Le Pouvoir constituant.

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Chapitre 2 : Le Pouvoir constituant.
Cette expression ne se retrouve dans aucun manuel moderne.
Le pouvoir constituant est une expression ambigüe car il est tantôt un organe tantôt une fonction.
On ajoute souvent une adjonction épithète au pouvoir constituant.
Pouvoir constituant originaire.
Pouvoir constituant dérivé.
Pouvoir constituant institué
Le pouvoir constituant sera toute autorité ou tout processus de qui il émane ou dont il résulte une
constitution voire des normes constitutionnelles.
Quand élabore-t-on une constitution ?
Il y a une réponse formelle : il y a constitution lorsque l’on dit que l’on en forme une.
Lorsque l’on aboutit à la constitution de 1958 car formellement on l’a datée, promulguée…
En droit on ne peut ni négliger ni oublier l’aspect formel. Il faut le dépasser par l’aspect matériel.
Section 1 : L’élaboration des constitutions.
L’élaboration des constitutions repose sur un concept : le pouvoir constituant est le pouvoir
constituant originel.
Le pouvoir constituant est un pouvoir de fait : le droit existe parce qu’il nait de la constitution.
§1 La notion de pouvoir constituant originaire.
Elle a été bâtie lorsque l’on a cherché à dissocier le premier pouvoir constituant (originaire) du
pouvoir constituant dérivé et institué.
Dans l’histoire de la pensée constitutionnelle française : c’est l’été 1940.
Roger Bonnard théoricien de la Révolution nationale.
Son idée : en 1940 on n’a pas révisé la constitution de 1875, on a créé une nouvelle constitution, un
nouvel ordre constitutionnel.
Fondamentalement ce pouvoir constituant originaire est une notion sulfureuse permettant de
légitimer des changements de nature révolutionnaire.
Filiation intellectuelle entre Roger Bonnard et Karl Schmitt (exacte antithèse de Kelsen : il est juriste
ayant fait carrière chez les nazis).
Cette idée de pouvoir originaire permet de caractériser l’établissement d’un nouvel ordre
constitutionnel.
Ce pouvoir sert à établir une nouvelle constitution.
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A) Le moment.
1) Création de l’Etat.
On considère que l’on a une nouvelle constitution quand il y a création d’un nouvel Etat.
Dans l’hypothèse de la révolution : le changement d’ordre constitutionnel est un changement
interdit mais réussi.
Il y a eu de nombreuses créations d’Etats entre le XVII et le XXème siècle.
La première constitution écrite d’Europe : la Pologne en 1791.
Constitutions des pays d’Afrique noire lors de la décolonisation.
Dans les pays d’Europe centrale et orientale : constitutions récentes (moment où ces Etats accèdent
vraiment à l’indépendance).
A la chute du mur : passage d’une souveraineté limitée (Brejnev) à la souveraineté pleine.
Indépendance ethnique : exemples du Monténégro et du Kosovo.
2) Révolution et révision totale.
Une révolution n’est pas nécessairement un moment de violence exacerbé.
En revanche une révolution est toujours un changement d’ordre constitutionnel.
C’est d’abord un changement de légalité.
La révolution est un coup d’Etat réussi : une prise de pouvoir illégale (au regard de l’ordre en vigueur)
mais qui aboutit à un changement de cet ordre : il peut même aboutir à un changement de
souverain.
La Révolution française : elle est le 17 juin 1789.
Lorsque les Etats-généraux s’ouvrent en mai : on a les trois ordres (Clergé, Noblesse et Tiers-Etat).
Le Vote était par ordre.
Le 17juin 1789 : le tiers-état décide qu’il devient assemblée nationale.
20 juin : serment du jeu de paumes.
Le 17 juin devient un coup d’Etat réussi car le roi finit pas accepter.
Le 9 juillet cette assemblée se déclare constituante.
S’il y a révolution réussie il y a une nouvelle constitution.
S’il y a nouvelle constitution c’est qu’il y a eu révolution.
La Révision totale est une hypothèse dans laquelle le changement d’ordre constitutionnel se fait sans
qu’il ait été prohibé.
Généralement chaque ordre constitutionnel interdit qu’on le remplace.
Pour beaucoup d’auteurs le pouvoir constituant originaire est toujours révolutionnaire.
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B) La portée.
1) Le caractère intrinsèquement illimité.
S’il y a pouvoir constituant originaire c’est qu’on a renversé en principe l’ordre ancien.
