Cycle de séminaires de la Chaire Max Bastin sur le

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Cycle de séminaires de la Chaire Max Bastin sur le développement de
l’économie wallonne
Rapport du séminaire du 22 mai 2008 de 8h30 à 11h30
à Louvain-la-Neuve, (Salle Vaes, Place Rabelais).
Thème : La situation structurelle de la Wallonie
Intervenants : Benoît Bayenet (ULB) et Béatrice Van Haeperen (IWEPS)
Discutant : Marc Installé (CESRW)
Cette séance devait permettre de comprendre l’évolution du développement économique
wallon en comparaison aux autres Régions belges mais surtout à d’autres Régions
industrielles européennes comparables.
Il s’agissait de poser un regard sur le passé, d’examiner la situation présente et de se projeter
dans l’avenir à travers les questions suivantes : les Régions belges ont-elles connu une
évolution différenciée et depuis quand ? Comment la Wallonie se positionne-t-elle par
rapport à d’autres Régions comparables en termes de redéploiement économique ? Quelle est
la structure de l’économie wallonne ? Les indicateurs macroéconomiques confirment-ils une
réelle amélioration structurelle depuis quelques années ?
Le contexte économique ainsi défini, l’exposé a porté sur les politiques économiques mises en
œuvre de façon à répondre à deux questions : quels sont les atouts et faiblesses de la Région
et ses conditions de réussite ? quelle est l’importance du Plan Marshall et de ses
instruments ?
Dans le cadre d’évolution institutionnelle belge, il était également important d’examiner
l’évolution de l’économie wallonne et de Bruxelles-Capitale. En montrant quelle est
l’importance de Bruxelles pour l’économie wallonne (et réciproquement) et quelle est la
nature des interactions économiques entre les deux Régions, et en particulier celles qui
justifient des politiques qui en tiennent compte et plus de coopération interrégionale.
Exposé
Benoît Bayenet (ULB) et Béatrice Van Haeperen (IWEPS)
1. Evolution économique des trois Régions
De 1846 jusqu’après la seconde guerre mondiale, la Wallonie connaissait un PIB par habitant
nettement supérieur à celui de la Flandre (31% en 1846, 32% en 1937, 42% en 1947, 12% en
1961). La convergence a aboutit à la fin des années 60 d’où date le début du dépassement de
la Wallonie par la Flandre (6,7% en 1970, 37% en 2005). Le déclin wallon débute en fait dans
l’entre deux guerres sans guère de réactions dans tous les partis. Le développement de
l’industrie automobile et du port d’Anvers et une stratégie de développement du patronat
flamand (VEV) ont contribué à l’essor de la Flandre alors que l’Etat central délaissait la
Wallonie. La Flandre a donc mis 130 ans à rattraper la révolution industrielle. Selon Michel
Quévit, la Wallonie a été une des régions les plus touchées par la 1 ère grande crise du
capitalisme industriel, avec la Lorraine, le Nord-Pas-de-Calais et le Pays basque (qui a fort
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prospéré depuis contrairement aux autres). La Sarre et l’Ecosse ont été moins touchées et
dépassent mainte,nant la moyenne européenne de PIB/habitant.
Le PIB par habitant de la Flandre était en 2005 à la moyenne belge (à 99), Bruxelles était au
double et la Wallonie à 72. Certaines années, le taux de croissance régionale est supérieur en
Wallonie à ce qu’il est en Flandre. Mais l’écart se creuse. L’écart de taux de croissance s’est
réduit durant la période 2000-2005. La Wallonie ne décline plus, elle se redresse
progressivement. Le taux d’investissement augmente en Wallonie depuis 1990 mais reste
nettement sous le taux flamand (21,8% de la VAJ en volume, contre 24,4% en Flandre en
2000-2004). La Région a amélioré sa réputation de terre d’investissements étrangers et ses
exportations se portent mieux. Les gains de valeur ajoutée résultent surtout des gains de
productivité et se traduisent malheureusement moins par des créations d’emplois (taux
d’emploi de 56,2% en 2006, 56,9% en 2007,…). Mais le chômage se réduit (10,7% en 2006,
10,2% en 2007,…)
Un fort écart de croissance était à nouveau observé en 2006 mais qui reste douteux, étant basé
sur les données provisoires de la BNB par siège social. Les données définitives utilisent les
données ONSS par établissement pour répartir le PIB entre Régions. Exemple : Sidmar a
repris une partie des activités d’Arcelor, soit 2000 emplois vers un siège social situé en
Flandre.
