recréait par ce biais un président de Conseil, et
qu'on allait quand même vers le Parlementarisme.
En 1861, le Sénatus Consulte du 2 Février 1861 va assurer la publicité effective des débats du Corps
Législatif et du Sénat, soit dans le Journal Officiel, soit dans la presse. Les débats parlementaires
cessent d'être confidentiels pour devenir publics.
Toujours 1861, un Sénatus Consulte du 31 Décembre 1861 croît les prérogatives financières du
Corps législatif en substituant le vote du budget par ministère au vote par section : on va davantage
détailler.
En 1866 : on va élargir le droit d'amendement qui jusque là était contrôlé par le Conseil d'Etat et
surtout on va accroître les indemnités parlementaires. On accroît ainsi le type sociologique du
Parlement.
En 1867, il y a un véritable regain de Parlementarisme. Le 19Janvier 1867, un décret précise que
chacun des ministres du Gouvernement peut être chargé de représenter le gouvernement devant le
Sénat et devant le Corps Législatif. On n'est toujours pas dans la solidarité ministérielle. Les
ministres sont entendus de manière individuelle.
Le même décret va remplacer l'adresse, qui rappelle l'Ancien Régime, par l'interpellation. Les
membres du Sénat et du Corps législatif peuvent adresser des interpellations au gouvernement, et
ainsi remettre en cause des initiatives gouvernementales.
Enfin, la loi du 11 mai 1868 sur la presse va abolir le régime de l'autorisation préalable pour la
liberté de la presse, et surtout la loi du 6 Juin 1868 reconnaît le caractère licite, légal des réunions
électorales. C’est une avancée dans le cadre de la liberté d'expression. Bien sûr, ces deux lois
favorisent l'organisation d'une opposition politique, à la fois républicaine et légitimiste, de se
manifester.
La deuxième vague couvre la période 1869-1870.
On peut dire que dans ces deux dernières années d'existence, le second Empire va s'engager
résolument dans le parlementarisme. Il faut dire que la marge de manoeuvre de Napoléon se réduit.
Sa politique étrangère n'est pas brillante. Au Mexique, il s'est mis à rêver d'un grand Empire latin
qui ferait contrepoids aux Etats-Unis. Il a profité de la guerre de sécession pour tenter de créer cet
empire latin au Mexique. Il envoie un corps expéditionnaire. On débarque, et on met à la place des
institutions légales de ce pays un frère du mari de Sicile, et on pense qu'on va voir un Etat viable qui
va faire contrepoids aux Etats-Unis. La campagne sera un fiasco. On va fusiller le nouveau
dirigeant. Cela accentue dans les esprits l'idée que l'armée française n'est pas prête, n'arrive pas à se
moderniser.
En 1869, Napoléon III est étranglé. Il a encore l'intelligence d'anticiper les réformes qu'on lui
demande et d'aller dans le sens de la libéralisation, mais il n’a pas vraiment le choix.
Il fait une première refonte d'envergure :
Le Sénatus Consulte du 8 Septembre 1869 opère une libéralisation accentuée à trois égards :
1- On renforce les prérogatives du Corps Législatif. Il va acquérir l'initiative des lois, il va récupérer
de nouvelles prérogatives en matière budgétaire, on va voter par chapitre. Il a le droit de nommer
son Président, ses vice-présidents et la possibilité d'élaborer son règlement interne.
2-Le Sénat subit lui aussi des modifications pour devenir une véritable chambre législative.
3-On va davantage vers la responsabilité ministérielle en ce sens que les ministres désormais
peuvent être membres du Sénat ou du Corps Législatifs, et peuvent être entendus par le Sénat et le
Corps Législatif à leur demande. Enfin, les ministres délibèrent sous la présence du Président de la
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L2
République, mais en Conseil : c'est la solidarité ministérielle.
Emile Olivier, Garde des sceaux : "Il est nécessaire que nous jouissions de la confiance du
souverain. Il est nécessaire en outre que votre confiance vienne s'ajouter à celle du souverain".
Emile Olivier sur la base de cette refonte institutionnelle, est en train de faire basculer le régime, par
la pratique, dans le parlementarisme.
Dans un deuxième temps, le Sénatus du 21 mai 1870, sur l’initiative de Napoléon III, transforme
radicalement le régime.
Ce Sénatus Consulte instaure en fait un bicaméralisme égalitaire. On a deux assemblées, le Sénat et
le Corps Législatif. Le Sénat récupère l'initiative des lois, le Sénat perd son pouvoir constituant qui
est rendu au peuple, et il perd le contrôle de constitutionnalité des lois. Il devient alors l'équivalent
du Corps Législatif. Le Sénatus Consulte prévoit que la Constitution peut être modifiée par le
peuple sur proposition de l'Empereur.
L'acte de 1870 n'est pas clair sur la responsabilité ministérielle, mais le silence du texte permet de
conclure à une responsabilité politique des ministres. L'interpellation a été renforcée. On peut en
déduire que les ministres sont solidaires et clairement responsables devant le Parlement. Seul
problème : l'Empereur est toujours responsable devant le peuple français. Il a toujours le droit de
faire intervenir le peuple français. Cette responsabilité hypothèque un peu la responsabilité des
ministres. Hormis cela, ça devient un vrai régime parlementaire.
Ce régime est très intéressant car il est syncrétiste. Il résulte d'une combinaison entre la tradition
parlementaire et la tradition césariste. La tradition césariste est mise à la mode démocratique. En
1870, on voit apparaître une nouvelle tradition qui sera reprise en 1958. En 1870, on voit émerger
une tradition spécifiquement française. C'est donc quelque part l'ancêtre de la Ve République.
La Prusse a compris qu'on ne pourrait réaliser l'unité allemande sans faire sauter le verrou français.
