Chapitre 2

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Chapitre 2 La révision de la Constitution
NB : On va ici se limiter à l’étude de la révision de la Constitution, qui emprunte les formes prévues par la Constitution,
soit l’étude du Pouvoir constituant dérivé. Il ne faut pas oublier que la Constitution peut par ailleurs évoluer, par des
moyens plus informels (modification non textuelle), par la voie de la coutume, de l’interprétation de la Constitution ou
de la pratique politique.
Section 1 Le pouvoir constituant dérivé
§1 Définition
Le pouvoir constituant dérivé est l’organe habilité par la Constitution à réviser le Constitution.
Il a pour objet la révision du droit constitutionnel formel. Comme le pouvoir constituant dérivé est
prévu par la Constitution elle-même, il présente un caractère dérivé (par opposition au pouvoir
constituant originaire).
On rappellera que dans une Constitution souple, la procédure de révision est identique à la
procédure d’adoption de la loi ordinaire. A l’inverse, dans une Consitution rigide, la Constitution
prévoit les modalités spécifiques de sa révision, qui sont en général plus contraignantes que celles
prévues pour lois ordinaires.
Toute Constitution formelle contient des règles relatives à sa révision. Il s’agit en effet de
permettre l’évolution des institutions (éviter blocages) tout en garantissant la stabilité des
institutions en prévoyant une procédure plus contraignante afin que les gouvernants ne modifient
trop aisément la Constitution à l’exercice du pouvoir.
Pour éviter une confiscation de la souveraineté, ce pouvoir de révision est généralement réparti
entre plusieurs organes, et l’intervention du peuple est en principe prévue.
Dès lors qu’il ne peut s’exercer que conformément aux prescriptions de la Constitution, le pouvoir
constituant dérivé est en outre limité, dans sa forme et parfois sur le fond.
§2 Limitations du pouvoir constituant dérivé
A/ Limites procédurales ou formelles
Ces limites renvoient à la procédure spécifique, plus ou moins contraignante, prévue par la
Constitution pour sa propre révision.
La procédure peut être très contraignante :comme aux EU1. Dans cet Etat, la complexité de la
procédure explique le faible nombre d’amendements adoptés depuis 1787 (et l’importance de
l’interprétation de la Constitution, par voie jurisprudentielle notamment). Dans certains cas, la
rigidité de la procédure de révision peut poser problème. Cf. en Espagne où certaines dispositions
sont plus « protégées » que d’autres. C’est le cas de celles renvoyant aux droits fondamentaux ou à
la monarchie. Aux termes de l’article 168, c’est la procédure de la révision totale qui s’applique qui
suppose notamment une dissolution des Cortes (chambres) et référendum, deux procédures que l’on
1
Art V : Le Congrès, quand les 2/3 des 2 Chambres l'estimeront nécessaire, proposera des amendements à la présente
Constitution ou, sur la demande des législatures des 2/3 des États, convoquera une convention pour en proposer ;
dans l'un et l'autre cas, ces amendements seront valides à tous égards comme faisant partie intégrante de la présente
Constitution, lorsqu'ils auront été ratifiés par les législatures des 3/4 des États, ou par des conventions dans les 3/4
d'entre eux, [selon que l'un ou l'autre mode de ratification aura été proposé par le Congrès, sous réserve que nul
amendement qui serait adopté avant l'année mil huit cent huit ne puisse en aucune façon affecter la première et la
quatrième clause de la neuvième section de l'article premier, et qu'aucun État ne soit, sans son consentement, privé
de l'égalité de suffrage au Sénat].
préfère parfois éviter2 .
Certaines Constitutions prévoient simplement des conditions de majorité renforcée : le vote est alors
simplement rendu plus difficile : c’est le cas en Allemagne où, selon l’article 79 de la Loi
Fondamentale, une révision est une loi approuvée par les deux tiers des mb de chq ass3.
B/ Limites temporelles et circonstantielles et contrôle du pouvoir constituant dérivé
L’exercice de la révision est interdite soit pendant une certaine durée ou lorsque certaines
circonstances sont réunies.
