Histoire des relations internationales Introduction: Définitions: En

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Histoire des relations internationales
Introduction:
Définitions:
En matière de relations internationales, on a tendance à utiliser à tort et à travers le terme "diplomatie". En réalité, il
ne s'agit que des négociations qui précèdent le recours à la force armée.
Un traité est un document signé par les gouvernements ET les Parlements. Il ne faut pas les confondre avec les
accords, qui n'impliquent que les diplomates et ne peuvent être considérés comme engageant l'Etat dans son
ensemble.
La géostratégie est l'étude des forces en présence, qui ne peut se passer d'une analyse géographique, incontournable
dans la définition d'une stratégie. Il serait inapproprié, par exemple, d'inclure le Royaume-Uni dans des calculs
stratégiques sans tenir compte de sa condition d'île, ce qui fût néanmoins fait à plusieurs reprises dans l'Histoire.
L'histoire des relations internationales représente l'étude des rapports, pacifiques ou belliqueux, entre les nations..
D'après Duroselle, tous les paramètres sont à prendre en compte dans cette discipline, car les schémas pré-établis
peuvent se trouver faussés sur le long terme (cf. l'Entente cordiale, après pourtant 6 siècles de rapports franco-anglais
conflictuels).
L'idée de droit international remonte à Grotius, qui écrit en 1625 "De la guerre et de la paix".
La Charte de l'ONU en est l'illustration la plus aboutie en date.
Typologie de la guerre et de la paix:
Il existe 5 types de guerres internationales:
-la guerre d'apocalypse (destruction totale de l'homme, dont l'exemple en date est la nucléarisation du Japon
en 1945). Si on l'a un temps crue écartée, l'apparition de nouvelles idéologies destructrices et la vulgarisation des
moyens à fort pouvoir de destruction doivent conduire à s'en méfier.
-la guerre totale, définie par Clausewitz, qui implique toutes les forces d'un Etat tant que l'armée ennemie
n'est pas détruite.
-les guerres de conquête ("les frontières sont les lignes isobares de la puissance", Fouché), qui servent à
étal(onn)er la puissance militaire.
-les guerres de faible intensité, où l'enjeu est secondaire pour les belligérants, ou le rapport de forces trop
déséquilibré pour conduire à un désastre. Les conflits périphériques de la guerre froide ou les guerres coloniales en
sont des exemples.
-les guerres de harcèlement, que mènent ordinairement les guérillas.
On reconnaît généralement 4 types de paix:
-par l'empire unique (Egypte des Pharaons, empire espagnol, "Rule britannia", Chine Han), où un empire
hégémonique impose ses vues aux autres Etats.
-par l'équilibre des puissances, où l'on rebat les cartes après un conflit afin de redéfinir les équilibres
géostratégiques. Le traité de Westphalie ou les conclusions de Vienne en sont des exemples, où l'on brisa la
puissance dominante en Europe.
-la sécurité collective, prônée par Wilson. Une organisation politique internationale respectée de tous y est
nécessaire. Versailles l'a ébauchée, San Francisco l'a poursuivie, reste à la parachever...
A/ L'Europe des rois (1815-1848)
1. Le congrès de Vienne
Entre 1814 et 1815, une fois Napoléon Ier vaincu, on se réunit à Vienne pour redessiner la carte de l'Europe. On
assiste davantage à une succession de festivités très mondaines qu'à une véritable conférence diplomatique dans la
capitale autrichienne, d'où la caricature "le congrès s'amuse".
Les têtes couronnées d'Europe se réjouissent surtout de la victoire sur la France bonapartienne.
Le Premier ministre britannique, Castlereag, profitant de la folie du roi Georges III, est le véritable maître de son
pays et ne se prive pas de øô faire savoir. De la même manière, Alexandre Ier étale sa puissance. Le tsar de toutes les
Russies (en y incluant la Biélorussie et l'Ukraine) est le principal vainqueur et le fait savoir. Le chancelier autrichien
Metternich manoeuvre de son côté pour devenir l'arbitre de l'Europe.
Les congressistes redessinent la carte de l'Europe en vue de la rééquilibrer selon le principe "Un Etat, un souverain".
La France perd l'essentiel des gains réalisés depuis 1792. Néanmoins, on ne peut effacer les marques durables de
l'époque napoléonienne, parmi lesquelles le Code civil, mais surtout le réveil des nationalismes, que ce soit contre la
France (en Allemagne et Italie) ou pour elle (en Pologne et Illyrie).
1. La France au ban des nations
A. Un pays exsangue
La France sort d'un quart de siècle de guerres quasiment incessantes. Elle a perdu plus d'un million de morts sur les
champs de batailles, a vu sa façade atlantique ruinée par le blocus, ses finances mises à mal par la guerre.
Il s'y ajoute une occupation très dure. La France est condamnée à verser 700 millions de francs-or et à subir
l'occupation de 58 départements en attendant le versement de cette somme. Un million de soldats prussiens,
autrichiens et russes occupent le sol français et s'y livrent à de nombreuses exactions.
B. Des frontières amputées
Les choses auraient pu se passer convenablement pour la France par rapport à la diabolisation dont elle est l'objet à
Vienne.
Le 30 mai 1814, le traité de Paris met en lumière le rôle de Talleyrand joué à Vienne. Ministre des Affaires
étrangères de Louis XVIII, il se rend à Vienne sans invitation et invite sur ses fonds personnels les monarques
européens à de somptueux dîners préparés par son cuisinier Augustin Carême, ce qui permet d'infléchir quelque peu
la position de ceux-ci vis-à-vis de la France.
En y ajoutant son talent personnel de négociateur, Talleyrand parvient à faire admettre le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes. Il obtient le maintien du comtat Venaissin en France, de même que Mulhouse, Montbéliard ainsi
qu'une partie de la Sarre. Il sauve également l'indépendance de la Saxe, menacée en raison de son soutien à la France
durant les guerres napoléoniennes.
