CELLULES B ET IMMUNITE HUMORALE Les cellules B représentent 5 à 15 % des lymphocytes du sang et ne peuvent pas être morphologiquement distinguées des cellules T. Cependant, les cellules B peuvent être phénotypiquement reconnues par les sIg (sIgM et sIgD sur les cellules B immatures ; IgM et IgD sur les cellules B matures antigéniquement vierges ; les sIgG, sIgA ou sIgE sur les cellules B matures qui se sont transformées), les CD19, les CD20, les CD21 (CR2), CD49c, CD72 et les CD40. Les cellules B peuvent également exprimer les molécules HLA de classe II et une variété d'autres CD qui ne sont pas spécifiques aux cellules B. Dans les ganglions lymphatiques, les cellules B se trouvent dans la partie externe de la région corticale sous-capsulaire des follicules germinatifs primaires et secondaires et des cordons médullaires ; dans la rate, elles constituent la région marginale et les follicules. Les cellules B semblent se développer suivant des étapes programmées. Cela commence par une cellule souche médullaire spécifique, puis continue par le stade précoce et tardif de cellule pro-B, (avec remaniement de la chaîne lourde du gène DJ), et le stade de cellule pré-B (avec remaniement réussi de la chaîne lourde du gène VDJ et apparition des chaînes de surface cellulaire et cytoplasmique), et, finalement, la cellule B immature (avec remaniement de la chaîne légère du gène VJ et apparition des IgM de surface cellulaire). L'Ag ne semble pas jouer de rôle dans le déroulement de cette séquence, cependant, l'interaction des cellules B immatures avec l'Ag peut provoquer une inactivation clonale ou une tolérance. Les cellules B immatures qui ne sont pas inactivées peuvent continuer à se développer jusqu'à devenir des cellules B matures antigéniquement vierges et quitter la moelle pour coloniser les organes lymphoïdes périphériques. L'interaction entre les IgG et les Ag étrangers les transforme alors en lymphoblastes. Au terme de leur différenciation, ces cellules B deviennent des plasmocytes, qui sécrètent des Ig d'une seule classe. Les cellules B des tissus périphériques sont programmées pour répondre à un nombre limité d'Ag. La première interaction Ag-cellule B est connue sous le nom de réponse immune primaire, et les cellules B désignées pour répondre à cet Ag subissent une différenciation et une prolifération clonale. Certaines deviennent des cellulesmémoire ; d'autres se différencient en des cellules plasmatiques matures synthétisant des Ac. Les principales caractéristiques de la réponse immune primaire sont une période de latence avant l'apparition de l'Ac, la production d'une petite quantité d'Ac, initialement IgM, puis un changement de l'isotype de l'Ig (à l'aide de la cellule T) en une IgG, une IgA ou une IgE. Cela aboutit à la création de nombreuses cellulesmémoire capables de réponses futures au même Ag. La réponse immune secondaire (anamnestique ou de rappel) a lieu lors des rencontres successives avec le même Ag. Les caractéristiques principales sont une prolifération rapide des cellules B, une différenciation en plasmocytes matures et une production accélérée d'une grande quantité d'Ac, principalement IgG, libérée dans le sang et dans d'autres tissus du corps, où elle peut rencontrer et réagir efficacement avec l'Ag. Les IgM, IgG et IgA peuvent répondre au même Ag. Ainsi, les cellules B dérivées d'une seule cellule B peuvent se différencier en une famille de cellules B génétiquement programmées pour synthétiser des Ac d'une seule spécificité antigénique, tout en ayant des cellules représentantes désignées pour la production de chaque classe d'Ig (p. ex. IgM, IgG, IgA). Les cellules B peuvent répondre à l'Ag d'une façon T dépendante ou T indépendante. Les Ag indépendants des cellules T (p. ex. les polysaccharides du pneumocoque, les lipopolysaccharides d'Escherichia coli et le polyvinylpyrrolidine) sont des substances à haut PM ayant des déterminants antigéniques répétitifs disposés en séquence linéaire, et très résistants à la dégradation par les enzymes de l'organisme. Les Ag Tindépendants induisent principalement une réponse IgM. La plupart des Ag naturels sont T dépendants et doivent être préparés par des cellules de présentation de l'Ag (CPA). Ces CPA présentent l'Ag à la fois aux cellules B et T. Les cellules