Souvent utilisée dans les premières périodes du constitutionnalisme moderne, la technique des
limites temporelles vise à empêcher qu’une Constitution formelle ne soit pas modifiée au gré
d’une majorité momentanée, la décision devant être mûrement réfléchie, prise par plusieurs
représentations successives. Cette technique est illustrée par la 1re Constitution française, de 1791,
dont la révision exigeait un vœu formulé par 3 législatures successives puis un vote par une
Assemblée spéciale de révision. Cette Constitution n’a pourtant pas pu fêter son 1er anniversaire.
Quant aux limites circonstancielles, elle interdisent la modification de la Constitution dans certaines
circonstances – afin notamment d’empêcher qu’un changement des règles constitutitionnelles
n’intervienne à un moment où les citoyens ou les représentants ne sont pas libres de leur
décision. En France, la Constitution de 1946 (art. 94) puis celle de 1958 (art. 89) ont tiré les leçons
de la démission démocratique de l’Assemblée nationale après la débâcle de 1940 en interdisant
toute révision « lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Comme le Conseil
Constitutionnel l’a indiqué dans sa décision du 2.9.1992, Maastricht II, il convient d’ajouter les
interdictions des art. 7 (vacance ou empêchement définitif du président de la République) et 16
(mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels du président de la République).
C/ Limites matérielles
1. Définition
L’inscription de limites matérielles à la révision de la C a pr objet d’empêcher la révision de
certaines données fond de l’ordre juridique. Il s’agit de valeurs essentielles dont on veut garantir
la pérennité, ce qui renvoie à l’idée d’un ‘noyau dur’, placé hors d’atteinte du pv de révision. Ce
noyau dur est le plus souvent composé de dispositions garantissant la forme de l’Etat ou les droits
fondamentaux.
Exemples :
Article 79 al. 3 de la Loi Fondamentale allemande : « Toute modification de la présente loi
fondamentale qui toucherait à l'organisation de la Fédération en Länder, au principe du concours des
Länder à la législation ou aux principes énoncés aux articles 1 et 20, est interdite » (article 1 : La
dignité de l'être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont l'obligation de la respecter et
de la protéger ; Article 20 : « al. 1 : La République fédérale d'Allemagne est un Etat fédéral
démocratique et social. »  marque l’ancrage des principes de la démocratie, de l’Etat de droit et
2
3
« […] on procèdera à l'approbation du principe de la révision à la majorité des deux tiers de chaque chambre, et à la
dissolution immédiate des Cortès. 2. Les chambres élues devront ratifier la décision et procéder à l'étude du
nouveau texte de la Constitution, qui devra être adopté à la majorité des deux tiers des deux chambres. 3. La
révision approuvée par les Cortès générales, sera soumise à ratification par référendum. »
Soit proc très souples article 8 loi du 25 février 1875 : peu de différence avec proc lég : AN réunissant les 2 chb
devant voter à la majT absolue), peuple (art 90 C 46 : résolution adoptée par 2 lectures succ après 3 mois précisant
l’objet de la révision, puis vote projet par les Ass, puis réf ou vote maj qualif) ou majT renforcées (All : 2/3 chq ass).
du fédéralisme après l’effondrement du nazisme.
Article 110 de la C grecque du 9 juin 1975 : « Les dispositions de la C peuvent faire l'objet d'une
révision, à l'exception de celles qui déterminent la base et la forme du régime politique en tant que
République parlementaire » .
France : Si les institutions de la IIIe République sont au départ ouvertes à une restauration
monarchique, le consensus républicain s’établit au contraire progressivement. La révision du 14
août 1884 complète alors le § 3 de l’art. 8 de la loi constitutionnelle du 25.2.1875 relatif à la
révision : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Cette
formulation a été reprise en 1946 puis dans l’article 89 al. 5 de la C de 1958.
2. Les questions soulevées par l’existence de limites matérielles
Deux thèses différentes peuvent être présentées.
-
Thèse 1 : la « super constitutionnalité »
NB : Il peut être préférable d’utiliser le terme de « super constitutionnalité » à celui de “ supraconstitutionnalité ” qui laisse envisager que les dispositions correspondantes sont placées au-dessus
de la C. Ce n’est pas le cas : ces dispositions restent des dispositions constitutionnelles, mais leur
caractère intangible leur confère une valeur constitutionnelle renforcée (d’où “ superconstitutionnalité ”).