Idée de base : on est normalement dans le vide constitutionnel.
Puisque tout est à construire le pouvoir constituant originaire est normalement illimité.
Ce n’est pas parce qu’un pouvoir est pas essence illimité que son exercice sera illimité.
Cas dans l’hypothèse de la révolution : par exemple en 1830 pendant la révolution précédant la
monarchie de juillet.
La constitution de 1830 (la charte de 1830) change l’esprit de la constitution précédente (charte de
1814 avec Louis XVIII).
Pour savoir si l’on change de constitution on ne peut se contenter de comparer les textes : deux
textes peuvent sembler identique pourtant il y a eu changement.
2) Le caractère normalement non institué.
En principe le Pouvoir constituant originaire n’est pas institué car il s’est auto-investi.
Il n’a pas été habilité par autrui (exemple de l’assemblée nationale constituante du 9 juillet 1789).
On dit que le Pouvoir constituant originaire est différent du pouvoir constitutionnel dérivé.
Il arrive qu’un organe se voit confié le Pouvoir constituant originaire (la fonction d’établir une
nouvelle constitution).
Il y a donc parfois des Pouvoirs constituants originaires en tant que fonction et d’autres en tant
qu’organe.
On peut donc être à la fois originaire et institué.
Cela correspond à l’hypothèse de la révolution totale ou à celle de la transition constitutionnelle.
Par exemple en Afrique du Sud : constitution temporaire de 1993 qui constitue une assemblée
constituante.
Cela s’est produit en France : entre la constitution de 58 et de 46 il y a une période temporaire : la LC
du 3 juin 1958.
Période intérimaire entre 45 et 46.
Et troisième exemple LC du 10 juillet 1940.
Ce sont des « pré-constitutions ».
§2 La mise en œuvre du pouvoir constituant originaire.
Il y a mise en œuvre du pouvoir constituant originaire lorsqu’il y a nouvelle constitution.
Le concept d’établissement en droit a 2 significations.
Etablissement au sens pratique : construction.
Il y a une seconde signification : l’acte d’établir.
L’établissement en droit est également l’acte final.
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A) Les formules non démocratiques.
Première hypothèse : le maquillage (manipulation des urnes).
Seconde hypothèse : lorsque l’on exclut le peuple car il n’est pas souverain (l’ordre constitutionnel
n’est pas démocratique).
1) L’octroi.
Hypothèse dans laquelle le peuple n’est pas souverain.
Le peuple est exclut en droit.
Soit dans une logique de souveraineté nationale ou souveraineté du prince.
Episode de la charte de 1814.
Louis XVIII reprend le pouvoir
La Charte du 4 juin 1814 est datée de la 19ème année du règne de Louis XVIII (car il est roi depuis la
mort de Louis XVII).
Il applique la loi de l’ancien régime.
L’octroi est la liberté que le souverain a la bonté d’accorder à ses sujets.
2) Le maquillage.
Ce sont les cas dans lesquels le peuple est souverain en droit mais exclut en fait.
Ce sont toutes les hypothèses où le peuple est souverain en droit mais il n’est pas concevable que
son accord ne soit pas donné (il n’est pas imaginable que le peuple refuse).
Episodes bonapartistes : référendums à chaque changement.
Référendum en 1802 pour le consulat à vie.
Référendum pour le passage à l’empire en 1804.
Le peuple était d’accord.
Cependant ce n’est pas parce qu’il y a gain avec une forte majorité qu’il y a maquillage.
On a souvent assimilé référendum au sens noble (scrutin démocratique) au plébiscite au sens
péjoratif (vote orienté).
B) Les solutions démocratiques.
Ce sont les idées selon lesquelles le peuple va décider.
Trois solutions.
Démocratie directe, représentative.
Démocratie représentative.
Démocratie « électronique » : par exemple lors de la constitution européenne les citoyens étaient
amenés à donner leur avis par internet.
1) L’élection d’une assemblée constituante.
L’élection d’une assemblée constituante n’a pas toujours été le cas. Elle s’est plutôt très souvent
déclarée constituante.
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En octobre 1945 on a demandé aux français s’ils voulaient une assemblée constituante.
En 1789 l’assemblée se déclare constituante.
En 1792 on élit une Convention (assemblée constituante).
L’idée serait qu’il faut des professionnels pour faire ce texte.