Bismarck va tendre des pièges à Napoléon. Alors que le régime se stabilisait, on déclare la guerre à
la Prusse. A ce moment là, un maréchal dit à l'empereur : "l’armée est prête, il ne manque pas un
bouton de guêtre". Et à Sedan, l'armée est prise par les prussiens. Le 4 Septembre à Paris, on
proclame la République.
Histoire fiction : s’il n'y avait pas eu la guerre contre la Prusse peut être ce régime bonapartiste (de
1870) aurait eu encore quelques décennies devant lui.
Section 3- La Troisième République.
C'est le régime le plus long durant la période qui nous intéresse : 1870 (proclamation de la
République du 4 Septembre) jusqu'en 1940.
Le problème de cette République est qu'avant d'être le régime le plus long que la France ait eu entre
le XIXe et début XXe siècle, ce régime a connu un enracinement très difficile.
§
1- La commune de Paris.
Le 2 septembre 1870, Napoléon III est capturé par les prussiens. Deux jours après, on proclame la
République. Mais cette République ne s'impose pas dans les esprits.
Se met en place comme en 1848, un gouvernement provisoire qui porte le nom de "gouvernement
de la défense nationale" car on est toujours en guerre contre la Prusse. Dans ce gouvernement, on va
trouver des gens divers. On compte Léon Gambetta qui en 1865 a rédigé un programme politique
républicain (programme "Belleville"). Dans ce programme, il affirme la nécessité de la République.
C'est un républicain avéré. On trouve aussi dans ce gouvernement Jules Ferry en communion de
pensée avec Gambetta en cette période.
Histoire du droit
L2
Rapidement, deux parties se forment :
1- Le gouvernement qui s'appuie sur Paris et sur le mouvement républicain et qui entend continuer
la guerre.
2- La France des notables et des campagnes, qui elle, veut la paix. La situation militaire n'est pas
très avantageuse. L'armée de Mac Mahon a été capturée avec l'empereur, mais l'armée de Bazaine,
la meilleure armée est enfermée à Metz, les prussiens sont au nord de Paris et vont vers la capitale.
La situation n'est pas fameuse mais pas désespérée. C'est l'opinion de Bismarck (1er ministre) qui a
une hantise : le souvenir de l'an II. Il a peur du sursaut national. Dans l'esprit des prussiens, la
guerre n'est pas gagnée.
C'est le parti de la paix qui va l'emporter. Mai 1871, le gouvernement de la défense nationale signe
un armistice avec la Prusse, un armistice qui dans un premier temps n'a pas vocation à être définitif.
On signe l'armistice pour que soit élue en France une assemblée qui soit vraiment représentative du
pays et qui décide elle, de la poursuite ou non des hostilités. Il n'est pas prévu lorsqu'il est signé que
cette Assemblée soit constituante. Mais elle va le devenir par la force des choses.
On convoque donc les électeurs, et on va appliquer le suffrage universel.
Le 8 Février 1871, on a une Assemblée qui sort des urnes, une Assemblée qui est conservatrice,
même monarchiste. 450 sièges vont aux monarchistes. Ils sont divisés entre légitimistes (partisans
bourbons) et partisans orléanistes (monarchie de Juillet). Malgré cette division, on a un bloc
majoritaire de 450 monarchistes. Face à eux, 220-230 Républicains, dont le moins qu'on puisse dire,
c'est qu'ils ne composent pas de mouvement homogène. On a des républicains modérés, comme par
exemple Jules Fabre ou Jules Simon qui étaient élus pendant la phase libérale du Second Empire, et
qui se satisfaisaient d'une monarchie impériale de type parlementaire. On a également Gambetta et
Jules Ferry, républicains positivistes, disciples d'Auguste COMTE (ce sont les plus pragmatiques).
Ils savent que la France n'est pas prête à tomber dans les bras de la République, il va falloir
l'enraciner.
Puis, il y a les républicains radicaux : ils sont pour une République pure et dure, voire même une
République sociale. Ils font un peu peur, ils rappellent la Terreur.
Puis, il y a 20 bonapartistes. Donc, malgré les plébiscites triomphants, l'Empire n'avait pas vraiment
de soutien. C’est l’effondrement total.
Cette Assemblée rapatriée à Bordeaux qui a été élue pour faire la paix (monarchistes ont fait
campagne pour la paix) va pérenniser l'armistice. Paix avec la Prusse, qui à la faveur de la défaite
française, a réalisé l'unité allemande. Le dernier verrou à faire sauter était la France. Bismarck l’a
fait. Au détriment de l'Autriche aussi.
Le 1er Mars 1871, au moment même où l'Assemblée nationale accepte de prolonger l'armistice, c'est
le divorce avec Paris.
D'abord Paris sort d'un siège éprouvant : le siège a été horrible. Paris n'est pas tombé. A l'époque,
Paris est une ville entourée par une ceinture de forteresse, une ville surarmée. Dans Paris, il y a des
soldats français ainsi que la garde nationale (des citoyens armés). Les clauses de l'armistice sont
assez humiliantes pour la France, qui au passage perd l'Alsace et une partie de la Lorraine. La
France doit payer une indemnité de 5 milliards. Et il y a une clause qui prévoit que les armées
prussiennes vont défiler dans Paris. Paris n'est pas tombé donc les parisiens ne vont pas accepter
cela. Entre temps, l'Assemblée Nationale s'est rapatriée sur Versailles : on va parler désormais de
gouvernement ou d'Assemblée versaillaise. Cela a été vécu comme un camouflet. L'Assemblée va
tenter de désarmer Paris.