Dans ce sens, s’établit une certaine hiérarchie entre les normes révisables et celles à l’abri
pouvoir constituant dérivé (« clause d’éternité » allemande). Si l’on veut aller au bout de la
logique, il faudrait que le juge constitutionnel puisse vérifier les révisions et les confronter à la C et
au final annuler une loi de révision constitutionnelle si elle est contraire aux principes
fondamentaux. Un tel contrôle a par exemple été accepté par la Cour constitutionnelle allemande,
mais cela ne l’a jaaims conduit à censurer des lois constitutionnelles.
-
Thèse 2 : la souveraineté du pouvoir constitutant dérivé
L’existence même de limites matérielles est critiquée par une partie de la doctrine.
o Comme c’est aussi le cas pour les autres types de limites, on peut en effet considérer
qu’il suffirait de réviser la C pr supprimer de telles interdictions.
Dans ce sens, le pouvoir constituant est souverain. C’est ainsi que l’article 28 C DDHC de 1793
disposait que « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution.
Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. »
o Les tenants de cette thèse considèrent également, dans le même sens, que le juge n’a
pas la compétence pour contrôler le pouvoir constituant, ce qui découle de son
caractère souverain.
En France, le débat a porté sur la signification de l’article 89 al. 5 et sur son possible contrôle par le
CC. Cf. 2003, Lettre de saisine de 60 sénateurs qui ont saisi le Conseil constitutionnel afin qu’il
censure la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République. Pour ces
sénateurs, plusieurs dispositions de cette révision méconnaissaient l’article 89 al. 5, la notion de
« forme républicaine du gouvernement » étant entendu très largement : non pas seulement comme
l’interdiction de revenir à un régime monarchique, mais la République dans toutes ses composantes,
et notamment l’art. 1 de la C qui définit la République comme « indivisible, laïque, démocratique et
sociale ». Dans sa décision du 26 mars 2003, le Conseil constitutionnel s’estime incompétent pour
effectuer un tel contrôle en répondant simplement : « Considérant que la compétence du Conseil
constitutionel est strictement délimitée par la C ; […] que le Conseil constitutionnel ne tient ni de
l'article 61, ni de l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la C le pouvoir de statuer sur une
révision constitutionnelle […] ».
Section 2
Les mécanismes de révision de la Constitution
§1 Procédures de révision partielle et de révision totale
Comme pour une loi ordinaire, la procédure à suivre pour adopter une loi constitutionnelle (= par
laquelle on peut réviser la C) comporte 3 étapes : l’initiative, l’élaboration du texte et son adoption.
En France, on verra que cette procédure est prévue à l’article 89.
Certaines Constitutions établissent une distinction entre leur modification partielle et totale.
Une révision partielle vise à réviser certaines dispositions du texte constitutionnel.
En revanche, dans la révision totale, la C prévoit sa propre substitution.
Cette possibilité, relativement rare, brouille un peu les cartes entre pouvoir constituant originaire et
pouvoir constituant dérivé. C’est à la fois un pouvoir constituant originaire parce qu’il s’agit
d’élaborer un nouveau texte ; et ausssi un pouvoir constituant dérivé parce que la procédure est
encadrée par un texte constitutionnel déjà existant. Par ailleurs, cette modalité de révision s’oppose
aussi à l’idée de souveraineté du pouvoir constituant originaire. Eu égard à l’ampleur de la révision,
une procédure plus contraignante est en général prévue. La révision doit en principe être approuvée
par référendum. On trouve de telles dispositions dans la C suisse (art. art 192-1 de la C de 1999 « la
C peut être révisée en tout temps, totalement ou partiellement ») ou dans la C espagnole (art. 168)4.
§2 Etapes de la révision de la Constitution de 1958
La C française prévoit une procédure assez complexe, qui a conduit à l’achoppement de
nombreuses réformes.
La procédure prévue à l’ARTICLE 89 prévoit 3 étapes.
A/ INITIATIVE
Art. 89 al. 1. : “ L’initiative de la révision de la C° appartient concurremment au président de la
République, sur proposition du Premier Ministre, et aux membres du Parlement ”.
