Le français de Belgique et les "Belgicismes"

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Le lexique des variétés du français en Belgique
Asist. univ.drd. Oana Maria PĂSTAE
Universitatea „Constantin Brâncuşi” din Târgu Jiu
La présente étude examine les variétés linguistiques du français de Belgique par rapport au
français standard. Le français de Belgique constitue une variante régionale du français, et il est
caractérisé par des belgicismes, des wallonismes, des termes bruxellois locaux et des accents bien
particuliers. La variation régionale, en français, peut être abordée de deux manières, en
considérant que le français est un synonyme de la langue d’oïl, ce qui implique que tous les
dialectes romans du domaine d'oïl sont des variétés dialectales du français ou en se limitant à ce
qu'on appelle le «français régional», ensemble de variétés régionales dans le monde, qui restent
très proches du français standard.
1. Introduction
Répandu sur les cinq continents par suite de l'expansion coloniale, le français n'échappe pas
au sort de toutes les langues de grande extension : la variation ou la variété.
C’est à nous, les enseignants d’expliquer aux apprenants que toute langue est affectée par la
variation, voilà porquoi on parle du français pas «des» français pour justifier l’existence de
différences à l’intérieur de cette langue. Le dictionnaire TLFi donne les définitions suivantes pour
les lexies variété et variation :
Définition : variété
Source : TLFi
A. Caractère de ce qui est varié, qualité d'un ensemble dont les éléments sont différents. Synon.
diversité. Extraordinaire, extrême, grande, immense, inépuisable, riche variété; jolie, magnifique,
merveilleuse variété; manquer de variété; sans variété; d'une grande variété.
En partic. Caractère de ce qui est présenté de différentes manières. Variété du mouvement;
l'étendue et la variété du sujet. Et quelle variété de tons! De phrase en phrase elle imite Lavallière,
ou Sarah, ou Porel, ou la petite fille qui cause avec le petit garçon (RENARD, Journal, 1908, p.
1212).
P. méton. Ensemble des différences existant entre des choses, des actions, ou parmi des
personnes. Variété des couleurs, des sensations; variété des structures linguistiques; variétés
régionales du français.
[Dans une création littér., artist.] Qualité qui donne une impression de changement, de
renouvellement. Variété du style.
Définition : variation
Source : TLFi
A. Changement d'aspect, de degré ou de valeur. Présenter des variations; subir des variations. Il
ne voyageait presque jamais, mais il connaissait par cœur l'indicateur des réseaux et des variations
saisonnières
(DUHAMEL,
Nuit
St-Jean,
1935,
p.
148).
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LING. Propriété d'un système linguistique de présenter des différences d'une part entre des états
successifs (variation historique) et d'autre part entre des emplois dus à la localisation géographique,
des emplois sociaux, institutionnels ou situationnels. Variation diachronique, géographique,
sociale; variation linguistique:
B. SC. Changement, écart, différence entre deux états.
Selon l’usager, les linguistes parlent de trois types de variations :
 Diachronique - renvoie à l'évolution temporelle de la langue et partant à la situation
historique d'un locuteur ;
 Diatopique - concerne la diversification spatiale de la langue et la localisation géographique
du locuteur. Le français québécois n'est généralement pas défini comme français régional, ce
qui est plutôt réservé aux variétés internes au territoire français, mais comme une variété
simplement géographique (septante, kot);
 Diastratique – renvoie à la diversité sociale des locuteurs. C'est ici que l'on parle de
français populaire pour désigner la manière de parler de la classe sociale économiquement
défavorisée, essentiellement les ouvriers, car le facteur urbain est un élément définitoire de
la classe populaire que nous ciblons. Au Québec, au cours du XXe siècle, le grand centre
urbain qu'est Montréal a vu se développer un parler populaire dont les particularités relèvent
de plusieurs types de variations et d'une idée finalement assez commune du non standard.
Selon l’usage, on peut parler d’une variation diaphasique. La variation diaphasique est en lien
avec le répertoire dont dispose un locuteur pour s'adapter au degré de formalité de la situation, ou
pour véhiculer sa subjectivité. Cette notion implique un certain continuum des usages chez ce
locuteur, qui sélectionne, de manière fonctionnelle, les structures de la langue qui sont pertinentes
pour l'intervention langagière qu'il projette (français soutenu, neutre ou familier).