En 1958 on a rompu avec la tradition française républicaine de l’élaboration par une assemblée.
Seconde solution démocratique : approbation par le peuple.
C’est le référendum constituant.
C’est l’apport du gaullisme constitutionnel.
De Gaulle organise le référendum en 1945.
2) L’approbation par le peuple.
L’idéal serait que les solutions soient cumulées : l’approbation populaire du texte d’une assemblée.
C’est la situation de la constitution de 1946.
Juridiquement puisqu’il y a référendum c’est toujours le peuple l’auteur de la constitution. L’auteur
n’est pas nécessairement le rédacteur mais lorsque l’on parle de l’intention de l’auteur on pense au
rédacteur.
L’évidence démocratique a pour preuve la constitution européenne de 2005.
Chirac a décidé le référendum au nom de l’idéal démocratique.
Section 2 : la modification des constitutions.
C’est la différence entre changer la constitution (pouvoir constituant dérivé) et changer de
constitution (pouvoir constituant originaire).
Critère matériel : à partir de quel moment on passe de l’exercice du pouvoir constituant dérivé à la
mise en œuvre d’un pouvoir constituant originaire ?
§1 La révision constitutionnelle (formelle).
En droit, révision formelle : c’est un pléonasme.
A) L’organe : le pouvoir constituant institué.
Il y a une essence du pouvoir constituant institué.
C’est l’idée selon laquelle un organe (le pouvoir constituant institué) doit avoir le monopole des
modifications formelles de la constitution.
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1) La rigidité constitutionnelle.
Cette idée couvre 2 concepts.
Première idée : la règle constitutionnelle relève d’un niveau différent du quotidien des acteurs.
Il doit y avoir une distinction entre le niveau de la loi constitutionnelle et le niveau de la loi ordinaire.
Les constitutions (sauf en Angleterre) sont toutes rigides du moment qu’il y a une procédure
différente pour faire des lois ordinaires et des lois constitutionnelles.
Si le parlement (idée anglaise) est souverain il peut voter des lois ordinaires et des lois
constitutionnelles.
Les constitutions peuvent être plus ou moins rigides.
C’est selon le degré de difficulté de révision de la constitution.
Par exemple la première constitution de 1791 était extrêmement rigide : il fallait que l’assemblée et
le roi soit d’accord et qu’il faille 3 législatures successives pour valider.
2) La forme des pouvoirs constituants institués.
Forme au sens courant.
Le peuple lorsqu’il est soumis à un référendum modifiant la constitution est pouvoir constituant
institué.
Le congrès est également pouvoir constituant institué.
La forme en droit est tout ce qui n’est pas le fond.
En droit la forme englobe notamment tout ce qui est procédure et tout ce qui est temps.
B) La fonction : le pouvoir constituant dérivé.
C’est le pouvoir constituant dérivé : le pouvoir (la compétence) de révision.
Par définition il est incompatible avec le pouvoir constituant originaire.
Quand bascule-t-on de l’un vers l’autre ?
Lorsque l’on s’attaque à une prohibition.
Il y a toujours un seuil qui fait que l’on passe du pouvoir constituant dérivé au pouvoir constituant
originaire.
Il y a toujours des limites matérielles au pouvoir constituant dérivé, si l’on en sort on glisse vers le
pouvoir constituant originaire.
Peut-on juridiquement en sortir si ces limites sont des interdictions ? Que valent-elles ?
1) L’existence de limites matérielles au pouvoir constituant.
Les limites matérielles : elles sont de trois ordres.
Il y a des limites écrites : Dans la constitution par exemple, la forme républicaine du gouvernement
ne peut faire l’objet d’une révision.
Pour certains cela interdit seulement le retour à la monarchie, pour d’autres cela va plus loin.
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Les limites implicites : par exemple dans une constitution fédérale où cela n’est pas écrit le
fédéralisme est au moins une limite implicite. La structure de l’Etat est inaccessible au pouvoir
constituant dérivé.
Les Limites logiques : elles ne sont pas forcément des prohibitions.
2) La valeur de la prohibition.
Dans la tradition française : ce sont des barrières de papier. La limite est purement politique, on peut
réformer la règle qui interdit de …
Dans la tradition allemande : les limites sont juridiques. On peut contrôler la loi constitutionnelle
elle-même.
§2 les « révisions » constitutionnelles informelles.
Il s’agit des hypothèses dans lesquelles le sens des textes change sans que la lettre ne soit modifiée.