Les Cent-jours remettent en cause ce sauvetage. Le second traité de Paris est bien plus dur, puisqu'il revient sur les
positions sauvées par Talleyrand, supprime la Sarre, la Savoie Chambéry et Genève, ce qui s'assortit de la destruction
de la ligne Vauban et de la fin du monopole du français comme langue des traités. De plus, le traité d'Aix-laChapelle met en place la quadruple-alliance (Prusse, Autriche, Royaume-Uni, Russie) contre la France.
2. La loi des vainqueurs
A. La thalassocratie birtannique
Le Royaume-Uni, traumatisé par l'épisode d'Hastings, a depuis pour priorité de ne plus le revivre.
En conséquence, il importe de mettre hors d'état toute puissance continentale de dominer l'Europe et d'être en mesure
de le menacer. Au coeur de cette stratégie, Anvers, proche de Londres et ouvert sur l'hinterland européen. Si
d'aventure une puissance y met la main, elle devient automatiquement l'ennemi du Royaume-Uni. L'Espagne, la
France, l'Allemagne ont tout à tour endossé ce rôle.
La perfide Albion profite de sa position de force pour avancer ses pions: elle obtient Helgoland et la fortifie. Les
Britanniques démembrent également l'empire français dans l'océan indien et aux Antilles, annexent Le Cap, Ceylan,
Malte, s'implantent au Koweit et à Singapour. Le "rule britannia" se profile.
On cherche aussi à isoler la France, en créant un royaume des Pays-Bas puissant sur son flanc septentrional. On
ajoute la Belgique et le Luxembourg aux Pays-Bas. La Suisse devient neutre.
Le Piémont est agrandi de la Savoie et de Gênes pour contenir la France sur son Sud-Est.
Le dernier volet de la politique britannique à Vienne consiste à lutter contre la piraterie et les négriers. A Vienne, on
interdit la traite et les grandes puissances signent des accords pour éradiquer les pirates, ce qui sera accompli vers
1860.
B. La grande Russie
Alexandre Ier considère les peuples comme des lots à prendre. Le tsar pousse à la création de la Sainte-Alliance pour
consacrer le statut de puissance continentale dominante que revendique la Russie. L'éphémère duché de Varsovie
créé par Napoléon Ier retombe aux mains des Russes pour ses 2/3.
La Finlande est prise à la Suède et donnée à la Russie, en raison du soutien initial des Suédois aux Français. En
retour, la Suède reçoit la Norvège pour son rôle à Leipzig. La Norvège est pour sa part prise au Danemark, qui avait
soutenu la France suite au raid britannique sur Copenhague. Cependant, la déclaration de guerre danoise in extremis
à la France lui vaut les duchés du Schleswig et de l'Holstein.
C. Le doublement de la Prusse
La Prusse revient de loin. Elle avait subi l'un des pires désastres militaires de l'Histoire à la double bataille d'Iena et
d'Auerstedt et signé dans la foulée une paix désastreuse. Il en résulte un revanchisme que les discours de Fichte
attisent. Ayant réarmé et tenu un rôle décisif à Leipzig puis à Waterloo, la Prusse signe quelques années plus tard un
retour fracassant sur la scène internationale, et obtient la Poméranie et la Ruhr en plus de la reconstitution de ses
frontières pré-guerres napoléoniennes.
D. L'Autriche de Metternich
Fin diplomate, Metternich avait dû jouer serré avec la France napoléonienne,devant notamment fournir une épouse à
l'empereur. Il reste chancelier jusqu'en 1848 et tisse une Europe originale, fondée sur la dénégation complète des
nationalités au profit de l'équilibre des puissances. Pour éviter que la Prusse ne prenne trop d'ampleur, il maintient
une Bavière indépendante à côté. Si l'on y ajoute l'isolement géographique de la Russie et l'affaiblissement de la
France, l'Autriche est la première puissance continentale. Pour asseoir ce statut, elle crée une officieuse
"confédération germanique", Etat fantoche dont elle se réserve le leadership, secondée par la Prusse.
Elle ôte également la Lombardie à la France, restaure les Bourbons à Naples (fusillant au passage le maréchal Murat)
et annule les départements français créés en Italie. C'est le véritable architecte de l'Europe.
2. La contestation (1822-1848)
1. Le système de Metternich
Metternich souhaite poser un système de sécurité qui étoufferait toute agitation nationaliste en Europe. Les Etats
européens se garantissent mutuellement et règleraient les conflits émergeant sur le continent.
En 1818, à Aix-la-Chapelle, la France est réintégrée au "concert des nations" en entrant dans la quadruple alliance.
En Allemagne, l'agitation demeure, avec une jeunesse estudiantine qui, imprégnée des discours de Fichte, continue
de revendiquer un Etat allemand unifié. Les troupes autrichiennes interviennent fréquemment pour éteindre les
foyers de contestation, quittd w0 traverser la Bavière.
En 1819, à Naples, la Charbonnerie fomente une action contre les Bourbons et contraint Ferdinant Ier à promulguer
une Constitution. Metternich convoque alors le congrès de Laybach, où il obtient la neutralité de ses alliés suite à sa
volonté de rétablir l'ordre à Naples, ce qui est fait.
Au Portugal, en 1820, une révolte met un terme au pouvoir absolu exercé par la régence anglaise.
Les Britanniques mettent néanmoins leur veto à toute intervention extérieure en raison de leurs liens étroits avec le
Portugal.
En 1822, une insurrection libérale aboutit en Espagne à la création des Cortes, ce qui limite fortement le pouvoir
royal. Metternich convoque un congrès à Vérone et décide de confier à la France le soin de rétablir la situation en
Espagne. Chateaubriand, ministre des Affaires étrangères, tique: cela rappelle à la France de douloureux souvenirs.