Gobard (1976, p.34) fait la distinction entre le langage vernaculaire qui est «local, parlé
spontanément, moins fait pour communiquer que pour communier, [lui] seul peut être considéré
comme langue maternelle (ou natale)» et le langage véhiculaire qui est «national ou régional, appris
par nécessité, destiné aux communications à l'échelle des villes». À l'occasion, le linguiste illustre
sa théorie en renvoyant à la situation du français au Canada et à l'avancée de l'anglais comme
langue véhiculaire à l'échelle mondiale (ibid., p. 38-39).
Au sein de toute communauté linguistique il y a de multiples variétés, parmi lesquelles on
distingue trois types principaux :
 régionales (régiolectes),
 sociales (sociolectes)
 individuelles (idiolectes)
Des variétés régionales: le français parlé en Belgique, par exemple, diffère par plusieurs
aspects (accent, prosodie, phonétique, mais aussi lexique et morphosyntaxe) du français parlé à
Paris, à Rennes ou à Marseille. A l'intérieur de ce français de Belgique, le français parlé à Liège se
distingue à son tour du français parlé à Bruxelles ou à Mons: les accents sont différents, certains
Montois roulent les r, la plupart des Liégeois diront chique, là où les Bruxellois diront boule etc.
Des variétés sociales: l'observation courante nous l'enseigne, les individus ne parlent pas de
la même façon suivant leur classe sociale, à tel point que l'on détermine souvent la position sociale
d'un interlocuteur sur la base de son langage.
Enfin, des variétés individuelles, chaque individu en fonction de ses caractéristiques
physiologiques, de son histoire personnelle, s'exprime d'une façon particulière, avec un timbre de
voix plus ou moins grave. Tel individu, pour exprimer son ennui et son énervement face à une
situation, dira "X m'a énervé", un autre "X m'a échauffé ", un autre encore " X m'a cassé les pieds ".
Tous ces régionalismes provenant de plusieurs pays francophones peuvent être appelés
francophonismes, qu'ils soient d'origine française, belge, suisse, québécoise, antillaise,
mauricienne ou ivoirienne. Ils démontrent qu'il y a différentes façons d'employer la langue
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commune, c'est-à-dire que plusieurs normes coexistent tout en demeurant du français. Cela étant dit,
les francophones se permettent de moins en moins d'ignorer la langue commune — le français
standard —, mais ils ne semblent plus hantés par les questions relatives à la «pureté», à la
«distinction» et à la «qualité».
Nous appellerons variétés linguistiques les formes de langage apparentées qui différent par
un certain nombre (arbitraire) de propriétés phonologiques, lexicales ou (plus rarement)
syntaxiques. Le terme arbitraire signifie qu'il y a des degrés de parenté entre les variétés
linguistiques.
Si nous analysons la situation du français en Belgique, Suisse et Québec, nous observons
que le français de Belgique constitue une variante régionale du français, et il est caractérisé par des
belgicismes, des wallonismes, des termes bruxellois locaux (ou brusseleir) et des accents bien
particuliers ; le français de Suisse, outre un accent, elle este caractérisée par des helvétismes (ou
des romandismes) et des germanismes ; le français du Québec se caractérise par ses archaïsmes,
ses québécismes (ou acadianismes en Acadie) et ses anglicismes. Évidemment, les phénomènes liés
au climat, au sol et à certaines réalités locales occasionnent souvent des régionalismes différents
pour les Belges, les Suisses, les Québécois et les Français.
Mentionnons des exemples connus en France, comme le repas du matin qui s'appelle le
petit-déjeuner, celui du midi, le déjeuner et celui du soir, le dîner, alors qu'au Québec, en Belgique
et en Suisse, on emploie respectivement déjeuner, dîner et souper. Rappelons qu'en Belgique et en
Suisse, on dit septante (70) et nonante (90), tandis qu'en Suisse, on privilégiera huitante (au lieu de
octante) dans les cantons de Vaud, du Valais et de Fribourg, mais quatre-vingts dans les autres
cantons de Genève, de Neuchâtel, du Jura de Berne.
Pourquoi y a-t-il variation? Précisons que les deux aspects susceptibles de varier le plus
sont la prononciation (la phonétique) et le vocabulaire.
Les phonèmes varient parce qu'on ne place jamais les organes articulatoires (langue, lèvres…)
systématiquement de la même façon. Un son comme /o/ doit être vu comme une cible autour de
laquelle se répartissent différentes réalisations du /o/. Certaines prononciations apparaîtront plus ou
moins prestigieuses et seront reprises par certains groupes sociaux comme marque d'identité. En
Belgique les voyelles longues connaissent une belle vitalité, remarque Henriette Walter (1998, p.
