Sociologie de la paix et polémologie. Mme BLANC

publicité
Sociologie de la paix et
polémologie.
Mme BLANC-NOEL
Etudes stratégiques
Sécurité globale.
Élements d’histoire de la guerre, d’histoire de la pensée stratégique, pour
aboutir in fine à une réflexion sur le sens de la guerre dans le monde contemporain, dans
un système de relations internationales post westphalien,
(Les traités de Westphalie, 24 octobre 1648, concluent divers conflits opposant le Saint
Empire romain germanique à ses voisins européens dont la France, représentée par Mazarin. Ces
traités ont abouti à une nouvelle conception de la souveraineté et érigé l’état-nation souverain
comme socle du droit international)
où l’Etat n’est pas le seul acteur de la
scène internationale, et où les guerres ne sont pas seulement inter-étatiques, il y a aussi
des guerres infra-étatiques. Depuis les années 80-90 et surtout depuis le 11 septembre on
assiste à un changement profond dans les typologies de la guerre, les façons de mener la
guerre. On étudiera les grandes théories de la guerre et leur rapport avec les cultures des
sociétés. La guerre est le produit d’une société et de sa culture. Au début du XXIe siècle
on s'aperçoit qu’émergent des conflits entre les différentes cultures de guerre (occidentale
vs pays en voie de développement).
Remarque : Polémologie, c’est un terme auquel la prof n’adhère pas. La
polémologie est quelque chose de spécifique, inventé par un sociologue nommé Gaston
BOUTHOUL, après la seconde guerre mondiale. Son projet était de comprendre les
facteurs sociaux qui causent les guerres. Il a fondé un institut de polémologie, et une
revue «études polémologiques», mais ce Gaston était un marginal, certes génial mais
sans attaches universitaires ni disciplinaires. Aujourd’hui il ne reste plus grand chose de
sa théorie, on a parlé de l’échec de la polémologie, aujourd’hui il ne reste plus qu’un
institut de polémologie à Strasbourg et encore pas très fidèle à la théorie originaire. On a
aussi parlé d’échec sur le fond, car c’est une théorie trans-disciplinaire, et problème avec
ses thèses (selon lesquelles, notamment, la guerre serait un facteur de régulation
démographique).
Aujourd’hui la polémologie est étudiée dans le cadre des relations internationales. On
parle d’études stratégiques, mais cette étude est très minoritaire en France, maltraitée,
voire très mal en point : il n’y a plus un seul laboratoire ayant ce thème comme objet agréé
par l’Etat en province. Quasi disparition. Cette absence peut paraître étrange dans un
pays qui s’est longtemps proclamé comme 3e puissance nucléaire mondiale. Quasi
absence en France d’Histoire militaire également. La Mecque des études stratégiques en
France est l’ISC (institut de stratégie comparée) dirigé par Hervé Coutau-Bégarie. (voir le
site de l’ISC). C’est un institut privé, abrité par l’école militaire. Du coup, un peu méprisé
par le monde universitaire. Pourtant il publie énormément.
Publication : La Guerre Et La Paix, d’un auteur canadien Charles- Philippe David.
La guerre et la paix, approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie.
Ouvrage de Charles-Philippe David.
L’auteur, Charles-Philippe David, docteur en sciences politiques à l’Université de
Princeton est professeur à l’Université du Québec à Montréal. Il est spécialiste de la
politique étrangère et de défense des États-Unis.
Réf. : Presses de Sciences Po, Paris, 2000
L’ouvrage, la guerre et la paix se divise en quatre parties : l’ordre sécuritaire, l’ordre
militaire, les stratégies de sujétion, les stratégies de paix.
Ces quatre chapitres forment un corpus de problématiques. Dans un souci de clarté nous
évoquerons les points les plus importants.
•
Dans un premier temps, l’auteur revient sur les concepts de sécurité et de stratégie :
Il définit la stratégie comme "le choix des objectifs de sécurité". Dès lors, elle ne peut se
comprendre qu’à travers les définitions de la sécurité. L’auteur se penche donc sur le
bouleversement qu’ont connu les études stratégiques sur la sécurité, ces dix dernières
années, en distinguant différentes écoles de pensée qui ont marqué la compréhension
du phénomène de l’évolution de la sécurité (école Idéaliste, Réaliste, Libérale,
Constructiviste, Critique).
La principale évolution que relève l’auteur est le glissement d’une sécurité militaire
(Étatique) à une sécurité humaine. Pour l’auteur ce concept, apparu la première fois
dans un rapport du PNUD en 1994, est "appelé à devenir central dans la formulation des
politiques gouvernementales et internationales". La sécurité humaine détache sécurité de
l’individu et sécurité de l’État et se veut de portée universelle (sécurité personnelle,
politique, collective, économique, alimentaire, de l’environnement et des soins de santé)
•
Typologie des affrontements :
Ces définitions étant éclaircies l’auteur s’attaque à une typologie des affrontements
prenants en compte les changements évoqués dans les chapitres précédents et inspiré
de Jean-Baptiste Duroselle :
◦
La guerre intra-étatique, dominante depuis une décennie
•
◦
Les guerres conventionnelles, non conventionnelles
◦
Les guerres courtes, longues ou indéterminées (conflits civils)
◦
Les guerres totales ou limitées
◦
Les guerres "étranges" (psychologiques, des étoiles, contre la drogue)
La science de la paix :
Après avoir expliqué la "science de la guerre", l’auteur s’attache a expliquer les
stratégies de paix issues des recherches récentes de la "science de la paix". Sa
démarche en ce sens est assez novatrice puisque centrée sur l’Homme et non sur les
États.
En partant du constat que statistiquement, un conflit a plus de chances de reprendre
après une paix négociée ou un cessez-le-feu qu’après la victoire de l’un des adversaires,
Charles-Philippe David montre l’évolution des missions de paix, dans un contexte ou les
puissances militaires rechignent de plus en plus à l’emploi de troupes au sol pour faire la
guerre, leur emploi se multiplie an matière de sécurité humaine. Il en distingue quatre :
◦
Le maintien de la paix.
◦
Le rétablissement de la paix.
◦
L’imposition de la paix.
◦
La consolidation de la paix
•
Pour l’auteur, il serait avant tout souhaitable de fusionner plusieurs stratégies de paix entres
elles, pour les rendre plus efficaces, plus lisibles et peut-être plus légitimes.
Commentaire :
Charles-Philippe David tente à la fois de dresser le portrait de l’évolution de la guerre et
de la paix, mais aussi de nous montrer l’évolution de la science qui s’y rattache. La
volonté affichée est d’intégrer tous les acteurs, notamment non étatiques, aux courants
de pensée sur la guerre et la paix.
Pour le lecteur, cette réflexion est intéressante à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, parce que l’auteur définit les causes de la guerre avant d’expliquer les
stratégies de paix. Pour mener une stratégie de paix il lui a semblé pertinent de
s’intéresser avant tout aux stratégies de guerre. Cela permet de comprendre un
phénomène dans son ensemble.
Ensuite, il s’agit d’une œuvre extrêmement bien documentée, aux références
innombrables. Le livre sert donc de remise à plat des courants de pensées sur les
stratégies de sécurité et de leurs dernières évolutions tout en engageant le lecteur à
approfondir une thématique qui lui paraît pertinente.
Enfin malgré l’abondance des références et un style scientifique, universitaire, le livre
reste à la portée d’un lecteur peu coutumier du sujet grâce à la dynamique d’écriture de
l’auteur.
En mai 2008 conférence en expertise internationale qui conclue qu’on manque d’experts
en France.
Dans le monde anglo-saxon, les Strategic Studies sont florissantes. En Angleterre, on
pratique l’histoire militaire notamment, avec un laboratoire de recherche. Très étudié aux
US, où la polémologie est inconnue. La Peace Research, courant de recherche né en
Norvège, fondé par Johan GALTUNG, militant pour la Paix, vivant en France.
Johan Galtung, né à Oslo le 24 octobre 1930, est un politologue norvégien connu comme le
fondateur de l'irénologie, science de la paix. Il développe une définition positive de la paix qui inclut
la recherche d’une justice sociale et la lutte contre toute « violence structurelle » qui résulte de la
pratique du pouvoir étatique. Il est le fondateur et le directeur de « Transcend », un réseau pour la
transformation des conflits par des moyens pacifiques. « Il n'y a pas de mauvais hommes, que de
mauvaises idées. L'idée qu'il y a de mauvais hommes est mauvaise. »
Lui aussi voulait comprendre toutes les dimensions de la guerre, rapports sociologiques,
rapports de force, donc trans disciplinaire. Combiné au marxisme. Dans les années 60 et
70 ils étudiaient beaucoup les rapports de classe, de domination. Labos : SIPRI, à
Stockholm. Publie régulièrement des annuaires sur les armements dans le monde. Cette
école est connue dans le monde anglo saxon.
Ce cours donnera la part belle à l’histoire et aux cultures de guerre comparées. La
prof a choisi de nous présenter les éléments les plus inaccessibles (sources anglo
saxonnes). Fournir un background culturel, une base pour nourrir nos propres réflexions
sur l’actualité. A compléter par des lectures personnelles (cf bibliographie).
INTRODUCTION : Penser la guerre, un phénomène
social universel.
La guerre est un phénomène social universel, qu’on rencontre dans toutes les
sociétés et à toutes les époques OU PRESQUE (parfois c’est juste une guerre
symbolique). Ce phénomène social est incontournable aujourd’hui quand on étudie la
sécurité. En France, très peu de thèses de sécurités. Curieux pour un pays comme la
France, puissance nucléaire et membre du conseil de sécurité de l’ONU, actif en matière
de diplomatie (conflit israëlo-palestinien notamment). Nombreux accords militaires avec
les ex colonies aussi, amenée à intervenir régulièrement, forme les gendarmes de ces
pays. La France a aussi une industrie de la défense même si elle est surtout européenne
aujourd’hui.
Aujourd’hui on est dans une époque de mutation des relations internationales il est
donc nécessaire d’étudier ce domaine. Aujourd’hui, accélération de la mondialisation,
époque où la violence porte des formes nouvelles. La guerre inter-étatique est devenue
très rare, la majorité des conflits sont infra-étatiques. Les manuels autrefois considéraient
la guerre uniquement entre Etats. D’autre part les facteurs déclenchant de violences ont
changé. Classiquement, conquête ou défense de territoire. Aujourd’hui, ils peuvent exister
mais c’est très rare car proscrit par la charte de l’ONU. Les raisons des conflits sont
beaucoup plus floues aujourd’hui, les raisons idéologiques et religieuses ont beaucoup
augmenté, révoltes à caractère social aussi (ex : émeutes de la faim en Afrique en 2008
causées par la hausse du coût des matières premières, émeutes urbaines en France en
2005). On assiste à un brouillage des concepts qui ont eu cours aux XIXe et XXe siècles.
N’existent plus ou ont été transformés. Brouillage des définitions de la guerre et de la paix.
Quand est ce que la guerre commence? Ex : banlieues en 2005, terrorisme, formes de
guerres sociales débouchant sur des émeutes. Les situations sont difficiles à qualifier, qui
sont les ennemis, en a-t-on encore, y a-t-il des ennemis fantômes, quels sont les enjeux.
Ex : conflits ethniques. Dans le cas du Rwanda, génocide et affrontement ethnique, peuton expliquer ce conflit (pas guerre car à l’intérieur d’un Etat) par le seul facteur ethnique
dans un pays où il y avait beaucoup de mariages mixtes... Des études ont montré qu’il y
avait d’autres facteurs. Ex : surpopulation, donc pénurie de terres et de ressources,
favorisant les appels à la haine ethnique. Plus le jeu diplomatique international. Bref ce
cas Rwandais préfigure peut être de conflits à venir, conflits écologiques au sens large
(pénurie de ressources...). On peut dire qu’aujourd’hui le monde est en turbulence (J.
ROSENAU) dans lequel tout est lié. On ne peut pas étudier la science politique sans
étudier les relations internationales, les relations internationales sans la sécurité globale.
Turbulence in World Politics : A Theory of Change and Continuity
James N. Rosenau
In this ambitious work a leading scholar undertakes a full-scale reconceptualization of international
relations. Turbulence in World Politics is an entirely new formulation that accounts for the persistent
turmoil of today's world, even as it also probes the impact of the microelectronic revolution, the
postindustrial order, and the many other fundamental political, economic, and social changes under
way since World War II. To develop this formulation, James N. Rosenau digs deep into the workings
of communities and the orientations of individuals that culminate in collective action on the world
stage. His concern is less with questions of epistemology and methodology and more with the
development of a comprehensive theoryone that is different from other paradigms in the field by
virtue of its focus on the tumult in contemporary international relations. The book depicts a
bifurcation of global politics in which an autonomous multi-centric world has emerged as a
competitor of the long established state-centric world. A central theme is that the analytic skills of
people everywhere are expanding and thereby altering the context in which international processes
unfold. Rosenau shows how the macro structures of global politics have undergone transformations
linked to those at the micro level: long-standing structures of authority weaken, collectivities
fragment, subgroups become more powerful at the expense of states and governments, national
loyalties are redirected, and new issues crowd onto the global agenda. These turbulent dynamics
foster the simultaneous centralizing and decentralizing tendencies that are now bifurcating global
structures. "Rosenau's new work is an imaginative leap into world politics in the twenty-first century.
There is much here to challenge traditional thought of every persuasion." --Michael Brecher, McGill
University
Section I La guerre dans l’histoire des sociétés
humaines
A) L’héritage controversé de Carl Von CLAUSEWITZ (1780 - 1831)
CLAUSEWITZ était militaire de carrière prussien enrôlé à 12 ans, vétéran des grandes
batailles napoléoniennes (Waterloo etc...) En tant que prussien il était l’ennemi de
Napoléon, tout en admirant ouvertement son génie de la bataille. Il a eu l’occasion de
l’observer de très près. Il a eu une carrière de général et en parallèle une vie mondaine
qui l’a amené à fréquenter les intellectuels berlinois, notamment les auteurs romantiques.
Auteur d’une oeuvre immense, De La Guerre (Von Kriege). Edité en poche, écrit entre
1818 et sa mort : ouvrage inachevé car il est mort du choléra. Ce qui pose quelques
problèmes mais malgré ça c’est considéré comme une oeuvre majeure par les stratèges
du monde entier. Mais cette postérité importante pose aujourd’hui quelques problèmes,
l’oeuvre est sujette à controverse et à l’origine peut être des déboires militaires en
Afghanistan.
§1 CLAUSEWITZ et sa postérité : une référence universelle.
CLAUSEWITZ n’a pas publié de son vivant, les dix volumes de son oeuvre ont été
publiés à titre posthume par sa femme. Ce n’est que dans les années 1870 qu’il va
devenir célèbre par un concours de circonstances. L’Allemagne est victorieuse à Sadowa
le 3 juillet 1866 face à l’Autriche puis à Sedan le 1er septembre 1870 face à Napoléon, et
les allemands vont chercher une légitimation théorique à ces succès. Le grand théoricien
jusqu’alors est Henri-Antoine JOMINI mais le problème c’est qu’il n’est pas allemand mais
suisse, en plus son défaut majeur est qu’il avait surtout théorisé les enseignements de
Napoléon, et il critiquait Frédéric II. Les allemands ont donc cherché un théoricien
allemand politiquement correct. CLAUSEWITZ est un vrai allemand, francophobe et
admirateur de Frédéric II. Sa découverte est due à Helmut VON MOLTKE, vainqueur de
batailles franco allemandes. On lui a demandé comment il avait vaincu l’Autriche et la
France en quelques semaines. On lui demande quels sont ses livres de chevet, il répond
la Bible, Homère et Clausewitz. Et voilà. A la fin du XIXe siècle les autres puissances vont
observer les méthodes allemandes en matière de stratégie. C’est LE modèle stratégique.
Et quand on admire l’Allemagne on admire Clausewitz. On l’étudie en France, en Russie.
Marx, Engels, Lénine l’ont étudié. On a dit qu’Hitler le connaissait par coeur. Aux Etats
Unis aussi. Depuis les années 1980 il y a une renaissance des études clausewitziennes.
C’est la base. Même Mao l’a étudié, on peut voir une filiation forte entre De La Guerre
Prolongée de Mao et De La Guerre de Clauclau. Pourtant après la guerre de 1914
Clausewitz est entré en disgrâce, on l’a accusé d’être à l’origine de cette boucherie, puis
retour dans les années 1970. Raymond ARON s’y intéresse, le «redécouvre», en fait un
commentaire brillant et va trouver chez lui des choses insoupçonnées (la guerre de
guérilla). Clausewitz a aussi des détracteurs. Notamment Basil Henry LIDDELL HART
dans les années 1970, un anglais.
Liddell Hart est né à Paris et étudia au Corpus Christi College de l'université de Cambridge. Durant
la Première Guerre mondiale, il est officier d'infanterie au Kings Own Yorkshire Light Infantry [18811968]. Il combat à Ypres et participa à la bataille de la Somme.
Il quitta l'armée en 1927 et travailla comme spécialiste des questions militaires pour le Daily
Telegraph et le Times. Il développa sa théorie de l'approche indirecte, qui privilégie le harcèlement
des lignes de ravitaillement et le contournement plutôt qu'une attaque frontale des positions
ennemies. Cette théorie est notamment à l'origine des chars Cruiser britanniques.
Il écrivit également des biographies de militaires dont celles du général William Tecumseh Sherman
ou de Thomas Edward Lawrence (Lawrence d'Arabie).
Après la Seconde Guerre mondiale, il publia les carnets du maréchal Rommel.
Il fut anobli le 1er janvier 1966 : « The QUEEN has been graciously pleased to signify her intention
of conferring the Honour of Knighthood upon the following : Knight Bachelor Captain Basil Henry
LIDDELL HART, Military Historian. » (London Gazette)
-> LIDDELL HART, Stratégie (éditions PERRIN, collection TEMPUS)
Azar GAT et VAN CREVELD également, israéliens. Aux USA, John KEEGAN, fait partie
des gens qui font une analyse culturelle de la guerre. Ce qu’on critique souvent c’est pas
tant l’oeuvre de Clausewitz mais son héritage, son interprétation par les stratèges
postérieurs. LIDDELL HART écrit «les disciples de Clausewitz ont tiré de ses
enseignements les conséquences extrêmes auxquels l’auteur n’avait pas pensé». Dit
aussi que c’est trop compliqué pour le soldat de base. Faut dire qu’il n’a pas un style très
clair. Deux façons de voir la guerre chez Clausewitz : la guerre théorique, et la guerre sur
le plan concret. Mais c’est pas très clair. HART reproche aux militaires de n’en avoir
retenue que des formules choc du genre «nous ne disposons que d’un seul moyen à la
guerre : la bataille». Autre phrase qu’on apprend par coeur : «seules de grandes batailles
générales peuvent produire de grands résultats». Ou «ne nous parlez pas de ces
généraux qui conquièrent sans effusions de sang». Il insiste beaucoup sur le nombre de
soldats nécessaires pour vaincre (type bataille napoléonienne). Ou condamnation du
pacifisme ou des stratégies indirectes. Liddel HART, vétéran de la première guerre
mondiale a reproché à Clauclau et surtout sa lecture rapide la grande boucherie de cette
guerre. Pour d’autres auteurs cette critique est excessive mais on peut le comprendre. Par
ailleurs des générations de théoriciens militaires vont se réclamer de Clausewitz jusqu’à
aujourd’hui, ce qui ne veut pas dire qu’ils ont tous lu la totalité de l’oeuvre. Or l’oeuvre est
inachevée. Clauclau a laissé des notes qui ont montré qu’il était sur le point de remanier
sa théorie de la guerre totale. Colin GRAY, anglo américain conseiller de plusieurs
départements d’Etat américains, a publié en 2007 War, Peace And International Relations.