Néanmoins, l'expédition est bien commandée et se passe sans encombres, remportant la victoire du Trocadéro.
Après ces quelques années de rôdage, le système de Metternich paraît solide.
2. La renaissance grecque
Depuis 1453, la Grèce est occupée par l'empire ottoman. Cet empire tient le rôle de califat à l'époque.
Il a longtemps été tolérant envers ses minorités religieuses (chrétiennes notamment) et a accueilli les juifs expulsés
d'Espagne au XVème siècle, dont nul autre pays ne voulait.
Depuis la fin du XVIIIème siècle, il est en décadence. L'incompétence des sultans successifs se rabat sur une
radicalisation du régime (augmentation de la dhîma, tolérance religieuse amoindrie).
Les Grecs expriment à l'opposé des revendications de plus en plus marquées. Le 12 janvier 1822, une Assemblée
nationale grecque autoproclamée se réunit à Epidaure et proclame l'indépendance.
La réaction des Ottomans est virulente. Athènes est rasée, les massacres se succèdent, comme à Chio. Metternich
laisse faire, ne trouvant à la Grèce qu'un intérêt stratégique mineur, et satisfait de voir un nationalisme écrasé.
Cependant, l'opinion publique occidentale est révoltée par l'écrasement de la Grèce et le fait savoir. Les volontaires
(le plus connu étant lord Byron, qui y meurt de la fièvre jaune) affluent. La France, le Royaume-Uni et la Russie se
décident à intervenir, cette dernière ayant des vues sur les détroits. Les flottes des trois puissances se rassemblent en
baie de Navarin pour s'interposer entre la flotte ottomane et les positions grecques. Les Ottomans cannonent une
chaloupe anglaise, ce qui déclenche un feu croisé des Européens qui réduit à néant la flotte ottomane. A la suite de
l'affrontement, les Français débarquent et rentrent à Athènes. Les Russes envoient une armée en vue d'Andrinople, ce
qui pousse les Ottomans à traiter.
En février 1830, la Grèce est reconnue indépendante, mais ses frontières très restreintes ne la satisfont pas, et elle
poursuit son rêve d'Enosis.
3. Naissance de la Belgique
Le nationalisme belge est un cas unique dans l'histoire des nationalismes. L'actuelle Belgique est noyée dans le
royaume des Pays-Bas suite au congrès de Vienne. Les Belges sont traités en citoyens de seconde zone par les
Néerlandais. La langue française y est interdite, et les Belges, majoritaires au sein de la population du royaume, n'ont
qu'un seul ministre.
Les Trois glorieuses rencontrent un écho en Belgique. On donne "l'amour sacré de la patrie" à Bruxelles, ce qui
suscite une insurrection populaire où l'on scande "Faisons comme les Français!".
Le 24 septembre, la Belgique se revendique indépendante. Il reste à lui trouver un roi pour parfaire son unité. On
suggère le comte de Nemours, mais le Royaume-Uni refuse un roi français sur Anvers.
Louis-Philippe Ier nomme Talleyrand ambassadeur à Londres, avec pour charge de démêler l'affaire belge.
Talleyrand donne des festivités agrémentées d'excellents repas afin d'amadouer les Britanniques.
En novembre, il arrange la conférence de Londres et propose Leopold de Saxe-Cobourg comme roi des Belges. En
retour, il demande son mariage avec une princesse française, Louise d'Orléans, tout en faisant renoncer les Orléans à
toute prétention future sur le trône de Belgique.
En août 1831, les Néerlandais tentent de reprendre le contrôle de la Belgique. La France envoie son armée en
Belgique et enferme les Néerlandais dans Anvers, où la flotte britannique assure le blocus.
En 1832, les Néerlandais capitulent et reconnaissent la Belgique.
4. Les échecs de 1830
Le 21 octobre 1830, Varsovie se soulève et chasse les troupes russes d'occupation. Les Polonais proclament ensuite
une Diète qui restaure l'indépendance de la Pologne. Metternich, inquiet de la contagion révolutionnaire, donne son
feu vert à une intervention russe de reprise en main.
En février 1831, 170 000 soldats russes entrent en Pologne et écrasent l'insurrection dans un bain de sang, d'où la
célèbre caricature "l'ordre règne à Varsovie" montrant un Cosaque sanguinolent.
Suite à l'écrasement de Varsovie, de nombreux Polonais se réfugient en France, parmi lesquels Chopin.
En Italie, quelques soulèvements ont lieu pour l'unité italienne. Les Autrichiens interviennent à Parme, Modène,
Rome, et chassent les carbonari. Des remous comparables ont lieu en Allemagne, qui sont aisément dispersés.
5. Le printemps des peuples
En 1848, Louis-Philippe Ier est renversé, ce qui rallume la flamme révolutionnaire en Europe.
Les vieilles rancoeurs de 1830 réapparaissent.
Milan et Venise reprenant les armes contre l'Autriche, Charles-Albert Ier, roi du Piémont, prend les armes en soutien
des insurgés. Convaincu que "l'Italia se farà da sè", il estime que l'unité italienne doit se conquérir par les armes
contre l'occupant. La contre-attaque autrichienne est vigoureuse et voir le général Radeski mettre en pièces l'armée
piémontaise à Custozza et à Novare. Charles-Albert Ier est contraint d'abdiquer. Au Sud de l'Italie, Garibaldi chasse
le pape Pie IX de Rome, mais une expédition française envoyée en avril 1849 déloge les carbonari en juillet.
Les Autrichiens sont également pris sur leur flanc Est, par les Hongrois, qui sous la houlette de Lajo Kossuth, se
proclament indépendants. Occupés en Italie, ils délèguent la répression aux Russes.
