Histoire du droit
L2 PREMIERE PARTIE :
La Révolution française et l’Empire
(1789-1815)
Au cours de cette courte période, des principes politiques et sociaux vont devenir le socle de
l’Etat contemporain. C’est une période fondatrice. La Révolution française est un bouleversement
qui va renverser des structures pluriséculaires fondées sur la tradition.
Certains historiens expliquent que le Révolution française n’est pas une véritable scission mais il
s’agit bien d’une accélération.
La Révolution française va prendre le contre-pied de l’Ancien Régime. On passe d’une
souveraineté monarchique à une souveraineté nationale. L’Empire et le Consulat vont fixer au plan
institutionnel et juridique certains traits fondamentaux de la France.
La Révolution française est une période clé, charnière.
Chapitre I : La quête d’un nouveau régime.
Section 1 : L’instabilité constitutionnelle (1789-1799)
1789 : ouverture de la Révolution française
1799 : coup d’Etat de Napoléon Bonaparte, fermeture de la Révolution.
Ces dix dernières années, qui font la décennie révolutionnaire, sont le théâtre d’une recherche
perpétuelle de l’équilibre, du meilleur régime politique. Cette recherche explique les va-et-vient
entre les différents types de régimes. On passe de la monarchie constitutionnelle (qu’on aurait pu
fixer) à la République, la République radicale de Robespierre ou la République conservatrice. Il y a
une oscillation entre les régimes modérés et les régimes radicaux.
§ 1 : La monarchie constitutionnelle (1789-1792)
Cette période débute juridiquement le 17 juin 1789 lorsque le Tiers-État se proclame Assemblée
générale : c’est la révolution juridique. C’est une période qui se termine le 10 août 1792 par l’assaut
contre les Tuileries et la chute de la Royauté.
a- Les Etats Généraux
Il y a, à la veille de la Révolution française, plusieurs crises :
- Crise politique : dont le symbole est la contestation parlementaire. Ces cours de justice qui
ont des prétentions politiques veulent partager l’initiative des lois et donc la souveraineté du
roi.
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- Crise financière : il y a un véritable problème fiscal au cours du XVIIe siècle : les impôts
sont faibles, ils rentrent mal. Vers 1776, Louis XVI décide de soutenir les américains dans la
guerre pour l’indépendance. La guerre va creuser le déficit et accélère la crise financière. De
plus, cette guerre pose un problème psychologique majeur : c’est une monarchie (France)
qui tend la main à une République (américains) pour se débarrasser d’une monarchie
constitutionnelle (Grande-Bretagne).
- Mauvaises récoltes
Face à la monarchie, une autre problème se pose : celui des privilèges. La France, dans toutes ses
couches sociales, contient des castes de privilégiés. Toute entreprise de la Royauté se heurte à ces
privilégiés.
Pour résoudre la crise, le gouvernement royal décide d’avoir recours à une institution qui ne
fonctionne plus depuis le XVIe siècle : les Etats Généraux alors que les assemblées de notables et
les Parlements se dérobent.
Le 8 août 1788, Louis XVI sur le conseil de son ministère convoque l’assemblée des Etats
Généraux le 1er mai 1789.
=> Comment faire face à une assemblée qui ne fonctionne plus depuis plus de 150 ans ?
Entre le 8 août 1788 et la réunion des Etats Généraux, tout le débat public porte sur les modalités de
la réunion : comment représenter le Tiers-État ? Le Tiers-Etat, c’est 95% de la population.
Avant, il fonctionnait comme tel : la noblesse envoie ses députés, la bourgeoisie et le Tiers-Etat font
de même. Il n’y avait pas de comptabilisation des députés et ils avaient une voix chacun.
Seulement, le clergé et la noblesse réunis étaient supérieur en nombre et donc en voix.
A l’automne 1788, le Tiers-Etat demande :
- le doublement des députés du Tiers
- le vote par tête, une voix par député.
Pendant ce débat se crée un parti national ou encore patriotique. C’est un parti qui défend les
intérêts du Tiers. On le qualifie de national car on commence à dire à cette époque que le Tiers c’est
la nation.
En janvier 1789, une brochure apparaît écrite par l’abbé Sieyès : Qu’est ce que le Tiers-État ? C’est
le fondement du droit public moderne. Dans cet écrit, il dit :
- Le Tiers-Etat, c’est la nation
- En France désormais c’est la nation qui doit être souveraine.
=> C’est l’expression de la souveraineté nationale.
En mars 1789, les élections des députés ont lieu. On rédige alors les cahiers de doléances qui
doivent être présentés au roi pour renseigner le gouvernement royal sur la situation de la France. On
recueille les griefs de la noblesse, du clergé et du Tiers-Etat. On s’aperçoit que ces cahiers sont dans
l’ensemble d’une assez grande modération, il n’y a pas d’idées révolutionnaires, pas de contestation
de la légitimité du roi. Par contre, la réforme fiscale et la fin des privilèges sont réclamées.