Le 18 Mars 1871, on envoie deux généraux avec quelques soldats récupérer les canons de la bute
Montmartre. La garde s'y oppose, et fusille les deux généraux. C’est le début de la Commune de
Paris qui oppose la Capitale à l’ensemble du pays représenté par l'Assemblée et le gouvernement
versaillais. Juste avant l'épisode des canons, le 17 Février 1871 se déroule un évènement important
pour la suite : l'Assemblée, toujours à Bordeaux, décide de constituer un gouvernement, et
l'Assemblée monarchiste décide de confier l'exécutif à un personnage : Adolf Thiers.
Thiers est quand même un vieux bonhomme à ce moment là, c'est un libéral (ancien chef du parti du
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mouvement, auteur du discours sur les libertés nécessaire en 1864, opposant libéral au Second
Empire, et, il est providentiel en 1871 pour plusieurs raisons. Avant la guerre, il disait être contre la
guerre, que la France n'est pas prête. Comme la France a été défaite, on peut lui reconnaître une
capacité d'anticipation. Ensuite, c'est un homme qui, en Février 1871, a été élu dans 26
Départements (candidatures multiples autorisées). Surtout il est vieux, donc on pense qu’il ne va pas
garder le pouvoir longtemps. En plus, c'est un libéral mais pas un conservateur.
Donc, la majorité monarchiste investit Thiers du pouvoir exécutif. Il est nommé chef du pouvoir
exécutif de la République Française. Le 17 Février, c'est la mise en place de la reconnaissance de
fait du régime républicain. C'est important.
On va appeler cette résolution, le "Pacte de Bordeaux" passé entre Adolf Thiers et la majorité
monarchiste. Ce pacte consiste à geler la situation. Thiers accepte de récupérer la direction du
gouvernement en attendant que la Restauration monarchiste devienne possible. Il accepte d'occuper
la place, de geler la place pour le futur Roi de France.
Le problème à ce moment c'est que tous les regards monarchistes sont tournés vers un personnage :
le comte de Chambord, héritier légitime du trône de France.
Le problème, c'est qu'il a une obsession : il ne veut pas du drapeau tricolore. Il va donc refuser en
disant qu'il est hors de question qu'il règne sous le drapeau tricolore.
Le 18 mars 1871, c'est la rupture violente entre Paris et l'Assemblée et le gouvernement de
Versailles, et c'est le début de ce que Marx va appeler "la guerre civile en France".
La Commune de Paris est un mouvement difficile à saisir. On pourrait penser dans un premier
temps que c'est un mouvement à tendance socialisante. Sont en pointe en effet, ceux qui se
revendiquent de l'idéologie socialiste ou anarchiste. Parmi les communards, on va trouver des
disciples de Blanchi. C'est la République sociale, le souvenir de 1793.
Après on va trouver des disciples de Proudhon. Proudhon a une controverse avec Marx, puisque les
deux se revendiquent socialistes. Proudhon a écrit un pamphlet contre Marx Philosophie de la
misère, dans laquelle il explique que la marxisme est une idéologie des miséreux. Marx va lui
répondre. Proudhon va être laminé. Il représente le socialisme à la Française.
Au delà de ces blanchistes, on a des représentants de la Première Internationale créée en 1864, des
représentants du mouvement ouvrier. Ils sont un peu anarchistes, on ne sait pas exactement où ils se
placent.
Et puis il y a des républicains qui par rapport à Gambetta, Ferry, des républicains qui sont des
républicains avancés, veulent une République sociale. Ils sont un petit peu dans l'esprit de 1848, un
peu romantique. A côté de tout ça, on a des patriotes. Parmi ces patriotes, on a des gens comme
Louis Rossel, qui se joignent aux communards par patriotisme, Rossel les rejoint pour la non
capitulation.
Et, in fine, on a un nombre d'étrangers assez importants : beaucoup d'italiens, de polonais, qui
transportent l'idée d'émancipation des peuples. Grâce à eux, la Commune de Paris se place sous
l'égide de l'Internationale et de la fraternité.
Au départ, il y a trois institutions principales.
1ère institution : Comité Central de la Garde Nationale. C'est l'émanation des 200 bataillons de la
Garde Nationale qui stationnent dans Paris (garde nationale : bourgeoisie armée). Le problème est
que jusqu’en 1871, la Garde Nationale a servi à mater les révoltes populaires, elle ne s’est jamais
rangée du côté des insurgés (sauf en 1789). En 1871, la Garde Nationale va basculer du côté du
peuple.
2ème institution: les Comités de Vigilances constitués dans chaque arrondissement de Paris dont le
but était de contrôler les autorités municipales, de contrôler la combativité des autorités
municipales, et de dénoncer le défaitisme des agents municipaux.
3ème institution : le Comité Central Républicain. Autant les deux premières institutions ne sont pas
de manières avérée socialistes ou anarchistes, autant c'est ici l'expression du mouvement ouvrier
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L2
parisien, représente la classe ouvrière de Paris. C'est donc une institution, c'est celui qui est sans
doute "le plus à gauche" si on se réfère aujourd'hui.
La journée du 18 Mars, outre le fait qu'on fusille les deux généraux, et qu'on garde les canons, cette
journée a pour conséquence l'élection d'un conseil municipal parisien. On va en mettre en place un
conseil dans lequel les diverses tendances politiques sont représentées. Et force est de constater
qu'on aboutit à une certaine cacophonie. La plupart de ces gens n'ont pas grand’chose en commun.
Parmi les hommes, L. Rossel le fait de manière apolitique. On va trouver des gens comme Varnin,
ou encore Denecluzes. Ce sont des républicains tendance république sociale. On va trouver aussi
des gens qui n’ont pas fait de politique jusque là : le peintre Courbet (communards) ou Jules Vallès
(il a écrit le livre L'insurgé). Puis il y a quelques femmes, dont la fameuse Louis Michèle.
