les troubles d`apprentissage: les 25 prochaines années

LES TROUBLES D'APPRENTISSAGE: LES 25 PROCHAINES ANNÉES
(Réf.: Howard S. Adelman, 1992. LD: The next 25 years.
Journal of Learning Disabilities, 1, 17-22)
par: William Rodrigue, psychologue
Commission scolaire d'Aylmer
"Pendant plus de cent ans, beaucoup de plaintes ont été formulées concernant les
façons non méthodiques avec lesquelles on dirige les écoles, mais c'est seulement
dans les derniers 30 ans que des tentatives d'amélioration sérieuses sont apparues. Et
avec quel résultat? Les écoles demeurent exactement ce qu'elles étaient."
Et l'auteur de cette citation? Comenius... en 1632. Plus les choses changent, plus elles
demeurent les mêmes.
C'est l'impression bien nette que veut nous donner Adelman. Oui, des choses ont
changé, mais on n'observe aucun progrès concernant deux grandes questions
fondamentales touchant les troubles d'apprentissage: de qui parlons-nous? que doit-on
faire pour les corriger? Le présent texte s'intéresse à résumer l'auteur quant à la
première question.
DE QUOI PARLONS-NOUS?
Que l'on reconnaisse les troubles d'apprentissage comme concept ou comme
catégorie, il s'en suit un mécontentement relié aux définitions des troubles
d'apprentissage et au fait qu'on continue à utiliser, en pratique et en recherche, une
variété de descripteurs. Comme concept, les troubles d'apprentissage sont demeurés
nébuleux, comme catégorie, ils sont demeurés polymorphes. Les tentatives de
différencier les troubles d'apprentissage du sous-rendement ont conduit à des
problèmes conceptuels et méthodologiques, dont la plupart portent sur la définition et la
reconnaissance de ce qui constitue un écart significatif entre aptitude et rendement.
On n'a pas su aborder un problème de fond, celui de l'identification conceptuelle et
empirique d'un schème permettant la clarification de tous les troubles d'apprentissage.
Selon Adelman, ce schème est essentiel pour distinguer entre les troubles
d'apprentissage et les autres difficultés d'apprentissage et pour permettre l'identification
de sous-cagétories.
Adelman estime à environ 30% la population étudiante américaine qui connaît des
difficultés importantes d'apprentissage. Ces personnes diffèrent à la fois dans leur
fonctionnement et dans les causes en présence. Parce que les difficultés
d'apprentissage non spécifiques reçoivent l'étiquette de "troubles d'apprentissage", on
continue de les percevoir comme étant une pathologie personnelle. Ainsi, beaucoup de
personnes non atteintes continueront d'être traitées comme si elles l'étaient. Les sujets
des programmes d'aide et échantillons de recherche continueront de différer de façons
importantes mais non identifiées, neutralisant ainsi les tentatives de comparaison et de
généralisation.
Pour Adelman, ce problème actuel de clarification fait en sorte que la recherche
concernant les troubles d'apprentissage traite davantage des difficultés d'apprentissage
que des troubles d'apprentissage. Cette absence de distinction nuit de façon majeure
aux recherches les plus valables, empêche tout progrès conceptuel et menace
l'intégrité même du domaine des troubles d'apprentissage.
Dans la pratique, la non reconnaissance des causes en présence contribue à des
erreurs diagnostiques généralisées et à des traitements spécialisés non requis. Il
s'ensuit une mésentente profonde concernant les interventions potentiellement valables
pour les troubles d'apprentissage. De façon générale, l'étendue des diagnostics erronés
et des interventions non justifiées ont miné la prévention, le traitement, la recherche, la
formation et les politiques façonnant ce domaine.
Le concept de trouble d'apprentissage étant si mal défini, il conduit à gonfler le nombre
apparent de troubles d'apprentissage. Les personnes ainsi identifiées constituent la
proportion la plus importante dans les programmes d'éducation spécialisée. On
comprend alors que soit remis en cause le domaine des troubles d'apprentissage quant
à ses pratiques et politiques (e.g. le mouvement pour l'éducation ordinaire Regular
Education Initiative). À l'extrême, on remet en cause l'existence même des troubles
d'apprentissage. Le danger de cette position, naturellement, c'est de perdre de vue les
troubles d'apprentissage causés par des difficultés mineures du système nerveux
central.
