Le Ladakh, toit du monde et terre des Dieux...un nom lointain

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Le Ladakh, toit du monde et terre des Dieux...un nom lointain évoquant une région du
monde où je brûlais d’envie de me rendre depuis des années. En juillet 2008, après déjà 4
mois passés sur les routes de l’Inde, je m’aventure dans les hauteurs himalayennes. Le
Ladakh est un pays de montagnes...noyées dans les montagnes, séparé du Tibet et du
Kashmir par des abrupts de roches et de glaces dépassant les 5000 mètres de hauteur. Ses
zones peuplées se regroupent principalement dans la vallée de l’Indus, se cantonnant à
d’étroites bandes de verdures s’accrochant aux cours d’eau qui descendent tout droit des
glaciers. De par sa situation géographique difficilement accessible, la région est restée
protégée de l’influence coloniale, des saccages moghols et des ravages de la Révolution
Culturelle et est le berceau de l’une des derniers populations bouddhistes tantriques au
monde. De religion majoritairement bouddhiste, le Ladakh abrite également des musulmans.
Une forte diaspora tibétaine y a élu domicile suite à l’invasion du Tibet par la Chine. Le
Ladakh, bien plus proche du Tibet que de l’Inde en termes de géographie, d’histoire et de
culture, se distingue très nettement du reste du pays, preuve en est l’un des surnoms de
cette région que l’on appelle souvent « petit Tibet ».
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Panorama sur la ville de Leh
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“Apprends comme si tu devais vivre pour toujours et vis comme si tu devais mourir
demain”. Proverbe bouddhiste
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On m’avait toujours dit que le Ladakh était d’une beauté suprême et soufflante, mais il
n’y a même pas de mots pour décrire ces paysages de l’extrême et les sensations qui
nous envahissent en se perdant ici. Ces endroits sont divins. Si Dieu existe, c’est ici
qu’il se cache. En se retrouvant dans ces immensités de solitude, on ne peut que
s’avouer que l’on est absolument rien du tout, et on se sent toujours d’une liberté et
d’un affranchissement incroyables.
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Rituel de puja sur le col de Kardung La
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Le monastère de Thiksey est l’un des plus beaux et plus intéressants gompas de toute la
vallée de l’Indus. Il est construit sur une petite colline qui se dresse en plein milieu d’une
zone complètement plate, de sorte qu’on la dirait presque artificielle. Sur les flancs de
cette colline, on trouve des dizaines de petites maisons habitées par les moines et les
nonnes. Elles sont blanchies à la chaux, presque aveuglantes sous ce soleil brûlant des
4000 mètres. Le monastère est perché au sommet de la butte. La lumière est hyper forte,
de sorte que par moments, on est presque oblige de plisser les paupières pour essayer de
voir clair dans cette explosion de couleurs et de lumières vives. C’est la teinte ocre de la
terre, le bleu électrique du ciel, le blanc parfait des maisons et les silhouettes enveloppées
de rouge des moines que l’on distingue au loin et qui se faufilent discrètement entre les
habitations. On en a plein la vue.
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Vallée de l’Indus, monastère de Chemrey. De novembre à mai, le Ladakh est presque
entièrement coupé du reste de la planète. Les routes pour s’y rendre ne sont ouvertes
que de juin à octobre, étant enneigées tout le restant de l’année. Les températures
hivernales descendent regulièrement en-dessous de -20 degrés et tournent autour des
30, en journée, pendant les trois mois d’été. Pour les habitants, l’hiver est pourtant une
saison de fêtes. Toutes les provisions et le fuel ayant été engrangés, il ne leur reste plus
qu’à prendre du bon temps à l’occasion des nombreuses fêtes régionales, à caractère
religieux ou non.
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Vallée de la Nubra
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“La pierre précieuse ne peut pas être polie sans frottements, et l' homme ne s'accomplit
pas sans subir d'épreuves”. Poverbe bouddhiste
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Monastère de Hemis
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Le Pangong Tso se trouve à 150 kilomètres de Leh, à une altitude de 4300 mètres. Il
s’écoule sur 130 kilomètres, jusqu’au-delà de la frontière tibétaine. Seuls 30% du lac
appartiennent à l’Inde, le reste se trouve au Tibet.
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Au pied du monastère, je rencontre deux bonzes vraiment trop sympas. Ils s’appellent
Atchand et Tenzin (décidément, ils s’appellent tous Tenzin ici au Ladakh, sans doute
est-ce en référence au Dalaï-lama qui porte également ce prénom). On reste là sur le
sommet de la colline, à discuter en prenant le soleil. Atchand et Tenzin sont originaires
de Kargil et vivent ici depuis 12 ans. A Dharamsala, on m’avait dit que les voies
monastiques se renouvellent par tranches de 10 ans, mais eux m’affirment qu’ici, cette
vocation est bel et bien perpétuelle. Ils m’expliquent qu’à Dharamsala, la grande
majorité des moines bouddhistes sont des réfugies tibétains et que ce choix de vie leur
permet temporairement de s’intégrer, de retrouver des repères et surtout, d’avoir une
éducation correcte. Ici par contre, la plupart des bonzes sont des Ladakhis, non des
réfugiés et ayant une fois emprunté la voie monastique, ils sont censés la suivre jusqu’à
la fin de leur vie.
