Henri II donna donc l’ordre à Polin, baron de La Garde, de rallier la flotte
ottomane avec vingt-six galères françaises. Ce prince méditait, dès cette
époque, le projet de conquérir l’île de Corse, qui, jetée dans la Méditerranée
entre Marseille et les côtes d’Italie, interceptait le chemin de la Toscane et de
Naples, et commandait le golfe de Gênes, dont il n’avait pas perdu l’espoir de
s’emparer. Dragut, à la tête de la flotte turque, attaqua Bonifacio, pendant que le
baron de La Garde se présentait devant Bastia. Cette dernière ville se rendit
presque sans résistance; mais Dragut, après avoir perdu six cents hommes
devant Bonifacio, fut obligé de recourir à la ruse. Un officier, que le baron de La
Garde avait placé près de l’amiral ottoman, ayant demandé une entrevue avec
quelques-uns des habitants, leur représenta tous les dangers auxquels leur ville
était exposée, si elle persistait à se défendre. Cet officier ajoutait que, pour
sauver leur fortune et leur vie, il ne restait aux habitants qu’à se mettre sous la
protection de la France. Ces paroles produisirent l’effet qu’on en attendait; et
Bonifacio ouvrit ses portes. Mais, comme cette soumission volontaire privait les
Turcs d’un immense butin, la ville n’en fut pas moins saccagée, et une partie de la
garnison et des habitants massacrés, au mépris de la capitulation. Cette indigne
violation du droit des gens ayant fait éclater des divisions entre les Turcs et les
Français, Dragut se sépara de ses alliés, et son départ compromit le succès de
l’expédition. A quelques mois de là Doria reprit l’offensive, et rentra dans Bastia.
Henri II envoya aussitôt un ambassadeur à Constantinople, pour se plaindre au
sultan et réclamer l’exécution du traité.
Fidèle à sa parole, Soliman ordonna que les forces navales de l’empire
fussent mises de nouveau à la disposition du monarque français, pour agir contre
l’île de Corse. Sa flotte se composait de cent galères, indépendamment de vingt
navires de toutes grandeurs que devait fournir le pacha d’Alger. Ordre fut donné
à Salah-Reis de tenir prêts ses navires, qui rallièrent les galères de