Il écrit qu’il est un fidèle clausewitzien, qu’il n’y a qu’une seule théorie de la guerre valable,
c’est celle de clausewitz. Nuance : il explique que la nature de la guerre est immuable, en
revanche les caractères de la guerre diffèrent selon les cas. Mais c’est un peu léger, selon
Mme Blanc-Noël. En plus il connait rien en piratage informatique etc... John LYNN faisait
remarquer que les militaires citent Clauclau comme on cite les évangiles. Pour un
spécialiste en science sociale et en science politique en particulier, ce genre de référence
à un auteur unique doit inspirer la méfiance. Est-il possible que clauclau soit le seul et le
premier à avoir dit des choses qui permettent le succès à tous les coups? La martingale
de la stratégie? Mettre un auteur sur un piédestal comme le fait Colin GRAY, ça relève
plus du gourou que du théoricien.
§2 La théorie clausewitzienne et ses lacunes
Clausewitz est avant tout un auteur du XIXe siècle qui écrit dans un contexte
particulier : militaire prussien nationaliste, il écrit à une époque où l’Allemagne est
morcelée et où les différents territoires sont envahis par Napoléon. Il a un objectif : il veut
réformer l’armée prussienne, comme d’autres. Son objectif est que l’armée devienne plus
puissante, puisse faire l’unité de l’Allemagne. Il est mort 40 ans trop tôt pour connaître ça.
Il est fasciné par la stratégie victorieuse de Napoléon. Il ira même un moment trahir son roi
en s'enrôlant dans l’armée russe pour combattre Napoléon. GAT a écrit qu’on considérait
trop Clausewitz comme un intellectuel isolé or il sortait et a fréquenté le mouvement
romantique, opposé à la philosophie des Lumières française surtout. Pour les philosophes
du XVIIIe, la guerre est une aberration, un retour vers la barbarie. Pour les Romantiques,
on accepte la guerre, qui peut être nécessaire lorsqu’il faut défendre la nation, et la guerre
peut être l’expression du génie d’un peuple et de ses chefs. Bref, il y a une rupture en ce
qui concerne la conception de la guerre avec le Romantisme - qui n’est pas uniquement
allemand. Acceptation de la guerre au nom des Nations, au nom des Peuples. Au XVIIIe
on avait la conception de la guerre en dentelle, guerre limitée, avec recours préalable à la
diplomatie, puis guerre la plus limitée et organisée possible. Frédérick II était pétri de ces
idées.
Oui mais : «La diplomatie sans les armes est comme la musique sans les instruments» et
«L'artillerie donne un peu de dignité à ce qui ne serait qu'une vulgaire bagarre» (Frédéric II)
Les Lumières estimaient qu’il fallait essayer de gagner la guerre sans bataille. Entre 1790
et 1850, pour les romantiques, la guerre est de plus en plus acceptable. De plus la
conscription obligatoire, inventée par les révolutionnaires français, se généralise. Une
forme de romantisme militaire va se développer, qui met l’accent sur la guerre massive,
avec des millions d’hommes. Pour Napoléon, la bataille est presque le seul moyen pour
gagner la guerre. Pour les Romantiques, il faut admettre l’irrationnel, le hasard, le génie
personnel des chefs militaires. On cultive le goût du drame, le sacrifice pour la patrie alors
qu’au XVIIIe on s'enrôle pour l’argent. Napoléon a écrit des maximes de guerre, par
exemple : «Le salut et la conservation des hommes n’est que secondaire». Le XIXe siècle
est aussi le siècle du nationalisme. Les théoriciens militaires ont vite compris l’importance
et la puissance de ce phénomène. Première fois : les guerres révolutionnaires. Clausewitz
est baigné de ces concepts. Il fréquente les auteurs romantiques dans tous les domaines.
Mais il est aussi le produit des écoles de guerre prussiennes obsédées par leur
professionnalisme. Clausewitz est au carrefour de ces deux pensées. Romantisme +
école de guerre prussienne. Clausewitz réalise la synthèse entre les deux. Il va, d’autre
part, être témoin de trois révolutions dans l’art de la guerre. D’abord, apparition des
guerres populaires de citoyens. Les armées de citoyens apparaissent avec la révolution
française, à partir de 1792. Clausewitz estime que les français qu’il voit comme des beaux
parleurs et qui battent les allemands ne tirent pas leur succès de leur entrainement mais
de la passion politique. C’est cette ferveur qui permettra la levée de la première armée de
masse (même si il est vrai qu’on fusillait facilement les déserteurs). L’Europe sera par la
suite ensanglantée par les guerres révolutionnaires (1,4M de morts en France à cette
époque). 38% des hommes morts dans des guerres en france entre 92 et 95. Après, les
guerres seront menées à l’échelle de pays entiers et les objectifs de la guerre vont
changer. C’est l’Etat Nation qui se bat et non le roi machin contre le roi machin. De plus,
les soldats sont moins entrainés et même assez pitoyables au début. Même sous l’époque
napoléonienne Clausewitz constate que la passion populaire est toujours là, les valeurs de
la république sont toujours là et galvanisent les troupes. De plus sous Napoléon les
armées étaient des armées de citoyens égaux. En Prusse, la politique était l’expression de
la volonté du roi et les armées étaient des armées de profesionnels faisant souvent partie
d’une élite. C’étaient de simples exécutants. Armée française : «une force dont personne
n’avait eu l’idée fait son apparition en 1793...»... La guerre n’est plus la guerre du roi
exécutée par une armée, c’est une guerre de la nation exécutée par la nation, pour la
nation, ce qui décuple les moyens et la force de l’armée française.
Deuxième révolution connue par Clausewitz, la forme de la guerre inventée par
Napoléon. Sous Napoléon, la guerre est «une guerre extrême, conduite sans perdre un
moment jusqu’à l’écrasement de l’ennemi». L’accent est mis sur la bataille dont
Clausewitz dira qu’elle est l’essence de la guerre. Or dans l’art de la guerre on peut mettre
l’accent sur d’autres moyens : contournement de l’ennemi, dissuasion...
Troisième révolution : l’apparition de guerres populaires de défense. Ici
Clausewitz prend exemple sur les guerres d’Espagne et de Russie. Napoléon a subi son
premier échec en Espagne et échouera en Russie. Ces deux obstacles feront dire à
Clauclau que la défense est la forme de guerre la plus forte. Alors qu’on pensait alors que
l’avantage était à l’offensive. La théorie de Clausewitz s’insère dans le cadre de ces trois
révolutions.
a) La nature de la guerre.
(on va pas décortiquer la théorie de Clausewitz, on prend seulement des éléments
saillants).
Chaliand : anthologie mondiale de la stratégie, robert lafond col. Bouquins.
Selon Clau, ces trois révolutions ont en commun l’idéal type, le concept abstrait de la
guerre. Son idée, c’est de dire que si en apparence la guerre est un chaos, en réalité il y a
une logique dans la guerre, elle est très organisée, et grâce à la théorie on peut
comprendre l’ordre qui se cache dans la guerre. Le caractère distinctif de la guerre, pour
Clausewitz, c’est l’usage de la violence, l’épreuve de force. Clausewitz dit : «En guerre, on
ne dispose que d’un seul moyen, l’engagement (des forces, des troupes)». Ou : «La
destruction des forces de l’ennemi est la pierre de touche de toute action de guerre».
L’épreuve de force est le moyen de remporter la victoire. Sur le plan concret, il pense que
le but de la guerre est de désarmer l’ennemi. Il oppose un plan concret militaire, qui veut
désarmer l’ennemi, à un plan politique. Le but de la guerre est d’imposer sa volonté à
l’ennemi. La guerre est l’instrument de la politique.
Pour Clausewitz, la guerre est un duel. Deux camps ennemis se battent pour de
fins politiques différentes, en revanche sur le plan militaire ils ont le même but stratégique :
désarmer l’ennemi. Clau étudie longuement les paramètres de la bataille. Il y a deux
grandes dimensions dans la guerre. Il y a une lutte de l’homme contre la nature, avec les
ravitaillements les intempéries. Le hasard intervient. Et lutte de l’homme contre l’homme. Il
s’agit d’anticiper les coups de l’ennemi, découvrir quelle idée l’ennemi se fait de nous,
mais au fond l’ennemi a le meême but que nous : désarmer l’adversaire. Conséquence :
ascension aux extrêmes. Clausewitz dit : tant que je n’ai pas abattu l’adversaire je peux
craindre qu’il m’abatte, je dois donc préparer le pire dans ascension aux extrêmes : on va
vers la guerre absolu, une guerre où toutes les ressources doivent être mises en jeu,
sinon c’esdt l’adversaire qui le fera et il aura l’avantage. Logique qu’on connait bien au
XXe siècle avec les deux guerres mondiales, et la course à l’armement. Clausewitz parle
de la guerre absolue comme si c’était une forme de guerre désirable. Pour lui c’est la
forme suprême de la guerre. Celui qui ne reculera devant aucune effusion de sang
prendra l’avantage sur son adversaire si celui ci ne fait pas de même. Clausewitz
condamne toute tentative de limitation de la guerre, ce qu’il appelle à l’époque le
philantropisme, ce qu’on appellera plus tard le pacifisme. «Dans une affaire aussi
dangereuse de la guerre, les pires erreurs sont celles commises au nom de la bonté». «La
guerre est un acte de violence et il n’y a pas de limites à sa manifestation». «La guerre
est la continuation de la politique par d’autres moyens». En réalité il faudrait plutôt lire
cette phrase comme «la guerre DOIT être la continuation...». L’objectif de la guerre doit
d’abord servir une cause politique. A son époque les militaires prussiens méprisaient la
politique, c’étaient des professionnels, ils avaient une culture politique. Claus voulait
enseigner à ses compatriotes que si celui qui faisait la guerre avait en plus des objectifs
politiques, il deviendrait très puissant. Aux offensives éclair de l’armée prussienne,
Napoléon répliquait par une armée populaire de défense. Mais chez clau les rapports au
politique sont quand même plus complexes, il est d’abord un militaire, qui écrit pour les
militaires. La théorie de Clausewitz veut faire des valeurs militaires un absolu : courage,
soumission totale au devoir, au prix de sa vie. Et ces valeurs dispensent au militaire de
s’investir d’avantage, il laisse une part du travail au politique, il ne fait pas de chaque
militaire un individu politisé.
b) Quelques défauts de la perspective de Clausewitz.
Le principal défaut de Clausewitz, on peut l'adresser à tous ses adorateurs, qui ont
souvent sous estimé un fait, c’est que Clausewitz est avant tout un homme début du XIXe
siècle. Il n’a même pas connu le télégraphe. Il est très marqué par ces trois révolutions
militaires, mais aussi par un phénomène plus fondamental, phénomène géopolitique, qui
débute avec le traité de Westphalie en 1648. Cette évolution des relations internationales,
c’est l’apparition de l’Etat comme acteur principal des relations internationales. C’est L’état
qui a le monopole des relations internationales, et sur le plan militaire l’état a évidemment
le monopole de l’action militaire. Cela n’allait pas du tout de soi. Au moyen âge, la guerre
était un phénomène privé, les seigneurs menaient la guerre pour leur propre compte. Tout
au long de l’histoire il y a eu des conflits pour savoir qui avait le droit de faire la guerre.
Dans l’histoire occidentale, on remarque qu’on a progressivement interdit aux populations
de faire la guerre. évolution entre 1648 (apparition des premières armées permanentes) et
1793 où les français vont réaliser la mobilisation de tous les citoyens (mâles et en âge de
se battre). Parallèlement on va professionnaliser les armées. A partir du XVIIe siècle on
voit apparaitre des uniformes pour distinguer qui est militaire et qui ne l’est pas. Les
militaires ont une immatriculation, un carnet militaire pour éviter les désertions. Des règles
de combat vont apparaître. En même temps on va interdire aux simples citoyens de
prendre les armes. C’est alors une simple révolte, qui peut être durement réprimée. Tout
cela explique que lors des conquêtes coloniales, lorsqu’ils rencontrent des populations qui
n’ont pas tous ces codes, on va les interpréter comme des révoltes, ce qui justifiera des
exactions pas très jolies qui n’auraient peut être pas eu lieu dans une guerre entre pays
occidentaux. Enfin il faut noter que la guerre va petit à petit changer d’échelle. Au Moyen
Age les guerres étaient pratiquées par des bandes armées pas très bien équipées, plus
ou moins nombreuses. Puis à partir de la révolution française, on aura parfois un million
d’hommes mobilisés, sans parler de l'armée napoléonienne. Bref. Avec Clausewitz, la
guerre est déjà une affaire d’Etats, d’armées professionnelles rémunérées (ce qui a
toujours été un problème dans l’histoire) pour le compte de l’Etat : guerre par l'état, pour
l'état, contre les états. Clausewitz ne raisonne qu’à partir de ce cas de figure. Il ne prend
jamais d’exemples antérieurs au traité de Westphalie. On a dit que la conception de la
guerre chez Clausewitz était une conception trinitaire : l’état, l’armée et le peuple. Son
idée c’est que la guerre continue la politique de l’Etat. Elle est menée par l’armée, de
façon professionnelle. Le reste du peuple en est exclu. Après sa mort, en dépit de
l’immense influence qu’il aura, cette conception est vite périmée, dès 1914. La guerre est
alors une guerre totale, c’est l’affaire de toute la population et pas seulement l’armée. La
théorie de Clausewitz s’inscrit dans une période qui va de 1648 à 1914. Avant, ça marche
pas, on est pas dans le cadre de la guerre entre états. Pareil après, pendant la guerre
froide, également aujourd'hui où la plupart des guerres sont des guerres infra étatiques.
Globalement, les périodes de guerre trinitaire ne sont pas majoritaires dans l’histoire. Mais
Clausewitz a également étudié, quelques années avant sa mort, le cas de la guerre
limitée. Si il avait pu continuer son travail, il serait peut être parvenu à faire une théorie
globale de la guerre. Raymond Aron avait étudié cette dualité de la théorie de Clausewitz;
Il a décelé des contradictions dans son oeuvres, dues au fait qu’il avait commencé à
réviser sa théorie avant sa mort. D’autres travaux on été menées dans les années 70
montrant qu’il avait étudié aussi la guérilla. Par contre les générations d’admirateurs de
clau n’ont pas envisagé ces autres formes de guerre. Claus est mort trop tôt pour avoir
connu certaines innovations technologiques qui ont révolutionné la guerre : le télégraphe,
et le train, qui bouleversent la vie quotidienne au XVIIIe siècle, mais a partir des années
1840, et pas partout. Il ignore également, et là c’esdt de sa faute, la guerre navale,
probablement parce que lui il est dans l’armée de terre. Il ne parle de la mer que trois fois
dans son oeuvre. Pas d’aviation non plus, ni d’armes chimiques, alors qu’elles sont
tellement utilisées en 1914. Il est donc étrange de constater que Clausewitz est LE
penseur incontournable. Donc méfions nous quand on dit «un tel est le gourou de ceux
là...».
On a vu que la guerre, selon clau, c’est la violence poussée a son paroxysme. Là encore
on peut montrer que statistiquement, dans l’histoire de l’humanité, c’est rarement le cas.
Dans l’histoire de l’humanité il y a d’innombrables cas de guerres limitées. Chez les
peuples primitifs, les guerres sont très soigneusement réglementées, afin d’éviter au
maximum les pertes humaines. Souvent on s’arrête au premier mort, voire à la première
blessure. En Occident, la réglementation de la guerre est très ancienne. La réglementation
actuelle prend sa source au moyen âge, en s’inspirant du droit romain et du droit
canonique. Grotius : le droit de la guerre et de la paix, en 1625. Au XVIII siècle, Vatel, un
suisse, élabore un droit des gens qui aborde ces questions de guerre, de paix, de
neutralité, de statut des prisonniers. (v. la tarification des prisonniers au MA). Autre
question : le droit des populations vaincues et de leurs biens. Dans tout l’occident, la
pratique commune est la pratique de la mise à sac. Cette pratique s’arrête très tard, en
1811 avec le sac de Badajoz en Espagne). De même que la pratique des viols. Autre
question : le droit de la neutralité. Grotius avait essayé de réfléchir à la neutralité. Autre
réglementation très ancienne : la réglementation sur les armes. Quelles sont les armes
licites? Concile de Latran en 1139 l’Eglise voulait interdire l’usage de l’arbalète, qu’on
considérait comme trop cruelle. De même, pendant le MA, on va essayer d’interdire les
armes de jet. Pas considérées comme nobles car pas de corps à corps. C’est une arme
de pauvre. Comme chez les grecs. Pareil au XVIe siècle pour les armes à feu, ne
répondant pas au vieux code de la chevalerie, pas de corps à corps, c’est une arme de
traitres, une arme de couards. Le Coran condamne la neutralité. Il faut distinguer la guerre
et le crime : lorsqu'il n’y a plus aucune règle, on est dans le domaine criminel. C’est ce
qu’on peut voir aujourd’hui avec le terrorisme. Les Etats les considèrent comme des
criminels alors que les terroristes estiment qu’ils mènent une guerre. Bref. On peut
considérer que Clausewitz commet une erreur sociologique alors qu’il existait déjà un droit
de la guerre. Il décide de l’ignorer. Droit de la guerre = limitations auto imposées valant à
peine d’être mentionnées. Autre querelle sur la nature de la guerre. Il explique que pour
gagner il faut concentrer le maximum de forces au point décisif, le but étant de désarmer
l’ennemi. Il en fait une maxime.Mais on peut démontrer que c’est pas forcément un bon
conseil. La concentration de forces sous la forme d’une armée gigantesque, avec des
bataillons de dizaines de milliers d’hommes, peut être une source de faiblesse. D’ailleurs
Clausewitz parle de friction, c’est ce qu’on appellerait aujourd’hui la loi de Murphy.
Problèmes d’intendance, de logistique, problèmes de communication : plus il y a
d’hommes, plus il a difficulté communiquer, selon le principe du téléphone arabe. Mais
d’autres techniques peuvent marcher. Liddel Hart, détracteur anglais de clau, dit que
quand on est dans le cas d’une armée de masse de plusieurs millions d’hommes, cela
conduit à des conséquences psychologiques très contraignantes. Des gens formés à la va
vite, qui n’ont pas forcément envie d’être là. Paniques, effondrement rapide. Voir la guerre
du Vietnam, les traumatisme psychologiques. Bref la théorie de clau ne donne pas
forcément de bons résultats. Hart rattachait les catastrophes des deux guerres mondiales
à clausewitz. Première guerre : d’innombrables batailles sont menées, sans aboutir au
résultat décisif prévu par clau. Les vraies évolutions sont dues à la faim, la maladie,
l’effondrement moral des troupes (grève générales dans les tranchées en 1917). D’autre
part hart dira que la victoire sera mal consolidée car les vainqueurs seront trop épuisés
pour capitaliser la victoire, ce qui conduira à la seconde guerre mondiale. Enfin, clauclau
n’a pas pris en compte les chars, avions, bateaux, qui permettent une grande mobilité sur
le champ de bataille. On peut détruire les quartiers généraux, les industries. Avec la
marine, on peut pratiquer des blocus économiques, affamer la population. Ces
technologies vont permettre de s’en prendre à des objectifs dont clau ne parlait pas.