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Dans la foule au festival de Hemis, juillet 2008
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Le festival de Tse-Chu commence dans deux heures et, entre-temps, on part faire un tour
en coulisses, à l’intérieur même du gompa. Sans Sonam et Tenzin, je n’aurais pas osé
m’infiltrer comme ça à l’intérieur, par peur de les déranger, mais là, me voilà plongé en
plein dans l’effervescence des préparatifs du festival. Les lieux sont à peine éclairés, de
quelques ampoules ou de petites bougies qui brûlent devant des tankas géants ou autour
de statues de Bouddha, les masques que porteront les danseurs sont alignés en rangées
interminables sur des bancs, les jeunes bonzes courent dans tous les sens, tout excités ou
apeurés car ils n’arrivent pas à enfiler leurs imposants costumes. Un vieux lama est assis
dans un coin, dans la pénombre. Il porte une épaisse tunique multicolore. Je le vois
occupé à plaquer de petites feuilles sur un sparadrap, qu’il se colle ensuite sur le front. Il
m’explique que ce sont des plantes médicinales et que ce remède est radical pour lutter
contre son mal de tête. Sur le banc, juste à côté de lui, je distingue quelque chose de
bizarre…C’est une main et un avant-bras, de couleur noire. Sonam m’explique que c’est
une relique d’ancêtre qui sera utilisée pour la cérémonie. Il s’agit d’une vraie main de
cadavre, qu’ils ont fait sécher…Un peu plus loin, on trouve une série de casques faits de
crânes dont ils ont coupé et gardé le sommet, monté ensuite dans une structure de bronze.
Ils ont aussi une panoplie d’ossements humains qu’ils utilisent comme instruments de
musique, en soufflant dedans, comme cette flûte de cérémonie fabriquée avec un fémur.
Ces os sont toujours ceux de femmes, qui restent pour eux l’ultime symbole de la
naissance, bien sûr, mais aussi de la mort. “You now, it’s like this in our culture, so, our
dead people are still staying with us”.
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Procession au festival de Hemis
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Plusieurs coups de gong retentissent et marquent le début de la cérémonie. Une série de
bonzes descendent les grands escaliers du monastère en jouant de ces espèces
d’immenses cors typiques des fêtes bouddhistes tibétaines, et en transportant un portrait
du grand lama de Hemis, qu’ils posent ensuite sur un autel au fond de la cour. Depuis le
toit du monastère, ils déroulent un tanka d’une dizaine de mètres, représentant le
Bouddha. Les musiciens sont assis à l’arrière des lamas et continuent à jouer de leurs
instruments. Ces sons sont envoûtants au possible, le ciel est d’un bleu presque
artificiel, et en levant la tête, on ne peut que s’incliner devant ces montagnes qui
s’élèvent à 360 degrés tout autour de nous. C’est sublime!
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«Ne demeure pas dans le passé, ne rêve pas du futur, concentre ton esprit sur le moment
présent». Bouddha
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Au monastère de Leh
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Leh, c’est cette vieille ville ocre et poussiéreuse que l’on dirait tout droit sortie des
sables, c’est ce soleil cristallin qui brille en permanence et qui éclaire par moments la
région d’une lumiere carrément surnaturelle, c’est le paisible de ses habitants, et
l’irrésistible sérénité de cette ville, perchée à près de 4000 mètres d’altitude. Bizarrement,
alors qu’on est entourés de montagnes aux sommets enneigés, Leh m’évoque une de ces
cités du désert que l’on trouverait au Sahara ou même en Inde, à la frontière pakistanaise.
Les précipitations annuelles étant ici carrément nulles, tout est extrêmement poussiéreux
et sec, et d’autant plus avec ce soleil qui brille sans faillir 300 jours sur l’année.
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Dans les rues de Leh
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Leh apparait comme un petit écrin de vie de 28000 habitants, posé sur un immense
plateau entouré de montagnes arides et inhabitées. La plus grande partie de la ville se
compose de vieilles maisons centenaires, en bois ou en brique de terre, tombant en ruines
ou parfois rabistoquées avec les moyens du bord, tandis qu’un quartier plus moderne
s’étend à l’ouest, où l’on trouve les quelques arbres donnant un peu de vert dans le
panorama désséché qu’offre la ville depuis ses hauteurs. Aussi, combien d’endroits dans
le monde ont pour cadre des palais en ruine à l’ombre de sommets himalayens? Des
vestiges prestigieux qui se fondent à l’avant-plan de ces décors intemporels et immuables
avec les siècles...Tout autour de la ville, perchés à flancs de montagne, se trouvent une
série de stupas garnis de drapeaux à prières bouddhistes flottant au vent, de vieux
monastères et, le plus imposant de tous, l’ancien palais de Leh, qui domine
majestueusement la vieille ville, comme pour donner la touche finale à ce décor
grandiose.
