Alimentation et AVK Un patient me demande conseil concernant l’interdiction qui lui est faite de ne manger aucune espèce de légume, car cela potentialiserait son traitement anticoagulant, son régime ne lui permettant que les pommes de terre. Ni salades, ni haricots verts, ni tomates, ni épinards, ni choux-fleurs, ni choux ne lui sont autorisés. Que faut-il en penser ? (Dr W…/91) RÉPONSE DE LUDOVIC DROUET PU-PH, chef serv. angio-hématol. biol., hôp. Lariboisière, Paris La première cause d’iatrogénie médicamenteuse conduisant à une hospitalisation est constituée par les accidents hémorragiques des traitements AVK (sans prendre en compte les récidives thrombotiques par traitement mal conduit). L’AFSSAPS a fait plusieurs enquêtes qui démontrent une mauvaise utilisation des AVK par les professionnels de santé. Une des nombreuses erreurs est la mauvaise information des patients par les médecins : de l’absence d’information ou des informations inexactes, inapplicables. Les AVK sont des molécules qui vont s’opposer à l’effet de la vitamine K (cette vitamine est le cofacteur indispensable à une enzyme transformant les facteurs de coagulation en une molécule potentiellement active). En l’absence de vitamine K, ou en cas d’antagonisme de la vitamine K, les facteurs de coagulation (dépendant de la vitamine K) sont inefficaces et ne peuvent pas être impliqués dans la coagulation. Comme on ne peut pas totalement abolir l’action de ces facteurs (le risque hémorragique deviendrait alors gravissime), il faut un équilibre entre l’apport de vitamine K et celui d’anti-vitamine K pour diminuer le niveau d’activité de ces facteurs autour de 35 à 40 % de la normale (ce qui correspond à un INR entre 2 et 3). On a besoin de 65 à 80 µg par jour de vitamine K, dont environ 50 % sont fournis par l’apport alimentaire, et 50 % synthétisés par les bactéries de la flore intestinale. L’apport alimentaire joue donc un rôle important dans l’équilibration du traitement anticoagulant. Le but n’est pas d’interdire les aliments qui contiennent de la vitamine K, mais de demander au patient d’avoir un apport régulier et raisonnable de vitamine K. Les aliments les plus riches en vitamine K sont les légumes vert foncé (choux, brocolis, avocats...). Mais d’autres sources ne sont pas négligeables, comme certaines huiles végétales utilisées en cuisine, certaines margarines ou des sauces (en particulier industrielles) de salades. La formation que nous donnons à nos patients traités par anticoagulants comporte une partie dans laquelle, à l’aide de tables simples, nous leur apprenons à calculer un apport régulier et raisonnable de vitamine K, de manière à avoir à la fois un traitement AVK équilibré et une alimentation variée, et elle aussi équilibrée. Ce double équilibre a l’avantage d’améliorer l’observance du traitement par le patient. Les interdits draconiens conduisent à des refus de traitement. Dernier point de détail, vous écrivez que la vitamine K alimentaire potentialiserait le traitement anticoagulant du patient. C’est exacement le contraire : c’est de ne pas en recevoir qui potentialise le traitement ; d’en recevoir tend à l’inhiber, et donc à le rendre moins actif, et n’expose pas au risque de surdosage, mais de sous-dosage et d’inefficacité.