Objectifs civils, économiques, psychologiques, qui vont décupler les effets de l’action
militaire. Malheureusement, Liddel Hart remarque qu’en 14-18, ceux qui commandent les
armées sont trop clausewitzien, ou en tout cas trop longtemps, résultat boucherie
totalement inadaptée à la technologie de l’époque, il aurait mieux valu encercler l’ennemi
etc.. Pour la seconde guerre mondiale, Hart dit qu’elle apporte un nouveau démenti à la
théorie de clausewitz. Exemple : les divisions de blindés. La bataille de Pologne : six
divisions de blindés vont permettre l’effondrement de la Pologne en quelques semaines.
Pendant la campagne de frances, 10 divisions de blindés vont écraser la France. En 41
dans les Balkans, pareil. Lors de la seconde guerre mondiale on voit aussi m’importance
des moyens de communication modernes. Il faut couper les moyens de com adverses,
inonder les villes ennemies de tracts pour démoraliser l’adversaire, on utilise la
propagande, la désinformation, choses qui n’existent pas chez Clauclau. Pendant la
seconde guerre mondiale, la victoire va etre apportée par la marine et l’aviation, ce qui est
contraire aux théories clausewitziennes. Enfin, dernière objection de liddel hart, ce n’est
pas tout de vaincre, il faut aussi préparer la paix. Que va-t-on faire après? On sait
aujourd’hui que si la paix est mal préparer elle peut entrainer un autre conflit. Exemple : la
seconde guerre mondiale. Hart rappelle que l’objet de la guerre est d’obtenir une paix
meilleure que la situation antérieure. Pour hart l’essentiel est de mener la guerre en ayant
toujorus à l’esprit la paix qu’on veut instaurer derrière. La paix peut êtrte une mauvaise
paix, une paix belligène. Exemple des Etats Unis en Irak (d’ailleurs les armées
américaines actuelles sont très clausewitziennes). Hart dit que la guerre et la politique
sont liées, la politique ne s’arrête pas quand la guerre arrive. C’est bien plus subtil. A
propos de la maxime la guerre est la continuation de la politique par d’autre moyens : à
priori ça semble s’appliquer à nombre de conflits contemporains. Or, en réalité la guerre
n’est pas toujours la continuation de la politique par d’autres moyens. C’est une
conception moderne de la guerre, très westphalienne, très liée à la renaissance, à la
création des Etats Nations. Mais c’est pas du tout une règle universelle. Montesquieu et à
sa suite les philosophes du XVIIe siècle, la guerre était une aberration. C’était l’échec de
la raison. Au XVIIIe siècle les militaires eux m^mes étaient influencés par cette idée. on
pratiquait la guerre en dentelle, limitée, civilisée, on échangeait les prisonniers, on
économisait les ressources. Aujourd’hui on observe que c’est la conception de lumières
qui prévaut, du moins en occident, on estime que la guerre est un échec. Eté 2008, conflit
d’Ossétie du sud : condamnation unanime de la guerre dans les journaux, on disait que
c’était un conflit d’une autre époque, de la guerre froide... Désapprobation aussi en
Afghanistan à chaque mort. La guerre est déplorée pour elle même.
La conception juridique de la guerre est celle du Moyen Age et de Rome. Au Moyen Age
on a un système médiéval qui est fait d’un réseau d’obligations réciproques. Dans ce
système, la guerre est considérée comme un prolongement non pas de la politique mais
de la justice. Ce qui était essentiel était de distinguer le bon belligérant du mauvais, d’où la
notion de guerre juste, par opposition à la guerre injuste (qu’on retrouve dans le monde
contemporain). Au MA la guerre juste devait être menée par des autorités publiques plutôt
que par des personnes privées. Elle devait être menée dans une intention juste, qui
pouvait être de réparer un affront, un grief, mais pas, par exemple, de piller des richesses.
Enfin la guerre devait causer des dommages proportionnels à l’offense. La guerre était
considérée comme un combat destinée à définir qui avait raison, qui avait tort. C’était une
correction administrative. Cette conception était issue du droit romain qui considérait aussi
la guerre comme la continuation des poursuites judiciaires.
Autre conception de la guerre : la guerre peut être l’expression de la survie d’un groupe
humain. Conception la plus fondamentale de tous les temps probablement, qui apparait au
moment où les chasseurs cueilleurs se sont sédentarisés.
La guerre pour des raisons religieuses également. L’ancien testament en regorge, cette
notion de guerre religieuse est aussi centrale dans l’islam.
Enfin on rencontre d’autres motifs chez les peuples plus ou moins primitifs. Chez les
Aztèques on faisait la guerre pour capturer des ennemis à sacrifier, ou pour pratiquer
l’anthropophagie (Papouasie...). On trouve aussi la guerre pour vengeance, en raison
souvent d’outrages faits aux femmes, enlèvement de femmes. La guerre pour les
ressources aussi, l’eau notamment.
Bref la conception clausewitzienne, à partir du traité de Westphalie, est liée à l’existence
de l’Etat. Ceci, on peut dire, existera en gros jusqu’à la seconde guerre mondiale. A ce
moment là il y a une rupture avec l’apparition de l’ONU. La charte de l’ONU interdit la
guerre d’agression, la guerre de conquête. Charte certes violée très souvent, mais les
Etats sont de moins en moins en mesure d’avouer cette violation. Depuis 45 il y a très peu
de guerres de conquêtes, liées à des conflits de territoire. Le postulat de Clausewitz va
devenir de plus en plus erroné dans le futur. VAN CREVELD disait : croire que la justice et
la religion sont moins capables que la politique de... Il disait ça juste avant le 11
septembre. Aujourd’hui la majorité des guerres ne sont pas inter-étatiques mais infraétatiques. Elles peuvent avoir des raisons politiques (partition de territoires) mais on a vu
des guerres fondées sur un manque de ressource (risque de futures «guerres de l’eau»).
De même la stratégie de Clausewitz qui consiste à écraser l’adversaire n’est qu’une
variante possible. Même les américains sont en train de revoir leurs présupposés.
guerre = notion juridique; conflit = notion plus large et plus floue, qui peut par exemple désigner les
émeutes de banlieues, des bagarres.
Un autre auteur majeur, chinois, Sun Zi (orthographe du Larousse) qui a écrit un Traité qui
a eu une postérité immense au IVe siècle, qui a inspiré Mao, les Viet Mihns... Lui
recommande, dans la mesure du possible, de gagner la guerre sans mener bataille, en le
désarmant, en utilisant la ruse... Mao a utilisé Sun Zi lorsqu’il était à la tête d’une petite
armée mais plus tard il a été plus Clausewitzien. Colin GRAY lui même a rendu hommage
à Sun Zi. Il a reconnu la validité de sa stratégie.
Dernière critique qu’on pourrait apporter à Clauclau, il a ignoré que les manières de faire
la guerre sont toujours l’expression des cultures humaines.
B) La guerre, expression culturelle des sociétés humaines.
Clausewitz est peu préoccupé par les questions de cultures humaines. Les
sciences sociales sont encore balbutiantes, et la notion de culture va être introduite
tardivement, vers la fin du XIXe siècle. A un moment il parle quand même des conditions
sociales qui existent dans les différents Etats. Il dit que ce sont ces conditions qui causent,
limitent, modère la guerre. Mais il rajoute vite que ces circonstances elles mêmes
n’appartiennent pas à la guerres. Elle lui préexistent. La guerre en elle même est un acte
de violence etc... Il parle aussi à un moment des nations civilisées par rapp aux guerres
des non civilisées. Il dit que les guerres des nations civilisées sont moins destructrices, ce
qui est faux. «chez les sauvages les intentions inspirées par les passions dominent, chez
les civilisés ce sont les intentions inspirées par la raison». De même parfois Clau se fait
historien mais il ne remonte pas plus loin que la renaissance, il n’étudie pas le MA où la
conception de la guerre est très différente.
La comparaison des cultures de guerre est assez récente. L’histoire culturelle et l’histoire
de la guerre se rejoignent dans les années 70. John KEEGAN : L’Anatomie de la bataille.
Un peu plus tard, les travaux de l’historien israélien Azar Gat, ou John Lynn. Courrant
plutôt anglo-saxon. Pourtant si l’histoire culturelle et l’histoire de la ugerre se rejoignent
très tard, deux exemples de Keegan, datant du XIXe siècle, montrent que le choc des
cultures de la guerre est intervenu très tôt. En 1840 et quelques, l’armée japonaise eest
menée par le gal TAKASHIMA. KEegan raconte que la première fois qu’il a organisé un
défilé à l’occidentale, devant un public de samouraïs importants, ces derniers trouvent les
soldats ridicules, car ils répondent à un code de guerre rigoureux, dans lequel les armes à
feux étaient proscrites car signe de lâcheté, de barbarie. De plus pour eux la guerre était
un mode de vie, un art, et l’usage du sabre est non seulement une technique de guerre
mais aussi une discipline spirituelle. Deuxième exemple donné par keegan. En 1821 en
Grèce. C’est la guerre d’indépendance. Le gouvernement turc essaie de mater des
rebelles, les Klephts, mi bandits mi rebelles contre le gouvernement turc. En Europe un
mouvement soutient les Klephts, le mouvement des philhellènes. yron en fait partie. Ce
phillhellènes vont essayer de leur apprendre les techniques modernes de guerre, vont leur
donner des armes. Pourtant ils ne vont pas parvenir à les aider car les grecs avaient leur
propre conception de la guerre qui consistait à se rendre sur le lieu de bataille, y
construire des murs pour se cacher derrière, puis surgir pour couvrir les ennemis
d’insultes avant de retourner se cacher. Les turcs de leur côté faisaient la guerre en ruant
de manière désordonnée sur l’ennemi. Les philhellènes disaient aux klephtes disaient si
vous vous battez pas vous gagnerez pas la guerres, ils répondent oui mais si on se bat on
mourra tous et on perdra quand même. Les philhellènes étaient déçus, ils pensaient aux
guerres de la Grèce antique, en phalange...
L’analyse culturelle de la guerre montre que le modèle clausewitzien est un modèle parmi
d’autres. Elle a permis de réfléchir sur les motivations des conflits. Au XXIe siècle il y a un
retour sur l’histoire culturelle de la guerre, car on en a besoin aujourd’hui, après la guerre
froide. Ex : le 11/09, le Rwanda, le Soudan.
(Gérard Chaillant : Stratégies de la guérilla; les guerres irrégulières.
David Galua : Contre insurrection)
§1 La guerre graduée : les sociétés «primitives»
Dans les années 70 un courant en anthropologie a tenté d’idéaliser les sociétés primitives,
repris par certains décroissants aujourd’hui. C’est en réalité un fable. Les sociétés
primitives n’ont rien de mieux que l’homme moderne. L’être humain a des pulsions de
violence, la guerre est une constante dans l’histoire de l’humanité. Des recherches
récentes ont même étudié les guerres dans la préhistoire. Laurence Keely : Les Guerres
Préhistoriques (éditions du rocher), ce qui se fait actuellement de mieux dans la
connaissance des guerres de la préhistoire. Les guerres étaient fréquentes, et plus
violentes que les guerres modernes, semble-t-il. Par ailleurs l’étude des peuples primitifs
contemporains a révélé l’importance de la guerre dans leur culture. On a pu faire des
observations de ces phénomènes jusqu’aux années 60, 70, pour plusieurs raisons. Soit
ces peuples vivent dans un état qui leur interdit la guerre (interdiction du cannibalisme en
papouasie) soit leur culture a évolué. Bien que le sujet soit très vaste on peut retenir
quelques cultures particulières aux cultures primitives. Première caractéristique, la guerre
primitive n’est pas le fruit de passions débridées, ce n’est pas un gros désordre, au
contraire, c’est un type de guerre très réglementé, son déroulement est souvent très
gradué, et on retrouve parfois des cas de guerres symboliques. Un exemple intéressant,
celui des Yanomami, peuple d’Amazonie vivant entre le brésil et le Vénézuella, observé
en contexte de guerre dans les années 60 par Napoléon Chagnon. Ce peuple avait une
réputation de peuple féroce dont ils étaient eux même très fiers. Ils avaient un code
culturel qu’ils appelaient waiteri. Selon ce code de bonne conduite, on exigeait de chaque
homme qu’il fasse preuve de cruauté. Un quart des décès récents dûs à la guerre chez les
hommes, selon l’observation de Chagnon. L’activité de guerre est donc a priori importante.
Les jeunes garçons étaient encouragés à être violents et cruels, dès les jeux d’enfance, et
dans leur rapports avec les femmes qui étaient battues. Ils pratiquaient des échanges de
femmes entre tribus, souvent à l’occasion de fêtes. Ces échanges finissaient souvent par
des disputes qui finissaient en batailles. Autre cause de conflit : l’homme qui allait séduire
la femme du voisin. Bref. Chez eux la guerre est graduée. Premier stade, le moins grave,
pour une petite dispute, se déroule ainsi : les combattants vont ingérer des
hallucinogènes; Puis un homme s’avance et se frappe la poitrine. Un rprésentant de
l’autrre village avance à son tour et frappe le premier à la poitrine. Le premier individu va
encaisser ainsi jusqu’à quatre coups, pour montrer sa résistance, avant de riposter, puis
chacun se tape à tour de rôle jusqu’à épuisement de l’un des adversaires. L’autre est
déclaré vainqueurs, puis se balancent en dansant ensemble et se jurent amitié éternelle.
Autre degré : en cas de viol. Le plaignant se procure un baton de troix mètre et profère
des insultes. Si son défi et relevé, il plante son baton, et reçoit un coup à la tête. Puis
réplique etc... Au premier sang, une mêlée générale se déclenche, avec des massues. Le
chef du village pourra intervenir lorsqu’il décidera qu’il faudra interrompre le combat. Il
donne le signal avec un arc et des flèches. Si il y a eu des motrs, le coupable dvra s’exiler
dans un autre village. Si c’st un combat entre deux villages ,celui qui a attaqué doit se
retirer. troisième stade, Chagnon dit qu’il s’agit du raid, seul pratique qui ressemble un peu
à la guerre. Le raid est déclenché lorsqu’il y a eu un décès. Mais là aussi c’est très codifié.
Ils ont simplement l’intension de tuer quelqu’un, généralement la première personne qu’ils
rencontrent, à proximité du village. Souvent un raid peu entrainer un autre raid en
rétorsion, et ça peut durer longtemps. Bref. Chagnon montre qu’il s’agit dans la plupart
des cas de questions de souveraineté, souveraineté sur les femmes surtout. A propos de
ces Yanomami, d’autres anthropologues expliquaient la permanence de la guerre par la
pratique de l’infanticide qui rend nécessaires les échanges de femmes. A d’autres
endroits, on explique les guerres par les problèmes de régulation de la population, lorsque
le territoire est limité. Dans tous les cas on constate que les combats sont strictement
réglementés, comme le choix des armes, et il y a assez peu de victimes. Combats
fréquents voire routiniers mais peu de victimes. On va rarement chercher la destruction
totale du groupe voisin. On retrouve ces caractéristiques chez les maoris notamment
(contrairement à ce que montre le film Les Révoltés De La Bounty). Ils s’arrêtaient souvent
après quelques victimes qu’ils auront mangées. En Nouvelle Guinée il y a des guerres
symboliques. Les guerriers se déguisent avec des costumes impressionnants, et se font
face à face, chantent, crient. Sortent du range deux guerriers qui s’affrontent, puis rentrent
chez eux. Le Haka est aussi une manifestation de guerre symbolique. Bref. Ce type de
guerre n’est pas du tout primitif, il est très réglementé. On ne peut pas taper qui on veut!
Chose radicalement différente de la stratégie clausewitzienne.
§2 La guerre subtile : la Chine.
La Chine a donné lieu à une grande réflexion stratégique. Sun Zi, l’Art de la guerre. Ce
livre a eu une influence considérable, d’abord sur les traditions militaires chinoises, puis
sur le Japon. Les jésuites l’ont traduit au XIIIe siècles, puis il va être oublié, avant d’être
redécouvert par Mao et les Viet Mihns. Mais il y a d’autres traités de stratégie chinois. Voir
l’anthologie de Chaillant. Traité de Sun Bin, L’art de la guerre, au IVe siècle, etc... Les plus
importants de ces traités ont été écrits à l’époque des printemps et des automnes (entre
770 et 481 avant JC), époque féodale, la chine est alors divisée en petits Etats qui se
livrent des guerres interminables. Puis l’époque des royaumes combattants, entre 475 et
221 avant JC, époque très guerrière également, où l’on assiste à la disparition des Etats
qui vont fusionner à l’issue de guerres. C’est une époque où les armées sont très grandes,
les paysans sont enrôlés. L’arbalète apparait, les cavaliers aussi. Cette période prend fin
lorsque les Qin unifient la Chine, lui donnent leur nom entre 231 et 207 (voir la
reproduction de l’armée en terre cuite). Les chinois mêlent leur art de la guerre à des
considérations philosophiques et religieuses. Il y a trois grandes traditions philosophiques
chinoises. Confucianisme (561 - 479 avant JC, contemporain de Socrate). Confucius dit
que seul les gouvernements capables de promouvoir le bien être du peuple et la justice
sont des gouvernements durables et souhaitables. Ecole qui va chercher l’ordre social
idéal, qui ne peut être atteint que par les vertus (savoir, sagesse, bienveillance, piété
filiale, droiture...). Deuxième courant philosophique, le courant des légistes. Ensemble
d’auteurs comme Shang ou Han Feizi, eux mettent l’accent sur l’autorité. Ils tentent de
mettre en place un système juridique sévère, c’est une réaction contre le confucianisme,
ils disent que la vertu c’est pas suffisant. Ils vont écrire des codes avec un système de
châtiment, les fameuses tortures chinoises. Troisième courant, le taoïsme qui s’articule
autour de Lao Tseu. Les taoïstes ont une philosophie plus spirituelle, ils cherchent avant
tout l’harmonie avec la nature. Le tao c’est la vix de la nature, il dépasse la
compréhension humaines et en m^me temps le bien suprême passe par la soumission au
tao. Une phrase taoïste est intéressante en stratégie : la plus grande vertu est comme
l’eau, elle coule et s’adapte à ce qui l’entoure. Dans ces trois écoles, il y a un point de
départ commun, l’idée que l’Etat se fonde sur la vertu et non sur le seul pouvoir. Un Etat
sans vertu n’est pas légitime, et n’a pas le mandat du ciel. Il échouerait à la guerre. La
guerre est alors un phénomène paradoxal : comment en Etat vertueux peut faire la
guerre? Les textes philosophiques et stratégiques chinois partagent toutes l’idée que la
guerre est un mal. Confucius méprisait les soldats. L’Etat vertueux ne fera la guerre que
lorsqu’il ne pourra pas l’éviter. C’est une mauvaise méthode, mais il faut l’utiliser pour
survivre lorsqu’on ne peut pas faire autrement. Seule la guerre juste a le mandat céleste.