Malgré un élan de sympathie en Europe occidentale, la rébellion hongroise est rapidement écrasée.
Les Russes, qui ont connu une situation stable et sorti les Autrichiens d'une mauvaise passe, se considèrent comme la
première puissance en Europe et ont d'autres visées par la suite.
B/ L'Europe des nations
1. L'Italie: deux hommes pour une unité
1. Cavour et le Risorgimento
Cavour fonde en 1847 le journal "Il Risorgimento", terme difficilement traduisibile exprimant l'idée de résurgence,
plus particulièrement de résurrection d'une Italie forte et unifiée. C'est un concept largment utilisé dans la péninsule,
particulièrement dans les milieux artistiques. Dès 1813, Rossini compose "l'Italienne à Alger", où il fait figurer
l'allégorie de l'Italie, incluant la toge, la couronne de lauriers et le drapeau vert, blanc, rouge. Des sociétés secrètes se
forment pour défendre cette idée, parmi lesquelles la Charbonnerie.
En 1848, suite à l'échec des insurrections armées et à l'abdication de Charles-Albert,
Victor-Emmanuel II monte sur le trône de Piémont-Sardaigne. Imprégné des rêves d'unité italienne, il s'entoure de
stratèges partageant ses conceptions et voue son règne à concrétiser cet idéal.
Il faut pour cela neutraliser le double obstacle de l'Autriche au Nord et des royaumes au Sud.
Né en 1810, Cavour a été élevé dans la Savoie-Chambéry, d'où un accent français récurrent.
Ayant réussi dans les milieux d'affaires, il se lance en politique via le journalisme. "Il Risorgimento" est en effet
diffusé dans toute l'Italie. Après la bataille de Novare, il monte rapidement en grade. De simple député, il devient
ministre des Finances, puis président du Conseil en 1853. Convaincu depuis 1848 que l'Italie ne se fera qu'avec une
aide extérieure, il oriente la diplomatie piémontaise vers la recherche d'un allié sûr en Europe, qui se révèle être la
France.
Il s'y ajoute le fait que Napoléon III est un ancien carbonaro. L'empereur éprouve de la sympathie à la cause de
l'unité italienne et accepte sans mal l'alliance piémontaise. De plus, la France, qui se veut de nouveau forte, cherche
un moyen de revanche sur l'Autriche.
En 1853, l'offensive franco-britannique en Crimée reçoit un soutien piémontais. Le congrès de Paris qui s'ensuit offre
un espace au Piémont, qui n'exprime aucune revendication en Europe de l'Est mais se pose en défenseur des peuples
opprimés, formule qui fait mouche auprès des opinions publiques.
Cependant, la France tarde à soutenir le Piémont en Italie. Le 8 janvier 1858, l'activiste Orsini organise un attentat à
Paris contre Napoléon III et tue 8 personnes, mais pas l'empereur. Au moment de son exécution, il rappelle à ce
dernier ses engagements vis-à-vis du Piémont. Napoléon III rencontre finalement Cavour à Plomibères au cours
d'une cure, où il accepte de garantir le Piémont et de cautionner son extension jusqu'à l'Adriatique, formule ambigüe
(pour la France, cela s'arrête à Venise ; pour le Piémont, cela comporte toute la côte), en échange de quoi la Savoie et
Nice seraient soumis à plébiscite en vue de leur rattachement à la France.
En 1859, Milan se soulève de nouveau contre l'Autriche. Le Piémont délcare la guerre à l'Autriche, soutenu par la
France. L'usage de la voie ferrée Paris-Grenoble permet une mobilisation rapide des troupes françaises, qui arrivent à
temps pour soutenir des Piémontais en difficulté. Les Français l'emportent à Montebello et Magenta, vient ensuite
l'hécatombe de Solferino, que la France remporte de justesse grâce à sa supériorité en artillerie. L'horreur des
combats convainc Henri Dunant, témoin de la scène, de fonder la Croix-Rouge.
En revanche, l'insurrection qui se déroule à Rome en parallèle ne sied pas à la France catholique, qui signe
rapidement une paix séparée avec l'Autriche. Aux termes de la paix, la France reçoit la Lombardie, qu'elle donne
immédiatement au Piémont, lequel ne se montre guère satisfait, estimant que les Français ne remplissent que très
partiellement leurs engagements.
Les plébiscites savoyard et niçois sont favorables, d'où l'incorporation en 1860 de ces territoires à la France. Menton
et Roquebrune s'étaient ralliés dès 1848.
2. Garibaldi, le héros des deux mondes
Garibaldi est né à Nice en 1807, ce qui en fait donc un Français de naissance. C'est un anti-clérical affirmé dès son
plus jeune âge, fortement influence par le saint-simonisme. Rejetant la carrière ecclésiastique à laquelle le
prédestinait son père, il embrasse la cause de l'unité italienne. Convaincu que cette idée est fermement enracinée dans
les esprits italiens, il est persuadé qu'il suffit d'une étincelle pour entraîner un mouvement de fond qui aurait raison
des obstacles à l'unité italienne. Sa rencontre avec Giuseppe Mazzini, doctrinaire de l'unité italienne à Marseille en
1833 le conforte dans son opinion. Il tente de s'emparer de la flotte piémontaise à Gênes mais le coup de force est
mis en échec et il doit prendre la fuite.
Réfugié en Amérique, Garibaldi s'exile en Amérique du Sud, à Montevideo, où il participe aux conflits pour
l'indépendance du Rio Grande, à la guerre entre l'Uruguay et l'Argentine et au siège de Montevideo, où il monte une
légion italienne: les Chemises rouges. Dès les prémices du printemps des peuples, il met le cap sur l'Italie, où il
participe à l'insurrection de Rome et proclame aux côtés de Mazzini la République romaine. Lavé de sa
condamnation à mort pour tentative de coup d'Etat, il parvient à recruter de nombreux volontaires mais est chassé de
la Ville éternelle par une expédition française commandée par le maréchal Oudinot, commandant l'expédition
française.