Informelle car il n’y a aucune réécriture.
Droit et droit écrit sont-ils synonymes ?
Une décision de justice est du droit écrit mais pas codifié.
A) Interprétations et précisions jurisprudentielles.
1) La fonction créatrice du juge.
L’écrit n’est jamais parfaitement clair.
Le juge doit choisir, l’interprétation est un choix.
La décision de la peine de mort aux Etats-Unis est décidée par la Cour suprême.
Le statut pénal du président de la république française est réglé par la LC du 23 février 2007 s’est
contenté de codifier la position du conseil constitutionnel et de la cour de cassation.
La fonction créatrice du juge est contestable.
Dans la culture française (depuis la révolution), le juge est là pour appliquer les textes.
La révolution a été faite notamment pour que les juges ne créent plus de droit.
Montesquieu : le juge en France n’est que « la bouche de la loi ».
2) La portée des décisions du juge.
Cette portée est source de crainte chez beaucoup : « le gouvernement des juges » est craint.
(La politique de New deal a été dans le passé au départ barrée par la Cour suprême au nom du pacte
fondateur américain).
Le juge exerce sa mission en disant si cela est interdit ou non par la constitution.
Il y a crainte si l’on voit ce pouvoir appliquer la constitution et en plus interpréter (le juge fait le
« travail de policier ET de législateur »).
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B) Coutume et conventions constitutionnelles.
Quel est l’impact de la pratique sur le droit ? Est-ce du droit ?
La doctrine majoritaire considère que puisque c’est de la pratique, ce n’est pas du droit.
Pour beaucoup de juristes aujourd’hui, la distinction entre coutume et convention n’est pas
évidente.
1) La notion de coutume.
La coutume est un vrai concept ayant une définition : c’est un usage ancien dont on a le sentiment
qu’il est obligatoire.
Il y a donc toujours un élément matériel et un élément psychologique.
Le sentiment d’obligation est un élément psychologique : opinio juris.
Coutume = usage répété, constance, clarté.
En droit constitutionnel il n’y a pas de coutume.
Dans la doctrine classique le droit constitutionnel est écrit.
En vérité la coutume existe.
Exemple : le président du conseil n’est apparu dans les textes qu’en 1934 alors qu’il existait depuis un
siècle.
Lorsqu’il y a des élections nationales le gouvernement en France démissionne, même si sa famille
politique a gagné.
Un gouvernement renversé expédie les affaires courantes (interdiction de prendre de grandes
décisions).
Cela n’est écrit nulle part. C’est ce que le conseil d’Etat appelle la tradition républicaine.
En droit français la tradition républicaine couvre parfois de véritables coutumes.
La tradition républicaine n’est pas reçue par tous les juges même en France.
Le conseil constitutionnel ne veut pas en entendre parler : on peut seulement invoquer devant le
conseil constitutionnel les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république (PFRLR).
2) La notion de convention.
A l’origine la convention est un concept anglais sachant que dans le système anglais il s’agit de règles
purement politiques (morales).
Dans l’analyse anglaise est du droit ce que le juge sanctionne or le juge refuse de faire respecter des
conventions.
DICEY, auteur anglais XIX-XXème.
Les conventions sont des règles politiques sur les pouvoirs des acteurs.
Elles sont liées à leur nécessité et doivent donc être respectées.
Ce qui fonde la convention c’est le fait qu’elle soit nécessaire (elle n’a pas besoin d’être ancienne à la
différence de la coutume).
Le danger de la convention c’est que la nécessité fasse loi.
Par exemple il existe des conventions qui règlent la question de la cohabitation. Quand il y a
cohabitation il faut deux sièges alors que quand il n’y a pas cohabitation il n’y a qu’un seul siège.
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La convention n’est jamais invocable devant le juge alors que la coutume peut l’être.
La convention est-elle du droit ?
C’est une question de philosophie du droit voire de philosophie politique.
Exemple de roosevelet ayant fait 4 mandats ayant brisé la convention de Georges washington de
faire 2 mandats. Il a donc fallu ensuite écrire le droit.
Le problème de la convention est double.
Il y a des conventions qui se contentent de compléter le texte. Il y en a d’autres qui sont clairement
contraires aux textes.
Est-ce que la convention contraire est droit ?
Mais la convention est obligatoire que tant qu’elle est respectée. La convention est effacée dès
qu’elle est violée à la différence de la loi.
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