T libèrent des cytokines qui induisent la réponse des cellules B à l'Ag processé produisant un Ac. Au cours de la stimulation antigénique des cellules B, on observe un switch des IgM aux IgG. Ce changement est dépendant des cellules T helper (TH) et peut nécessiter la participation de différentes sous-populations de cellules TH et des cytokines spécifiques. Par exemple, l'IL4 ou l'IL13 sont nécessaires au switch isotypique des IgM vers les IgE. Antigènes et anticorps Structure de l'antigène et antigénicité : un Ag est une substance qui peut déterminer une réponse immune spécifique. Une fois produits, les Ac sont capables de se lier avec les Ag spécifiques, un peu comme les morceaux d'un puzzle. Les molécules d'Ac reconnaissent les sites de liaison antigéniques, qui sont des configurations spécifiques (épitopes ou déterminants antigéniques) présents sur la surface des molécules de fort PM (p. ex. protéines, polysaccharides et acides nucléiques). La présence d'au moins un épitope de ce type fait qu'une molécule est un Ag. Les sites de liaison de l'Ac et de l'Ag s'imbriquent étroitement avec une grande force d'attraction, parce que les régions qui se correspondent à la surface de chaque molécule sont relativement étendues. Le même Ac peut également réagir de manière croisée avec des Ag proches si leurs déterminants de surface sont suffisamment près de ceux de l'Ag original. Les substances sont immunogènes (antigéniques) si le système immunitaire est capable de reconnaître leurs déterminants antigéniques comme étrangers (nonsoi) et si le PM de la substance est suffisamment important. Un haptène est une substance de PM plus faible que celui d'un Ag, qui peut réagir de façon spécifique avec l'Ac, mais qui est incapable d'induire la formation d'Ac à moins qu'il ne soit attaché à une autre molécule, habituellement une protéine (la protéine porteuse) ; p. ex. la pénicilline est un haptène qui peut se lier à l'albumine. (v. FIG. 146-3) : les molécules d'Ac sont des Ig qui possèdent une séquence d'acides aminés et une structure tertiaire particulière, leur permettant de se lier à une structure complémentaire présente sur l'Ag. Structure de l'Ig Bien que toutes les Ig soient probablement des Ac, il n'est pas toujours possible de connaître l'Ag contre lequel chaque Ig est dirigée. La réaction AgAc joue un rôle spécifique sur la protection de l'hôte contre les virus, les bactéries et autres agents pathogènes. Les Ig représentent la majeure partie de la fraction -globulinique des protéines du plasma humain. Les Ig sont remarquablement hétérogènes et peuvent se lier à un nombre presque illimité d'Ag, tout en possédant des propriétés communes. Pour chaque classe, l'Ig monomérique a une structure semblable : chaque molécule est composée de 4 chaînes polypeptidiques, 2 chaînes lourdes, identiques, et 2 chaînes légères, identiques. Les chaînes lourdes ont chacune un PM d'environ 50 000 à 70 000 daltons et les chaînes légères ont chacune un PM d'environ 23 000 daltons. Des ponts disulfures relient les chaînes et maintiennent la configuration en Y habituellement observée. La molécule d'Ig en forme d'Y est divisée en régions variables (V) et constantes (C). La région V est située à la partie distale des bras de l'Y et est appelée ainsi du fait de la grande diversité des acides aminés trouvés à cet endroit, qui détermine la capacité de l'Ig à se lier à l'Ag. Une région C, proche du site de liaison de l'Ag, contient une séquence d'acides aminés relativement constante qui est différente pour chaque classe d'Ig (v. aussi Immunité spécifique [d'adaptation], plus haut). Les régions hypervariables, situées dans les régions variables V, contiennent des déterminants idiotypiques, avec lesquels les Ac naturels (Ac anti-idiotypes) sont capables de se lier. La liaison d'un Ac anti-idiotype avec son déterminant idiotypique est important pour la régulation de la réponse des cellules B. A l'inverse, les déterminants allotypiques de la région C donnent naissance à l'Ac anti-allotypique, qui est spécifique de classe. Chaque clone de cellules B produit sa propre Ig spécifique, ayant une séquence spécifique d'acides aminés, qui se lie à une configuration particulière de l'Ag. Cependant, un membre de ce clone peut changer la classe de son Ig tout en gardant