C’est celle où la population est engagé sous la direction d’un gouvernement vertueux.
Certains textes disent que la vertu entraine invariablement la paix. Sun Zi dit : employer
plusieurs années à observer l’ennemi ou à faire la guerre, ce n’est pas aimer son peuple.
Tout l’art militaire chinois consiste à limiter les inconvénients de la guerre. Pour Sun Zi l’art
de la guerre le plus maîtrisé consiste à remporter la guerre sans combattre. «Livrer 100
combats et remporter 100 victoires est bien mais ce n’est pas le meilleur...». De plus, Sun
Zi conseille également de préserver l’armée ennemie. C’est une bonne stratégie à long
terme. La stratégie chinoise peut etre qualifiée de stratégie à long terme.
Autre idée : éviter l’assaut frontal. Sun Zi dit : si vous êtes 4 fois plus fort, attaquez
l’ennemi par 4 endroits à a fois. Si vous êtes seulement deux fois plus fort, une partie
immobilise l’ennemi, l’autre l’attaque. Si vous êtes moins fort, évitez l’erreur et attaquez
aussi peu que possible. La prudence et la fermeté d’une petite force peuvent arriver à
lasser et à maîtriser même une armée nombreuse. Conseils repris par maintes forces de
guérilleros. On va susciter la créativité, l’intelligence, l’habileté des généraux. Il n’y a pas
de schémas préconçus. Chez Sun Zi les textes sont un peu énigmatiques, ce sont des
textes à méditer. Sun Zi enseigne plus un esprit aux stratèges, enseigne comment
s’adapter au mieux aux circonstances : aux erreurs de l’adversaire, au climat, au temps
qui passe... Les chinois enseignent aussi comment jouer du secret. Sun Zi dit : attaquez
ouvertement mais soyez vainqueurs en secret. L’élément du secret, la ruse, la surprise,
est très important chez lui. Il préconise de démobiliser l’adversaire, le décourager. Toutes
les façons de le prendre par surprise sont détaillées. Il y a aussi l’idée de travailler les
populations. On va délégitimer l’adversaire en faisant croire qu’il est corrompu. Il faut créer
des dissensions au sein de la population ennemie, et les exploiter. Utiliser pour ça la
rumeur, la désinformation. Sun Zi donne une petite théorie de l’art du renseignement. Il y a
cinq sortes d’agents secrets. Les agents secrets indigènes, ressortissants du pays
ennemi. Les agents secrets intérieurs, fonctionnaires travaillant chez l’ennemi mais qu’on
emploie à son compte. Les agents doubles. Les agents secrets liquidables, à qui on
donne de fausses informations à faire diffuser chez l’ennemi. Les agents secrets volant,
qui rapportent des informations du terrain ennemi. Ce qui montre que Sun Zi accorde une
grande valeur au renseignement c’est qu’il dit que quand tous ces agents fonctionnent
ensemble ils constituent le trésor d’un souverain, le divin écheveau. Cette stratégie est
très actuelle, employée sur certains théâtres de conflit, par exemple au Viet Nam. Dans
les écoles de commerce on a lu Sun Zi. ON voit bien ici que la culture chinoise a donné
une stratégie complètement opposée à Clausewitz.
§3 La guerre comme culture : peuples cavaliers et samouraïs.
Dans certaines aires culturelles, la guerre et la culture sont synonymes. La culture, le
mode de vie est totalement lié à la guerre. Ca peut aboutir à des situations contre
productives, d’un point de vue extérieur. Perspective pas du tout clausewitzienne. On peut
citer le Japon des samouraïs. Il y a eu à un moment un total renoncement à la technologie
des armes à feu pour protéger leur culture guerrière, au risque de perdre l’avantage face à
des ennemis qui utiliseraient des canons. Autre exemple, des peuples dont le mode vie
fonctionne entièrement selon une logique guerrière.
a) Le Japon
Au XVIe siècle, le Japon connaît les armes à feu qui sont arrivées par l’intermédiaire des
occidentaux. Mais ces armes fascinent pas du tout les japonais, qui vont les bannir et
fermer leur pays à toute influence étrangère. Le Japon est alors un Etat féodal, au pouvoir
éclaté. Il y avait un empereur, et des seigneurs. L’un d’eux avait le statut de Shogun,
général en chef. Les samouraïs sont comparables à nos chevaliers du Moyen Age. Ils ont
un code d’honneur et tout. Les samouraïs ont le droit de porter deux sabres. A la cour de
l’empereur, les meilleurs samouraïs étaient aussi d’excellents poètes. Ils pratiquent le
bouddhisme zen, la méditation. Leur pratique principale est l’art du sabre, pratique militaire
emprunt d’un éthique, d’une philosophie. Travail sur le corps et sur l’esprit. Le but de la
pratique du sabre est la maîtrise de soi, du corps et de l’esprit (qui ne sont pas forcément
dissociés dans la pensée asiatique. Travail aussi d’harmonie avec les éléments, la nature.
Le sabre est l’objet d’un culte, on se le transmet de génération en génération. Culte des
ancêtres. Entre 1560 et 1616 période de rivalités entre clans, et l’ordre social est ramené
par trois chefs de guerre dont Leyasu. A la fin, en 1616, il devient Shogun et c’est lui qui
élimine, à ce moment là, les armes à feu. A la fin du XVIIe siècles les historiens disent que
les armes à feu ont totalement disparu, et elle réapparaîtront en 1854. Plusieurs raisons à
ce renoncement. D’abord les armes à feu représentaient pour les samouraïs la cuture
étrangère. Certains historiens disent qu’ils les ont aussi assimilé au christianisme car ce
sont les missionnaires qui les ont introduit. Or en 1637 il y a eu une révolte de japonais
christianisés contre leur empereur. Révolte vite écrasée d’ailleurs. Le fusil représentait un
risque d’instabilité sociale. Car le système social reposait sur le travail au service des
samouraïs. Si ils ne sont plus indispensables, tout s’écroule. Autre élément à prendre en
compte : l’insularité. Le Japon étant une île, il y a peu de risques de contrebande d’armes.
Enfin, les armes à feu sont contraires à l’éthique des samouraïs. Ils passent leur vie à
s’entraîner au maniement des armes, sabre, arc... L’arme à feu ne demande pas
beaucoup d’entrainement, sa pratique ne confère aucune vertu : c’est quelque chose de
primitif et de barbare. Le Japon a donc choisi pendant plus de deux siècles de préserver
sa culture, au mépris des avantages comparatifs que la technologie donnait pendant ce
temps aux autres peuples, et il allait forcément arriver un jour où ils seraient battu à cause
de ça. Voila.
b) Les peuples cavaliers des steppes d’Asie centrale.
Ces peuples cavaliers ont connu des succès considérables. Mais ils n’ont pas souhaité,
ou pas sû, capitaliser leurs victoires (colonisation, empire). On peut citer les Huns, entre
453 et 1258 après JC. Ils ont représenté une menace permanente pour les peuples
d’Europe, du Moyen Orient, d’Asie. Ce sont des cavaliers nomades, qui présentent la
particularité de ne pas rechercher à dominer les peuples vaincus, à leur imposer leur
culture, ni leur religion. Même pas à prendre le pouvoir. Que cherchent-ils alors? Ils
cherchent à piller, sans les inconvénients de la conquête. Ils ne veulent pas se fixer aussi
parce que ce sont des nomades. Ces Huns avaient développer un mode de vie qui était
tout entier axé sur la guerre, l’amour de la guerre, du risque, l’excitation que procurent des
expéditions dangereuses. D’ailleurs les Huns n’ont pas de structure militaire distincte. Tout
homme valide est un cavalier, c’est un combattant. Pour eux, la guerre n’a aucune
dimension politique. C’est un démenti à clausewitz. La guerre est une chose en soi. C’est
un mode d’existence. Le combat est sans limite, l’usage de la force est à son paroxysme.
Une fois que les Huns ont ce qu’ils veulent, ils disparaissent, ils reprennent leur existence
nomade.
les mongols vont dépasser les Huns, par la rapidité et l’étendue de leurs conquêtes. Un
empereur va se distinguer, Gengis Khan, qui va unifier les tribus mongoles à partir de
1190. Plus tard, au XIIIe siècle, les mongols sont à Bagdad, en chine du nord, au Tibet, en
Corée, au Caucase, en Turquie, en Russie, et ils commencent même à pénétrer le sous
continent indien. Entre 1237 et 1241 ils ravagent la Pologne, la Hongrie, la Prusse
orientale, la Bohème, ils vont même jusqu’à Venise. Finalement ils se retirent à la mort du
fils de Genghis Khan. Ce retrait confirme la culture de cavalier, qui ne les amène pas à
régner. Mais il y a des exemptions. En Chine ils vont fonder l’empire Huan, en Inde
l’empire Mogol. Un autre mongol célèbre, Tamerlan, entre 1381 et 1445, va conquérir un
territoire presque aussi vaste que Genghis Khan, avec encore plus de sauvagerie, il
encourageait ses soldats à la barbarie. Comme les Huns il va piller, mais il se
désintéresse des suites de ses conquêtes et à la fin du XVe ils se retirent de tous les
territoires conquis.
Autre peuple de cavaliersn mais avec un destin différent, les Mamelouk. On est là dans les
premiers états musulmans. Les successeurs de Mahomet, au temps des Califes, ont
recours à des esclaves soldats, les mamelouks. Mahomet lance des conquêtes à partir de
l’an 700. Mais les conquérants arabes sont pas assez nombreux, ils vont donc lancer un
système d’esclaves soldats. Autre problème, l’islam interdit à un musulman de combattre
un autre musulman d’où l’idée de se servir d’esclaves arabes non musulmans, ou d’autres
peuples. Al Mu’tasin va perfectionner le système des mamelouk. On procède à l’achat de
jeunes garçons, on les élève dans la foi musulmane, on leur donne une éducation quasi
monastique. Ils apprennent l’art de l’équitation, et l’art du combat. On leur donne un code
militaire semblable au code de la chevalerie. Souvent ils sont recrutés dans les steppes
d’Asie centrale, régions o il y a des turcs qui sont bons cavaliers, des population ayant
déjà une culture du pillage. Le système des mamelouks va aller tellement loin que le pays
sera, entre le XIIIe et le XVIe siècle, dirigé par des mamelouks, qui avaient sauvé le pays
des mongols. Mais là encore, l’attachement à la culture militaire est ce qui va les perdre.
Les mamelouks sont d’excellents cavaliers armés de sabres, et ils méprisent les armes à
feu. Ils vont essayer de combler leur retard technologique, ils vont recruter des soldats
rompus aux techniques modernes mais ce sont des soldats recrutés à la va vite, pas très
efficaces. Ils vont s’effondrer fac aux ottomans, qui eux maîtrisent bien les armes à feu. Ils
perdent l’Egypte qui devient une province de l’Empire Ottoman. Encore une fois, le refus
des armes à feu a mené une culture à sa perte.
§4 Les guerres et la religion.
Religion élément central de culture humaine au sens anthropologique.
Les relations entre guerre et religion sont variables.
Motifs récurrents de guerre dans la religion
Soit la guerre est une exigence posée par la religion elle même
Soit la guerre résulte de conflits religieux
Une religion peut condamner la violence mais prôner la guerre sainte.
a) Les Aztèques
C’est un cas extrême de religion qui incite à la guerre. Un anthropologue comme Harry
Turner High plaçait les Aztèques comme le summum de la barbarie. Culture florissante
entre le XIIIe et le XIVe siècle. Dans cette civilisation les sacrifices sont un devoir religieux
et la guerre est le moyen principal d’approvisionnement en victimes pour les sacrifices.
Les mayas faisaient pareil, certains indiens d’Amérique du Nord aussi. Pourquoi faire la
guerre : pas assez de population dans le pays. Armées bien organisée, unités de 8000
hommes, qui se déplacent rapidement, 20 km par jour, sans cheval, car ils disposent d’un
excellent réseau routier.. Toutefois le modèle de la guerre se rapproche du modèle primitif.
Guerre limitée, graduée, intimidation, combats progressifs... Quand ils arrivent au combat
violent, ils préfèrent se battre entre soldats de rangs égaux. La violence est limitée, il s’agit
de capturer l’ennemi vivant et en bonne forme. On arrive à des batailles faisant plus de
20000 prisonniers, gardés en réserve. On sélectionnait les meilleures victimes pour des
cérémonies d’écorchement. Elles étaient d’abord traitées comme des invités d’honneur. Le
jour du sacrifice on les obligeait à livrer combat contre les meilleurs soldats. combat
truqué, au cours duquel la victime était écorchée, non par sadisme mais pour montrer
l’habileté du champion au maniement des armes. On pense que les victimes coopéraient
parce qu’elle ressentaient une certaine fierté à avoir été choisies, elles pensaient qu’on se
souviendrait d’elles.
Cette forme de guerre était totalement dictée par des considérations religieuses. Les
Aztèques prétendaient accomplir une mission qui leur avait été confiée par les Dieux.
C’est une guerre qui ne peut être menée que dans des pays riches, parce que c’est un
grand gâchis de ressources humaines. On pourrait les faire travailler, ou même les
vendre. Mais non.
Les mayas, eux, ne sacrifiaient que des nobles, les autres étaient vendus.
Plus près de nous la question des rapports entre guerre et religion s’est posé.
b) Christianisme et Islam
Christianisme.
Le cas du christianisme est ambigu. Dans l’ancien Testament il y a le récit de nombreuses
batailles menées par les hébreux, parfois parce que Dieu leur avait ordonné de se battre.
Dans le nouveau Testament, peu d’allusions à la guerre, et il y a une forte condamnation
de la guerre. Surtout chez Saint Matthieu : celui qui prendra l’épée périra par l’épée. Il
recommande de tendre l’autre joue (M 5.38). Il condamne la loi du Talion, prêche la non
violence. Au cours des premiers siècles de la chrétienté, les chrétiens vont effectivement
pratiquer la non violence. Mais très vite le christianisme prend de l’ampleur et surtout
devient religion officielle de l’empire romain, en 313, lorsque Constantin va se convertir. A
partir de là, ça soulève de nombreuses difficultés, susciter de nombreux débats. Un
théologien, Eusèbe, dit que le clergé est tenu à la non violence, tandis que les laïcs ont le
droit de faire la guerre uniquement si il s’agit d’une guerre juste. Saint Ambroise,
administrateur dans l’empire romain, va louer le courage des soldats chrétiens qui
défendent l’empire contre les barbares. L’argument est un peu plus subtil : les barbares
sont dans le pêché, car ils refusent de se soumettre au représentant de Dieu sur Terre
(l’empereur romain, Gratien à l’époque). Ambroise va recommander aux chrétiens de se
battre et promet aux barbares le châtiment chrétien. Idée reprise au Moyen Age contre les
hérétiques. Au Moyen Age le rapport entre guerre et religion est problématique, c’est une
période extrêmement violente tout en étant extrêmement imprégnée par le christianisme.
On met en place un code de la chevalerie. Il serait d’origine française, mais sera repris
dans la plupart des pays européen. Ce code met en avant les valeur de loyauté,
d’honneur, de générosité, de justice. Les chevaliers sont aussi chrétiens. Ce code va
imprégner la culture, chansons de gestes, romans... C’est un code en relation étroite avec
la religion, d’ailleurs la piété est une des valeurs fondamentales du chevalier, qui doit
passer une nuit en prière avant d’être adoubé. La devise d’Henri V : Dieu est mon roi.
selon ce code, il y a une guerre juste, qui protège les innocents, défend la foi, est au
service de la vertu. A contrario le code de la chevalerie justifie l’existence de la noblesse,
classe privilégiée de combattants. Ce code est un discours sur la guerre, un idéal type,
différent de la pratique, qui elle est extrêmement cruelle. Par exemple la guerre de cent
ans, entre 1337 et 1453, guerre fait de raids, de pillages, d’incendies, de meurtres, de
viols, opérations prenant le nom de chevauchée. Ces actions n’étaient pas le fait de
bandits mais des chevaliers eux même. Une chevauchée est restée célèbre, la
chevauchée du prince noire, Edouard Plantagenet, qui a pillé sur 1000km. Pétrarque,
poète italien, lorsqu’il retourne en France, ne reconnait plus le pays qu’il a visité avant le
passage du Prince Noir. La guerre à cette époque mobilise une imposante logistique. Le
cheval mange 437 tonne par semaine de fourrage sec, plus la nourriture des hommes...
Les troupes à l’époque ne disposaient pas de tout ça, l’habitude voulait que les soldats se
servent sur place. Les soldats étaient donc aussi des pillards, d’autant qu’ils n’étaient pas
toujours payés : le soldat était autorisé à se payer lui même. Très vite, on a glissé de la
guerre noble à la guerre pour pillage, en décalage complet avec le code. De plus, la
stratégie commune à l’époque était la stratégie de la terre brûlée. On détruit un maximum
pour que l’ennemi ne puisse plus subvenir à ses besoins. Lorsqu’on voulait discréditer un
seigneur ennemi, on détruisait également ses terres pour montrer que c’est un mauvais
seigneur. Les paysans eux même souvent n’avaient plus alors qu’à s’enrôler, comme
soldat pour les plus présentables, plus généralement dans des troupes de brigands. Voilà
pourquoi dans la région on trouve autant de fortifications.
Bref. Etant donné le décalage entre la théorie et la pratique, les militaires ont inventé une
forme de combat parfaitement artificielle mais qui respectait bien le code : c’est le tournoi,
pratiqué du milieu XIe au milieu XVe siècle. C’est un simulation de la guerre. Des équipes
de chevaliers qui s’affrontent de manière très violente, sur des aires parfois vastes, ils
paient même une cotisation. Petit à petit le combat va devenir stylisé. On copie toujours le
combat réel, simulation qui va jusqu’à l’abandon par le vaincu de son cheval et de son
matos, et le vaincu va parfois devoir payer une rançon, ce qui va devenir un moyen de
subsistance. Au XIVe et XVe siècle, les tournois deviennent de gros spectacles, avec des
joutes etc... Ce sera une véritable école de guerre, d’une certaine manière, car c’est
uniquement des pratiques individuelles.
(
Tout au long du MA, l’Eglise condamne la guerre autant que les tournois stylisées (eux condamnés dès
leur apparition par les conciles successifs).
BERNARD de CLERVEAU a condamné tous les tournois et l’institution de la chevalerie :
« criminels & impies »
JEAN 22 lève l’interdiction des tournois en 1316
L’Eglise lance un « mouvement de Paix » pour lutter contre guerres (privées et étatiques)
- LA PAIX DE DIEU = obliger la noblesse à respecter l’Eglise, les pauvres, les sans défense.
C’est un des premiers vers un statut des non-combattants, et l’élaboration d’un droit de la guerre.
-
LA TREVE DE DIEU = mesures imposant des moratoires durant certaines périodes calendaires.
Au 11ème siècle, le moratoire pèse sur les 2/3 de l’année.
Tentatives parallèles de réglementer les armes (/ex/ arbalètes)
L’Eglise s’appuyait sur certains seigneurs pour faire respecter les décisions.