2. Comparaison européenne
La Flandre ne figure pas parmi les 15 régions les plus prospères, parmi lesquelles on compte
cependant nombre de grandes villes-régions dont le PIB par habitant est fort élevé (Londres,
Bruxelles, Hambourg, Vienne, Ile de France, Stockholm, Prague). La Flandre se situe au
niveau du Trentin et du Veneto. Une 40 aine de régions la dépassent comme nombre de
régions allemandes. Le fait d’avoir des difficultés à atteindre le peloton de tête expliquerait en
partie le durcissement du discours communautaire.
Les transferts interrégionaux belges sont inférieurs à ce qui se passe à l’intérieur de la France
ou de l’Espagne par exemple. Cela permet de relativiser les discours tenus en Belgique.
Mieux vaut observer les politiques et résultats des anciennes régions industrielles plutôt que
les politiques menées en Flandre. Le Pays basque mène par exemple depuis 20 ans une
politique de mise en réseaux et de pôles de compétitivité. (PIB/hab en 2005 à 30% au dessus
de la moyenne européenne pour 12,5% en dessous pour la Wallonie et 20% au dessus pour la
Flandre)
Les transferts sont illustrés par le fait que le revenu disponible (ajusté) se situe pour 2004 à
91,6% de la moyenne belge alors que les revenus primaires de l’activité économique sont à
90,6%. C’est surtout le maintien de l’Etat fédéral qui garanti la plus grande part des transferts.
Pour Michel Quévit, les transferts sont un élément essentiel du Traité de Rome et un pays
comme l’Allemagne organise une péréquation dont la Flandre n’a pas voulu.
Ni la Flandre, ni la Wallonie ne sont homogènes. Le Brabant wallon, Liège et Arlon se situent
au top, une partie du Hainaut est tout en bas du classement. Le Brabant wallon en contribuant
au bon score wallon n’est pas près de faire partie d’un Bruxelles élargi.
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3. La situation du marché du travail
La Flandre fait nettement mieux que la Wallonie en termes de taux d’emploi (66% contre
57% en 2007), de taux de chômage (du simple au doubleau sens BIT : 10,5#4,4%) et de taux
d’activité (emploi+chômage/population en âge de travailler : 69,1 #63,7%). L’emploi
intérieur wallon a cru de 8% en 10 ans de 1995 à 2005 contre +10% en Flandre et 7,6% à
Bruxelles (8,9% en Belgique).
Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est élevé (27%). Un jeune de 15 à 24 ans
au chômage a 50% de probabilité de rester au chômage un an après en Wallonie contre 30%
en Flandre. La probabilité de sortie du chômage après 6 mois pour un jeune est aussi
nettement moindre en Wallonie qu’en Flandre.
Et les inégalités sont importantes. Parmi les générations de moins de30 ans qui ne sont plus
étudiants, il y a plus de peu diplômés (second infér max) sur le marché qu’en Flandre (23%
des 20-29 ans non étudiants contre 16%) et moins de diplômés du supérieur (31% des 20-29
ans contre 37% en Flandre). Si Bruxelles connaît un peu plus de jeunes diplômés du supérieur
qu’en Flandre (38%), il y a nettement plus de peu diplômés qu’en …Wallonie (29% contre
23%). Il y a aussi en Wallonie plus d’étudiants sortant avec le diplôme primaire tout au plus.
47% sortent de l’enseignement de qualification dont très peu ont donc accès à l’enseignement
supérieur.
A observer que la probabilité d’être en emploi après l’enseignement professionnel est en
moyenne élevée. Un haut diplôme reste une meilleure chance pour l’emploi sans être une
garantie.
La population active occupée de faible qualification en Wallonie baisse continuellement (400
000 en 2000, 329100 en 2006). L’évolution est inverse pour les hautes et moyennes
qualifications. L’emploi peu qualifié baisse tant dans l’industrie que dans les services. Cette
situation est particulièrement préoccupante à Bruxelles qui connaît la plus grande proportion
de peu diplômés.
Enfin, 10% des Wallons travaillent à Bruxelles (14% des diplômés du supérieur), 2,8% en
Flandre (guère de différences suivant le niveau de diplôme) et 3,9% hors des frontières (5%
des diplômés du supérieur) (2006).
4. Les facteurs de compétitivité des Régions
Les facteurs de compétitivité sont l’innovation, la différenciation des produits (taux de brevets
par habitant en convergence mais encore aux 2/3 du taux flamand), le capital humain (dont les
connaissances linguistiques), l’investissement (le taux en volume en % de la valeur ajoutée
s’améliore mais reste inférieur au taux flamand), le cadre fiscal, l’internationalisation soit
l’ouverture sur le monde (surtout dans l’industrie) , l’amélioration des services aux
entreprises, notamment pour passer à la création de société, les infrastructures, et la qualité de
l’administration (efficacité, confiance, simplification,…). Le Gouvernement wallon de centre
gauche a fait une révolution à placer l’entreprise au cœur du développement. L’arrivée de
Microsoft par exemple améliore aussi l’image de la région.