la chaîne légère et les régions V. Les molécules d'Ac ont été fragmentées par l'utilisation d'enzymes protéolytiques pour étudier les relations entre la structure et la fonction (v. FIG. 146-3). La papaïne coupe l'Ig en 2 fragments univalents, Fab (se liant à l'Ag) et un fragment isolé, Fc (cristallisable). Le Fab consiste en une chaîne légère et en un fragment de chaîne lourde, et contient les régions V de la molécule d'Ig (les sites de liaison). Le Fc contient la majeure partie de la région C ; ce fragment est responsable de l'activation du complément et se lie aux récepteurs du Fc présents sur les phagocytes. La pepsine donne naissance à un fragment désigné F(ab')2 qui consiste en 2 Fab et en une partie de la chaîne lourde avec les ponts disulfures. Chaque classe majeure d'Ig chez l'homme a une chaîne lourde correspondante ; les chaînes lourdes , , , et sont trouvées dans les IgM, les IgG, IgA, IgE et IgD, respectivement. Il n'y a que 2 types de chaînes légères, et , trouvées dans les 5 classes d'Ig humaines. Ainsi, il existe 10 types différents de molécules d'Ig (p. ex. IgG, IgG). Trois classes d'Ig n'existent que sous forme monomérique (IgG, IgD et IgE). Les IgM circulent sous forme pentamérique ou monomérique. Sous forme de pentamère, l'IgM contient 5 molécules en forme d'Y (10 chaînes lourdes et 10 chaînes légères). L'IgA apparaît sous la forme d'un monomère, d'un dimère et d'un trimère. L'IgG est également connue pour avoir 4 sous-classes (IgG1, IgG2, IgG3, IgG4) ; l'IgA a 2 sous-classes (IgA1 et IgA2). La distinction des sous-classes peut être importante parce que des fonctions biologiques spécifiques commencent à être associées avec les diverses classes (p. ex. l'IgG4 ne fixe pas le complément ou ne se lie pas aux monocytes et l'IgG3 a une tsignificativement plus courte que celle des 3 autres sous-classes d'IgG). Des structures supplémentaires ont été identifiées. Des chaînes de liaisons (J pour Jonction) relient les 5 sous-unités de l'IgM ainsi que les sous-unités de l'IgA. L'IgA sécrétrice a une chaîne polypeptidique supplémentaire, la composante sécrétoire (CS, ou pièce sécrétoire ou de transport), produite par les cellules épithéliales et ajoutée à la molécule d'IgA après la synthèse de l'IgA. Les coefficients de sédimentation, déterminés par ultracentrifugation, ont été traditionnellement utilisés pour désigner chaque classe d'Ig. L'IgM a le plus grand coefficient de sédimentation (19S), l'IgG a un coefficient d'environ 7S. (Ac) : la structure des acides aminés de la région C de la chaîne lourde détermine l'isotype de cette classe d'Ig. Chaque classe a différentes fonctions. Propriétés biologiques des Ig Les IgM, les premiers Ac formés après immunisation primaire (exposition à un nouvel Ag), protègent l'espace intravasculaire. Les molécules pentamériques d'IgM activent facilement le complément et servent d'agents opsonisants et agglutinants qui aident le système phagocytaire à éliminer de nombreux types de micro-organismes. Les isohémagglutinines et nombre d'Ac dirigés contre les germes Gram - sont des IgM. Les IgM monomériques jouent le rôle de récepteurs pour l'Ag sur la membrane des cellules B. Les IgG, le type le plus répandu d'Ac sérique, sont également trouvés dans les espaces extravasculaires ; elles sont produites lorsque les taux d'IgM commencent à décroître après immunisation primaire. Les IgG sont les plus importantes Ig produites après réimmunisation (réponse immunitaire anamnestique [de mémoire] ou réponse immunitaire secondaire). Les IgG protègent les tissus contre les bactéries, les virus et les toxines. Ce sont les seules Ig qui traversent le placenta. Les sousclasses d'IgG neutralisent les toxines bactériennes, activent le complément et facilitent la phagocytose par l'opsonisation. Les gammaglobulines vendues dans le commerce sont presque entièrement des IgG, avec de petites quantités d'autres Ig Les IgA se trouvent dans les sécrétions muqueuses (salive, larmes, voies respiratoires, voies génitourinaires et digestives et colostrum), où elles fournissent une protection précoce antivirale et antibactérienne. Les IgA sécrétoires sont synthétisées dans les régions sous-épithéliales du tube digestif et des voies respiratoires et sont présentes en association avec les composantes