Les organes détenteurs de l’initiative sont donc le pouvoir exécutif (le président, sur proposition du
Premier Ministre) et le pouvoir législatif (membres des assemblées).
Lorsque l’initiative émane de l’exécutif, on parle de projet de révision (ou projet de loi
constitutionnelle). Lorsque l’initiative émane du pouvoir législatif, on parle de proposition de
révision.
4
« Si on propose la révision totale de la Constitution ou une révision partielle qui affecte le titre préliminaire, le
chapitre second, section première, du titre premier ou le titre II, on procèdera à l'approbation du principe de la
révision à la majorité des deux tiers de chaque chambre, et à la dissolution immédiate des Cortès. 2. Les chambres
élues devront ratifier la décision et procéder à l'étude du nouveau texte de la Constitution, qui devra être adopté à la
majorité des deux tiers des deux chambres. 3. La révision approuvée par les Cortès générales, sera soumise à
ratification par référendum. »
→ Absence de droit de véto du président
Juridiquement, le président n’a pas la liberté d’action qu’il peut avoir en matière de référendum (cf
art. 11 qui précise le Président “ peut ”...) une fois la proposition acquise, puisque l’article 89 n’est
pas un pouvoir propre du Président .
B/ VOTE PARLEMENTAIRE
La C° prévoit obligatoirement un vote du Parlement. Selon les termes de l’art. 89 al. 2 “ le projet ou
la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixés au 3ème alinéa de
l’article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques ”.
Depuis la révision de 1995, les assemblées pouvant fixer elles-mêmes leur ordre du jour, une séance
par mois (art. 48 al. 3), elles sont plus libres d’imposer l’adoption d’une proposition de révision
malgré l’hostilité du président. Auparavant, elles restaient tributairs de la fixation par le
gouvernement de l’ordre du jour d’une proposition de loi constitutionnelle.
→ Bicaméralisme
On en matière de révision constitutionnelle un bicamérisme parfait. Cela revient à accorder au
Sénat un droit de véto.
Cela explique par exemple (entre autres) le choix de De Gaulle de réviser la C par la voie non pas
de l’article 89 mais de l’article 11, qui lui a permis de soumettre directement la modification
proposée au peuple, sans passer par les deux chambres. C’est ainsi que la C a été révisée le 6
novembre 1962 afin de permettre l’élection du président de la République au suffrage universel,
ainsi qu’on l’a déjà vu. L’une des plus importantes révisions de la Ve Rép n’a donc pas emprunté la
voie prévue par la C.
Les controverses juridiques et politiques sur l’utilisation du référendum dans le cadre de l’art. 11
ont été très vives. La large victoire du oui (62%) et le fait que le Conseil constitutionnel, saisi de la
constitutionnalité de la procédure ait décliné sa compétence (au motif que le pouvoir constituant est
« l’expression directe de la souveraineté nationale ») ont conduit à clore les débats.
Une seconde utilisation de l’art. 11 pour réviser la C en 1969, sur un projet relatif à la création des
régions et à la réforme Sénat a conduit à un échec et à la démission consécutive de De G aulle.
L’usage de cette procédure (de l’art 11) pour réviser la C a depuis principalement un intérêt
historique et doctrinal.
La difficulté, dans certains cas, à user de la procédure de l’article 89, du fait du veto possible du
Sénat, n’en reste pas moins réelle.
C/ ADOPTION DEFINITIVE
Il existe deux modalités possibles d’adoption de la loi constitutionnelle votée par le Parlement
(révision de la C°).
1. Procédure de droit commun
D’après l’art. 89 al. 2 “ La révision est définitive après avoir été approuvé par référendum ”.
Le peuple est donc l’organe désigné par la C° comme étant celui habilité à adopter la révision de la
C°. Procédé démocratique : le peuple incarne directement la souveraineté du pouvoir constituant
dérivé.
2. Procédure dérogatoire
L’art. 89 al. 3 prévoit une voie dérogatoire à la ratification par référendum :
“ Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le président de la
République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès (...) ”.
Il s’agit d’une voie possible exclusivement en cas de projet de révision. Cela veut dire qu’en cas
de proposition de révision (émanant du pouvoir législatif), le recours au référendum est obligatoire.