C’est un mouvement assez hétérogène dans lequel on va trouver des personnalités nouvelles.
Le Conseil municipal de la Commune essaie de mettre en place un programme militaire puis
politique.
Le programme politique contient la mise en place partout dans le territoire national d'une autorité
municipale, la proclamation de la République comme gouvernement légal et des mesures d'ordre
social et économique moins grandioses comme la remise des "loyers de France" ???
Les propriétaires exigeaient les loyers. Il y a une autre mesure symbolique : l’interdiction faite à
l'armée de franchir les limites du territoire parisien. Puis, une mesure intéressante : dans le
programme de la Commune, on a déjà la séparation des églises et de l'Etat. Le programme est aussi
très hétéroclite. On voit des organisations politiques, puis à côté des mesures tirées par les cheveux.
Face à la Commune de Paris, il y a l'Assemblée de Versailles et le gouvernement Versaillais. Quand
Thiers apprend l'exécution des deux généraux, Thiers dit "nous marcherons sur leur cadavre" (en
parlant des communards).
Les prussiens vont se retirer eux (alors qu'ils faisaient le siège de Paris), Thiers va obtenir la
libération d'un nombre très important d'officiers de l'ancienne armée impériale, voire même de
soldats professionnels. Ces officiers professionnels vont venir encadrer les recrues de l'armée
versaillaise. C'est l'armée de Versailles qui va se substituer aux prussiens. La guerre civile française
va se dérouler sous les yeux de prussiens. C'est une suite d'escarmouche, ce n’est pas Waterloo tous
les jours.
Du 21 au 28 Mai 1871 se déroule la Semaine Sanglante, l’apogée de la révolte.
Les versaillais rentrent dans Paris et les soldats de Versailles vont devoir prendre tout Paris. Chaque
barricade tombée se conclue par la fusillade de ceux qui sont pris les armes à la main, et en une
semaine on a des exactions très importantes commises par les soldats versaillais. En quelques jours
moins de 1000 tués dans l'armée de Versailles, et côté communards au moins 10 000 morts.
Le 28 Mai 1871, la Commune tombe, Paris tombe, c'est la fin de cette insurrection. Et en effet, les
versaillais vont marcher sur les cadavres communards.
C'est une épuration sans précédent. On va juger ceux qui ont été pris les armes à la main. Par
exemple Rossel va être condamné à mort et Vagnines aussi. Les Conseils de guerre vont aussi
condamner à la déportation, en Nouvelle Calédonie notamment. Et puis en d'autres sympathisants
de la Commue dont on juge que l'engagement a été moins important vont être envoyés en Algérie et
en faire des colons forcés.
L'affaire de la Commune de Paris a deux conséquences primordiales pour l'histoire de la Troisième
République. Comme en 1848, c'est la République qui a fait tirer sur le peuple. Thiers est le
Président de la République. Les soldats de Versailles sont les soldats de la République. Cette
répression va couper le mouvement ouvrier de la République. Il faudra tout le talent de Jean Jaurès
pour faire rentrer le mouvement social dans la République. La répression de la Commune de Paris,
même si menée par une République conservatrice, montre que la République peut être un régime
d'ordre (malheureusement pour les communards). C'est en écrasant la Commune que la République
assure sa pérennisation.
C'est donc une pièce à deux faces.
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A RETENIR IMPERATIVEMENT CETTE CONCLUSION.
1- À noter que Georges CLEMENCEAU, sans participer, est un des rares républicains à ne pas
avoir condamné la Commune de Paris.
2- Gambetta et Jules Ferry qui vont incarner la République, eux, ont condamné la Commune.
Il y a donc une fracture au sein même du camp républicain. La Commune de Paris est quelque part
une des grandes crises de la Troisième république.
§
2- Le difficile enracinement de la République.
La Commune est rasée. Thiers se trouve renforcé par le rétablissement de l'ordre, et le 31 Août
1871, on a une loi élaborée qui porte de nom de Loi Rivet.
L'Assemblée toujours à Versailles considère qu'elle a le droit d'user du pouvoir constituant, et donc
elle décerne à Thiers le titre de Président de la République.
L'Assemblée est quand même prudente. Certes, elle lui décerne le titre sans augmenter ses pouvoirs.
On reste dans le cadre du Pacte de Bordeaux. La loi Rivet va limiter les possibilités d'intervention
du Président devant l'Assemblée. On est toujours dans le cadre du Pacte de Bordeaux. L'Assemblée,
la majorité monarchiste commence à se méfier de Thiers. Il devient un peu gênant. La loi Rivet va
limiter la possibilité de Thiers de se présenter au Parlement, d'autant plus qu'il est un excellent
orateur. Si on rend difficile l'intervention du Président de la République devant les députés, on va
donc ouvrir davantage la possibilité aux ministres. Cette loi rend responsables les ministres devant
le pouvoir législatif. C'est le retour progressif au régime parlementaire.
Le 2 Septembre 1871, un décret de gouvernement, qui est un peu le complément de la loi du 31
Août institue un vice-président du Conseil. Ce n’est pas un vice président de la République puisque
le Président de la république préside le Conseil.
Ce vice président va devenir une sorte de Premier ministre. Il est chargé de suppléer le Président de
la République en cas d'empêchement de ce dernier. On met donc en place un véritable cabinet
ministériel.
Au cours de l'année 1871 jusqu’au mois de novembre 1872, Thiers connaît une évolution vers la
République. Il bascule du côté républicain définitivement.
Le 13 novembre 1872, Thiers adresse un message à l'Assemblée, message lu par un ministre, dans
ce message, il déclare "La République existe. C'est le régime légal du pays. Vouloir autre chose
serait une nouvelle Révolution".