167), par exemple pâte se prononce avec une voyelle de même timbre que dans patte mais en
traînant plus longuement sur cette voyelle, tandis que la voyelle de patte est toujours beaucoup plus
brève.
Le vocabulaire varie parce que les langues ne sont pas précises et exactes, contrairement à
ce que croient plusieurs personnes. Les langages de programmation sont précis et immuables mais
personne ne s'en servirait dans la vie quotidienne. Pour fonctionner comme moyen de
communication humain, la langue (le lexique) doit pouvoir être flexible (permettre l'extension
métaphorique) et sous-déterminée parce que la langue est faite pour s'adapter à des situations
nouvelles. Ainsi, dans les années 70, l'emploi de l'expression naviguer sur Internet aurait été mise
sur le compte de l'ingestion de substances hallucinogènes. Par contre, en 1990, des termes comme
site ou naviguer ont pris par analogie (par extension métaphorique) un sens qu'ils n'avaient pas il y
a dix ou vingt ans. Une grande partie du lexique repose sur l'extension métaphorique (caresser un
projet, frapper l'imagination...).
1. Wallon, Français régionaux et Français « commun » de Belgique
On confond encore souvent les parlers wallons et les français régionaux de Belgique alors
qu’ils représentent une réalité linguistique complètement différente.
Le Petit Robert considère encore le wallon comme «une variété régionale du français en
Belgique», ce qui est loin d’être exact du point de vue linguistique.
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TLFi donne la définition suivante: «Dialecte gallo-roman d'une partie de la Wallonie; p. méton.,
l'une des variétés de ce dialecte. Parler wallon. L'aire du wallon proprement dit se subdivise en
quatre variétés: l'est wallon (avec Liège comme ville principale), l'ouest wallon (CharleroiNivelles), le centre wallon (Namur) et le sud wallon (...) (Neufchâteau).»
Il convient de distinguer les trois notions suivantes: le wallon, le français régional et le français
commun :
Les parlers wallons (le "wallon" pour simplifier) font partie des "Langues d’Oïl" et se
situent donc sur le même plan que le francien dont est issu le français actuel ou que le picard, parlé
du nord de Paris jusqu’au sud de Bruxelles, le normand, le breton gallo, le poitevin, le champenois,
le morvandiau etc.
Le wallon est ainsi un cousin du français mais n’en est nullement l’héritier (le penser est aussi faux
que de croire que l’homme descend du singe). Comme le français, c’est une langue romane qui a
suivi sa propre évolution à partir du latin introduit dans la partie septentrionale de la France actuelle
et dans la partie francophone actuelle de la Belgique.
Les "français régionaux" de Belgique sont tout simplement des variétés régionales (on dit
aussi dialectes) du français "commun" tel qu’il est pratiqué en France, et qui se sont forgées au
contact des parlers wallons mais aussi du flamand en Belgique. A la différence du wallon qu’un
francophone ne peut absolument pas comprendre directement, ils restent globalement
compréhensibles à tout locuteur de français.
Bien entendu, le caractère régional de ces parlers français de Belgique est plus ou moins prononcé.
C’est souvent, actuellement, une question de générations. Les vieilles générations qui n’usent du
français que lorsque les circonstances l’exigent (et s’expriment en wallon tout le reste du temps)
parlent des variétés beaucoup plus "dialectales" pleines de "régionalismes" aussi bien sur le plan de
la prononciation que du lexique ou de la syntaxe. Il est parfois difficile de les comprendre. Le
sommet a été atteint à Bruxelles qui représente une zone de contact privilégiée et qui a donné
naissance à un idiome mixte, sorte de créole franco-flamand appelé "marollien" du nom du quartier
populaire de Marolles qui a été en grande partie détruit à l’occasion de l’édification du Palais de
Justice, et parfaitement incompréhensible aux francophones.
Le "français commun" : en théorie, il s’agit ni plus ni moins du français standard tel qu’il
est parlé en France. En pratique cependant, un locuteur belge francophone manie souvent deux
registres de langue : un niveau où la prononciation est plus surveillée (très proche ou identique au
français standard) et un niveau où elle est beaucoup plus relâchée et où l’influence des français
régionaux de Belgique est encore sensible. C’est à ce niveau d’un français "commun" de Belgique,
et seulement à ce niveau, qu’on peut parler de "belgicismes". En effet, s’il s’agit d’une variété
régionale belge du français bien identifiée, il n’y a plus lieu de parler de "belgicismes" puisque c’est
précisément la définition d’un dialecte d’être "régionalisé" (donc fondé, dans le cas de la Belgique,
sur des "belgicismes").