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5. Politiques économiques : le Plan Marshall
Le Gouvernement se donne comme objectif une convergence de PIB/tête et de taux d’emploi
vers la moyenne de l’UE-15 pour 2010, et le garde même si on n’y arrivera pas. En matière de
R&D, on est loin des 3% du PIB(objectif de Barcelone) avec 1,99% en 2003 en Wallonie,
2,08 en Flandre, 1,89 en Belgique, (1,98 pour l’UE-15).
Le Plan Marshall a véritablement été mis en œuvre à partir de juin 2006 (voté en février). Les
données disponibles ne peuvent donc en traduire les effets. C’est du structurel aux effets non
immédiats. On en est au 3ème appel à projets dont 13 ont été retenus sur 43 et 13 autres seront
présentés en septembre 2008.
Cette démarche s’inscrit dans une tendance européenne depuis 5 ans en faveur d’un retour à
des politiques industrielles.
Approche :
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objectifs : renforcer l’attractivité de la Région et créer de l’emploi à haute valeur
ajoutée permettant aussi de générer des emplois peu qualifiés (ex : transport spécialisé
de tests dans les sciences du vivant)
pôles de compétitivité = clusters = réseaux associant entreprises, universités et acteurs
de formation ; sur base d’autres expériences régionales de redéploiement industriel
utilisant le réseau comme facteur de succès
rapprocher les centres de recherche (2 au minimum par pôle) des entreprises mais
aussi à l’encontre des stéréotypes sur la recherche universitaire (chercheurs dans leur
bulle)
mise en réseau de PME et de TPE (nombreuses dans l’agro-alimentaire)
articulation à une action sur le capital humain (formation)
acteurs portés par une vague positive
Mise en œuvre :
-
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choix des secteurs sur base d’une analyse scientifique (pôles avec dimension
mondiale,…)
pas de saupoudrage (5 pôles à dimension régionale et pas sous-régionale # 70 pôles en
France)
pari sur les secteurs porteurs sans pénaliser les autres
soutien à des initiatives, pas de financement de structures : appel à projets de
partenariat et d’actions concrètes pour la mise en œuvre de projets innovants.
demande aux entreprises de définir leurs besoins de formation pour mise en œuvre :
dépasser l’incantation. Plus difficile pour les PME.
ouverture internationale (exportations et investisseurs étrangers): 5 experts de
l’AWEX font la promotion des pôles
effet de levier par le coup de pouce des zones franches
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Budget :
280 millions d’euros dont :
- 120 recherche
- 55 investissements publics en infrastructures et équipements, et participations
- 45 aides à l’investissement
- 55 formations
- 4,5 accueil des investisseurs étrangers
- 5,5 soutien à l’exportation
Intervention du discutant
Marc Installé (CESRW)
1) Le Plan Marshall et le début du redressement wallon depuis 2000 montrent que des
changements sont possibles et qu’il n’y a pas de fatalité. Pourvu qu’un consensus fort
soit noué entre politiques et interlocuteurs sociaux. Les acteurs wallons ne croient pas
encore beaucoup au succès des actions entreprises. Mais le Pays basque était à 25% de
chômage comme dans la région de Mons-borinage, et se trouve à 3% aujourd’hui.
2) Un consensus s’est forgé entre politiques et interlocuteurs sociaux sur l’arrêt du
saupoudrage et du sous-régionalisme. Il faut savoir qu’une compétence universitaire
peut ne pas être utilisée par les entreprises d’une province parce que l’université qui
l’abrite ne se trouve pas dans leur province. Pour avoir un impact, les politiques
sectorielles doivent être ciblées afin d’atteindre un seuil suffisant d’intervention. Le
levier doit être suffisamment fort.
Autre élément capital : la continuité.
Au Québec qui a adopté ce type de politique, les grandes stratégies sont continuées
malgré les changements de majorité politique. Le réaménagement de la ville de Gand a
également bénéficié d’une telle continuité. Les interlocuteurs soiaux devrianet se
montrer garants de cette continuité.
3) Il est nécessaire de promouvoir une cohérence dans les politiques menées aux
différents niveaux de pouvoirs. Il y a un manque de coordination des mandataires
wallons aux différents niveaux de pouvoir. Leurs positions sont différentes suivant le
niveau de pouvoir au lieu de converger vers des objectifs transversaux de
développement.
-
cohérence avec le fédéral :
le fédéral a un fort impact par la fiscalité et la parafiscalité. Il faut orienter vers les
emplois à créer plutôt que sur les emplois créés (effets d’aubaine) : 80% des
réductions de cotisations pour les jeunes vont à la Flandre (Plan Rosetta).