Il est donc en train de basculer du côté de la République. C'est bien entendu ni un socialiste ni un
anarchiste et rajoute : "La République sera conservatrice ou ne sera pas."
Pour justifier ce basculement, il dira aussi : « la République, c'est le régime qui nous divise le
moins ». C'est ici la rupture du Pacte de Bordeaux. Thiers a fait le choix de la République.
A partir de là, c'est la guerre ouverte entre l'Assemblée dont la majorité est monarchiste et le
Président de la République.
La loi du 13 Mars 1873, Loi De Broglie est votée par la majorité monarchiste à l'Assemblée
Nationale qui vise à rendre encore plus rare les interventions de Thiers devant l'Assemblée. Donc,
devant ces dispositions, pour pouvoir s'adresser aux députés, le Président de la République doit
passer par une procédure très compacte. Thiers dira que c'est "une loi chinoise". Par contre, une
autre disposition intéressante : l'accentuation de la responsabilité du cabinet ministériel.
La majorité monarchiste rend tellement la mission impossible à Thiers qu'il démissionne le 24 Mai
1873, suite à une interpellation qui va obtenir une majorité de vote à l'Assemblée. On va donc
procéder à une nouvelle élection.
Thiers a démissionné assez facilement, étant persuadé qu'on allait le rappeler.
Comme la plupart des hommes politiques, il va rester dans le néant.
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Celui qui va remplacer Thiers, c'est l'homme politique « le plus nul de l'histoire » de France :
Maréchal de Mac Mahon. C'est le grand vaincu de Sedan. Il a laissé à la postérité des mots
remarquables : "que d'eau, que d'eau".
Mac Mahon le remplace. Il a un avantage : il est viscéralement monarchiste. Et d'ailleurs, il accepte
de devenir Président de la République en attendant de s'effacer derrière le futur roi de France. On
retourne à ce moment là juste après l'élection, vers le prétendant monarchiste à savoir le Comte de
Chambord. De nouveau, il refuse, et il dit "je ne serai pas le Roi légitime de la Révolution". C'est
clair que Chambord refuse définitivement par manque d'intelligence politique, la restauration
monarchiste : Combien de temps va-t-on attendre pour que le Comte s'efface politiquement, on va
attendre qu'il meurt?
La loi de 1873, que l'on va appeler Loi du Septennat est élaborée par les monarchistes qui vont
penser que 7 ans vont suffir pour qu'il s'efface ou qu'il meurt.
De Broglie, Premier ministre, penche lui pour 10 ans. Mais le problème est que cela rappelle
étrangement le Consulat. Ca rappelle aussi 1852 et le second Bonaparte, Président de la République.
L'Assemblée penche elle pour 5 ans. Le compromis est de 7 ans. La loi du 20 Novembre 1873, loi
du Septennat explique que depuis, le mandat présidentiel en France a été de 7 ans jusqu'à
récemment.
En 1874, Thiers meurt. Chose paradoxale et extraordinaire, le cortège funéraire de Thiers est suivi
par une foule immense. Tous les républicains suivent le cercueil de Thiers, ce qui montre l'évolution
de l'opinion publique (il a massacré la Commune). Dans l'esprit des républicains, il est celui qui a
permis l'enracinement de la République, d'où cette révérence des républicains. A la même époque
s'installe donc un régime ambiguë : le régime de Mac Mahon. Le système s'apparente à une régence
alors qu'il est Président de la République. On a établit un parallèle entre ce système républicain dans
lequel domine un Président de la République monarchiste et l'épisode de l'histoire anglaise, la fin de
la République anglaise au XVIIe siècle qui voit l'arrivée du général Monk (qui avait chauffé la
place en attendant le rétablissement de la royauté).
En 1875, on arrive à la date clé : il est évident qu'on va pas pouvoir perdurer dans l'ambiguïté. On
va procéder enfin à un vote d'une loi constitutionnelle.
§
3- Les lois constitutionnelles de 1875.
A partir de 1875, il y a des évolutions dans le pays, notamment à la faveur des élections partielles.
Entre 1873 et 1875, toutes les élections législatives partielles voient un progrès important des
républicains. La majorité monarchiste ne progresse pas et a plutôt tendance à se tasser.
Un autre phénomène échappe à tout le monde : le retour en force des bonapartistes.
Napoléon III est mort en Angleterre. Tous les espoirs du parti bonapartiste repose sur son fils, le
Prince impérial. Devant une décision constitutionnelle, à ne pas savoir où on est, le système
bonapartiste renaît un peu.
La progression des républicains et la menace bonapartiste vont entraîner un réveil des modérés et la
mise en place d'un compromis historique des centres.
Il y a une conjonction des centres entre les orléanistes et les républicains comme Jules Ferry ou
Gambetta qui va déboucher sur la mise en place définitive du régime républicain.
Le 30 Janvier 1875 passe "l'amendement Wallon". Il passe à une voie de majorité 353 contre 352.
Cet amendement Wallon signe l'avènement définitif du régime républicain. Il permet la réalisation
du compromis entre orléanistes et républicains modérés, et permet le vote des trois lois
constitutionnelles qui vont établir le régime républicain en France. On a une première loi du 24
Février 1875 relative au Sénat. C'est le compromis autour du bicaméralisme. Une loi du 25 Février
sur l'organisation des pouvoirs publics. C'est la première qui sera promulguée. Et enfin, on a une loi
plus tardive du 16 Juillet 1875 régissant les rapports des pouvoirs publics.
En 1875, le régime républicain est consacré par un compromis historique.
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Il est à noter que la Constitution de la Troisième République n'est pas constituée par un document
unique et homogène. On a trois lois constitutionnelles : c'est la première fois depuis 1791.
Ensuite, c'est la République qui est mise en place, sans Déclaration des Droits de l’Homme, sorte de
préambule aux lois constitutionnelles. C’est tout à fait exceptionnel.