En 1033, Archevêque AIMON DE BOURGES tente de lancer une « guerre contre la guerre » en enrôlant
toute la noblesse.
Mais certains seigneurs ont repris l’idée à leur compte pour pacifier leur domaine.
/ex/ rois Louis 6 . Louis 7 transforme la paix de Dieu en PAIX DU ROI
Autre méthode pour canaliser la violence = recours aux Croisades
Qui sont un exutoire.
Sous Urbain 2 : concile de Clermont 1095
Où discours appelant à la 1ère Croisade
Etablit un lien entre croisades & paix de Dieu
Cela va jusqu’à l’encouragement d’ordres de chevaliers
/ex/ les Templiers : version purifiée de la chevalerie (humilité & combat saint)
Le Christianisme est habité par une profonde ambigüité
- La Religion condamne la violence et la guerre
- Mais l’Eglise du Moyen-âge est confrontée aux invasions barbares, donc invente doctrine de la
Guerre juste (St AUGUSTIN) & la Guerre Sainte (11-12ème)
Au final on estime qu’à partir du traité de Westphalie 1648, les Européens abandonnent la référence à la
religion pour justifier.
Islam.
Moins ambiguë que le christianisme sur la guerre
La religion et la guerre sont proches.
Dès le début, l’Islam s’impose par le moyen de la guerre.
Laquelle est mentionnée dans le Coran.
Et la guerre est conçue comme un devoir pour le musulman.
Contrairement au christianisme, la question de la guerre n’a pas été reléguée dans un passé lointain, en Islam,
la question est irrésolue car il n’y a pas de hiérarchie religieuse, mais plusieurs interprétations divergentes.
La question n’est donc pas close.
Cf/ Mahomet né en ?? à La Mecque dans le clan des Hachémites.
Orphelin très jeune, peu d’éducation, embauchée par riche commerçant veuve KHADIJA
Qui lui enseigne les lettres.
Elle lui propose le mariage à 25 ans.
A 40 ans, le prophète a sa 1ère révélation sur la montagne de HARRA, il voit l’Ange Gabriel qui lui ordonne
de « réciter »= CORAN (textes récités). Et révélations jusqu’à sa mort en 632.
Durant sa vie, il aura été un chef de guerre.
En 622, obligé de quitter la Mecque devant l’hostilité des bédouins (peuple polythéiste)
Et va dans une oasis : Yathrib  Médine. = l’Hégire (migration) = an 1 du calendrier musulman.
Où Mahomet devient un chef d’Etat théocratique, & chef de guerre.
Il affronte les bédouins, impose l’Islam face au judaïsme.
Mahomet va mener plusieurs guerres saintes contre la Mecque, qu’il conquière en 630.
Les successeurs vont se lancer dans une série de conquêtes d’une ampleur remarquable
En moins de 50 ans, les arabes vont conquérir un Empire très vaste.
Péninsule arabique, Byzance & Perse, Syrie, Egypte (642), Afrique du Nord (705), Espagne (711),
les Pyrénées où Poitiers (Charles Martel 732), Afghanistan, Inde.
Ces conquêtes = directement liées à la religion
- désir d’affirmation d’un peuple
- désir de faire triompher la foi musulmane
- besoin d’argent
Communauté des croyants = UMMA doit s’enrichir pour faire le bien des croyants.
Instruments = chameau (endurant) +
Système des esclaves soldats
Durée de l’Empire = 250 ans.
Mahomet n’a pas eu de fils, d’où conflits.
4ème Khalifa : sunnites, chiites.
Mouvement soufie : pacifiste & non matérialiste.
Dans le Coran, appel à la guerre : JIHAD (« guerre sainte » ou « effort à accomplir sur soi-même »)
Autre mot pour dire la guerre : al HARB, mais peu usité dans Coran qui divise le monde en 2 univers
(DAR AL ISLAM & DAR AL HARB)
Au début, le JIHAD était la seule forme acceptable de relation avec les infidèles.
A partir du 12ème, une énorme littérature sur cette question.
 Notion de DAR AL SULH = Etats non musulmans mais bonnes relations avec eux.
Autre question : la guerre entre coreligionnaires.
Intellectuel du 11ème AL MARAUDI fait une classification de la guerre entre musulmans
- guerre contre apostats
càd musulmans qui ont renoncé à leur religion
- guerre contre rebelles
- guerre contre ceux qui auraient répudié l’autorité d’un chef spirituel
Les juristes musulmans ont aussi codifié la guerre
- il faut proposer la conversion aux infidèles sauf si cette proposition met en danger les troupes
musulmanes
-
quand les troupes choisissent d’être clémentes (en ne tuant pas les femmes et les enfants)
Alors il faut leur laisser de quoi vivre.
Si refus de conversion : exécution, rançon,
Mais l’Islam ne se compose pas que du Coran
- Haddites = faits et dires du prophète
- Chaque chef religieux propose son interprétation
Imam KHAMENEI en Iran 79 réapparition de vieux débats sur la guerre
 Interprétation majoritaire : JIHAD = lutte intérieure entre chaque croyant.
3 sortes de JIHAD
- JIHAD MAJEUR : effort sur soi
- JIHAD MINEUR INTERNE : au sein du monde musulman (DAR AL ISLAM)
Contre les ennemis de la religion au sein de la société musulmane
- JIHAD MINEUR EXTERNE : dans le DAR AL HARB contre les non-musulmans
Au 10 et 11ème : mouvement des frères de la pureté
Met l’accent sur le JIHAD majeur
Autre interprétation : fin 19ème début 20ème : pb de la colonisation turque puis occidentale.
Le JIHAD mineur est impossible. D’où le fait de privilégier le JIHAD MAJEUR
/ex/ mouvement salaphiste ( ?)
 Interprétation littérale : appel à la guerre totale.
Se veut fidèle à l’esprit du 7ème siècle.
= « mouvements islamistes ».
/ex/ Hezbollah (chiites-80’s)
/ex/ Hamas (mouvement des frères musulmans- Egypte 1928 : objectif social)
/ex/ Al Quaida : fatwa & jihad
Si l’on s’axe sur JIHAD mineur : IBN TAYIMYYA théorise le fait que si un gouvernement
musulman s’écarte de la foi, les défenseurs de la vraie religion peuvent renverser ce gouvernement.
Au 20ème, ils vont passer du JIHAD MINEUR interne au JIHAD MAJEUR externe contre des
ennemis parfois lointains
Point commun de ces mouvements = considérer l’occident comme infidèle et hostile.
/ex/ QUTB, théoricien des frères musulmans.
AL MAMUDI : république islamiste fondée sur la charia
Idéal politique = retour à l’état pur du 7ème siècle (théocratie & conversion globale)
Bibliographie
KEPEL la revanche de dieu
L’occidentalisme, brève histoire de la guerre contre l’Occident – BURUMA & MARGALIT
)
Section 2 : Repenser la guerre au XXIe siècle.
La culture contemporaine de la guerre : quelle est-elle, d’où elle vient, est-elle en train de
changer?
A) Les origines de la culture contemporaine de la guerre.
A première vue, la culture mondiale de la guerre, dans une culture mondialisée où se sont
faits de nombreux transferts de technologie, la culture de la guerre s’est mondialisée, voire
occidentalisée, mais cette première vue est trompeuse, la façon d’envisager la guerre
n’est pas uniforme, ce qui pose problème aux stratèges contemporains. Prévoir sa culture
militaire à se qui se passe, engager des finances pour réformer l’armée dans un sens ou
dans un autre... Bref, conséquences pratiques.
Premier constat : à l’époque contemporaine il semble que la culture de la guerre s’est
uniformisée : la technologie occidentale est très convoitée et utilisée dès que possible.
Cette technologie a prouvé très tôt son efficacité, surtout lors du choc culturel des
différentes colonisations, ce qui a fait que cette technologie s’est généralisée, elle
constitue un mètre étalon, car c’est la plus létale. Cependant, une analyse historique plus
fine montre qu’il est assez fallacieux d’opposer cultures occidentales et autres cultures. En
matière de guerre, ce qui est devenu la façon occidentale de faire la guerre, les
techniques qui remontent à l’exploration européenne du monde au XVe siècle, sont issues
d’une hybridation. La poudre a été inventée en Chine, les techniques de cavalerie ont été
grandement perfectionnées au contact des envahisseurs des steppes d’Asie centrale, l’art
de la navigation a également une longue histoire. Les termes actuels ont été hérités des
vikings, eux même ayant emprunté aux arabes (navigation avec les étoiles) et les arabes
ont eux même beaucoup appris auprès des indiens. Bref, sous le terme de culture
occidentale on entend une culture qui est l’aboutissement d’une longue histoire
d’hybridation. L’Occident, le terme, ne signifie lui même pas grand chose, il est si large
qu’il correspond presque au mot modernité. Toutefois cette modernité a connu une
accélération brutale aux XIXe et XXe siècle, avec pour épicentre l’Europe et l’Amérique du
Nord. Il existe aujourd’hui une discipline historique nommée histoire globale : on
s’intéresse beaucoup aux échanges entre les cultures. En matière militaire cependant, il y
a eu un débat, terminé aujourd’hui. Un historien des questions militaires, V.D. Hanson, a
écrit deux ouvrages. Le premier, The Western Way Of War, et l’autre, Carnage and
Culture, respectivement de 1999 et 2001. Ces bouquins ont marqué les esprits car
Hanson soutient qu’il y a une manière Occidentale de faire la guerre, modèle né dans la
Grèce antique, et qui n’aurait cessé d’exister. Les principaux éléments de ce modèle sont
d’abord le citoyen soldat et la recherche de la bataille décisive. La bataille décisive
consistant en un affrontement de phalanges au corps à corps jusqu’à la victoire d’un des
deux camps. D’autres historiens, dans son prolongement, dont Keegan, vont dire qu’il y a
deux grandes cultures militaires qui s’opposent. La culture Occidentale donc, et la culture
de type asiatique, où la stratégie est subtile, où on a une économie du combat qui
consiste à éviter les pertes humaines, l’affrontement physique. Ces thèses ont été réfutées
par des historiens spécialistes des cultures militaires comme John Lynn ou Azar Gat. Lynn
étudie beaucoup la dimension culturelle, Gat étudie aussi la dimension socio économique.
avec eux on peut facilement dégager des contre exemples. Les Chinois par exemple ont
aussi pratiqué la guerre de phalange, pendant des centaines d’années. Autre exemple, en
Occident, le modèle de la chevalerie au Moyen Age ne correspond pas au modèle
Occidental qui serait hérité des grecs. Au Moyen Age, il n’y a pas de citoyens soldats, il y
a plutôt une guerre d’usure, une guerre de harcèlement, avec peu de moyens. Les
chevaliers du Moyen Age ressemble par certains aspects aux combattants asiatiques,
mais avec un code moral totalement différent. Les idées de Hanson sont venues se lier à
la thèse du choc des civilisations de Huntington et compagnie, qui ont fait polémique.
On va pour l’instant considérer qu’il y a une relative uniformisation technologique,
uniformisation aussi dans les écoles de guerre. Mais cette uniformisation est aujourd’hui
illusoire.
§1 Les origines de la «culture occidentale de la guerre» : l’Etat, la
finance et les armes.
La conception contemporaine de la guerre porte la marque de l’occident, la place centrale
de la technologie, les considérations économiques pour accéder à cette technologie.
A prtir du XIXe siècle, l’Occident va se démarquer sur le plan militaire, et va accéder à une
suprématie technologique qui va lui permettre blalba colonies. Si l’occident a pu se
démarquer c’est grâce à un processus complexe pas en premier lieu permis par les armes
à feu. En réalité les grandes mutations technologiques, dans l’histoire militaire, sont plutôt
rares. Avant la révolution industrielle, l’Occident connaît un petit nombre seulement de
mutations technologiques. La sélection des chevaux notamment, et la mise au point du
harnachement. (Jared Diamond : parle de la capacité à domestiquer des chevaux comme
condition du développement d’une civilisation). La transition du bronze au fer aussi. En
Méditerranée, la création de la galère de combat. Le perfectionnement de la poudre et des
armes à feu. Le vaisseau à voiles équipé de canons. Pour ce qui est des autres
évolutions, elle vont plutôt relever de dimensions politiques, économiques et culturelles.
Elles sont le fruit d’un processus historique complexe, qui va combiner la concentration du
pouvoir et des ressources financières au sein de l’Etat. Cette concentration du pouvoir et
de finances permettra la mise en place d’armées toujours plus professionnelles, toujours
plus grandes, et toujours plus efficaces. Avec l’apparition de l’Etat se développe toute une
technologie administrative, cette technologie va permettre l’organisation des armées, la
logistique pour nourrir et loger les hommes, pour les former les équiper, pour les
rémunérer. Autre élément fondamental, le développement de l’économie de marché qui va
permettre de dégager des richesses nécessaires pour développer des armées. Enfin,
dernier facteur, le facteur culturel, qui commande des choix conceptuels. On a vu combien
le facteur culturel est important : le choix d’adopter ou d’ignorer des technologies
(samouraïs et armes à feu), le choix de la manière d’utiliser ces technologies. L’apparition
de l’Etat, le développement de l’économie de marché et la dimension culturelle sont trois
éléments bien plus importants que la technologie pour comprendre l’évolution de la culture
de la guerre.
a) La guerre à l’époque féodale.
Il faut rapeller qu’après la chute de l’Empire romain, l’Europe va connaître six siècles
d’invasions barbares de tous côtés : au Nord les Vikings, les Francs, les Goths, à l’Est les
Magyars, au Sud les musulmans... C’est dans ce contexte que va naître le féodalisme,
dans un contexte sécuritaire, mais aussi en réponse à un contexte économique particulier
puisque la Méditerranée est dominée par les musulmans et pratiquement interdite aux
européens pour le commerce, qui doivent se replier sur la seule source de richesse
possible : la terre. A partir des VIIIe - IXe siècle la chevalerie se développe, fondée sur le
cheval. La chevalerie est une sorte de course à l’équipement, toujours plus lourd, toujours
plus couteux, plus beau, plus richement décoré. Lances, heaumes, côtes de maille... Le
cheval consomme énormément de fourrage, le chevalier a des domestiques, il ne peut pas
s’habiller tout seul, monter, de plus il passe sa vie à s’entraîner, il lui faut des domestiques
pour produire à sa place. Avec l’évolution de la chevalerie l’argent va de plus en plus
devenir le nerf de la guerre. L’argent est crucial pour équiper les chevaliers et constituer
des armées. En même temps la guerre permettait d’obtenir des moyens, soit de
subsistance, mais aussi une certaine fortune. Fiefs, rançons, pillages. Le féodalisme, c’est
aussi un réseau juridique d’obligations réciproques entre seigneurs et vassaux. C’est un
système source de très nombreux conflits qui tournaient bien souvent autour de la
possession des fiefs. La guerre était fréquente aussi car elle était considérée comme un
appel au jugement de Dieu. Dès le XIVe siècle environ un droit de la guerre va être
élaboré. En réalité ce droit est initié bien avant par l’Eglise, avec les croisades. Dès le
XIVe siècle ce droit est laïcisé. Mais ce droit apparaît aussi pour des raisons
économiques. Ce droit va consister à réglementer les prises d’otages, les rançons. L’appât
du gain est souvent la motivation principale des belligérants. D’autre part la question
financière était au centre de la guerre pour d’autres raisons car les chevaliers étaient
accompagnés de mercenaires, qu’il fallait payer. La guerre coûtait donc extrêmement
cher. C’est à partir de la reprise économique de la fin du XIIe siècle que les rois vont
commencer à constituer des armées importantes. Les guerres deviennent de grande
ampleur. Philippe Auguste se bat contre le roi d’Angleterre au tout début du XIIIe siècle.
Les rois anglais sont les premiers à se doter d’armées vastes. Pratique héritée des Vikings
: la conscription obligatoire. Ils engageaient aussi des mercenaires étrangers, pratique qui
va se généraliser en Europe. Les anglais ont des pratiques de combat innovantes. Les
archers notamment. Arcs très longs. Sur ce point toutefois les chinois ont eu de l’avance
car ils utilisaient l’arbalète dès le IVe siècle. L’art de la cavalerie est à l’origine motivé par
la mobilité. Mais à la fin de la chevalerie, la cavalerie est devenue inefficace à cause de la
course à l’armement. Le cavalier est trop lourd, une fois à terre il ne peut plus bouger. Au
XVe siècle, en dépit de l’admiration portée au cavalier, on va reconnaître qu’il est
inefficace, car trop lourd et trop cher. En 1346, bataille de Crécy, bataille d’Azincourt : des
milliers de cavaliers sont tués. Finalement ce n’est pas la cavalerie qui permettra aux
français de se débarrasser des anglais mais l’arme à feu
b) Armes à feu et combinaison des systèmes d’armement.
Dans un premier temps à la renaissance on va emprunter une invention byzantine : le feu
grégeois, le catapultage de projectiles enflammés. Technologie difficile à manier,
imprécise. Au XVIe siècle on voit apparaître des canons et des armes à feu portatives. Les
armes à feu ne sont cependant pas bien accueillies pour des raisons culturelles, car elles
n’entrent pas dans le code de la chevalerie, fondé sur l’honneur. Tuer à distance c’est
lâche, sale, méprisable. Pareil pour l'arbalète. Le chevalier Bayard faisait exécuter les
arbalétriers. Dimension politique et sociale. L’arme à feu peut être maniée par à peu près
n’importe qui. En face on a la caste des chevaliers, entraînés depuis l’enfance : elle
pouvait perdre son monopole, son prestige, avec la concurrence de l’arme à feu. Et, la
chevalerie étant liée à la noblesse, il y avait un risque de troubles sociaux. Mais les
français, comme les autres, vont être obligés d’accepter les armes à feu, pour se
débarrasser des anglais, au XVe siècle. Au début on s’en sert surtout pour faire écrouler
les fortifications, pour percer les murailles. Il existe dès le départ des petites armes, plus
légères, mais elles sont dures à manier, et pas très précises. Alors au début on va
compléter les armes à feu par l’infanterie. A la fin du XVe siècle l’infanterie occupe une
grande place sur le champ de bataille avec les soldats suisse qui disposent d’une
invention, la pique, qui par sa longueur est capable de vaincre les chevaliers. Les piquiers
suisses travaillaient en phalanges, un peu comme les soldats de l’antiquité. A l’origine
c’étaient des paysans. Aujourd’hui encore, on les trouve au Vatican. Les piquiers étaient
utilisés pour protéger les artilleurs qui devaient recharger leur arme. Au XVI siècle on
combine toutes les armes possibles : cavaliers, armes à feu, piquiers, arbalètes. Dosage,
mise au point de tactiques. On utilisait aussi des canons. Le premier mousquet arrive en
1550. Il permettait de transpercer une armure. Au début du XVIIe siècle son usage est
généralisé. Il est actionné par une mèche qui sort de l’embouchure. C’était un peu long. Le
mousquetaire devait être accompagné de piquiers qui le défendaient pendant qu’il
rechargeait. Tout au long du XVIe siècle la chevalerie va décliner. Dès le début du XVIIe
siècle on perfectionne le fusil, on lui adjoint une baïonnette. La chevalerie est remplacée
par une cavalerie, désormais équipée d’armes à feu.
c) De la guerre privée de mercenaires à la guerre d’Etats
professionnalisée.