On entend donc par belgicismes (en se limitant au domaine lexical) toute expression en
usage dans le français "commun" de Belgique et qui n’appartient pas au français de France. C’est
par ces "belgicismes" lexicaux qu’on peut normalement reconnaître un locuteur belge de langue
maternelle française, bien mieux qu’au travers du soi-disant "accent belge" qui est une notion très
subjective.
Donc toute particularité du parler français de Belgique qui la différencie du français de
France, qui est considéré comme la norme, peut être un belgicisme. La classification de belgicismes
a, dans ce contexte, une connotation plutôt péjorative. Mais, comme les préjugés contre les
belgicismes se montrent de plus en plus sans raison, il y a déjà des linguistes qui s’efforcent de
priver certains belgicismes de cette connotation négative en les appelant «de bon aloi».
Depuis un certain temps on a même essayé de différencier les belgicismes d’après l’espace
géolinguistique où ils sont répandus. Les mots en usage sur tout le territoire belge francophone sont
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appelés également panbelgicismes ou statalismes, les belgicismes en usage dans une région limitée
sont appelés régionalismes belges ou français régional belge.
Les différences entre le français de Belgique et celui de France apparaissent sur tous les
plans de la langue (phonétique, phonologique, morphologique, lexical ou syntaxique) et sont assez
nombreuses. Mais étant donné l’étendue restreinte de notre étude, nous nous bornons à rappeler
celles qui nous paraissent les plus marquantes c’est-à-dire celles sur le lexique.
Les expressions proposées dans le tableau ci-dessous ont plusieurs origines. Mais
globalement on peut les regrouper dans deux grandes catégories selon qu’elles tirent leur origine
d’une évolution lexicale "interne" (par des procédés identiques à ceux qui commandent la
production du lexique du français de France) ou d’apports "externes", (phénomène général de
l’emprunt) en provenance soit de variétés régionales du français de Belgique, du flamand (certains
parlent alors de "flandricismes") ou encore du wallon ("wallonismes").
Nous proposons ci-dessous un florilège des "belgicismes" parmi les plus courants :
Tableau 1: Particularités lexicales de la Belgique
Français de Belgique
Français de France
l'auditoire
salle de cours (à l'université)
le pain français
la baguette
la baguette
la bloque
la préparation aux examens
la praline
un bonbon au chocolat fourré
la brosse
le balai
septante
soixante-dix
nonante
quatre-vingt-dix
caillant
très froid
le tapis-plain
la moquette
le chicon au gratin
l'endive
le torchon
la serpillière
la drache
très grosse pluie
l'essuie
la serviette
le copion
l’antisèche
l’essuie
le torchon
le bourgmestre
le maire
le GSM
le portable
la casserole à pression
la cocotte minute
spéculoos
biscuit au sucre candi
kot
Avoir une brique dans le ventre
chambre d'étudiant, d'où koter : loger dans
une petite chambre.
personne qui fait chaque jour un long trajet
entre son domicile et son travail, elle fait la
navette.
professeur qui enseigne les premiers trois
années
Aimer sa maison
Il fait cru
Il fait froid
Ne pas acheter un chat dans un sac
Ne pas acheter quelque chose sans
connaître
navetteur
régent
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Tirer son plan
Se débrouiller
Bisser
Refaire une deuxième fois
2. Activités en classe de FLE
Avec l’évolution des méthodologies et de la pédagogie, la place de l’enseignant a bien
changé, il est un facilitateur d'apprentissage en attirant l'attention de l'apprenant sur sa manière
d'apprendre et il est un animateur. Cela implique une participation plus profonde de la part de
l’enseignant qui doit prendre un rôle presque théâtral afin de communiquer le FLE à ses apprenants.
Chaque situation d’enseignement comporte plusieurs variables selon le public à qui l’on
s’adresse. Selon moi la connaissance du public est très importante dans le procès de l’enseignement.
Enseigner aux adultes implique donc de rechercher les moyens les plus facilitateurs et qui
encouragent leur perception de la langue, la mémorisation et la production. Il faut aussi savoir si
notre public subit la situation d’apprentissage volontairement ou involontairement.