Les orléanistes et les modérés qui réalisent ce compromis à une voie de majorité ont avalisé la
déclaration de 1789. Est-ce que pour eux elle coule de source? Est-ce que sans le dire, elle est
intégrée dans l'arsenal de la IIIe République, ou est-il hors de question de consacrer des droits
individuels?
Les lois constitutionnelles de 1875 réalisent la synthèse entre la tradition républicaine et la tradition
constitutionnelle orléaniste. Force est de constater que le compromis constitutionnel de 1875 penche
plutôt du côté des monarchistes modérés. Les républicains ont fait un gros effort en allant vers les
orléanistes et ce pour plusieurs raisons :
- il y a une chambre des députés et un Sénat. Ceci est une exigence des orléanistes.
- il y a un Président de la République et la double responsabilité des ministres. Or, les lois de
1875 mettent en place un régime totalement parlementaire de type orléaniste, de type
dualiste. Les ministres sont à la fois responsables devant le Parlement et devant le Président
de la République, chef de l'Etat. C’est un mécanisme de la Monarchie de Juillet qui est
repris ici.
- Au sein du Sénat, la composition n’est absolument pas conforme à la tradition républicaine :
il y a des membres nommés à vie, des sénateurs viagers. Le Sénat de 1875 ressemble
étrangement à une chambre des pairs, de nature aristocratique.
Cela montre que les républicains de l'époque sont pragmatiques, réalistes. Il leur reste néanmoins à
républicaniser les institutions mises en place en 1875. Entre 1875 et 1884, date la réforme
républicaine du Sénat, on va voir la républicanisation.
L’amendement Wallon illustre le compromis des centres avec chacun des arrières pensées. Les
orléanistes souhaitaient placer un prétendant sur le trône et les républicains voulaient enraciner la
République.
Les trois lois constitutionnelles ont été votées à une voix de majorité. Ce sont les lois du 24 et 25
février et du 10 Juillet 1875. Ce n’est pas une Constitution homogène. Il n’y a pas de déclaration
des droits de l’Homme. Deux hypothèses sont possibles : Est-ce que les orléanistes n’en ont pas
voulu car cette déclaration est un monument républicain fondateur ou bien n’était-il pas nécessaire
de rappeler les droits individuels ?
Les lois constitutionnelles sont assez courtes et portent sur l’organisation et les rapports entre les
pouvoirs publics. La République existe juridiquement. Il ne lui reste plus qu’à s’enraciner et à
gagner la masse paysanne qui fait encore peur aux républicains car ils pensent qu’elle est influencée
par les notables. Les années qui suivent vont voir l’enracinement de la République notamment par
la progression du camp républicain aux élections.
a- Les lois de 1875
Ces lois mettent en place un régime parlementaire.
L’exécutif est représenté par une Président de la République. C’est une fonction prestigieuse. Le
Président de la République au début de la IIIe République a beaucoup de pouvoir, ce n’est pas
seulement une fonction honorifique. Le Président de la République a des compétences pleines, de
vrais pouvoirs d’impulsion politique malgré le fait qu’il ne tienne pas sa légitimité directement de la
Nation.
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Il est élu par la Chambre des Députés et le Sénat réuni en Assemblée Nationale. On requiert la
majorité absolue des suffrages par les parlementaires. Il est rééligible (cf. coup d’Etat de 1851). Ces
vastes pouvoirs contrastent avec son irresponsabilité politique. Cela se traduit par le fait que les
assemblées ne peuvent pas le forcer à la démission. La seule responsabilité retenue est la
responsabilité pénale. L’article 6 de la loi du 25 Février 1875 précise que le Président de la
République n’est responsable qu’en cas de Haute Trahison (cession d’une portion de territoire
national, intelligence avec l’ennemi, atteinte à la sûreté de l’Etat, aux principes fondamentaux de la
République).
Il y a donc responsabilité des ministres. Cette responsabilité se traduit par le contreseing : chaque
acte présidentiel doit être contresigné par le ministre.
Ses pouvoirs sont énumérés par l’article 3 de la même loi. Il sont assez traditionnels par rapport aux
Second Empire.
Le Président de la République :
 Pouvoirs traditionnels :
- Il nomme aux emplois civils et militaires,
- Il est chef des armées, il a le droit de solliciter l'intervention de l'armée.
- Il préside les solennités nationales.
- Il accrédite les ambassadeurs, il est donc dans un rôle d'impulsion de la diplomatie.
 Pouvoirs régaliens :
- Le droit de grâce,
- l'initiative en matière de révision constitutionnelle.
En 1875, le Président de la République est le Maréchal MacMahon. La révision constitutionnelle
semble n'appartenir qu'au seul Président. Mais avec l'évolution, la républicanisation du régime, il
partagera l'initiative avec les deux chambres. Il va falloir attendre 1884 pour que les chambres s'en
emparent. Il est précisé dans la Constitution que « la forme républicaine du gouvernement ne peut
être modifiée ».
La loi de 1884 interdit non seulement de changer la forme républicaine du gouvernement, mais elle
interdit aussi aux membres des familles ayant régné sur la France de présenter leur candidature à la
présidence de la République.
En 1886, une autre loi forcera ces familles ayant régné sur la France, à l'exil.
 Pouvoirs législatifs :
- Le président de la République a l'initiative des lois. il peut présenter les projets de
loi.
- Il les promulgue
- Il est chargé d'en surveiller l'exécution.