Passage qui se fait au XVIIe siècle. Ce qui va être déterminant, ce sera ce passage d’une
armée de mercenaires à une armée permanente, de métier. Avec le déclin de la
chevalerie, les armées sont composées d’aventuriers de tous les pays européens. Issus
de toutes les classes sociales, qui se sont trouvées dans le besoin, souvent parce qu’on a
pillé leur propriété. Ils étaient payés de manière aléatoire, et complétaient donc leur salaire
par des pillages, des rançons. C’étaient des armées internationales, précaires, sans
classe. Cette situation avait des conséquences stratégiques importantes. Souvent les
mouvement des troupes n’étaient pas dictés par des choix stratégique mais par la
recherche de villages à piller. L’entraînement était lui aussi aléatoire. Les guerres étaient
donc prolongées, au delà du raisonnable. A la fin de la guerre de Cent Ans, Charles VII va
prendre une ordonnance par laquelle il enrôle de manière permanente les mercenaires
désoeuvrés, qui travaillaient en bandes. Il leur accorde un salaire financé par un impôt sur
les marchands qui sont d’accord car ils ont tout intérêt à voir les routes débarrassées des
brigands. L’armée de Charles VII est encore internationale mais c’est un début. Plus tard
au début du XVIIe siècle, l’armée des Provinces Unies (Hollande) est une armée
permanente, rémunérée, bien entraînée, nourrie, habillée. Cette armée met au point des
techniques de combat bien préparées. Cette armée est financée avec les richesses
amassées par les hollandais par le commerce international. Toujours au début du XVIIe
siècle, le roi de Suède Gustav Adolphe, qui avait un précepteur hollandais, s’inspire de
ces méthodes. L’avantage c’est que la Suède n’avait pas connu le féodalisme et pratiquait
toujours une conscription générale héritée des Vikings, qui lui permettra de faire la guerre
contre les hollandais. Le service militaire durai vingt ans mais on ne prenait qu’un homme
sur dix, les autres travaillant pour financer les combattants. Le roi ne payait que pour les
frais supplémentaires à l’étranger, puis ce système fût abandonné car trop cher et le roi
prit des mercenaires pour les batailles à l’étranger. Cromwell, lorsqu’il met en place sa
république, copie ce modèle suédois.
La mise en place d’armées permanentes va permettre l’apparition d’une culture militaire
nouvelle. Armée permanente = bien entraînée et soumise à une hiérarchie stricte.
L’entrainement consiste en une répétition de manoeuvres, on les entraine aussi à rester
calmes, silencieux, et surtout on voit se développer un esprit de corps chez les soldats
regroupés en régiments permanents, même lorsqu’il n’y a pas la guerre. Les membres du
régiment vont développer un esprit communautaire, une certaine solidarité, une loyauté.
On est loin des armées de mercenaires qui désertaient souvent. La chaine de
commandement devient très claire, très stable, on invente, on perfectionne les galons, les
grades, ce qui va avoir une conséquence sociale : le prestige n’est plus seulement de
naissance, on peut aussi l’acquérir, c’est le prestige du grade, ce qui va favoriser la
loyauté des soldats. A partir de l’armée permanente, on respecte le grade et pas
forcément la naissance. En même temps, on va exclure les femmes et les enfants des
armées. Jusqu’au début du XVIIe siècle il y a autour des militaire tout un tas de
domestiques, dont des femmes et des enfants. Sur le plan logistique, la présence de ces
suivants était un vrai casse tête. Souci moral aussi : Louis XIVe en 1680 a essayé de
débarrasser les champs de bataille des prostituées. Les seules femmes autorisées seront
les cuisinières, lingères... On va même interdire aux soldats de se marier. Les soldats
coupés de la société, cela aura une incidence sur leur motivation.
Le coeur du problème reste l’argent. Il faut attendre la deuxième moitié du XVIIe siècle
pour que les souverains européens aient une maitrise de leur territoire suffisamment
grande pour avoir une armée permanente. On passe alors de la guerre privée à la guerre
d’Etat.
d) Le commerce et la guerre au nom de l’Etat au XVIIe siècle.
Il n’est pas rare encore à cette époque que les princes aient des problèmes de
financement et même fassent faillite. Une première source de financement est venue de
l’exploitation coloniale. Les espagnols n’ont pas trouvé d’or en Amérique mais ont ramené
des quantités d’argent considérables. Deuxième source de financement plus importante et
moins risquée, le commerce. Celui ci a été interdit en Méditerranée pendant longtemps,
d’abord par les arabes, puis par les ottomans. On va contourner l’obstacle en longeant les
côtes de l’Afrique, on fait le tour de l’Afrique pour rejoindre l’océan Indien. La marine,
combinée avec les armes à feu, sera une invention importante. Au XVIe siècle on a des
bateaux équipés de canons alignés sur les ponts. Les portugais vont relayer leurs navires
en construisant des forts le long de la côte africaine. Au XVIIe siècle les bateaux sont de
plus en plus nombreux et armés. La guerre sur mer est bien plus efficace alors que la
guerre sur terre. A la fin du XVIIe on avait jusqu’à 100 canons par bateaux, et à la bataille
de Trafalgar, on avait jusqu’à 7000 morts par jours. Au XVIIe siècle, compétition entre les
puissances européennes pour obtenir le monopole sur les routes commerciales. Ce qui
est nouveau c’est que cette compet se fait entre Etats. Les hollandais prennent vite les
routes de l’est aux portugais. Ils fondent la compagnie des Indes orientales en 1602, et à
cette époque ils chassent les portugais des comptoirs de l’océan indien. Mais quand on
analyse l’immense fortune des hollandais à cette époque, on voit qu’elle dépend
seulement à 0,2% du commerce dans l’océan Indien, le reste c’est le commerce dans la
Baltique et le commerce bancaire. Les hollandais se battent aussi contre les espagnols.
Une autre région source de richesse, ce sont les Caraïbes, où les plus gros profits sont
réalisés par la contrebande et le piratage. Les premiers établissements européens dans
les caraïbes sont créés par des pirates, mandatés pour le roi. Les corsaires étaient des
mercenaires marins. L’entretient des navires était trop cher pour les Rois, qui sous
traitaient avec des mercenaires, souvent hollandais. Plus tard français et hollandais vont
établir de véritables colonies dans la région, ils vont cultiver la canne à sucre. Au XVIIIe ce
sont les britaniques qui dominent dans les Caraïbes. A cette époque les relations entre
commerce et guerre sont nombreuses. Le commerce engendrait la richesse, et la richesse
permettait aux gouvernants d’acquérir les armes, les flottes, permettant d’augmenter le
pouvoir de l’Etat. C’est à partir du XVIIe siècle que les Etats européens mettent en place
des bureaucraties et donc des systèmes fiscaux performants, des armées permanentes.
Ce système bureaucratie impot armée leur permet de contrôler le territoire national qui
était alors incertain, soumis à des bandes de brigands, dont les frontières faisaient l’objet
de litiges. Ce contrôle ne fera que se perfectionner jusqu’à nos jours. Cependant ces
armées et ces marines ne sont alors pas tout à fait nationales, à part les suédois et les
hollandais. Dans le reste de l’Europe les armées sont composées de mercenaires,
rémunérés. En tout cas dès le XVIIe on sait qu’il est possible pour un Etat de contrôler une
armée obéissant à une autorité politique unique. Cela montre que la violence sociale peut
être canalisée au service d’un but légitime, la politique de l’Etat. Le lien entre Etat et
armée est évident. Sans la modernisation des armées, pas d’Etat possible en Europe.
D’autre part, tant que l’Etat n’a pas une bureaucratie solide, il ne peut avoir d’armée
efficace. Ce sera le cas à la fin du XVIIe : les Etats européens ont tous des armées
professionnelles et rémunérées approvisionnées par leurs propres ressources, leurs
propres magasin, et ces armées se battent les unes contre les autres, elles ne s’en
prennent plus aux civils, ce qui est le vrai progrès. L’exemple le plus parlant de
modernisation d’une armée à la fin du XVIIe c’est l’armée française, qui va s’inspirer du
modèle suédois avant de devenir elle même un modèle. A la mort du Roi suédois Gustave
Adolphe en 1631, l’armée française est dans un Etat catastrophique, la France est en
faillite, c’est un pays qui sort d’un siècle de guerres de religion, elle a perdu sa place de
grande puissance en Europe. Le pouvoir n’arrive plus à maintenir l’ordre sur le territoire,
qui est fait de provinces hétérogènes. A cette époque bien sûr le service militaire n’existe
pas. Le roi distribuait des brevets d’officier à des aristocrates qui avaient la responsabilité
de recruter eux mêmes leurs propres troupes (et de les rémunérer, ce qui se faisait de
manière très aléatoire). Pas de discipline, gros manque de loyauté à l’égard des causes à
défendre. Les officiers, tous aristocrates, admettaient mal d’être soumis à une hiérarchie.
Certains allaient jusqu’à refuser de prêter allégeance à la couronne. C’est Louis XIV qui va
changer ça. Il arrive au pouvoir en 1643 et règne effectivement à partir de 1661. En 1680
Louis XIV dispose d’une armée complètement rénovée de 300000 hommes, disciplinée,
soumise au pouvoir centrale. C’est l’armée réputée la meilleure en Europe. Comment a-t-il
fait? Il y a d’abord l’action de Colbert, qui a réalisé de nombreuses réformes en matière
d’économie, agriculture, industrie, fiscalité. La modernisation de l’armée est due à Michel
Le Tellier et son fils, le marquis de Louvois. Ils mettent en place la gestion administrative
des armées. Ils imposent une discipline stricte. Les officiers sont toujours nommés par la
couronne, mais lorsqu’il y a insubordination ils peuvent être punis, ce qui est nouveaux, ils
peuvent aussi être dessaisis de leurs charge, ce qui est trop la honte. De plus chaque
officier doit subir un entrainement de mousquetaire et servir dans la garde royale. Ils sont
donc professionnalisés, et une discipline très sévère est mise en place (Martinet). Blabla.
Martinet développe l’intendance (nourriture etc...). Intendance qui va aussi inspecter les
armées sur le terrain. L’intendance surveillait aussi le recrutement, et gérait les munitions,
la nourriture, tout ce qui est utile à une armée. Par ailleurs Louvois et Le Tellier vont faire
une carte de France des ressources des armées. Ils vont aussi inventer la standardisation
des armements. Les armes vont être faites avec des éléments interchangeables, ce qui
fait beaucoup d’économies. Les armes sont aussi grandement améliorées. Les artilleurs
ne sont d’ailleurs plus des mercenaires mais des professionnels bien entrainés. Autre
progrès : on va se mettre à distinguer les militaires du reste de la population en inventant
l’uniforme. Les uniformes sont à l’origine inventés sur le modèle de la livraie des
domestiques. Uniforme pas très fonctionnels. Cette armée de Louis XIV va devenir un
modèle. Au XVIIIe siècle toutes les armées européennes seront copiées sur ce modèle.
e) Le XVIIIe siècle : armées perfectionnées et pacifisme des
Lumières.
Au XVIIIe siècle les armées sont constituées sur le modèle français. Sous le
commandement des Etats, régis par des monarchies absolues ou qui tendent en tout cas
à être des monarchies fortes. Les relations internationales sont conduites selon un
protocole bien établi, et même selon un droit internationales. Les guerres opposent des
armées professionnelles, qui sont tout de même encore cosmopolites. Les militaires sont
recrutés dans toute l’Europe. Les officiers sont des nobles. Mais même si on a
perfectionné les armées les guerres ne sont pas très efficaces. Ce qui fait problème, c’est
la tactique. Les guerres sont alors des batailles rangées, qui combinent 3 armes :
l’artillerie, la cavalerie, et l’infanterie. L’infanterie disposait de mousquets, mais peu
efficaces à plus de 90 mètres. Mais les dégâts étaient assez gros. L’artillerie était assez
mobile et assez rapide. Elle parvenait à ébranler les formations d’infanterie. La cavalerie
intervenait contre l’infanterie et la cavalerie lorsqu’elles étaient désorganisées, plutôt à la
fin, pour chasser les fuyards, pour achever l’ennemi. Il fallait donc combiner ces trois
armes. Et la façon de les combiner à l’époque, c’était la bataille rangée. Voir Bary Lindon.
Les batailles duraient une journée, le soir ils arrêtaient. Peu efficace : sur le plan humain
ces guerres étaient destructrices, mais sur le plan des résultats bof : ces guerres avaient
du mal à produire des résultats décisifs. Les spécialistes disent qu’au XVIIIe les guerres
ont été remportées plus par la maladie et la famine, voire l’épuisement financier, que par
les batailles. Il en résulte qu’au XVIIIe on se bat assez peu, trois ou quatre mois par ans
en moyenne. Ces armées sont surtout symboliques, représentaient la puissance de l’Etat,
mais on évitait au max de s’en servir. Les généraux hésitaient avant d’engager une
bataille. On a baptisé ces guerre les guerres en dentelle, parce qu’on recourrait d’abord à
la diplomatie. Il y avait aussi des raisons d’éviter la guerre plus conceptuelles. En fait la
modernisation des armées représentait un progrès civilisationnel car le roi était débarrassé
des bandes de brigands. Mais d’autre part, à mesure que l’Europe se développe, que de
nouvelles classes sociales apparaissent (bourgeois, commerçants...) ces nouvelles
classes vont adopter une position critique vis à vie de la guerre et de l’armée. La guerre
est une pratique aristocratique, les bourgeois préfèrent le commerce. Et les philosophes,
et parmi eu les économistes, vont critiquer la guerre qui n’est plus considérée comme une
source de richesse. Au contraire, on considère que la guerre nuit au commerce et aux
activités civiles qui produisent, elles la richesse. Ce sont les physiocrates en France,
Adam Smith en Angleterre. Voir la critique féroce de la guerre par Voltaire dans Candide.
Enfin sur le plan de la philosophie politique, on considère que la guerre est le fruit de
mauvaises décisions politiques. De mauvais jugements, de perceptions erronées, voire
carrément de mauvaise diplomatie. Les philosophes pensaient que si on confiait le pouvoir
à des hommes de raison, à des monarques éclairés, on pourrait éviter la guerre, qui est
considérée comme la survivance d’un passé barbare. On va aussi réinterpréter la guerre à
la lumière du droit (Kant). On va considérer qu’on peut la remplacer par des mécanismes
juridiques. Mais à la fin du XVIIIe siècle la guerre en dentelle, limitée, va disparaitre, au
profit d’une forme de guerre bien plus terrible, la guerre industrielle, et surtout la guerre
des Nations.
f) La révolution française et l’invention de la guerre nationale.
La révolution française va bouleverser la conception de la guerre. On invente la
guerre nationale : guerre dans laquelle tous les citoyens sont potentiellement soldats.
Tous les citoyens ont le devoir de faire la guerre. Sur le plan de la théorie politique, la
révolution a opéré un transfert du pouvoir, qui n’appartient plus au roi mais à la Nation.
Enfin, on parle ici de la France. On va parler de souveraineté nationale. L’Etat appartient
aux citoyens. On va mettre en avant des concepts très absolus, et très idéalistes, comme
la Nation, le droit des peuples à disposer d’eux mêmes... En même temps on va
demander aux hommes tous les sacrifices. Le changement de la conception de la guerre
intervient entre 1792 et 1815. La France est alors constamment en guerre contre les pays
qui refusent la révolution, puis avec les conquêtes napoléoniennes. Ce qui ressort, c’est
l’échec de la guerre. La guerre change de proportions : des millions de soldats. Au début
la France entre en guerre contre les pays qui refusent la révolution, mais elle ne dispose
plus de l’armée royale, encadrée par des nobles. Il n’en reste plus qu’une petite partie,
beaucoup se sont fait couper la tête. Pour ceux qui restent, la loyauté à la révolution est
assez fluctuante. Pourtant il faut faire face à la guerre. Dans un premier temps les
révolutionnaires vont faire appel à des volontaires, mais ça pose des problèmes. Ces
citoyens viennent se battre en homme libre, mais ils ne sont pas prêts à se soumettre à la
discipline rude de l’armée. De plus, ils n’étaient pas entraînés. Beaucoup n’avaient jamais
vu une arme à feu. Ces guerres ressemblaient donc à des assauts désorganisés. Mais en
1793 on manque d’homme. Le pouvoir va, le 23 août, prendre un décret de mobilisation
générale de tous les français. Mobilisation massive. A la fin de 1794 l’armée française
compte à peu près un million d’hommes, sur une population totale de 29M d’habitants.
Cette mobilisation est pilotée par un certain Lazare Carnot, et va connaître un certain
succès car les forces étrangères seront chassées du territoire et l’armée révolutionnaire va
envahir la Hollande, laBelgique, l’Allemagne et l’Italie. Succès pour plusieurs raisons.
D’abord, si l’armée royale a été détruite, il en restait quand même de bonnes bases. En
1789 90% des officiers étaient aristocrates. En 1794, il n’en restait que 3% mais on les a
placés à des postes clé. Pour le reste, il y avait souvent des gens qui avaient connu le
système d’ancien régime mais qui n’avaient jamais accédé au commandement. La
révolution va permettre à pas mal de militaires de faire carrière malgré le fait qu’ils
n’étaient pas aristocrates. D’autre part, l’artillerie excellente va subsister, avec les
magasins de munition disséminés sur tout le territoire, les armes standardisées... Enfin,
dernier point, le fanatisme, l’extrême enthousiasme des citoyens à la cause de la
révolution. C’est cet élément qui avait tant impressionné Clausewitz. D’autre part,
l’invention du citoyen soldat va donner une supériorité numérique aux français. La
conscription est obligatoire, et sur le champ de bataille, ça permet de moins se soucier des
pertes. Le problème des désertions existe toujours mais il y en a moins que sous l’ancien
régime et la punition est terrible. Il existe également ce qu’on appelle la Ve colonne. Des
gens, dans les pays ennemis, sympathisants de la révolution. Enfin, faut pas oublier que
le régime qui mobilise ces troupes, c’est le régime de la terreur, qui dure du 5 septembre
1793 au 5 juillet 1794, régime qui est le premier régime totalitaire au monde. Ce régime va
combattre tous ceux qu’il estimait ennemis de la révolution. Entre 35000 et 45000
personnes exterminées sous la terreur, ce qui explique qu’on a pu contraindre les citoyens
à s’engager dans l’armée. D’autre part, ce régime va réquisitionner les ressources
nécessaires à l’armée. Carnot et son équipe mettent en place une économie de guerre
planifiée. Ce qui est là aussi une première technique. On va produire un «pain de
l’égalité» disponible contre des tickets de rationnement. On fixe un prix maximum contre
tous les biens de consommation. On réquisitionne tous les produits de luxe pour les
exporter afin de collecter des fonds. Le commerce extérieur est sous le contrôle d’un
comité central. On nationalise les industries, les fabriques d’armement, et tout le matériel
qui peut être utile aux armées, des charrettes aux manufactures de tissus. En même
temps on établit la peine de mort pour le marché noir. Ce système implique aussi les
savants, réquisitionnés pour développer l’armement, à Meudon. C’est là qu’on va
développer les ballons, le sémaphore. C’est la première économie planifiée qui se
développe là. Toutefois cette expérience est très courte, à peine 11 mois. Après,
l’économie retourne au privé. En 1794 se pose un très gros problème, puisqu’on
démobilise alors l’armée nationale. Que faire de ces hommes qui risquent de semer le
trouble dans le pays? C’est le directoire qui va trouver la réponse : il faut laisser ces gens
à l’étranger. En 1796 Robespierre va s’adresser au jeune Napoléon, nommé commandant
en chef de l’armée d’Italie. Il va se révéler trop doué, on va donc l’expédier plus loins, en
Egypte où il a pour mission de chasser l’occupant Ottoman, mais il va s’y révéler excellent
administrateur. Napoléon va finalement prendre le pouvoir en 1799.