Après un séjour aux Etats-Unis consécutif à son échec, Garibaldi revient pour participer aux événements de 1860.
Suite aux succès militaires franco-piémontais en Italie du Nord, Cavour le mandate pour porter un coup au royaume
de Naples, qui bloque l'unification italienne au Sud. Garibaldi rassemble un millier de partisans, part de Gênes le 6
mai, débarque à Marsala le 11 avec la complaisance des Britanniques, affronte les Napolitains à Calatafimi et libère
Palerme dans une ambiance de liesse. Les milles remontent ensuite la Calabre et prennent Naples. A Teano,
Garibaldi rencontre Cavour, qui a fait traverser les Etats pontificaux aux troupes piémontaises. Il remet rapidement
ses conquêtes au roi d'Italie. Le 18 avril 1861, le congrès de Florence proclame officiellement l'indépendance
italienne. Garibaldi y reçoit une standing-ovation d'une heure.
Néanmoins, la persistance d'une autorité papale à Rome pose problème aux Italiens.
Garibaldi, en dépit de son âge, n'a pas enterré ses rêves d'unité italienne complète. Il tente en 1862 une expédition
avec l'aide de quelques volontaires contre Rome, mais les troupes françaises qui garantissent le Ville éternelle le
mettent en échec.
En 1866, l'Italie reprend les armes contre l'Autriche, cherchant à s'emparer de Venise. Elle tente de profiter de
l'affaiblissent d'Autrichiens aux prises avec la Prusse bismarckienne. Mal équipée et entraînée, la nouvelle armée
ital«*nne subit des revers. Garibaldi prend part au conflit et remporte à Bezzecca l'un des rares succès italiens. A la
bataille de Lissa, la flotte autrichienne porte un coup très rude à la marine italienne. Néanmoins, les succès militaires
prussiens profitent indirectement à l'Italie, puisque l'Autriche est contrainte de lui céder la Vénétie et le Frioul, mais
conserve Trieste, ce qui devait avoir des conséquences ultérieures importantes.
Suite à la guerre avec l'Autriche, Garibaldi tente de prendre Rome une nouvelle fois, mais est défait à Mentana par
les troupes françaises, dont "les Chassepots ont fait merveille", dira leur commandant, de Failly.
En septembre 1867, Garibaldi participe au congrès de Genève pour la paix, où il énonce un programme en 8 points
visant à instaurer une sécurité collective durable. Parmi ces points, il expose son souhait d'un Parlement mondial où
tous les peuples seraient égaux, ainsi que son rejet de l'obscurantisme et la promotion de la raison et sa volonté
d'interdire les guerres.
Ce n'est qu'avec le retrait des troupes françaises suite à l'ouverture des hostilités avec la Prusse que les Italiens
peuvent marcher sur Rome. Garibaldi ne participe pas à cette entrée, car il se met au service de la France une fois le
Second empire renversé.
A la tête d'une légion de volontaires, il participe à la bataille de Dijon, où il remporte une des rares victoires
françaises de la guerre franco-prussienne. Suite à la guerre, il est élu en février 1871 député de la Côte-d'or mais
d'Alger, de Paris et de Nice, mais houspillé par l'Assemblée conservatrice qui ne le considère pas comme français (ce
à quoi sa naissance donnerait pourtant droit), il démissionne aussitôt.
Victor Hugo, excédé, lui rend un vibrant hommage avant de remettre à son tour sa démission. Suite à son aventure
française, il se retire sur l'île de Caprera (Sardaigne), qu'il avait achetée, et y passe une retraite modeste, vivant de la
générosité des pêcheurs dont il partage les repas.
Il s'éteint en 1882, sa dépouille est transférée peu après de Caprera à Rome, contre sa volonté. Aujourd'hui encore, il
est adulé en Italie, où les discours politiques de tous bords ne manquent guère d'y faire référence. Parmi ses arrièrespetites-filles, l'une est trotskiste, l'autre fasciste, ce qui ne les empêche pas de se revendiquer toutes deux de sa
pensée.
2. La politique extérieure du Second Empire
Louis-Napoléon Bonaparte est empereur de France entre le 2 décembre 1852 et le 2 septembre 1871. C'est un
personnage fascinant, qui a été le seul à placer la France du XIXème siècle en position de puissance mondiale.
Né en 1808, c'est le troisième enfant de Louis Bonaparte, frère de Napoléon Ier et ancien roi de Hollande, et
d'Hortense de Beauharnais. Héritier légitime du trône impérial jusqu'à la naissance de l'Aiglon, en 1811. Après la
chute de l'Empire, il est élevé à Rome, où il passe une jeunesse tourmentée. En 1830, il participe à un complot contre
le pape ourdi par la Charbonnerie qui est mis en échec. Suite à cet échec, les Bonaparte sont expulsés de Rome et
s'installent en Suisse allémanique où Louis-Napoléon termine ses études (il en gardera un fort accent germanique) et
s'engage un temps dans l'armée suisse.
Cependant, il poursuit en parallèle les rêves de grandeur de son oncle. En 1836, il tente de soulever la garnison de
Strasbourg, ce qui échoue piteusement, le commandant de la place feintant un soutien au putsch avant d'enfermer
Bonaparte pendant les négociations. Libéré suite à une très courte peine, il retente un coup à Boulogne-sur-Mer 4 ans
plus tard, ce qui échoue à nouveau et se solde par une condamnation plus lourde. Il parvient à s'évader en 1846 et fait
fortune en Angleterre en ruinant une aristocrate éprise de lui.