Le Président de la République est entouré de ministres, mais les lois de 1875 sont silencieuses sur la
fonction ministérielle. La Constitution ne dit rien sur leur nomination par exemple. Les publicistes
de l'époque en déduisent que fatalement, le Président de la République les nomme en vertu de son
pouvoir de nomination général sur l'administration. Sur leur rôle, la Constitution est floue. On sait
que les ministres sont solidairement responsables de la politique générale du gouvernement. Ils sont
individuellement responsables pour leurs actes personnels : c’est la responsabilité pénale.
Il y a solidarité ministérielle qui indique qu'on est immédiatement dans le régime parlementaire
dans deux hypothèses :
- ce sont les ministres qui ont la faculté de révoquer les conseillers d'Etat car la loi du
25 Février dit que le Président nomme et révoque les membres du Conseil d'Etat.
- C'est au Conseil des ministres que revient l'exercice du pouvoir exécutif par intérim
en cas de vacance de la Présidence de la République. Ceci est important car cela fait
du Conseil des ministres un organe institutionnalisé.
Histoire du droit
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C’est sans doute le côté orléaniste qui a poussé à ce manque de transparence sur la condition et
l'action des ministres. En 1875, les ministres de la République rappellent les ministres de la
Monarchie de Juillet.
Il n'y a pas de Premier ministre. La loi Rivet avait mis en place un Vice-président du Conseil des
ministres, et c’était le Président de la République qui présidait le Conseil des Ministres. C'est la
pratique qui va faire que le Vice-président va présider sous l'autorité du Président. La fonction n’est
pas clairement établie par la Constitution.
Les ministres se mettent dans une instance dotée d'une véritable reconnaissance juridique : le
conseil. Ils sont responsables politiquement, on doit comprendre que leur rôle est de participer à
l'action du pouvoir exécutif sous la houlette du Président. Face à cet exécutif qui est quand même
très orléaniste dans sa nature et dans ses modalités, on retrouve un pouvoir législatif composé de
deux chambres.
Le pouvoir législatif
Il est composé de deux chambre : la chambre des Députés et le Sénat. C'est sans doute la première
fois dans l'histoire politique et constitutionnelle française qu'il n'y a eu aucun débat sur la forme que
devait avoir le pouvoir législatif (mono ou bicaméral). On est dans le cadre d'un compromis et on
veut établir un régime modéré. Dès qu'on parle de régime modéré, obligatoirement on admet le
bicaméralisme.
On a une loi spéciale, celle du 24 Février relative uniquement au Sénat, ce qui montre que le Sénat,
la chambre haute est bien le coeur du compromis entre orléanistes et républicains.
Le Sénat: il n'a pas une composition entièrement démocratique.
Il compte 300 membres, 225 sont élus par les départements et les colonies, mais sur la base d'un
suffrage indirect, par de grands électeurs, 75 étant désignés par l'Assemblée nationale. C'est une
cooptation, donc système qui n’est pas démocratique. Les 225 sont élus pour 9 ans, renouvelables
par tiers tous les 3 ans. Quant au groupe des 75, ils sont inamovibles : ils seront sénateurs à vie.
L'existence de sénateurs inamovibles est une garantie de conservatisme. Paradoxe de l'Histoire : on
va très vite démonter cette dichotomie du Sénat. On va le républicaniser. Les français enverront au
Sénat des républicains. Mais à partir de 1914-1918, le Sénat deviendra véritablement conservateur,
car même républicain, il aura une attitude de rejet de tout progressisme.
Tous les sénateurs sont âgés d'au moins 40ans.
Le Sénat partage l'initiative des lois avec les députés à égalité. Les lois des 24 et 25 Février
établissent qu'il a un rôle plus important que la Chambre basse, même si la pratique en fera
autrement. Le Sénat dispose d’une primauté honorifique.
Le Sénat dispose, en outre de ses compétences législatives, un pouvoir en matière de justice
politique que la chambre des députés ne peut exercer. C'est l'article 9 de la loi du 24 Février 1875
qui le définit : le Sénat peut être constitué en Haute Cour de Justice. On a ici fait un choix qui là
encore marque l'avantage orléaniste dans le compromis. On avait le choix entre soit un organe
spécifique, indépendant (Cour de justice), soit un organe dépendant du Sénat.
Le Sénat dispose de pouvoirs importants car, ainsi, il peut juger le Président de la République dans
les cas de Haute Trahison. Il peut également juger les ministres, ainsi que tous les attentats contre la
sûreté de l'Etat. La question qu'on peut se poser sur la justice politique : une haute cour de justice
est-elle mise en place parce que le contentieux est extrêmement spécifique, ou alors est-elle mise en
place car on est sûr qu'elle sera plus clémente. C'est un peu le jugement par les pairs, on est donc
dans une attente de justice plus clémente. Le jugement par les pairs est un vieux privilège de
l'époque féodale dont bénéficiaient les vassaux.
In fine, un autre critère permet de prouver la primauté du Sénat : le Président de la République ne
peut pas dissoudre le Sénat. En plus, le Sénat, doit donner un avis conforme au Président de la
République lorsqu’il souhaite dissoudre l’Assemblée Nationale.
La Chambre des députés. Elle est élue au suffrage universel direct. On lui confère donc une
Histoire du droit
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légitimité plus importante que le Sénat, même si la Constitution donne une primauté au Sénat.
Concernant le suffrage universel direct, sous la Troisième République, il a beaucoup varié. On est
passé du scrutin uninominal d'arrondissement, au scrutin majoritaire dans le cadre départemental, et
dans l'entre- deux-guerres, on aura droit aussi à la représentation proportionnelle. Contrairement à
une idée reçue, la IIIe République n'est la reine de la représentation proportionnelle.
