chronologie événementielle, afin de prendre la mesure de la rupture introduite par la
proposition de pacte rhénan (qui aboutit à Locarno) en février 1925. Enfin, le texte du traité et
des accords -notamment militaire- qui l’accompagnent méritent analyse, sans jamais perdre de
vue leur contexte post-locarnien.
I - Un système français aux articulations paralysées
La conception formelle d’un système de sécurité français en Europe centrale,
fournissant à la France l’allié de revers contre l’Allemagne qui lui faisait défaut depuis la
Révolution d’Octobre, se cristallise avec l’arrivée de Philippe Berthelot au secrétariat général
du Quai d’Orsay en septembre 1920 :
« Monsieur Berthelot a exprimé avec la plus grande énergie le point de vue français qui est de soutenir
la Petite Entente et d’en obtenir le maximum de rendement et pour les Etats eux-mêmes, et pour la France qui
veut avant tout assurer un bloc fort tenant en respect l’Allemagne dans ses velléités vers le Sud ou l’Est. ... Le
ministre des Affaires étrangères polonais ayant fourni des détails sur l’accord militaire polono-roumain « signé
ou presque » impliquant la garantie et l’aide de l’armée réciproque pour la frontière orientale, Berthelot a
exprimé la satisfaction profonde de la France pour cette entente ».
Berthelot favorise le regroupement le plus cohérent possible des petits vainqueurs
centre-européens, afin de constituer une aile marchante contre l’Allemagne -comprenant la
Pologne et la Tchécoslovaquie-, un flanc défensif face à l’Union Soviétique -avec l’alliance
polono-roumaine éventuellement prolongée auprès des Baltes- et secondairement des sous-
systèmes pour observer ou maîtriser les autres mécontents -la Yougoslavie face à l’Italie, la
Roumanie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie face à la Hongrie et à la Bulgarie, appuyée
dans ce dernier cas par la Grèce. Ce tableau théorique aboutit, à la veille de Locarno, à la
configuration suivante de traités défensifs accompagnés de conventions militaires secrètes :
Paris a signé des accords avec Varsovie (février 1921) et avec Prague (janvier 1924), qui
visent l’Allemagne, et dans une bien moindre mesure un appui matériel contre une attaque
soviétique -pour la Pologne- et contre l’Anschluss ou une restauration habsbourgeoise -pour
la Tchécoslovaquie. Les petits vainqueurs contractèrent aussi des assurances entre eux contre
les petits vaincus -la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Roumanie signèrent des traités
bilatéraux entre août 1920 et juin 1921 afin de contrer les irrédentismes hongrois et bulgare.
Télégramme n°1635 du prince Ghica, ministre plénipotentiaire de Roumanie à Paris, à Take Ionescu, ministre
des Affaires étrangères, du 4 février 1921, Archives du ministère des Affaires étrangères de Roumanie
(AMAER), fond Paris 46, publié dans le volume d’annexes de ma thèse, SANDU, Traian, La Grande Roumanie
alliée de la France, une péripétie diplomatique des Années Folles ? (1919-1933), Paris, L’Harmattan, coll.
Aujourd’hui l’Europe, 1999, 283pp., doc. n°38, pp.100-102.