Le recours au référendum n’est facultatif qu’en cas de projet de révision, cad si l’initiative provient
du pouvoir exécutif.
Il en résulte une nécessaire combinaison de différents organes habilités à exercer le pouvoir de
réviser la C°, ce qui va dans le sens d’un renforcement des garanties exigées en cas de révision de la
C°,
par
rapport
à
une
simple
loi
ordinaire.
On retrouvera :
Soit : Exécutif (initiative) + Législatif (vote) + Peuple (référendum) ou Législatif (Congrès)
Soit : Législatif (initiative) + Législatif (vote) + Peuple (référendum).
→ Après le vote des assemblées, le président n’a pas le droit de refuser de convoquer le Congrès.
A priori, la question ne devrait pas se poser tellement en cas de projet de révision, puisque le
président est alors partie prenante à l’initiative de la révision (il est difficile de lui imposer
l’initiative d’une révision dont il ne veut pas), et il n’y a donc aucune raison qu’il refuse d’aller au
bout de la procédure. La question se pose plus logiquement en cas de proposition de révision
constitutionnelle, adoptée par les deux assemblées.
Pourtant les présidents de la République se sont octroyé le droit d’enterrer des projets et
propositions de revision pourtant votées par le Parlement. (Pompidou en 1973, VGE en 1974,
Chirac en 2000 : suite au vote parlementaire (à une majorité écrasante) de révisions relatives à la
présomption d’innocence et à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie, le président avait d’abord
convoqué le Congrès pour les adopter mais il l’a au dernier moment “ déconvoqué ” (M.-A.
Cohendet, Droit constitutionnel, p. 420). Il y aurait donc ici violation de la C° par le président de la
République et par le Prmeier minstre qui a accepté de contresigner cet acte inconstitutionnel. Par
ailleurs, en cas de proposition de révision, les assemblées peuvent s’allier du peuple pour imposer
au président de la République une révision dontil ne voudrait pas. La C° prévoit en effet que le
président est tenu d’organiser un référendum (“ la révision est définitivie après avoir été
approuvée par référendum ”).
En pratique, le peuple a été consulté seulement 1 fois (réforme du quinquennant en 2000) sur les 24
révisions adoptées depuis 1958.
Titre 2
Le système de sources issus de la Constitution : la Constitution
comme norme fondamentale
Chapitre 1 La Constitution : source de droits et libertés fondamentaux
Section 1 : La fonction des droits fondamentaux dans un Etat de droit
Revenons à la définition de l’Etat de droit dont la Constitution est censée assurer l’effectivité.
Nous avions défini l’Etat de droit comme étant le principe par lequel la société organise sa
soumission à un ordre juridique applicable à l’ensemble de ses sujets, y compris (et avant tout) aux
détenteurs du pouvoir politique. L’aboutissement de l’Etat de droit réside dans la réalisation d’un
“ ordre juridique dans lequel le respect du Droit est réellement garanti aux sujets de droit,
notamment contre l’arbitraire ” (cf Vocabulaire juridique, PUF, G. Cornu (dir.).
C’est précisément l’une des fonctions premières de la Constitution, à côté de l’aménagement de la
séparation des pouvoirs, d’assurer la sauvergarde d’un certain nombre de droits et libertés
fondamentaux au profit des citoyens.
Il est tout à fait remarquable que la DDHC de 1789, premier texte à consacrer l’existence de droits
fondamentaux, ait précédé l’adoption de la 1ère Constitution française de 1791, qui organise la
séparation des pouvoirs.
L’Etat de droit a bien pour fonction, historiquement du moins, de limiter la puissance de l’Etat ; et
la consécration par la Constitution d’un catalogue de droits qui s’impose comme une limite
que les gouvernants doivent respecter dans l’exercice de leurs compétences va dans ce sens.
Comme l’a défini par exemple G. Lebreton (Libertés publiques et droits de l’homme, Armand
Colin, p. 24), “ l’Etat de droit est l’Etat qui, étant à la fois esclave et protecteur des libertés, tire sa
légitimité de son aptitude à les développer, et à s’y soumettre . Pour que cette “ mission soumission ” caractéristique de l’Etat soit menée à bien, deux conditions doivent être réunies :
Il faut :
→ d’une part que l’action des gouvernants soit enserrée dans une hiréarchie des normes, au
sommet de laquelle figure la déclaration des droits,
→ d’autre part que les juges soient suffisamment indépendants pour en sanctionner la
méconnaissance ”.