Suite à la révolution de 1848, il rentre à Paris, puis se présente à l'élection présidentielle de la même année, où il est
élu dès le premier tour grâce à son nom et à son charisme. La Seconde République ne dure guère et il procède au
rétablissement de l'Empire le 2 décembre 1852, date anniversaire de la bataille d'Austerlitz.
Il épouse en 1853 Eugénie de Montijo, une Espagnole dont la grande foi religieuse pousse à faire arrêter
l'intervention française en Italie 6 ans plus tard. L'empereur est atteint de la maladie de la pierre, ce qui l'oblige à
prendre régulièrement les eaux, et l'oblige à un retrait graduel des affaires.
Durant le Second Empire, la modernisation de la France se fait à un rythme élevé. Marseille et Paris sont redessinées
sur le modèle haussmanien, le port de Marseille devient le plus moderne du monde, la France connaît une floraison
culturelle, le tourisme s'ébauche. En revanche, l'armée de terre est négligée, ce qui devait se payer cher.
Sur un plan diplomatique, la France aurait pu conclure une alliance solide avec le Royaume-Uni, ce que préfigurait le
traité de libre-échange de 1860 entre les deux pays. Néanmoins, les progrès de la flotte française, qui devient
probablement la meilleure d'Europe au plan qualitatif, inquiètent les Britanniques, qui préfèrent demeurer dans leur
"splendide isolement" européen et ne pas s'investir dans les affaires européennes.
1. La revanche de Vienne: de Sébastopol à Paris, puis Suez
La France du Second Empire tente de redorer son blason en Europe. Si la France de la Restauration s'y était
employée avec un certain succès, elle n'avait pas retrouvé la grandeur des années napoléoniennes.
C'est à l'Est que va se quérir la revanche de Vienne. Les velléités russes de s'étendre dans les Balkans aux dépens du
"vieil homme malade" ottoman froissent les puissances européennes, qui voient d'un mauvais oeil une Russie déja
forte s'étendre encore. Il s'y ajoute le fait que la Russie revendique un accès aux mers chaudes et se revendique
"protectrice des chrétiens d'Orient", que les Ottomans tendent à opprimer.
La guerre éclate en 1853 entre Russes et Ottomans, où les premiers prennent rapidement l'avantage, ce qui pousse à
la réaction occidentale. La France et le Royaume-Uni mènent la contre-offensive: les Britanniques ne veulent pas
d'une Russie implantée sur une mer chaude, qui menacerait leur commerce aux Indes, les Français lorgnent déja vers
Suez et ne veulent pas que la Russie contrarie leur ambition d'y creuser un canal.
En 1854, les flottes française et britannique bloquent Kronstadt et Riga (Baltique) d'une part et mettent le cap sur les
détroits turcs pour y bloquer la flotte russe, qui avait auparavant écrasé l'obsolète flotte ottomane. Les Russes tentent
également une invasion terrestre, mais l'Autriche déploie ses troupes sur le Danube, ce qui les oblige à reculer par
prudence. Les Franco-britanniques choisissent de lancer une offensive sur Sébastopol, où les forces russes sont
retranchées: le débarquement a lieu le 20 septembre 1854 sur l'Alma, où ils remportent une première victoire, dont le
zouave du pont de l'Alma à Paris témoigne de toutes les facettes (une victoire remportée près d'un fleuve à l'aide de
troupes coloniales). La suite des opérations est plus laborieuses, face à des Russes vaillants et dans des conditions
peu favorables. On estime à 7 500 le nombre de morts par maladie seule subis par les Occidentaux en Crimée. Il y a
également des carnages inutiles, notamment la charge de la brigade légère de Balaklava, où la cavalerie britannique,
employée seule, est hâchée par l'artillerie russe. Le 9 septembre 1855, les Français font assaut général sur la
forteresse Malakoff, qui contrôle Sébastopol, dont Mac-Mahon dira, à l'annonce du minage probable de la place "J'y
suis, j'y reste!". La prise de Malakoff est la première victoire relayée par télégraphe: le "Times" de Londres l'apprend
12 heures plus tard. L'accession au trône d'Alexandre II en 1856 marque un tournant de la stratégie russe: plutôt que
de poursuivre l'affrontement, le nouveau tsar préfère traiter. La France convoque dès lors le congrès de Paris, où l'on
préserve le territoire ottoman, même si on ouvre la voie à l'indépendance roumaine (d'où l'amitié franco-roumaine
qui s'ensuit). La mer Noire est également neutralisée, ce qui satisfait les Britanniques. Le Danube est quant à lui
internationalisé: il devient libre d'y naviguer mais le commerce continue d'y être taxé. La Russie est lésée par le
statut quo mais est exemptée de dommages de guerre. La France retrouve un prestige important, ce que renforce
l'exposition universelle de Paris cette même année. Elle est aussi reconnue comme protectrice des chrétiens de
l'empire ottoman.
Elle a l'occasion d'exercer cette prérogative à l'occasion des violences confessionnelles qui agitent la Syrie et le
Liban en 1860. Les druzes lancent des raids contre les chrétiens d'Orient, ce qui nécessite l'intervention française. En
réalité, ce n'est qu'au Liban que l'intervention est rendue nécessaire: à Damas, l'ancien émir kabyle Abd-el-Kader
ouvre les grilles de sa propriété aux chrétiens et s'interpose personnellement, ce qui lui vaut la Légion d'honneur.
En 1869, les Français achèvent le canal de Suez, ce qui permet de passer directement de Suez à Port-Saïd (inachevé à
l'époque) et de gagner un temps précieux dans les échanges commerciaux. Le statut du canal est calqué sur celui du
Danube, précisant qu'il doit être ouvert en tous temps, mais qu'il est interdit d'y faire feu. L'exploitation du canal est
gérée par une compagnie indépendante.