La Chambre des députés connaît des sessions annuelles. C'est le Président de la République qui
convoque la chambre, et c'est le Président de la République qui clôt la session. La loi du 16 juillet
1875 contenait un paragraphe à avaler pour les républicains : il prévoyait qu'avant l'ouverture de la
session annuelle de l'Assemblée, on devait procéder dans les lieux de cultes (Eglises et temples) à
des prières publiques (dispositions imposée par les orléanistes). Ils attendront 1884 pour tordre le
coup à cette pratique.
Il y a aussi des sessions extraordinaires convoquées par le Président de la République, pour des
raisons exceptionnelles. Le Sénat comme la chambre tiennent des séances publiques, ils vérifient la
régularité des élections et l'éligibilité des personnes à élire. Cela renforce l'autonomie de la chambre
des députés par rapport aux autres pouvoirs. C'est la chambre qui élit son bureau et qui élit son
Président. La chambre dispose en concurrence avec le Sénat de l'initiative et vote des lois, avec une
petite primauté concernant la loi de finances qui doit d'abord être présentée et votée par la chambre
des Députés. Le Président promulgue les lois mais ne peut le faire que s'il y a identité de vues des
deux chambres. On met en place le système de la navette. Il y a quand même collaboration entre les
deux chambres qui composent le pouvoir législatif. La Chambre des Députés est sous la menace de
la dissolution par le Président de la République, avec avis conforme du Sénat. C'est une menace,
mais cela indique qu'on est dans un régime de séparation souple des pouvoirs.
On essaie donc ici un peu de se mettre à l'abri d'un coup d'Etat. La sortie de crise est possible. Les
lois de 1875 construisent un vrai régime parlementaire.
La nature de ce parlementarisme : si on lit le texte au pied de la lettre, on s'aperçoit que le
parlementarisme est un parlementarisme dualiste, donc de type orléaniste. Il est dualiste car le
Président de la République joue un rôle effectif. C'est l'évolution politique qui va amener à un
parlementarisme moniste. Mais avec ce chef de l'Etat qui joue un rôle pivot, on est dans un
parlementarisme dualiste. C'est aussi un parlementarisme "rationalisé", car il y a collaboration entre
les pouvoirs publics. Le Président négocie, signe, mais il ne peut y avoir ratification que si le texte
est voté par les deux chambres. Cette lecture constitutionnaliste va devoir être remise en cause par
la pratique du régime.
Il y a des rapports de force au moment de la mise en place de la Constitution.
On a une chambre des Députés dotés d'une légère majorité républicaine. Il y a une progression des
républicains dûe à la remontée des bonapartistes qui est assez menaçante pour que les centres
réalisent un compromis en 1875.
Le Sénat a une faible majorité monarchiste. Le Président de la République est légitimiste. Et au
delà, il est monarchiste. Il est farouchement anti-républicain. C'est dans ces circonstances, sur la
base de ces rapports de force que se noue la crise du 16 Mai 1877. Mac Mahon va faire une
concession à la majorité républicaine à la Chambre des députés : il va appeler un républicain très
modéré qui s'appelle Jules Simon pour former un gouvernement qui sera conforme à la majorité
républicaine. Puis, les relations vont se détériorer. Jules Simon va démissionner le 16 Mai. Content
de l'avoir poussé à la démission, Mac Mahon va appeler De Broglie, un conservateur monarchiste.
Il n'appartient donc pas à la majorité de la chambre. C'est la crise, et la majorité républicaine va
voter la défiance au gouvernement De Broglie, cela entraîne la dissolution de la chambre par le
Président de la République.
C'est la première fois dans l'histoire de la Troisième république qu'il y a une dissolution, et ce sera
la dernière. On convoque donc les électeurs, et pendant la campagne électorale, Léon Gambetta
tient ce discours: "il faudra qu'il se soumette ou qu'il se démette".
Histoire du droit
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La chambre des Députés devient plus républicaine qu'avant la dissolution. Il va se soumettre. Et en
1879, il finira par se démettre et démissionner de son propre chef. Il est politiquement coincé.
A sa place, le Parlement désigne un républicain « pur jus » qui s'appelle Jules Grévy. Lorsque il
tient son discours d'investiture, il dit : "jamais je n'entrerais en conflit avec la représentation
nationale". Il va donc figer la fonction présidentielle dans l'expectative. Il refuse donc d'exercer les
pouvoirs conférés par la Constitution. Il sera plus une autorité morale qu'une autorité politique.
C'est ce que l'on appellera la Constitution Grévy. Cela va devenir une coutume. Il y aura bien
quelques présidents qui auront l'idée de réactiver les lois de 1875, notamment Millerand, Président
de la République socialiste en 1923. Ce sera un linchage médiatique, et il sera obligé de
démissionner. Et jusqu'à 1940, les hommes qui essaieront de réactiver ces règles seront taxés d'antirépublicanisme. La Constitution Grévy va rehausser le Parlement, et donner la primauté à la
Chambre des Députés, et va affaisser le pouvoir exécutif. On va revenir à la tradition
révolutionnaire et républicaine. On change donc de ce fait la nature du parlementarisme. Les
ministres ne sont plus responsables politiquement devant un Président de la République effacé mais
devant la chambre basse. En fait, on revient au monisme et on fait du Parlement l'organe central des
institutions. Bien entendu, il n'y aura plus de dissolution. A partir de 1880, le Sénat passe aux
républicains. La réforme de 1884 supprime les sénateurs à vie, on aura un Sénat républicain
définitivement.
On aura une dissolution sous la IVe République (régime qui s'inspire de la IIIe). En 1955, Edgar
Faure, Président du Conseil, malgré les difficultés qu'il y a pour faire une dissolution, trouvera une
faille et fera promulguer par René Coty la dissolution de l'Assemblée. Faure est directement exclu
du Parti Radical.
L'évolution politique transforme les institutions et met en place cette Troisième nouvelle
République : le jeu constitutionnel est loin d'être conforme au texte originel de 1875.
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