condition de la liberté naturelle et à instituer des communautés politiques ; quand Machiavel
explique en quoi consiste l’« intérêt commun de la vie républicaine», il ne fait mention
d’aucune fin collective et souligne que l’intérêt commun que les citoyens tirent de la « vie
républicaine » consiste dans le «pouvoir de la
Un discours différent va s’établir pour le principe de la séparation des pouvoirs. Même si la
réflexion des théoriciens libéraux est allée, sur ce thème, beaucoup plus loin que les maîtres
du républicanisme classique, il est aussi vrai, comme je l’ai montré à propos des républiques,
que le principe de la séparation des pouvoirs, entendu comme distinction des fonctions de la
souveraineté, était déjà bien présent dans les écrits des théoriciens républicains. En revanche,
ce qui est propre au libéralisme classique, c’est la doctrine des droits naturels (ou innés, ou
inaliénables). Bien que cette doctrine ait exercé un rôle fondamental pour la défense des
libertés individuelles et pour l’émancipation des peuples et des groupes, elle souffre d’une
évidente faiblesse théorique que les mêmes théoriciens libéraux ont mis en lumière. Les droits
sont en fait tels seulement si l’usage ou les lois les reconnaissent, et ils sont ainsi toujours
historiques et non naturels, et s’ils ne sont pas historiques et ne sont pas reconnus par les lois,
ce sont des aspirations morales, importantes si l’on veut, mais rien de plus que des aspirations
morales.
1.3. Le libéralisme comme vulgate du républicanisme.
Il est parfois reproché aux penseurs politiques libéraux contemporains de mettre
l’accent exclusivement sur les droits du citoyen en ignorant la question de ses devoirs et
de ses responsabilités, ce qui encourage les individus à pratiquer une surenchère
perpétuelle dans la revendication de leurs droits (Skinner, 1994, 1993]) et contribue à
rendre le concept de vertu civique inintelligible (Mouffe, 1992).
Certains libéraux ont proposé pourtant une théorie originale de la vertu civique. Ainsi William
Galston (1989, 1991) distingue quatre sortes de vertus requises pour l’exercice responsable de
la citoyenneté : des vertus générales, sociales, économiques et politiques. Parmi ces dernières
on relève notamment la capacité à mettre en question l’autorité et l’aptitude à la communication
et au
dia
logue au sein de l’espace public. De même Stephen Macedo (1990) souligne
l’im
portance de la justification publique rationnelle
(
public
reasonableness
)
dans l’exercice de
la citoyenneté. Où peut-on apprendre ces vertus ? Essentiellement au sein des institutions
d’éducation. C’est, souligne Amy Gutmann (1987), à l’école que doivent s’acquérir l’esprit
critique et la capacité de prendre de la
dis
tance par rapport aux présupposés culturels que
chacun hérite de son milieu.
Toutefois, la conception proprement républicaine du civisme suppose sans doute
quelque chose de plus que la compétence argumentative, l’aptitude au dialogue et
l’esprit critique : un véritable sens du bien commun, une attitude de respect actif à
l’égard des institutions démocratiques, une capacité d’engagement au service de quelque
chose qui transcende l’intérêt individuel. En ce sens, on peut bien dire, avec Nicolas
Tenzer, que
«
le républicanisme est une forme de communautarisme. Il repose, en
effet, sur le souci de faire partager, à l’intérieur d’un État, une conception commune du
bien, un même engagement dans la vie de la cité et conduit à donner à la participation à
la vie civique une valeur supérieure à tout autre bien
»
(1995, p. 162). Ainsi Adrian
Oldfield voit dans la
partici
pation à la vie politique
«
la forme la plus élevée du vivre-
ensemble à laquelle la plupart des individus puissent aspirer
»
(1990, p.6).
Pour la tradition de pensée fondée sur cette conception du républicanisme civique, la
principale erreur du libéralisme contemporain tient au fond à son adhésion étroite à un