2. Sur tous les océans
La France se pense de nouveau en puissance mondiale et pousse ses feux outre-mer, s'efforçant de prendre des relais
charbonniers utiles à ses vapeurs modernes. Elle en aménage notamment un à Dakar. Il est un temps évoqué de
prendre pied aux Philippines ou en Nouvelle-Zélande, mais sans suite. Dans le Pacifique, les Français s'installent
finalement en Nouvelle-Calédonie. Auto-revendiquée protectrice de tous les catholiques, la France tire parti de la
persécution de ceux-ci en Annam pour s'implanter en Indochine dès 1859. En 1860, elle entre en guerre contre la
Chine aux côtés du Royaume-Uni, conflit qui ébranle l'empire chinois et se termine par le sac du palais d'Eté, le
"Versailles asiatique" ainsi que l'établissement de comptoirs occidentaux sur la côte chinoise.
3. L'aventure mexicaine
Aujourd'hui encore, cette expédition demeure un mystère. Il est difficile de trouver dans les justifications qui lui
furent apportées des motifs suffisants à la prise d'un pays vaste et lointain. Surendetté, le Mexique du président
Juarez décide de ne plus honorer ses dettes, notamment contractées auprès de banques françaises.
Derrière ce motif financier, il y avait une double motivation: sécuriser le projet de canal au Nicaragua et créer un Etat
latin allié à la France qui ferait contrepoids aux Etats-Unis. Enfin, l'idée de confier la couronne mexicaine à
l'Autrichien Maximilien visait à constituer une alliance de revers contre la Prusse.
Pour punir le défaut de paiement, la France envoie en juin 1864 deux flottes, une à Veracruz et une à Acapulco, avec
à bord la quasi-totalité de ses forces, 6 régiments seulement restant en France.
Si l'expédition débute correctement, la fin de la guerre de Sécession en 1865 provoque un soutien des
Etats-Unis au Mexique, dont l'armée relève la tête et pose des difficultés grandissantes aux Français.
La bataille de Cameron est un fait d'armes sans suite, et il faut rapidement se résoudre à évacuer le Mexique. Les
Français repartis, Maximilien est pris et fusillé à Quérétaro, son baroud d'honneur étant de commander à son propre
peloton d'exécution.
4. Velléités européennes
La France se fait relativement discrète sur la scène européenne. Son armée professionnelle de 200 000 hommes
conjuguée à la puissance de sa flotte lui offre d'amples capacités de projection mais en fait une puissance moyenne
en cas de guerre "conventionnelle". Cela ne l'empêche pas de chercher à accroître son influence en Europe, voire à
grignoter des territoires nouveaux. A partir de septembre 1865, Napoléon III voit poindre l'unité allemande et
cherche à y associer la France. Ainsi, il soumet de multiples requêtes aux Prussiens: les "compensations", c'est-à-dire
la concession de territoires en échange de la bienveillance française à leur entreprise. Ceci n'a que peu d'effet et nuit
même à l'image de la France en Europe.
3. Bismarck et l'unité allemande
Le Zollverein est un pricipe énoncé par Friedrich List et une idée évoquant l'Allemagne unie. List, qui adopte une
approche économique, souhaite la levée des barrières douanières internes aux territoires censés former l'Allemagne.
Ce Zollverein se concrétise peu à peu: en 1825, il réunit la Prusse aux Etats d'Allemagne du Nord ; en 1834, c'est
l'ensemble de l'Allemagne qui est concernée. Cette union douanière permet la création d'un espace économique
commun, ce qui permet à l'Allemagne de rattraper rapidement son retard industriel par rapport au Royaume-Uni et
dans une moindre mesure à la France.
1. Le chancelier de fer
Bismarck est indubitablement l'un des plus grands hommes d'Etat de l'histoire européenne.
Issu d'une famille de junkers prussiens, il naît le 1er avril 1815. Il étudie le Droit et l'agriculture à l'université de
Göttingen puis à Berlin. Imprégné des idées nationalistes alors en vogue en Allemagne, il y mène une existence
entrecoupée de nombreux duels, sorte de "mode" à l'époque.
Bismarck embrasse la carrière politique en 1847, où il est élu au Landstag sous la bannière d'un mouvement chrétien
conservateur. Ses interventions oratoires sont autant de prêches en faveur d'une unité allemande se faisant sous
l'égide de la Prusse au détriment de l'Autriche, dont il ne reconnaît pas la prééminence en Allemagne. D'après lui,
l'unité allemande doit se faire sur la base de la langue, de la culture, et d'un seul et unique champion, ce qui implique
tôt ou tard de marginaliser l'Autriche.
S'imposant rapidement comme une personnalité de premier plan, Bismarck monte peu à peu en grade. Ambassadeur
à Saint-Petersbourg, il prend conscience du retard économique considérable de la Russie, ce qui le pousse à
reconsidérer à la baisse le rôle de ce pays en Europe. Nommé par la suite à Paris, il se lie avec Napoléon III et tente
d'en appréhender la personnalité. Ses observations le conduisent à déceler les faiblesses de l'armée de terre française,
qu'il juge désormais aisée de vaincre ; en revanche, devant la qualité de la flotte française, il dissuade Guillaume Ier,
roi de Prusse, de persévérer dans son projet de Kriegsmarine. Il devient par la suite chancelier, ce qui en fait la
véritable tête pensante de la politique prussienne.
En 1864, la Prusse boucle définitivement le Zollverein, dont l'Autriche est exclue: c'est le premier coup portée à
l'empire des Habsbourg.
2. L'Autriche compromise et vaincue
Le temps passant, Bismarck affine ses projets pour l'unité allemande. Il lui apparaît nécessaire d'unir les Etats
allemands contre un ennemi extérieur commun. Le plus difficile est d'y trouver un prétexte.