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"Ce qu'on te reproche, cultive-le , c'est toi"
Jean Cocteau
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Dans les rues de Leh
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Ici, la plupart des habitants sont bouddhistes ou musulmans, chiites ou sunnites. On parle
principalement l’urdu ou le ladakhi, dont l’écriture est la même que l’écriture tibétaine,
même si ce n’est pas la même langue. On se salue du traditionnel “Julay” ou du
“Salamalekum saheb’, en fonction de qui l’on a devant soi. Les seuls Hindous que l’on
croise sont des militaires de l’armée indienne, affectés à une base non loin d’ici.
Proximité avec le Pakistan et le Kashmir oblige...Chaque communauté reste fermement
assise sur ses traditions et tout le monde cohabite en parfaite harmonie.Le Ladakh est
d’ailleurs la seule region du Jammu and Kashmir qui n’a subi aucune violence depuis
l’indépendance du pays.
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Dans les rues de Leh
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Vallée de l’Indus, monastère de Chemrey
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Au marché de Leh
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Festival au monastère de Chemrey
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Plusieurs danseurs entrent en scène, portant une série de masques plus hilarants,
terrifiants ou doux les uns que les autres. Ils entament des danses circulaires dans la
cour du monastère, en défilant devant les lamas et les moines. Ces danses rituelles
célèbrent la victoire du Bien contre le Mal, et celle du Bouddhisme sur les religions
préexistantes. Le personnage central est le Makahala, incarné par plusieurs danseurs
différents.
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Dans les rues de Leh
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Un moulin à prières est un objet cultuel utilisé par les Tibétains pratiquant le
bouddhisme. Le moulin à prières traditionnel est constitué d'un cylindre rempli de
mantras et pouvant tourner librement autour d'un axe. Selon les croyances associées à
cet objet, actionner un tel moulin a la même valeur spirituelle que de réciter la prière du
mantra, la prière étant censée se répandre ainsi dans les airs comme si elle était
prononcée.
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On arrive enfin au Pangong Tso. Le lac est immense, ses eaux sont turquoises, les
montagnes enneigées l’entourent comme une couronne, on ne trouve absolument
aucune trace de vie, ni humaine, ni animale…Un vrai paradis perdu. Sa beauté est
sauvage, mélancolique et suprême. En arrivant, on reste sans mots, à écouter ce silence
et le crissement de nos pas qui se fraient un chemin à travers les graviers avant de se
poser sur la berge.
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Lever du soleil dans la région du Pangong Tso
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Au monastère de Thiksey
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Au Ladakh, le décor et les paysages sont d’une spiritualité omniprésente. Presque tout
ce que l’on voit, ce que l’on touche, est censé être sacré. Ce sont tout d’abord ces
étendues infinies noyées dans le silence, dans la solitude et entre ces montagnes dont
les formes et la texture brute et aride évoquent irrésistiblement les origines de la Terre.
Ce sont ces impressions d’immensité qui ne peuvent pousser qu’à l’introspection et à la
réflexion sur ce qui se cacherait au-delà de ces endroits ultimes. Ce sont ces gompas
accrochés aux flancs des collines, d’où jaillissent des prières ou des chants sacrés
emportés par les vents qui balaient la poussière des plaines. Ce sont ces sépultures
bouddhistes disposées au milieu de nulle part, au sommet des montagnes, entre les
maisons ou sur le bord des routes, alors qu’on a plus vu la moindre trace de vie depuis
des kilomètres. Ce sont ces moulins à prières que font inconditionnellement tourner les
bouddhistes en passant en rue dans le centre de la ville de Leh, en récitant des mantras,
ou ces rochers, énormes, accrochés aux falaises, ou sont gravées des pensées
philosophiques en écriture tibétaine. Ce sont encore ces vieillards que l’on croise
partout, en pleine méditation, un chapelet à la main ou agitant un petit moulin à prières
monté sur un bâton, en arpentant les ruelles.
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Vue sur la vallée de l’Indus depuis le monastère de Thiksey
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Porte du monastère de Thiksey
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En route to Pangong Tso
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Les bonzes m’emmènent visiter les différentes salles du monastère. Les murs sont
couverts de splendides fresques ou de tankas figurant les différents personnages du
Bouddhisme tibétain. Le gompa de Thiksey renferme aussi une immense statue, de 14
mètres de haut, du Bouddha du futur. Il est entièrement peint à la feuille d’or et porte une
imposante coiffe de bijoux qui scintillent sous les rayons du soleil pénétrant à travers les
fenêtres. Les lieux sont empreints de grâce, baignent dans des senteurs de fleurs et
d’encens, pendant que quelques lamas sont assis face à la statue du Bouddha, les yeux
fermés, en égrenant un chapelet.
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Au monastère de Thiksey
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Dans la vallée de la Nubra
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