Il y a très peu de cahiers sur la nécessité d’une constitution écrite (en France, il y a une constitution
coutumière autour des lois fondamentales). La France souhaite un mouvement de réformes
effectuées sous l’égide de Louis XVI, qu’il en soit l’initiateur.
Le 1er mai 1789 a lieu l’ouverture solennelle des Etats Généraux à Versailles, lieu de résidence du
roi. Louis XVI a cédé sur le doublement du Tiers afin qu’il y ait une configuration d’égalité entre le
Tiers et les 2 autres mais il n’a pas cédé sur la question du vote et maintient les exigences de
délibérations séparées.
Louis XVI commet une maladresse : il charge Necker de l’ouverture de la réunion au cours de
laquelle il annonce au nom du roi que les Etats Généraux seront limités à la question financière (une
part infime des problèmes soulevés dans les cahiers). Le Tiers se réfugie alors dans une attitude
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constante d’obstruction. Mirabeau refuse de siéger. Un véritable bras de fer s’installe entre le Tiers-
Etat et la Royauté.
Trois dates importantes vont se succéder :
- 17 juin 1789 : les députés du Tiers, rejoints par quelques députés du clergé et de la noblesse,
se déclarent Assemblée Nationale. Il y a une vraie volonté de représenter la nation alors
qu’on se trouve dans une tradition absolutiste seul le roi peut représenter la nation. La
révolution juridique est consommée. C’est l’acte de naissance de la souveraineté nationale et
l’acte de décès de la souveraineté monarchique.
- 20 juin 1789 : les députés du Tiers Etat veulent siéger mais ils en sont empêché, des gardes
sont placés devant leur salle. Ils se réunissent alors dans une salle vide de Versailles : la salle
du jeu de paume est fait le serment du jeu de paume. Les députés jurent de ne pas se
séparer avant d’avoir donné une constitution à la France. On bouleverse l’ordre
constitutionnel de la France. L’Assemblée Nationale qui n’est pas encore reconnue par le roi
s’octroie le pouvoir constituant. C’est une rupture décisive au niveau du droit public.
- 27 juin 1789 : Louis XVI s’avoue vaincu et ordonne à la noblesse et au clergé de rejoindre le
Tiers afin de former l’Assemblée Nationale. Il reconnaît la légitimité de l’Assemblée
Nationale.
- 9 juillet : l’Assemblée Nationale se proclame Assemblée Nationale Constituante.
- 14 juillet : on parle de troupes étrangères près de Paris. Le peuple de Paris s’arme et prend la
Bastille qui est le symbole de la justice arbitraire. C’est le début officiel de la Révolution
française mais juridiquement elle est faite.
Face à l’Assemblée Nationale constituante, au pouvoir établi légitime se crée un pouvoir
insurrectionnel qui veille de très près à ce qui se fait à l’Assemblée Nationale.
- Nuit du 4 au 5 août : l’ Assemblée Nationale abolit les privilèges, la vénalité des charges et
les résidus de la féodalité (droits seigneuriaux). C’est le début de la révolution sociale car la
société telle qu’elle existait est dissoute.
Le 5 août, la révolution juridique, sociale et événementielle est faite.
b- La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
Une idée est assez largement diffusée : on ne peut rédiger une constitution sans avoir écrit
auparavant une déclaration des droits selon les constituants. On a une vision unitaire de la
déclaration et de la constitution, l’une ne va pas sans l’autre. La commission est rapide et le projet
de Champion de Cicé est retenu en août.
Le 20 août 1789, l’Assemblée Nationale entreprend une discussion article par article.
Le 26 août, l’Assemblée Nationale adopte le texte définitif de la DDHC. C’est un texte court qui
compte 17 articles et un préambule qui insiste sur la solennité de la DDHC, sur le caractère
inviolable et sacré des droits individuels et sur l’observation des droits et la garantie du maintien de
la constitution à venir et du bien commun.
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Saint-Just : « Le bonheur, c’est une idée neuve en Europe ».
La DDHC est soumise au roi qui dans un premier temps va donner accession puis va finir par
accepter purement et simplement ce nouveau monument juridique. La DDHC va être installée en
préambule de la future constitution.
Quelles sont les motivations des constituants ?
- Dégager sous une forme rationnelle les principes de la meilleure constitution politique
possible. Le rationalisme est une idée neuve. Ceci explique pourquoi les constituants ont une
vision unitaire de la constitution et de la DDHC. Dans la DDHC, on doit avoir les
instruments pour forger la constitution.
Dès sa naissance, la DDHC est partie intégrante du bloc de constitutionnalité. Dans la
période qui suit, les députés vont invoquer de façon unitaire une déclaration de la
constitution.