Le début d’une formation ou d’un cours de FLE est très important car c’est une découverte
de la part de l’enseignant et de la part des apprenants. C’est un moment délicat surtout si le
démarrage se fait mal l’ensemble de la formation risque d’en souffrir.
Depuis l’apparition des nouvelles méthodologies, une des missions les plus importantes des
enseignants est devenue de réaliser des interactions avec les apprenants. Elles sont fondamentales
car l’interactivité est le moteur de l'apprentissage en classe, à partir de supports variés par le
déclenchement de prise de parole.
L'enseignant doit d'abord répondre à la question « quel français enseigner ? ». En effet, en
parlant spontanément avec mes étudiants, par exemple, je désignerai toujours les repas en utilisant
les mots petit déjeuner, déjeuner et dîner mais, parce qu’on parle d’une dynamique linguistique
dans l’espace francophone, je leur explique qu’en Belgique, en Suisse et au Québec on emploie les
mots déjeuner, dîner et souper pour ne pas être surpris en entendant ces mots dans une situation de
communication dans un de ces pays.
De ce point de vue, nous ne devons pas être surpris que, hors de l'Hexagone, le français prenne la
couleur locale.
Il est vrai que le professeur de français, dans sa classe de langue, face à ses étudiants, a
besoin de réponses concrètes et pratiques. Entre autres, il voudrait que des réponses lui soient
données lorsqu'il demande laquelle de ces paires d'expressions il devrait enseigner. Devrait-il
enseigner que « ça a pas d'bon sens » ou plutôt que « c'est incompréhensible » ?
Selon moi, nous, en tant que professeurs de langue, devons percevoir la nécéssité,
d'enseigner la forme la plus idéaliste possible du français de façon que nos apprenants puissent un
jour prendre la parole dans l'une des institutions internationales sans que l'on ait besoin de traduire
leurs propos à d'autres francophones. Cela serait la différence entre l'école (non institutionnelle) de
la vie et la vie dans une école.
Un des traits les plus saillants du fait francophone est sans conteste l’insécurité
linguistique. Au début l’institution scolaire a érigé le « français de France » (ou « de Paris ») au
rang de référence absolue et les campagnes largement médiatisées ont dénigré les particularismes
régionaux. S'il est vrai que la langue des élites socio-culturelles de Paris - le bon usage - prédomine
à tel point qu'elle se confond avec le français même, on assiste depuis quelques décennies au moins
à une pluralisation des normes linguistiques en francophonie. On considère le français comme une
langue pluricentrique, qui se caractérise par l'existence de plusieurs bons usages, spécifiques aux
divers pays d'expression française. C'est pourquoi on parle aujourd'hui de "pédagogie plurinormaliste", qui enseigne aux apprenants à prendre conscience des enjeux véritables d'une situation
de communication, et à associer les choix langagiers en les adaptant à l'effet à produire et au résultat
attendu.
140
La part du vocabulaire commun entre toutes les variétés de français serait
approximativement de 80% (Boulanger, 2000, p. 41). Il (ibid., p. 43) parle d’une supranorme vue
comme l’idée du français universel ou international et considère que chacun des normes
géographiques France, Belgique, Québec, Canada, Acadie, Afrique, etc. forme, à son tour un réseau
d’infranormes.
Pourquoi, quand et comment intégrer la variété du français en classe de FLE ? c’est une
question qu’on pose souvent en tant qu’enseignant de FLE et la réponse serait qu’il n’y a pas un
moment adéquat mais on doit amener les apprenants à une prise de conscience concernant la
diversité culturelle et linguistique de la langue française et accepter toutes les variantes.
Comme activités en classe de FLE nous pouvons nous appuyer sur la chanson pour l’étude
de la civilisation française contemporaine. La chanson, c’est aussi l’expression d’une vision du
monde singulière, proposée, sinon imposée, par une mentalité collective fonctionnant à la manière
d’un inconscient social extrêmement puissant.
La chanson est un lien avec la culture de l’autre dans sa diversité. Les musiques actuelles
francophones sont un lieu de découverte de la réalité multiculturelle française et francophone. Elles
ont aussi une mission de plaisir, de divertissement parce que le français n’est pas uniquement fait
pour travailler, pour faire des exercices. On peut rire, danser, s’amuser en français.
