MUSIQUE
Dobet Gnahoré
Il était une fois, à Abidjan, une communauté nommée Village Ki-Yi où tous les habitants étaient artistes.
Ils y créaient et diffusaient leur théâtre, leurs musiques, leur danse, leurs peintures. Couvert de feuillage
de manguiers, de palmiers, de bananiers ou d’arbres de la forêt, du haut de sa plate-forme, le village
dominait la cité U du quartier de la Riviera 2 d’Abidjan.
Un jeudi soir, affalé dans son fauteuil, un père dudit village savourait pudiquement les joies du retour au
bercail, après une longue tournée au Québec. Le tohu-bohu des retrouvailles qui couvrait le séjour des
Gnahoré fut soudain traversé par la voix pubère de sa fille aînée qui avait alors douze ans. Une voix
haut perchée, couleur chagrinée, le timbre clair, un ton à la fois séducteur, suppliant, autoritaire. Un jeu
espiègle soutenu par la ferme résolution d’obtenir gain de cause. « Papa, je ne veux plus aller à l’école.
Je veux rester au Village comme toi » et le père de répondre : « Mais ça va, on ne s’énerve pas, calme-
toi. Y’a pas besoin de crier comme si tu faisais palabre » L’institutrice de l’école primaire publique du
quartier ne verra plus la fille aînée de M. Gnahoré. Elle avait choisi l’école du Village Ki-Yi.
Ce n’est pas un conte de la brousse. C’est l’histoire de Dobet, fille de Boni Gnahoré, maître tambour,
comédien, chanteur, membre fondateur de ce village artistique aux valeurs panafricanistes affirmées et
revendiquées par sa directrice, Wéré Wéré Liking.
Dobet y grandira en apprenant les arts de la scène avec ses camarades aux côtés de tous les habitants
du village : théâtre, danse, percussions, chant.
Un matin de 1996, sac à dos et guitare en bandoulière, arrive un jeune Français, Colin Laroche de
Féline, en quête de cultures du monde. Venu pour 3 mois, il restera 3 ans, fasciné par le choix de vie si
particulier de cette micro communauté artistique autogérée.
Dobet et Colin se lient par l’art et par le cœur, pour le meilleur et pour le plus casse-tête. Les soirs de
clair de lune, sous le feuillage de la cour familiale, sur les accords de guitare acoustique de Colin, Dobet
improvise de tendres mélodies ainsi que des chants inquisiteurs et dénonciateurs. Les compositions
s’amoncellent et les résultats suscitent l’intérêt de tout le Village, mais aussi des grands frères, Ray
Lema et Lokua Kanza, qui passent régulièrement par là.
De cette union musicale naît le duo « Ano Neko » (« Créons ensemble » en dida) qui, de retour en
France, se produit une centaine de fois sur scène. En 2003, Contre-Jour Belgique se joint à l’aventure,
recentre le projet artistique sous le nom de Dobet Gnahoré et produit, dans la foulée, un premier album
intitulé « Ano Neko » qui fait le lien avec leur histoire récente (CJ014). Dobet et Colin s’entourent d’un
choriste bassiste, Nabil Mehrezi, et d’un percussionniste, Laurent Rigaud, pour effectuer un véritable
tour du monde qui les voit défendre cet opus en concert à plus de 220 reprises de mars 2004 à
novembre 2006.
Mardi 17 avril à l’Institut Français d’Haïti
Jeudi 19 avril au Rex Théâtre
Trois ans après « Ano Neko », voici « Na Afriki », consacré au regard que Dobet Gnahoré porte sur son
Afrique. La chanteuse y parle librement de l’amour, de la mort et de la place - et de l’exploitation - de la
femme et des enfants dans la société africaine d’aujourd’hui, avec, en fil rouge lancinant, son credo : les
ressources que l’Afrique doit trouver par elle-même, en elle-même. Avec « Na Afriki », Dobet présente
un album aux sonorités et aux rythmes panafricains variés, interprété dans différentes langues... Un
bien bel ouvrage !