De la DDHC, on peut avoir une lecture soit jus naturaliste (droit naturel), soit légicentriste (droit
positif).
On parle de liberté, d’égalité, de sûreté, de propriété, de la résistance à l’oppression. Chacun de ces
principes correspond à un abus de l’Ancien Régime. On peut voir ce texte comme une machine de
guerre dirigée contre l’Ancien Régime.
1. La liberté
C’est sans doute l’idée la plus abondamment déclinée.
- liberté d’aller et venir
- de penser, de conscience
- d’expression
Avant 1789, ces libertés n’existent pas. En France, il n’y a qu’une seule religion autorisée : le
catholicisme romain. Ces libertés sont garanties sur le plan pénal (articles 7 à 9)
- la présomption d’innocence
- la non rétroactivité de la loi pénale.
Les anglais ont depuis longtemps un Habeas Corpus, une garantie du droit pénal. Montesquieu, au
cours du XVIIIe siècle a diffusé très largement en France les idées anglaises. Il y a également des
emprunts à l’esprit des Lumières : Beccaria, un milanais qui s’opposait à l’archaïsme et l’arbitraire
de la justice. Ce que l’on met en place c’est le principe de la légalité des infractions et des peines : il
n’y a que des infractions et des peines prévues par la loi. Ceci est dirigé contre l’Ancien Régime et
permet de garantir la liberté du justiciable. Ce principe est repris par le Code pénal de 1891.
2. L‘égalité
C’est une égalité uniquement juridique. C’est l’égalité en droit face à la justice, face à la fiscalité.
La DDHC a donc une connotation libérale. D’ailleurs, Marx la critiquera.
3. La propriété
Elle est reconnue par deux articles : articles 2 et 17 (expropriation pour cause d’utilité publique).
C’est un droit inviolable et sacré. On ne peut pas spolier, il faut obligatoirement indemniser. C’est
une révolution. Jusqu’en 1789, c’est un terme qui n’existe pas en France. On parle de possession, de
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saisine. De la féodalité à 1789, la propriété est divisée en domaine éminent et domaine utilisé. La
DDHC réunifie la propriété. On retrouve l’influence de John Locke dans l’esprit des constituants
car son Traité du gouvernement civil est réédité 1790. Pour John Locke, la propriété est la première
des libertés.
4. Les droits collectifs
La DDHC précise des droits plus collectifs.
Article 3 : il consacre la souveraineté nationale
Article 16 : il consacre la séparation des pouvoirs. Tout régime qui n’a pas de séparation des
pouvoirs n’a pas de constitution. C’est la balance des pouvoirs comme l’entendent Locke et
Montesquieu.
5. La loi
C’est un terme récurrent, on le trouve dans de nombreux articles.
Article 6 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». C’est une phrase directement tirée du
Contrat social de Rousseau. La loi est faite par le peuple souverain donc par tous les citoyens. Par
conséquent, la loi est infaillible. L’obéissance à la loi est la liberté car elle est l’œuvre de tous.
L’article 6 abrite le basculement légicentriste de la constitution, monument du droit positif. La loi
est le cadre de la liberté de l’Homme et du citoyen. Cela fait de l’Assemblée Nationale le véritable
souverain : c’est la représentation nationale.
La loi est faite par les représentants du peuple : c’est la dérive de la représentation nationale vers la
représentation parlementaire. C’est une conséquence du légicentrisme.
En 1789, il n’y a pas d’organe pour contrôler le parlement. La souveraineté parlementaire est une
usurpation.
Carré de Malberg, dans La loi est l’expression de la volonté générale dénonce ce légicentrisme et
l’usurpation de la souveraineté nationale.
Les juges ne peuvent interpréter la loi, c’est la théorie du juge automate (Montesquieu), qui se borne
à dire le Droit.
c- la constitution de 1791.
La DDHC est rédigée rapidement alors que la constitution s’est construite beaucoup plus lentement.
A l’issue de très longs débats, le texte de l’acte constitutionnel est voté le 3 Septembre.
Le 14 Septembre 1791, Louis XVI, monarque constitutionnel, accepte la constitution et lui jure
fidélité : C’est la première constitution écrite de la France.
Elle diffère des anciennes Lois fondamentales car elle est le fruit d’une démarche volontariste.
Les modèles étrangers (anglais et américains) qui ont été évoqués, ont été minorés.
La Constitution de 1791 est un produit franco-français qui ne s’est pas inspiré du Bill of Rights ou
de la constitution américaine de 1787.
Dans l’Assemblée Nationale, certains voulaient s’inspirer de la tradition Anglo-saxonne,
notamment les monarchiens, emmenés par Mounier qui voulait copier les institutions anglaises et
particulièrement le bicamérisme à l’anglaise.
Mirabeau : « Nous ne sommes point des sauvages, arrivons nus sur les bords de l’ Orevoc. »
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