Les activités autour de la chanson sont très diverses : texte à trous pour l’exercice d’écoute,
exercices de mise en ordre, transformation de la chanson de la première à la troisième personne,
trouver un autre titre, relever le vocabulaire qui est relié au sujet de la chanson. Les chansons
peuvent servir de point de départ de discussions portant sur tous les thèmes abordés : Quel est le
sujet de la chanson ? , Quelle relation existe-t-il entre le titre et le contenu de la chanson? , Quels
sont les temps et modes dominants ? , Quelle personne du verbe est employée principalement? ,
Que pouvons-nous en conclure?
Les enseignants pourraient faire analyser quelques aspects des variations linguistiques au
sein de la francophonie. Pour découvrir les variétés de français parlées dans le monde, c’est bine de
relever quelques mots ou expressions des différents continents de la francophonie. Pour cela on a
besoin des documents authentiques comme des CD, des cassettes vidéo (petits dialogues) ou des
sites Internet: carte de la francophonie + petit historique, présentation de la chaîne TV5, exercices
où il faut retrouver les correspondants en français de référence.
Une autre activité serait centrée sur
les différents aspects des traits distinctifs
caractéristiques d’une société et de sa culture (Belgique ou autre pays francophone), par exemple :
vie quotidienne (nourriture et boisson, heures des repas, manières de table, activités de loisir),
relations interpersonnelles (les relations entre les sexes, la structure et les relations familiales, les
relations entre générations, les relations au travail), langage du corps (la gestuelle), savoir-vivre
(la ponctualité, les cadeaux, les vêtements, la durée de la visite, la façon de prendre congé.
Conclusion
En conclusion, une langue est un ensemble de variétés dialectales et sociologiques reliées
linguistiquement (structuralement et historiquement) et dominés par une variété standard normalisée
reconnue comme variété de référence. Mais n’oublions pas qu’on peut parler d’une supranorme
vue comme l’idée du français universel ou international et que chacun des normes géographiques
France, Belgique, Québec, Canada, Acadie, Afrique, etc. forme, à son tour un réseau
d’infranormes. L’enseignement plurinormaliste du français joue un rôle important aujourd’hui
dans la didactique et la prise de conscience concernant la diversité culturelle et linguistique de la
langue française doit préoccuper les enseignants qui restent les acteurs privilégiés de la diffusion du
français et doivent tenir compte de divers «appareils normatifs».
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Le français est une langue polynomique et un système de sous-systèmes qui, eux sont
actualisés dans des usages variables en France, au Québec, en Belgique, en Suisse, au Maghreb etc.
comme affirme Jean Claude Boulanger (2001, p.32) dans son article La francophonie : une norme,
des normes, un dictionnaire, des dictionnaires ?.
Dans l’étude que nous avons entreprise qui n’est pas une étude exhaustive nous avons
essayé de montrer l’importance de la diversité linguistique et culturelle de l’espace francophone et
de la prise de conscience du phénomène de la variation qui affecte toutes les langues.
Bibliographie
ALLIÈRES, Jacques. La formation de la langue française, Paris, P.U.F., coll. «Que sais-je?», n°
1907, 1982
DUMONT, Pierre. L’interculturel dans l’espace francophone, Paris, Éditions L’Harmattan, 2001
Fondation Singer-Polignac, Alliance Française, colloque : La langue française à la croisée des
chemins, Paris, Éditions L’Harmattan, 1999
GOBARD, Henri. L’aliénation linguistique, analyse tétraglossique, Paris, Flammarion,
298 p. Voir le chapitre 4. «Tétraglossie. Langages vernaculaire, véhiculaire, référentiaire,
mythique», 1976, p. 31-51.
KLETT-Verlag, Le français et la francophonie: Problèmes d’aujourd'hui, Hachette 3e collection
Isaac, Editions Hachette, 1987
LAROUSI Foued et BABAULT Sophie. Variations et dynamisme du français, Paris, Éditions
L’Harmattan, 2001
Le Nouveau Petit Robert 2008 : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française
(Relié) de ROBERT, Paul (Auteur), REY-DEBOVE, Josette (Auteur), REY, Alain (Auteur)
TLF informatisé- conception et réalisation informatiques : DENDIEN, Jacques 2005 :
[email protected]
WALTER, Henriette. L’aventure des langues en Occident, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. "Le
livre de poche", 1994
WALTER, Henriette.Le Français d’ici, de là, de là-bas, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès, coll.
"Le livre de poche", 2007.
Site Internet
http://www.ambafrance-be.org
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