Les succès militaires rencontrés par Napoléon sont remarquables, mais ils ne sont
pas liés à des innovations techniques. Ils sont dus essentiellement à son génie tactique. Il
invente une nouvelle façon de faire la guerre. Il y a aussi, il est vrai, sa propension à
sacrifier des milliers d’hommes si le besoin s’en fait sentir. Quelle est cette tactique?
D’abord Napoléon développe l’art du renseignement. Il développe l’art de la cartographie.
Il a également recours à des francs tireurs, qui peuvent faire des actions en dehors de la
bataille rangée. Il a également recours à une infanterie légère, qui peut se déplacer.
Napoléon va également utiliser l’artillerie différemment, de manière beaucoup plus mobile.
Il n’hésite pas à déplacer les canons au cours de la bataille. Son objectif est d’obtenir la
supériorité de feu à un endroit donné pour faire des brèches dans les lignes ennemies.
Napoléon travaille en colonnes plutôt qu’en ligne. Plus offensif que les lignes. Napoléon,
enfin, va diviser les armées en divisions autonomes. ces divisions peuvent se déplacer sur
des routes différentes en même temps. Ca peut leur donner une plus grande vitesse et ça
leur donne en tout cas plus de flexibilité. Les divisions peuvent se réunir ou se séparer, et
l’ennemi ne peut pas prévoir. Napoléon développe des tactiques différentes. Si l’ennemi
est supérieur en nombre, il considère que le point décisif est celui qui peut permettre de
diviser l’armée adverse. Il cherche aussi à frapper les moyens de communication. Mais en
générale Napoléon choisit d’écraser l’ennemi par supériorité numérique. Stratégie qui va
beaucoup influencer Clausewitz. Napoléon avait un véritable génie tactique. Il pouvait faire
évoluer des troupes composées de centaines de milliers d’hommes en fonction de calculs
très précis, topographie, température, progression de l’ennemi... A cela il faut ajouter son
talent de meneur d’hommes. Il privilégiait le mérite et le talent. Sur les 26 maréchaux de
l’Empire, 4 avaient été de simples sergents, un appartenait à la fanfare, d’autres avaient
été de simples soldats. Il savait se faire aimer de ses hommes, par son charisme et sa
présence personnelle sur le champ de bataille. Au final ses armées étaient véritablement
imprégnées d’héroïsme romantique, lié à la défense de la Nation, idée totalement
nouvelle. L’armée de Napoléon n’est plus l’armée révolutionnaire, ce n’est plus une armée
d’hommes libres. Mais il va en faire tout de même une armée au service de l’Etat, au
service de son idéologie. Quelques chiffres : sous l’ancien régime, les batailles n’étaient
pas très fréquentes. A la fin du XVIIIe les pertes à la fin d’une bataille étaient en moyenne
de 10%. Avec Napoléon. par ex la bataille de Borodino en 1812, près de Moscou,
Napoléon perd 28000 hommes sur 120000. A Waterloo, 27000 hommes sur 72000, soit
presque un quart. Napoléon aurait dit : «pour un homme comme moi, la vie d’un million
d’hommes ne vaut pas plus que de la merde». La stratégie Napoléonienne possédait
cependant un gros défaut, c’est qu’elle consistait à remporter la bataille décisive. Autre
défaut, les troupes se déplaçaient extrêmement vite, tellement que l’intendance avait du
mal à suivre, et si jamais les combats s’éternisaient, les troupes étaient bien obligées de
s’approvisionner localement, on retournait donc à une forme de pillage qui a fait que les
troupes napoléoniennes n’étaient pas très populaires, notamment en Italie. En 1812,
échec face à la Russie qui a pratiqué la politique de la terre brulée. D’autre part, il y a un
problème de recrutement à partir de 1806. On va recruter un peu n’importe qui, des gens
pas entrainés, on va essayer de compenser l’inexpérience par la multiplication des armes.
Finalement, la grande faiblesse c’est la faiblesse économique. La France et l’Angleterre se
sont fait une guerre de blocus économique, ce qui a poussé Napoléon à resserrer le
contrôle économique sur les pays occupés, ce qui le rendit très impopulaire. A la fin il avait
attiré le mécontentement de toute l’Europe. A la fin des guerres Napoléoniennes on se
dirige vers une autre époque, un autre type de guerre, la guerre totale.
g) La révolution industrielle et la guerre totale.
Après la défaite de napoléon les pays europ ont la volonté d’éviter ces boucheries à
l’avenir. Le projet politique est d’essayer de recréer un équilibre entre les nations qui
ressemblerait à la politique du XVIIIe siècle, qui s’appellerait le concert des nations.
Cependant, malgré ces tentatives de retour à un ordre plus équilibré, l’expérience d’une
guerre qui engage des nations entières a définitivement changé le visage de la guerre.
Nouveau visage qui a été étudié par toute une littérature militaire. Même si le concert des
nations est mis en place, de 1815 à la première guerre mondiale, les espoirs d’une guerre
plus limitée sont balayés par l’évolution des technologies : c’est la révolution industrielle
qui arrive.
D’abord, le chemin de fer se généralise au début du XIXe siècle, qui va résoudre un
problème essentiel pour toutes les armées importantes comme celle de Napoléon : cest la
logistique. Avec le chemin de fer les troupes n’ont plus à faire des marches interminables
à pied, qui les épuisaient, les rendait malades. Le train, c’esdt l’avenir du convoi de
soldats. En 1829 une guerre oppose la France et l’Autriche : les français convoient
120000 hommes en 11 jours là où il aurait fallu 2 mois avant. En plus les soldats arrivent à
peu près frais. Lorsque la bataille se prolonge le train permet de rapatrier les blessés,
acheminer des troupes fraiches, des permissionnaires, des fournitures. Le train a aussi
d’autres conséquences sur la guerre, d’ordre politique. Etablir un lien beaucoup plus étroit
entre le champ de bataille et les populations civiles. Désormais il y a des aller retours
entre le front et la vie civile. Les permissionnaires rentrent, racontent ce qu’ils ont vu, les
journalistes se rendent sur le front, qui devient ainsi beaucoup plus proche. La nation va
se saisir de la guerre, ça va être un sujet de débat... Ce n’était pas le cas avant.
Autre grand innovation technologique, le télégraphe, moyen de communication immédiate.
Utilisé évidemment par la presse. Là encore, ça va permettre d’informer citoyens et
politiciens en temps réel.
En ce début de XIXe siècle, les peuples sont urbains, vivent dans des régimes plus ou
moins pluralistes, de plus en plus éduqués grâce à la mise en place d’une école publique :
ces peuples se mettent à se mêler de la guerre, discutent les décisions des dirigeants, les
coûts : phénomène de conscientisation de la guerre. Le revers de la médaille : les
dirigeants vont pouvoir demander à chaque citoyen de s’impliquer dans la guerre,
participer à l’effort de guerre.
La taille des armées ne va faire qu’augmenter. Au XVIIIe siècle les armée s étaient
limitées. 80000 au grand maximum. Le cap est franchi avec la révolution française qui
mobilise un million d’hommes, puis Napoléon va atteindre un maximum insurpassable. Au
XIXe, la guerre change encore de dimension : la guerre devient véritablement nationale,
elle devient le devoir de la nation toute entière. Ce n’est plus seulement le devoir des
citoyens engagés, c’est le devoir de tout citoyen en âge de se battre. Bien plus, ça sera le
devoir de la nation toute entière, y compris les femmes, qui soutiennent l’effort de guerre à
l’usine (voir WWI). L’effort de guerre est aussi un effort économique. Au XIXe siècle ce
sont les économies nationales toutes entières qui s’oriente vers l’effort de guerre. Du fait
de ces évolutions le nombre d’hommes impliqués est de plus en plus grand. En 1870 la
confédération d’allemagne du nord envoient en France 1,2M de soldats, deux fois plus
que Napoléon en Russie. En 1914, les allemands envoient 3,4M d’hommes en France. A
l’époque, la sécurité des Etats dépend de la taille des armées.
En ce qui concerne les armes, quelques évolutions aussi. En 1840, on invente le barillet et
le percuteur. Les armes à feu vont devenir très faciles à utiliser. 1870, invention du canon
strié, qui portent plus loin et sont plus précises. Pour la première fois avec ces outils
nouveaux le soldat pourra tuer un ennemi à plusieurs centaines de mètres. Celui qui tire
peut se protéger plus facilement. Les canons : autour de 1870, les canons ont des portées
qui varient entre 1000 et 3000 mètres. Dans les années 1880 les explosifs sont
perfectionnés. (Alfred Nobel invente la dynamite. On va en venir aux mines. Les fusils ont
des portées de 1000m, avec un plus petit calibre, plus précis. Le soldat peut porter un plus
grand nombre de munitions. Les premières mitrailleuses apparaissent à la fin du XIXe
siècle. La marine évolue beaucoup aussi. C’est même la marine qui va concentrer toutes
les évolutions technologiques de la révolution industrielle. Les progrès de la métallurgie se
retrouvent dans les coques, le télégraphe. L’utilisation de coques en métal est un gros
progrès : permet de s’affranchir de toutes les contraintes liées au bois. 2000 tonnes
maximum sous Napoléon, 20000 tonnes à la fin du siècle. La préparation de la guerre de
14 a été une véritable course aux armements en matière navale. C’est à ce moment là
que les allemands développent les premiers sous marins. Au début ces sous marins vont
protéger les coques, et petit à petit ils vont gagner en autonomie, pourront faire des
missions de longue distance, en vue de saboter les navires ennemis. La marine va
permettre à la guerre de devenir véritablement mondiale. On peut aussi faire des guerres
économiques avec les blocus. Les théories de l’amiral Mahan : L’influence du pouvoir
maritime sur l’histoire, paru en 1890. Dans ce livre il essaie d’énoncer des règles de
géopolitique : celui qui commande la mer commande le monde. La maîtrise des mers est
effectivement un atout fondamental à partir de cette époque. La guerre devient aussi, à
partir de cette époque, une affaire de techniciens, surtout dans la marine. On utilise les
technologies les plus avancées, et la guerre navale ne concerne pas les citoyens, qui sont
loin. Le moteur à combustion apparaît, il permet d’inventer des véhicules blindés. Ces
blindés vont en effet profiter des moteurs. Les premiers blindés apparaissent au cours de
la première guerre mondiale. Ils sont même équipés de téléphones. L’aviation apparaît à
cette époque. Les premiers aéroplanes sont chargés de missions de reconnaissance,
d’espionnage. Les évolutions de cette époque concernent aussi l’infanterie. Les allemands
vont changer de tactique. Ils vont abandonner la technique des longues lignes de soldats
héritée de Napoléon, ils vont mettre en oeuvre des petits groupes d’hommes, autonomes,
armés jusqu’aux dents. La nouvelle stratégie consiste à aller le plus loin possible vers les
lignes ennemies, et si possible au delà. Avec la révolution industrielle, le degré de létalité
des armes va exploser. L’élément humain que représente la maladie évolue aussi.
Jusqu’à la fn du XIXe siècle, la maladie tuait plus de soldats que le combat en lui même. A
partir de la première guerre mondiale, la santé du soldat est grandement améliorée. La
première amélioration vient de la logistique, le train permet de mieux nourir les soldats. La
médecine fait des progrès aussi. On peut rapatrier les blessés. Les nombreux blessés de
la première guerre mondiale vont permettre à la médecine de faire de nombreux progrès,
notamment en psychiatrie. Pour autant la première guerre mondiale est très meurtrière.
8M de morts en tout parmi les militaires, 13M pour les civils, tout pays confondu. 40M
d’habitants en France, qui perd 1,7M d’hommes (cf la pyramide des âges).
Le nouveau style de guerre est devenu la guerre de masses, qui concerne toute une
société. Cette guerre de masse a des conséquences inattendues parfois, pour les
populations civiles. A partir de la fin du XIXe siècle, lorsque la guerre devient le devoir de
tous les citoyens, les Etats prennent conscience qu’il faut prendre soin de leur population :
l’éduquer d’abord, former de bons citoyens, patriotes, On prend soin de la santé des
habitants, la santé publique commence à se développer (mais attention la guerre n’en est
pas la seule cause). Un joli livre, de Suzanne Citron : Le mythe national, l’histoire de
France revisitée. Il faut aussi se souvenir que le service militaire obligatoire se développe
en Europe. Une période de service obligatoire dans la vie d’un homme, de durée variable.
Ce service, au XIXe siècle, a souvent été le premier contact avec la modernité pour les
paysans. Eau chaude, chauffage, douches, contrôle médical, nourriture équilibrée. On
apprenait aussi à lire à ceux qui avaient échappé à l’école. Les premiers Marxistes
pensaient que le service militaire serait un fantastique outil d’échec du capitalisme, car on
apprenait à se servir des armes etc... Mais les hommes ne se rebellaient pas. Dans une
perspective d’histoire globale, on constate qu’à la fin du XIXe siècle les sociétés
européennes ont atteint un degré de militarisation remarquable. Pourquoi les citoyens
acceptaient ça? Si les citoyens adhèrent à ce modèle, sachant que la démocratie se
développe et qu’ils pourraient voter contre ça, c’est que dans le même temps se
développe le nationalisme : Anne-Marie Thiesse : La création des identités nationales
(point seuil). Montre que les symboles militaires sont très utilisés (défilés, décorations,
cérémonies, commémorations). (nationalisme : sentiment d’identité de la nation et de l’état
; patriotisme, lien plus individuel, du citoye à l’Etat, qui va demander des gestes concrets).
Un historien militaire, Michael Howard, a moontré que démocratie, nationalisme et
militarisme se développent en même temps. Démocratie : les citoyens se mêlent des
affaires de l’Etat. Plus les gens adhèrent aux décisions politiques, et donc notamment la
guerre. Contrairement à ce que pensait Karl Marx. Howard dit que c’est un déplacement
de la ferveur. Au total on s’aperçoit que, pour la première guerre mondiale, on part la fleur
au fusil dans tous les camps : cet enthousiasme témoigne de cette ferveur patriotique de
l’époque, et il a mis deux ans pour redescendre, jusqu’en 17. Pour les deux guerres
mondiales, le fardeau de la guerre est porté par toute la société, et même la population
civile. Les femmes remplacent les hommes dans les champs et dans les usines. Pas de
révolte populaire. Ca contredit les thèses marxistes qui veulent que les travailleurs n’ont
pas de patrie, de plus l’idée que le nationalisme est le résultat d’une manipulation des
classes inférieurs par les classes supérieures. C’étaient les classes les plus
conservatrices du XIXe siècle qui étaient contre le nationalisme. C’est le mouvement
démocratique qui va, par le nationalisme, faire disparaitre les vieilles aristocraties.
La guerre de 14 est une guerre totale. En matière militaire, l’apparition de la guerre totale
a une conséquence très grande en matière de stratégie. La théorie de Napoléon de la
bataille décisive, reprise par Clausewitz, est obsolète. En 14, quand la guerre éclate, les
stratèges croyaient encore à ça. On pensait que les soldats seraient rentrés à Noël. Les
généraux français en particulier vont s’entêter. La guerre de 14 est l’histoire d’un
enlisemetn sinistre : les batailles ne produisent pas de résultats décisifs, la guerre
s’éternise, au prix de millions de vies. Ca s’explique par le fait que la guerre totale permet
une mobilisation totale des ressources du pays. La lutte peut durer des années. La
victoire, à partir de 1914, appartient à celui qui a le plus gros portefeuille (expression d’un
général de l’époque). La première guerre mondiale a en même temps pour conséquence
une prise de conscience de l’horreur de la guerre. C’est la guerre de masse qui fait
horreur, ça a pu commencer sous Napoléon mais la presse n’était pas la même... Les
gouvernants vont prononcer le fameux «plus jamais ça». Le pacifisme progresse entre les
deux guerres. Les mouvements pacifistes émergent à la fin du XIXe siècle. On crée des
mécanismes juridiques pour limiter la guerre. Création de la SDN en 1919. Certains pays
sont allés jusqu’à ne pas se réarmer après la première guerre mondiale. Même chose
pour les pays nordiques, Suède et Danemark. Mais ils se sont vite réarmés au dernier
moment. La France avait choisi une autre solution pour éviter la guerre : la ligne Maginot,
empêchant en théorie le passage des troupes allemandes. Ca n’empêchera pas que dans
tous les pays vaincus apparaissent des partis paramilitaires. Le pacifisme se développe
mais en même temps, 20 ans après cette guerre, le continent européen se jette dans un
autre conflit, encore plus destructeur.
h) La guerre technologique.
Après la première guerre mondiale, on perfectionne les sous marins, dont la portée va
devenir beaucoup plus grande, et qui se dotent d’une meilleure technologie de
communication (radio, sonar). Les sous marins vont devenir un formidable outil
d’espionnage. Les évolutions de la seconde guerre mondiale concernent surtout l’aviation,
ouvrant une troisième dimension à la guerre, après la terre et la mer. La bataille aérienne
va être rendue posible. Les aéronefs de la première guerre font place à des avions
équipés d’une artillerie légère très performante, d’une radio... Les avions peuvent détruire
des navires, des objectifs au sol (usines de munition par exemple). C’est la bataille du
pacifique qui va montrer le caractère décisif de l’aviation. On invente le navire porte
avions. Concernant les combats au sol, beaucoup moins d’évolution. Ca concerne surtout
les chars. C’est l’Allemagne qui se penche la première sur la question, avec la création en
34 par Hitler des panzer divisions, qui permet de mener la blitzkrieg (guerre éclair), mais
au prix d’un grand risque car les chars étaient très vulnérables (mines, sabotage des
ponts...). Les panzer divisions devaient être défendues par l’aviation, ce qui nécessitait de
lourds moyens financiers. On voit aussi avec la seconde guerre mondiale que le caractère
technologique de la guerre se développe toujours plus. La guerre devient une affaire de
spécialistes, de techniciens. Les armes sont toujours plus complexes, plus diversifiées.
Quand on regarde les effectifs utilisés, on s’aperçoit que les personnes chargée de la
maintenance sont plus nombreuses que les soldats. Dépendance à la technologie : les
soldats sont perdus sans leurs chars, leurs moyens de communication. La différence entre
civils et militaires s’estompe, encore plus que durant la première guerre. Dès le début la
population civile est mobilisée, organisée. On mobilise certaines professions, mais on
garde les agriculteurs, les boulangers, les mineurs : certaines professions restent au
travail. La guerre est véritablement devenue totale. Ce conflit total n’oppose plus des
troupes ennemies mais des sociétés ennemies. L’évolution technologique atteint son
sommet au cours de cette guerre, au mois d’aout 45 lorsque deux bombes nucléaires
détruisent deux villes japonaises, avec un total de 130000 morts. Cet épisode va
radicalement transformer la guerre, et paradoxalement, cet événement va mettre fin à la
guerre de masse.