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cohérence avec l’enseignement :
la majorité des personnes engagées par dans le cadre des pôles viendront de
l’enseignement et non des formations FOREM, CEFA ou IFAPME.
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Il y a besoin d’un dialogue plus respectueux et plus fructueux Région-Communauté.
Exemples de problèmes : Smith-Kline-Rit manque de médecins à cause du numerus
clausus en médecine. Les universités ne distribuent pas toutes les réductions de
cotisations aux chercheurs v le plafonnement du nombre de doctorants. En
Communauté française aussi il faut des interventions d’une certaine ampleur pour
qu’il y ait effets de seuil.
4) Effets d’aubaine dans les pôles de compétitivité ?
La part du budget des pôles qui va à la recherche (80%) n’est-elle pas trop élevée ? On
aimerait être rassurés sur les retombées futures. L’initiative de Melchior Wathelet père
dans les années 80 sur la filière biotechnologique n’a pas donné grand chose pendant
longtemps. Les Basques sont sceptiques sur une telle grande part pour la recherche. Ils
engagent moins de moyens publics, demandent au privé de s’engager davantage,
cherchent à éviter les effets d’aubaine, mais veillent à la continuité des lignes
budgétaires. L’important pour eux c’est aussi la conception du réseau. Ne faut-il pas
intégrer davantage de services aux entreprises (services de gestion,…).
Le débat
ENSEIGNEMENT
-
Dans l’étude PISA, la Flandre est en 3ème position et la Communauté française en
27ème. Les déficiences du système d’enseignement témoigneraient notamment d’un
manque de formation en pédagogie des enseignants (promotion de la créativité,
apprendre à apprendre). Revoir la formation initiale et continue des enseignants serait
dès lors une action prioritaire.
-
Face aux manques de qualification et de niveau de diplôme à la sortie des études, il est
nécessaire de développer la formation tout au long de la vie. Mais avons-nous un
système d’enseignement et de formation capable de le faire ?
RECHERCHE
-
Le Pays basque a mise sur l’innovation multidimensionnelle de l’entreprise (produits,
organisation,…) plutôt que sur la seule recherche universitaire d’ailleurs assez
modeste.
-
Il n’y a jamais eu d’évaluation de la politique de recherche. Or celle-ci ne génèrerait
que trop peu de valeur ajoutée et d’emplois dans l’économie, la recherche étant trop
peu liée au tissu productif.
-
Dans la politique de recherche, il est pratique courante de dépenser tout le budget
plutôt que de rejeter de mauvaises candidatures, notamment dans les projets
cofinancés par les fonds structurels européens. De peur de voir le budget réduit par la
suite.
6
-
Le Plan Marshall ajoute au budget des universités sans que celles-ci n’acceptent de
rendre compte des nouveaux engagements. Combien les universités ont-elles engagé
de chercheurs sur base des moyens octroyés par le Plan Marshall ?
-
La recherche fondamentale est trop scindée par rapport à la recherche appliquée. En
Flandre on analyse les retombées. En Communauté française, on attend 5 ans avant
d’évaluer cela. Il est aussi possible d’évaluer les recherches par rapport à d’autres
universités dans le monde.
-
La concurrence entre universités serait dommageable. D’aucuns déplorent
l’impossibilité de créer une école unique de management (Business school).
-
Le Pays-Basque a mis l’accent sur l’éducation et les PME. Une piste à suivre ?
INSTITUTIONNEL
-
Le sous-régionalisme est fort présent dans tous les domaines comme s’il était une
caractéristique culturelle wallonne:domaine politique, académique, patronal, syndical,
dans les comportements des demandeurs d’emploi dont beaucoup ne veulent pas se
déplacer de plus de 25 km,…Le Plan Marshall constitue une rupture à cet égard.
-
D’aucuns estiment que la coexistence de deux niveaux de pouvoirs (la RW/RB et la
CF) est problématique à certains égards. D’autres plaident pour un dialogue
respectueux des différences de fonctions collectives et de culture institutionnelle mais
en se mettant d’accord sur des grandes orientations de développement auxquelles
Régions et Communauté française (et la Communauté germanophone probablement)
devraient s’atteler ensemble.
TERRITOIRES
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La dimension territoriale n’est-elle pas largement passée sous silence ? Ne devrait-on
pas: « requalifier » le territoire (recycler les friches industrielles notamment) ?Ne
faudrait-il pas différencier l’intensité des politiques de formation et d’aménagement du
territoire ? Ne faut-il pas pour se faire plus de solidarité wallonne et dépasser les
divisions provinciales ?
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