LES TROUBLES D'APPRENTISSAGE
On espérait diminuer la confusion dans les définitions et critères par le recours à des
descripteurs tels: démographie, personnalité, variables reliées à la programmation (e.g.
Keogh, et al, 1982). Cet effort s'apparente aux tentatives d'identifier des sous-
catégories (e.g. Lyon & Flynn, 1991, McKinney, 1988, Rouke & Strang, 1983), mais ne
tient pas compte de la confusion entourant le diagnostic des troubles d'apprentissage.
Selon Adelman, les chercheurs font l'erreur d'accepter comme valides les diagnostics
des sujets dans les groupes déjà identifiés, ce qui nuit à la clarté conceptuelle et
confond les difficultés d'apprentissage avec les troubles d'apprentissage.
L'identification des problèmes d'apprentissage causés par des dysfonctions
neurologiques mineures (i.e. par des troubles d'apprentissage) implique évidemment
l'évaluation des fonctions neurologiques en cause. Adelman estime que la
méthodologie actuelle ne permet pas, à partir d'évaluations neurologiques et psycho-
neurologiques, d'établir de façon valide un tel diagnostic. Dans la plupart des cas, il est
impossible de déterminer avec certitude quel facteur primaire est à l'origine du trouble
spécifique d'apprentissage. Ce dernier est ainsi identifié surtout en raison d'un sous
rendement très marqué, les causes en présence demeurant inconnues (Cf. Chalfant,
1985; Coles, 1987). L'étiquette diagnostique ne suffit donc pas à indiquer une
dysfonction sous-jacente. Cependant, pour Adelman, il demeure scientifiquement valide
de concevoir un sous-groupe (si petit soit-il), dont les problèmes d'apprentissage ont
une base neurologique et de distinguer ce groupe des problèmes d'apprentissage
causé par d'autres facteurs. Un schème utile à cet égard a trait à un déterminisme
réciproque ou à une perspective transactionnelle du comportement. Cette orientation
dépasse clairement celle d'une perspective écologique.
LES CAUSES EN PRÉSENCE
La tendance pour une compréhension du comportement à partir d'un déterminisme
réciproque a une histoire honorable (e.g. Bandura, 1978). Depuis 25 ans, l'utilité d'une
telle perspective fut étudiée par rapport aux causes et traitements des problèmes
d'apprentissage en général et des troubles d'apprentissage en particulier (e.g. Adelman,
1970-71, 1971; Adelman & Taylor, 1983, 1986a; Coles, 1987; Smith, 1991).
Une perspective transactionnelle englobe plutôt qu'elle ne remplace les causes
neurologiques des troubles d'apprentissage. Adelman et Taylor (1983, 1986) identifient,
dans une perspective transactionnelle, des personnes prédisposées à des troubles
d'apprentissage en raison de déficits personnels et ce, même quand le milieu est très
accommodant. En même temps, cette perspective reconnaît les occasions où un milieu
inadéquat ou hostile cause des difficultés d'apprentissage en l'absence de déficits
personnels. Enfin, elle tient compte aussi des problèmes résultant de l'interaction des
deux facteurs, personne et milieu. L'ouverture de cette perspective transactionnelle
permet de resituer les déficits neurologiques par rapport à cette question fondamentale:
les causes en présence relèvent-elles de façon prioritaire...
de la personne: dysfonction neurologique, déficit cognitif, stratégie inadéquate,
différences développementales ou motivationnelles?
du milieu: le milieu primaire (ex.: programmes inadéquats, négligence parentale),
le milieu secondaire (ex.: ségrégation sociale), et le milieu tertiaire (ex.: grandes
influences sociales, économiques, politiques)?
de l'interaction entre personne et milieu?
Adelman nous offre une représentation graphique de ce cadre de pensée (figure 1).
FIGURE 1
LIEU DE CONTRÔLE
Problèmes causés par des
facteurs dans le milieu (M)
Problèmes causés par des
facteurs dans la personne (P)
M (M <--> p)
M <--> P
(m <--> P) P
Difficultés d'apprentissage de
type I
Difficultés
d'apprentissage de
type II
Difficultés d'apprentissage de
type III
(i.e. troubles d'apprentissage)
Ce qui précède constitue l'essentiel de la première partie de l'article de Adelman. Le
lecteur est invité à se référer au texte original pour la seconde partie qui traite de
l'intervention et pour les références concernant les chercheurs cités.
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