§2 Le XXe siècle : les échecs de la guerre.
a) La nucléaire ou la guerre impossible.
L’apparition du nucléaire va radicalement transformer la guerre. La puissance de feu
atteinte par la bombe atomique est incomparable avec tout ce qu’on a connu auparavant.
Cette arme va faire entrer la guerre dans un autre dimension. A la fin de la seconde
guerre mondiale, les bombes les plus puissantes larguées sur l’Allemagne représentaient
6 tonnes de tnt. Les premières bombes atomiques, entre 15000 et 20000 tonnes. Dans les
années 50, les bombes thermonucléaires, les bombes H, entre 10 et 15 Mégatonnes. Les
effets de ces engins sont terrifiants. La bombe a explose à 500 mètres d’altitude et les
maisons s’effondrent dans un périmètre de 2km. Avec la bombe h, 18 km. D’abord,
destruction par le souffle, puis effet thermique. Puis effet radioactif. Radioactivité directe,
alpha, puis radioactivité résiduelle : poussière radioactive pulvérisée à 50km d’altitude. Il y
a aussi un effet électomagnétique. Ces bombes émettent des rayons gamma qui mettent
hors d’usage tout un tas de machines électroniques. Enfin il y aurait, même si c’est pas
sûr, des effets climatiques et biologiques à long terme (l’hivers nucléaire). Après
l’explosion de bombes nucléaires suffisamment puissantes, on suppose que la
température globale s’abaisserait du fait des poussières disséminées dans l’atmosphère.
On parle d’une éventuelle destruction de la couche d’ozone.
Au XXe siècle la puissance des bombes nucléaires va connaître une croissance
exponentielle.
La course aux armements et les évolutions des doctrines stratégiques.
En 1961, l’URSS teste une bombe qui fait 58 Mt. A partir de 1977 les SS20 soviétiques,
installés en Europe orientale ont chacun 3 têtes de 150 Kt et leur portée est de 5000 km. Il
y a aussi des missiles à longue portée, 10000 km. Ceux là, on les appelle missiles
intercontinentaux, ICBM. A cette époque, il y a aussi des missiles lancés à partir des sous
marins. Développement donc des vecteurs. Sous marins nucléaires, à l’autonomie
illimitée. A partir de la fin des années 60, les sous marins à propulsion nucléaire sont
équipés de têtes nucléaires. Les progrès se font aussi dans les instruments de visée et de
guidage.
Progrès dans les instruments de visée : Fusée MX «Peace Keeper», 10 têtes guidées
indépendamment capable de parcourir 11000 km, avec une précision d’un kilomètres.
Dans les années 60. Progrès aussi dans la miniaturisation des armes.
Le problème fondamental est le problème stratégique lié à l’arme nucléaire. Car elle
représente une puissance de feu démesurée. Problème jamais résolu. En face, on a
aucune défense efficace. Résultat : en réalité le nucléaire a rendu la guerre nucléaire
impossible. Cette arme a changé le sens de la guerre. Quel est le sens de la guerre si
celle ci anéantit l’humanité? C’est pourquoi après Hiroshima, l’objectif principal de la
stratégie pour les puissances nucléaires est devenu d’éviter la guerre. On va hésiter à
faire du nucléaire le pivot de la stratégie. Truman en a fait une arme de tout dernier
recours. Il refuse d’élaborer un concept d’emploi. Après, c’est le début de la course aux
armements. Dans les années 50 la présidence Heisenhower va élaborer une doctrine. Elle
est terrible : en cas de guerre général on peut utiliser l’arme dès les phases initiales de la
guerre avec l’idée que ça stopperait net la guerre. C’est la doctrine des représailles
massives. LA doctrine est simple. En cas d’attaque contre les Etats Unis riposte
immédiate sur tout le territoire de l’ennemi. A cette époque les USA sont en mesure de le
faire parce qu’ils disposent de bases dans le monde entier. Le but de cette stratégie était
d’obtenir le maximum de sécurité pour un coût minimal. Mais dès le départ cette stratégie
a fait la preuve de son inefficacité. Il y a eu la guerre de Corée, guerre de guérilla,
asymétrique. On s’aperçoit que les Etats Unis sont impuissants, parce que l’arme
atomique ne réglerait pas le problème. Cette stratégie est donc trop rigide. De plus dans
les années 50 les USA sont persuadés que l’URSS est en avance sur eux. Effectivement
en 57 l’URSS a les premières fusées intercontinentales. En 1960, l’URSS lance aussi le
premier satellite. Un fossé se serait créé entre les Etats Unis et l’URSS : le missile gap. En
termes stratégiques il serait possible pensait-on que les russes attaquent les premiers et
un tel conflit détruirait toute la planète. On va donc adopter une autre doctrine, sous
Kennedy. Un doctrine qui prévoit d’utiliser d’abord les armes classiques. C’est la stratégie
de la riposte graduée. Doctrine présentée en 1962, appliquée en 67 à tous les pays de
l’OTAN. Cette nouvelle stratégie permet d’adapter l’attaque à la menace. La réponse
pourra être proportionnée, suivant une escalade. Les cibles seraient d’abord les cibles
militaires. La technique étant plus précise on peut envisager certaines zones, même si
avec l’armé nucléaire on peut douter de l’efficacité d’un ciblage. Cette doctrine est enrichie
par la négociation diplomatique. Au passage on peut remarquer que cette stratégie a des
conséquences fâcheuses pour les européens, l’Europe étant le théâtre central de la
guerre. Avec les progrès de l’arme atomique, miniaturisation, ciblage, on va faire évoluer
cette doctrine. Sous le président Nixon, entre 69 et 74, la doctrine Schlesinger, doctrine
qui préconise une escalade mais avec des frappes sélectives, limitées. Cibles militaires et
économiques. C’est une doctrine de la guerre nucléaire limitée, parce qu’elle laisse une
part importante à la négociation, et autorise une désescalade. Sous le président Carter
entre 77 et 81 on cherche des variantes. On essaie surtout de faire évoluer la stratégie en
fonction de la doctrine soviétique. On prévoit une guerre nucléaire limitée mais prolongée.
Sous Reagan, c’est le summum. Reagan frappe un grand coup en 83. Annonce le
programme qui tue l’adversaire avant même d’être mis en place. C’est l’IDS, initiative de
défense stratégique; aussi appelée guerre des étoiles par les journalistes. Installation d’un
bouclier spatial au dessus des Etats Unis capable d’intercepter les missiles dirigés contre
les USA et de les détruire. Dispositif conçu comme la promesse que d’ici l’an 2000 l’arme
nucléaire serait devenue obsolète. Mais c’était extrêmement couteux et ça n’a jamais été
mis en place, par contre l’annonce de ce programme a porté un coup «assez fatal» aux
élites soviétiques. Parallèlement à ces évolutions stratégiques...
Les tentatives de limitation des stocks nucléaires.
C’est une course aux armements qui s’accompagne dans son histoire de limitations. Dès
l’apparition de la bombe certains pays vont y renoncer. Le Japon, mais aussi d’autres
pays, comme la Suède, pour des raisons politiques mais aussi économiques. Parfois ils
l’annoncent, parfois pas. A côté, on a des négociations sur le désarmement, qui démarrent
après la crise de Cuba en 62. Cette crise c’est la seule véritable crise nucléaire de la
guerre froide, voire de l’histoire. Crise nucléaire avec situation de pré guerre. On a pu voir
comment fonctionnait la dissuasion nucléaire. L’hypothèse que la menace de recours à la
bombe suffit pour arrêter la guerre. Après cette menace, il y a un système de réglement
pacifique.
On est à l’époque du missile gap, on pense que l’URSS est en avance sur le plan
nucléaire. Missile intercontinental, Spoutnik... L’URSS installe des fusées à tête nucléaire
à Cuba, à 150 km de la Floride. Les USA répliquent par un blocus de l’île et des
négociations diplomatiques s’engagent. Après une semaine de négociation infructueuses,
les forces nucléaires américaines se préparent. Cette simple menace a dissuadé les
soviétiques qui se retirent. Ce qu’on a su après c’est que le missile gap était du bluff. En
62 les USA avaient beaucoup plus de missiles intercontinentaux que les Russes (une
soixantaine contre environ 200). Suivra une série de négociations qui durèrent jusqu’à la
fin de la guerre froide : l’arms control. Négociations souvent bilatérales mais pas toujours.
En 68 le Traité de non prolifération est signé. Traité dont on se prévaut aujourd’hui pour
interdire à l’Iran le développement de son programme nucléaire. La Chine rejette ce traité,
la France aussi qui est en plein dans une série d’essais en Polynésie. Pour les pays qui
n’avaient pas l’arme, on les amenait à y renoncer par avance. Les deux grandes
puissances proposaient aussi à leurs voisins des Traités bilatéraux de dénucléarisation.
Par exemple les USA ont proposé un traité de dénucléarisation à l’Amérique latine.
L’URSS a commencé en 1950 en faisant souvent parler ses alliés. 57, plan Rapacki, du
nom du premier ministre polonais, visant à dénucléariser l’Europe centrale. Kekkonen en
1963. L’objectif est non pas de lutter contre le nucléaire mais de perturber les équilibres
stratégiques en Europes parce que c’était le théâtre central. Objectif de séduction aussi.
Mais en réalité la dénucléarisation a souvent visé à se débarrasser des armes obsolètes.
Traités de dénucléarisation des fonds marins aussi, qui n’engageaient pas à grand chose.
Mais dans les années 70 les accords Salt I et II. I en 72, URSS et USA s’entendent pour
geler pendant 5 ans les armements stratégiques, plafonnent aussi le nombre de missile
intercontinentaux mais à des nombres très élevés. C’est aussi la reconnaissance de la
parité entre les deux puissances. 1972 c’est avant tout la crise, et les grandes puissances
sont préoccupées par le coût de l’armement. Les accords SALT II en 79 : on va un peu
plus loin, on diminue les stocks d’armes nucléaires mais en réalité on détruit les stocks de
vieilleries tout en continuant à fabriquer des armes de pointe. L’Europe dans les années
70 est directement menacée par les 2 puissances. En 77 l’URSS installe des missiles
SS20 directement en Europe, dirigés contre l’Europe de l’Ouest. Dans les accords SALT
II, on n’en parle pas. Dans les années 70 l’OTAN décide donc de moderniser sa défense
en Europe. Installe des fusées Pershing Cruise en 79, dirigées contre l’Europe de l’Est. Un
mouvement anti nucléaire se développe notamment en Allemagne où sont placés les
missiles. En 83 guerre des étoiles. L’URSS ne peut pas suivre pour cause de difficultés
économiques. Gorbatchev riposte en lançant en 85 une grande campagne de
désarmement nucléaire. S’engage à réduire son stock de moitié en l’échange de
l’abandon de l’IDS. Plus tard il lance un plan visant à débarrasser la Terre de l’arme
atomique de l’arme nucléaire mais toujours en échange d’un abandon de l’IDS :
inacceptable. Projet aussi de dénucléarisation de l’Europe septentrionale. Mais personne
n’a signé quoi que ce soit. Ce projet a tout de même fait de la pub. En 87, accord
prévoyant la destruction des missile de faible portée : Traité de Washington. Il prévoyait de
détruire tous ces missiles basés en Europe et en Asie, mais pas les charges, celles ci
pouvant être réutilisées. Problème : la France et le Royaume Unis n’étaient pas
concernés. Côté Russe, ça concernait des missiles déjà obsolètes. Mais ce fut la première
fois qu’il y eut des destructions avec contrôles par le camp adverse.
Accord START : réduction de 30%, incluant les sous marins, bombardiers, toutes les
catégories d’armes nucléaires. On est en 1991. Au mois d’août le pouvoir soviétique est
renversé par un coup d’Etat, l’accord n’est plus à jour. Bush supprime l’état d’alerte des
bombardiers américains. On continue les négociations avec Boris Eltsine avec un
engagement à la clé. Problème : ça va représenter des difficultés techniques. Comment
détruire des armes stratégiques? Ca demande des infrastructures, des dépenses. C’est un
problème inédit. Avec la chute de l’URSS des armes sont rapatriées en Russie et
stockées dans des dépôts. La destruction annoncée n’a jamais eu lieu dans les
proportions annoncées. Par contre les historiens estiment que c’est la fin du premier âge
nucléaire, où on opposait des adversaires à peu près égaux. Il y a eu longtemps une
légère avance américaine, comblée par le fait que les russes étaient présents sur le sol
européen. Après la disparition de l’URSS s’ouvre ce que les historiens appellent le second
âge nucléaire, bouleversement total des équilibre. Le risque est celui d’une prolifération
incontrôlée, dissémination des armes qui peut être légale (pays non signataires du TNP)
ou illégale. Cette dissémination des armes peut toucher des acteurs qui ont, eux,
l’intention de les utiliser. Mouvements terroristes, mouvements apocalyptiques plus ou
moins sectaires, états voyous. Quel serait l’intérêt de ces acteurs pour le nucléaire? Intérêt
multiple. On peut fabriquer relativement facilement des bombes nucléaires. La difficulté
majeure est de se procurer de l’uranium. Ensuite, il est évident que même un arme très
rudimentaire pourrait faire de gros dégats et donc représente un gros avantage
stratégique. Et si on fouille dans les ouvrages techniques on s’aperçoit que l’arme
nucléaire est avantageuse sur le plan économique. Il suffit d’avoir un sous marin, de le
placer au large des côtes du pays ennemi pour lui infliger d’énormes dégâts. Les
spécialistes prévoient que le nucléaire va continuer à jouer un rôle stratégique. Mais à
l’avenir ça sera plutôt une arme des faibles. L’arme chimique ou bactériologique est aussi
facile à utiliser, avec une grosse différence. L’arme biologique ou chimique est très
dangereuse pour celui qui l’utilise.
Après la guerre froide il y a eu d’autres accords : Traité SORT de 2002 qui prévoit de
diminuer encore les arsenaux des grandes puissances. Mais en l’état actuel de la
technologie un pays comme les USA n’a pas besoin de beaucoup de têtes. Pour la Russie
aujourd’hui pas de renoncement pour le nucléaire, au contraire. Avec la politique
nationaliste de Poutine. En 2007 Poutine a annoncé le tire d’un nouveau missile
balistique, le RS24. Missile furtif. Réplique au président Bush qui a repris l’idée d’un
bouclier anti missile (BAM). Il a forgé la doctrine dite de réponse globale, consistant à
sanctuariser totalement le territoire américain (se protéger de l’Iran et de la Chine aussi).
Obama change beaucoup de choses en matière stratégique. Il renonce au bouclier anti
missile en septembre 2009. La doctrine nouvelle s’appelle «nouvelle approche», doctrine
qui veut coller d’avantage aux menaces réelles. Minimise la menace Iranienne, même si
ça dépendra de l’évolution de l’Iran. Apparemment les américains ont renoncé à installer
des missiles en Pologne et en République Tchèque. Associe la Russie à la lutte contre les
menaces réelles.
L’évaluation des effets de la possession de l’arme nucléaire.
Pendant la guerre froide, l’effet de la possession de l’arme est paradoxale. La possession
permet la non utilisation. La guerre froide est une non guerre nucléaire. On peut dire, avec
certains généraux, que cette arme a permis à notre région de rester en paix pendant un
demi siècle. C’est pas si fréquent. De l’autre côté on peut se demander quels sont les
bénéfices politiques de la possession de cet arme. Le bilan est pas toujours très positif
quand on regarde les bénéfices politiques. Si on regarde les grandes puissances, on peut
dire qu’en 45 les USA avaient déjà l’arme nucléaire. Or quand ils vont négocier les
nouveau découpage du globe, Staline ne sera pas du tout impressionné et il va tout de
même consolider son emprise sur l’Europe centrale. La Tchécoslovaquie va basculer dans
le bloc soviétique. Les USA sont en guerre en Corée. Il y a eu des menaces verbales
contre la Chine mais personne n’y a cru. La seule fois où l’arme atomique va jouer un rôle
c’est en 62 durant la crise de Cuba. Dans les relations des grandes puissances avec le
tiers monde, en tirent-ils un avantage? Beaucoup de pays ont changé de camps.
Finalement quand on voit les alliances avec les pays du tiers monde on constate qu’elles
se font pour d’autres raisons. Les pays pauvres : certains ont la bombe, l’Inde, la Chine, le
Pakistan probablement, pays qui ont fait de grands sacrifices économiques pour se doter
de l’arme nucléaire, mais par exemple, la Chine n’a pas pu récupérer Taiwan, l’Inde n’a
pas calmé les séparatistes Tamouls... Pour ce qui est des puissances moyennes, la GB et
la France (avec sa doctrine de dissuasion nucléaire). Ces puissances n’ont cessé de
s’éroder. Tout au plus, la possession de la bombe a servi à étayer leur action
diplomatique. La France s’est positionnée entre les deux blocs, plus ou moins, la France
et la Grande Bretagne ont un siège permanent au conseil de sécurité. Pour la Grande
Bretagne le déclin de la diplomatie est encore plus flagrant. On voit mal donc l’avantage
politique. Certains spécialistes estiment même que le raisonnement selon lequel l’arme
sert à dissuader (en cas de défaillance américaine) n’est pas bon, et même suicidaire,
étant donné le volume des forces soviétiques, et l’étendue du territoire de l’URSS
permettant de mettre à l’abri les intérêts stratégiques. Mais ce débat reste virtuel puisqu’il
ne s’est rien passé. On peut en conclure que sur le plan politique l’arme nucléaire n’a pas
vraiment donné d’avantage. Il semble même qu’aucun des pays détenteurs de l’arme
nucléaire n’ait réussi à modifier les équilibres stratégiques avec cette arme. Sur le plan
purement tactique, on peut discuter du réalisme de l’utilisation d’une arme atomique. Les
doctrines qui se sont succédées étaient parfois irréalistes, voire délirantes. Van Creveld,
historien israélien, dit qu’il n’y a jamais eu de doctrine satisfaisante sur la manière
d’employer l’arme nucléaire. Il dit que les doctrines se succédaient, à chaque évolution
technologique, mais un aspect n’était jamais abordé, celui des effets réels produits par
l’arme. En réalité c’est une arme qui, si on l’avait employé, aurait supprimé toute possibilité
de faire la guerre. Comment peut on faire a guerre a partir du moment où on a utilisé cette
arme? Dans les années 50 il y avait des doctrines d’emploi massif de cet arme. On
préconisait face à ça la construction d’abris anti atomiques, et on vendait en pharmacie
des comprimés d’iode. Certains pays se sont massivement équipés. La preuve scientifique
de l’efficacité de ces abris n’a jamais été faite. Les experts pensaient dans les années 50
qu’une partie de la population pouvait survivre à condition d’être évacuée à temps. On
considérait qu’une superpuissance frappée pouvait recouvrer sa viabilité en 10 à 50 ans.
On ne prenait pas en compte les cancers etc... En France les dispositifs de prévention
étaient limités, population mal informée. Parce qu’on a plein de centrales nucléaires, il ne
faut pas affoler la population. Bref on peut se poser la question du réalisme de toutes ces
préparations.
FIN
Téléchargement