Femmes, je vous aime

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Femmes, je vous aime
Femmes, je vous aime ou l’hommage couillu et non conventionnel que rend
Nicolas Bedos au couple en général et aux femmes en particulier.
L'argument : Comment Sarah et Victor ont-ils fait pour se supporter pendant plus de 45 ans ?
Qui était vraiment cette femme énigmatique vivant dans l’ombre de son mari ? Amour et
ambition, trahisons et secrets nourrissent cette odyssée d’un couple hors du commun,
traversant avec nous petite et grande histoire du dernier siècle.
Notre avis : Nicolas Bedos, on le connaissait déjà chroniqueur, dramaturge, humoriste. Pour
donner naissance à cette comédie caustique et émouvante, ce « fils de » à la fougue
héréditaire se transforme en réalisateur, scénariste, dialoguiste, acteur et même compositeur
de musique aux côtés de Philippe Kelly. Emporté par son élan, il accorde le premier rôle
féminin à sa compagne Doria Tillier, ex miss météo du Grand Journal de Canal, avec qui il a
coécrit le scénario.
Lui, il est Victor Adelman, écrivain. En 1971, il rencontre Sarah, une jeune fille libre et
indépendante, à qui il n’accorde pas d’importance particulière. En revanche, Sarah flashe sur lui
et s’obstine à le regarder tel qu’elle voudrait qu’il soit. Celle qui ne devait être que la passade
d’une soirée deviendra la femme de sa vie. Durant 45 ans, comme tous les couples, ils
connaîtront des hauts et des bas, des joies et des peines. Il lui fera tout subir : ses infidélités,
son manque d’inspiration, sa perversité et même parfois son mépris. Elle va devenir sa muse,
son inspiration. Comme toutes les femmes de l’ombre, elle agira en toute discrétion et
entretiendra des rapports bien particuliers avec la notoriété de son conjoint. Finalement,
contrairement aux apparences, c’est bien à elle que reviendra l’honneur d’avoir été la tête
pensante de ce couple créatif.
Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, tout commence par la fin. On vient
d’enterrer le célèbre Victor Adelman, mort dans des circonstances troubles. Un jeune biographe
se propose de raconter sa vie. Pour ce faire, il rencontre sa femme qui lui livre ce que fut ce
presque demi-siècle de vie commune avec un personnage hors du commun.
Le récit d’une union fantasque mais solide (quarante cinq ans, ce n’est pas rien) pourrait faire
craindre l’enlisement dans une ambiance sirupeuse. La verve, l’outrance et l’humour de Nicolas
Bedos nous préservent largement d’une telle probabilité. Car au delà de la description de la
longévité d’une vie à deux, c’est à l’énumération des éléments qui forgent l’intensité de la vie
qu’il s’attache. Pêle-mêle, défilent le regret du temps qui passe, la peur de l’embourgeoisement,
la lassitude de l’autre, les enfants et surtout l’héritage culturel et familial grâce auquel le
spectateur pourra se repaître d’un Pierre Arditi inégalable en patriarche réac, raciste et snob en
opposition à la famille juive chaleureuse et bohème de Sarah.
Et bientôt, la bien-pensance est mise à mal dès lors que Victor Adelman, écrivain de renom,
clame haut et fort son désamour pour ce fils peu éveillé non conforme à ses espérances ou
qu’un peu plus tard, l’impeccable Podalydès, reconverti en psy débonnaire puis insolent, se
venge sur lit de mort de tout ce que ses patients lui ont fait supporter. Sur un ton jamais
grinçant mais toujours inspiré et souvent impertinent, les situations se suivent, se télescopent
mais ne se ressemblent jamais. Sur un rythme sans répit, ça parle de sexe, de passion,
d’amours subversives, de rancœur et d’angoisses. Le temps de quelques scènes, la
provocation se fait mutine pour redémarrer de plus belle. Les unes après les autres, les images,
habillées de dialogues gouleyants, nous réservent leur lot de surprises dont les comédiens,
s’emparent avec un plaisir évident que l’on s’empresse de partager.
Si Nicolas Bedos ne manque pas de s’autoparodier bien malgré lui, Doria Tellier, dont c’est la
première prestation cinématographique, est épatante de naturel et de sincérité. Une mise en
scène précise ressuscite avec facétie le décor de décennies oubliées et nous amuse à suivre
l’évolution de notre société.
Un mélange d’amour et d’humour, additionné d’une bonne dose d’intelligence et d’une pincée
d’émotion, telle est la recette de ce film qui vous propose de vous régaler d’une belle tranche de
vie. Ne vous en privez pas !
Claudine Levanneur
© à Voir à Lire
22 février 2017
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