Section 2 : La protection des droits fondamentaux en France
Ce que nous allons voir maintenant, c’est précisément comment, en France, le juge a été amené à
assurer l’effectivité des droits fondamentaux, en allant au-delà des prescriptions (sommaires)
prévues à ce sujet dans le texte-même de la Constitution de 1958.
§1 Les lacunes de la Constitution de 1958
Le texte même de la Constitution de 1958 est plutôt laconique en matière de droits et libertés
fondamentaux.
On trouvera quelques articles épars, tels que :
 l’article 1 (principe de laïcité, liberté de conscience, principe d’égalité et de non
discrimination à raison de l’origine, de la race ou de la religion) ;
 l’article 3 (droits civiques) ;
 l’article 4 (liberté de constitution des partis politiques) ;
 l’article 64 (indépendance de la magistrature) ;
 l’article 66 (liberté individuelle et protection par l’autorité judiciaire).
La Constitution de 1958 comporte bien une référence aux droits de l’Homme tels qu’ils ont été
définis dans la DDHC de 1789 mais cette référence figure seulement dans le préambule de la C°.
D’après le préambule :
“ le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux
principes de la souveraineté tels qu’ils ont éét définis par la Déclaration de 1789, confirmée et
complétée par le préambule de la C° de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte
de l’environnement ” (cette dernière portion de phrase a été rajoutée suite à la loi constitutionnelle
de 2005).
Or la valeur juridique du préambule fut une question discutée suite à l’entrée en vigueur de la C° de
1958. Certains auteurs défendaient l’idée que le préambule ne pouvait être avoir de force
juridiquement contraignante: il ne consacrerait que des principes à caractère philosophique ou
politique.
Le Conseil constitutionnel a mis un terme à ce débat en jugeant que le préambule de la C° de 1958
avait la même valeur que le texte de la C° , hissant du même coup les droits et libertés mentionnés
dans le préambule au rang le plus élevé des normes juridiques....C’est ce que nous allons voir plus
en détail dans le § suivant.
§2 L’oeuvre du Conseil constitutionnel : le “ bloc de constitutionnalité ”
La création du “ bloc de constitutionnalité ” est le fait d’une décision fondatrice et fondamentale
pour le droit constitutionnel moderne français : la décision du 16 juillet 1971 (Liberté
d’association). Dans cette décision, le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur la
constitutionnalité d’un texte de loi qui limitait la liberté d’association en assortissant la création des
associations au respect d’un certain nombre de conditions. Le Conseil constitutionnel a censuré la
loi au motif qu’elle violait le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR)
selon lequel les associations se constituent librement sans autorisation préalable, même émanant de
l’autorité judiciaire.
Or ces PFRLR ( principes fondamentaux reconnus par les lois de la République) se trouvent non
dans le texte de la C° de 1958 mais dans le préambule de la C° de 1946 (cf fin de la dernière phrase
du 1er § du préambule de 1946).
C’est parce que le préambule de la C° de 1958 renvoie au préambule de la C° de 1946 que le
Conseil constitutionnel a pu se fonder sur l’existence des PFRLR pour annuler une loi qui ne
respecterait pas ces deniers.
Implicitement, le Conseil constitutionnel a donc donné une pleine valeur constitutionnelle au
préambule de la C° de 1958. Il s’est d’ailleurs référé (dans les “ visas ” de cette décision) au
préambule de la C° de 1958.
Au texte même de la C° de 1958, il convient donc désormais d’ajouter les éléments suivants, tirés
du préambule de 1958, qui a une valeur constitutionnelle :
 La DDHC de l789 ;
 Le préambule de la C° de 1946, lequel contient les éléments suivants :
 les PFRLR
 les PPNT (principes nécessaires à notre temps, cf §2 du préambule, en fait des droits
économiques et sociaux
 la charte de l’environnement de 2004 (une loi constitutionnelle de 2005 a ajouté une
référence à cette charte dans le préambule de la C° de 1958, pour lui conférer une valeur
constitutionnelle).
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