sécrétoires (CS) produites localement. Peu de cellules productrices d'IgA sont présentes dans les ganglions lymphatiques et la rate. Les IgA sériques ne contiennent pas de CS. Les IgA du sérum protègent contre Brucella, la diphtérie et la poliomyélite. Les IgD sont présentes dans le sérum à de très faibles concentrations ; elles apparaissent également à la surface des cellules B en développement et sont peut être importantes pour leur croissance et leur développement. Les IgE (Ac réaginique, sensibilisateur de la peau ou anaphylactique), comme les IgA, sont d'abord présentes dans les sécrétions muqueuses respiratoires et digestives. Dans le sérum, les IgE sont présentes à de très petites concentrations. Les IgE interagissent avec les mastocytes ; le pontage de 2 molécules d'IgE par un allergène peut provoquer la dégranulation des cellules, avec libération de médiateurs chimiques qui entraînent une réponse de type allergique. Les IgE sont élevées dans les maladies atopiques (p. ex. asthme allergique ou extrinsèque, fièvre des foins et dermatite atopique), les maladies parasitaires, la maladie de Hodgkin à un stade très avancé et le myélome monoclonal à IgE. Les IgE pourraient avoir également un rôle bénéfique dans la défense contre les parasites. Dosages des immunoglobines Les IgG, IgM et IgA sont présentent dans le sérum à des concentrations suffisamment élevées pour pouvoir être mesurées par diverses techniques qui relèvent la présence de n'importe quel Ag. Une technique ancienne est l'immunodiffusion radiale (technique de Mancini), dans laquelle le sérum contenant l'Ag est placé dans un puit d'une plaque d'agar contenant l'Ag ; la dimension des arcs de précipitation formés dans l'agar est proportionnelle à la concentration de l'Ag dans le sérum. Pour la mesure des concentrations spécifiques de nombreuses protéines sériques, dont les Ig, nombre de laboratoires utilisent la néphélométrie, une méthode rapide et hautement reproductible qui se base sur le principe de la diffusion moléculaire de la lumière ; l'immuno-électrophorèse est également utilisée occasionnellement pour identifier les Ig, en particulier les Ig monoclonales (v. MYELOME MULTIPLE, Ch. 140). Les IgE sont présentes dans le sérum en de si petites quantités qu'elle doivent être mesurées par dosage radio-immunologique (RIA) ou immuno-enzymatique (Enzyme-LinkedImmunosorbent-Assay, ELISA). Les IgE dirigées contre des Ag spécifiques sont mesurées en utilisant le radioallergosorbent test (RAST, v. Ch. 148). Les sous-classes d'Ig peuvent également être mesurées par dosage radio-immunologique (RIA) ou immuno-enzymatique (Enzyme-LinkedImmunosorbent-Assay, ELISA) anticorps monoclonaux Les Ac in vivo sont presque toujours polyclonaux (produits par plus de 1 clone), à l'exception des gammapathies monoclonales. De même, les Ac produits par les animaux pour les tests diagnostiques étaient polyclonaux jusqu'à une époque récente. La technique de l'hybridome permet la production de grandes quantités d'Ac monoclonaux animaux. Dans un premier temps, une souris est immunisée avec l'Ag désiré. Lorsque la souris produit des Ac, sa rate est enlevée pour préparer une suspension de cellules, dont certaines produisent l'Ac désiré. Ces cellules qui produisent les Ac sont alors fusionnées avec une lignée de cellules de myélome maintenue en culture et qui ne produit pas d'Ac. Les cellules fusionnées qui produisent l'Ac monoclonal désiré sont isolées, cultivées et réinjectées dans le péritoine de la souris. Le liquide d'ascite contenant l'Ac monoclonal peut être facilement produit et récolté et contient des concentrations élevées d'Ac. Les laboratoires de fermentation produisent des préparations commerciales d'Ac monoclonaux. Les Ac monoclonaux sont largement utilisés pour (1) doser les protéines et les médicaments dans le sérum ; (2) déterminer les groupes sanguins et tissulaires ; (3) identifier les agents infectieux ; (4) identifier les groupes de différenciation (clusters of differentiation, CD) pour la classification et le tt d'entretien des leucémies et des lymphomes ; (5) identifier les Ag tumoraux ; et (6) identifier les autoAg dans diverses maladies. L'utilisation des Ac monoclonaux a permis l'identification d'une myriade de cellules impliquées dans la réponse immunitaire.