Cette dernière condition s'ébauche lorsque le Danemark mène une politique de "danisation" des duchés du Schleswig
et de l'Holstein, dont les populations majoritairement germaniques se voient peu à peu spoliées de leurs droits
"identitaires" (fin de l'enseignement de l'Allemand, monopole progressif du danois dans la presse). Bismarck fait
connaître son opposition à une telle politique et incite l'Autriche à appuyer la Prusse. En tant que protecteurs des
Allemands, les Autrichiens ne peuvent décemment ne rien faire, même si cela implique une intervention lointaine.
En février 1864, la Prusse et l'Autriche entrent en guerre conjointement contre le Danemark, qui est écrasé dès août.
Le bombardement de Copenhague par une artillerie prussienne moderne pousse les Danois à se rendre. La Prusse
annexe le Schleswig ; l'Autriche s'adjuge l'Holstein. Cette dernière, catholique, en plus d'avoir traversé l'Allemagne
sans crier gare, se retrouve avec un duché protestant isolé, ce qui écorne fortement son image en Allemagne.
Conscient qu'une Allemagne unifiée serait une menace pour la France, Napoléon III cherche à faire jouer le temps en
sa faveur. En octobre 1865, il invite Bismarck à Biarritz, où il tente d'échanger la non-intervention de la France
contre la Prus†È contre des compensations territoriales, évoquant la Wallonie, le Luxembourg ou entre le Palatinat.
Bismarck ne s'y oppose pas sur le moment mais n'hésite pas ensuite à communiquer sur le sujet, ce qui nuit à l'image
de la France en Europe ainsi qu'à ses projets d'alliance. De plus, la France est à l'époque enlisée au Mexique et les 6
régiments qu'elle conserve en métropole ne lui donnent pas les moyens militaires qui pourraient attaquer
préventivement la Prusse.
En fait, Bismarck recherche avant tout une puissance à laquelle s'allier pour porter un coup à l'Autriche. Sous les
ordres du maréchal von Moltke, l'armée prussienne est devenue la plus moderne d'Europe, ses soldats sont bien
entraînés, son commandement bien formé, le fusil Dreze est excellent et son artillerie dispose des canons Krupp,
dont la cadence et la puissance n'ont pas encore d'équivalent. Il faut néanmoins s'assurer une alliance en cas de
mauvaise fortune.
Devant les réticences françaises, Bismarck se tourne vers l'Italie, qui lorgne toujours vers Venise. En avril 1866,
l'Italie et la Prusse signent une alliance militaire et entrent en guerre contre l'Autriche au sujet de l'Holstein et de
Venise. Le 7 juin 1866, les Prussiens envahissent l'Holstein et le prennent en quelques jours. La Prusse, qui mobilise
500 000 hommes en 3 semaines grâce au chemin de fer, attaque ensuite l'Autriche, qui est écrasée à Sadowa. Le 23
août, les 3 protagonistes signent la paix de Prague, où l'Autriche renonce à jouer tout rôle en Allemagne. La Prusse
annexe 22 micro-Etats tout en s'unifiant territorialement.
L'Italie reçoit Venise malgré des revers sur le terrain. L'Autriche est en revanche dispensée de toute indemnité de
guerre.
Une fois cette dernière hors-jeu, il reste à la Prusse à parachever l'unité allemande autour d'un ennemi commun.
Bismarck estime que cette unité sera atteinte "par le fer et par le feu".
3. La double défaite française
La France n'a pas d'adéquation entre sa puissance maritime et sa puissance terrestre, encore moins avec ses ambitions
en Europe. Napoléon III évoque un temps le retour du service militaire afin de pallier à cette faiblesse, mais les
Chambres y font continuellement obstacle, au prétexte de l'inutilité et du coût. Même la création d'une garde mobile
qui renforcerait tant la police que l'armée est refusée. Outre le nombre, l'armée française souffre de difficultés
structurelles: l'artillerie est en voie d'obsolescence et la formation militaire présente d'inquiétantes carences. Si
l'empereur impose l'achat de mitrailleuses Gatling aux Etats-Unis pour compenser la faible puissance de feu, il en
sera fait un usage inadéquat sur le champ de bataille: faute de formation, les mitrailleurs ouvriront le feu sur des
Allemands hors de portée. La cartographie est mal maîtrisée (on utilisera des cartes de la Prusse directement, sans
cartographier la Rhénanie au préalable) et les uniformes garance sont plus utiles lors des défilés que sur un champ de
bataille.
En 1867, la France souhaite acheter le Luxembourg aux Pays-Bas. La Prusse et le Royaume-Uni s'y opposent. Il
s'ensuit la conférence de Londres qui voit la neutralisation du grand-duché et une nouvelle dégradation de l'image de
la France, qui s'isole peu à peu sur le continent.
Le Royaume-Uni, craignant que la flotte française ne menace à terme son hégémonie, souhaiterait une puissance
d'équilibre en Europe centrale, pour équilibrer la France et suppléer l'Autriche. De plus, ses guerres coloniales au
Canada, en Inde ou en Afrique du Sud lui font prendre conscience de la faiblesse de son armée. Il faut donc éviter à
tous prix une puissance hégémonique en Europe continentale.
Devant le refus britannique d'aller au-delà de l'accord commercial de 1860, la France cherche d'autres alliés, mais
n'en trouve pas. La Russie lui tient toujours rigueur de la guerre de Crimée ; l'Autriche n'a pas apprécié la nonréaction française contre la Prusse ni l'abandon de Maximilien au Mexique ; l'Italie lui reproche de n'avoir pas été au
bout de sa parole en 1859.
L'affaire de la candidature de Leopold de Hohenzollern au trône d'Espagne jette un froid dans les chancelleries.
L'Escurial étant vacant depuis la destitution d'Isabelle de Bourbon, on envisage d'y envoyer Leopold de
Hohenzollern. La France n'est pas disposé à voir des Allemands régner sur ses frontières méridionale et orientale.
Leopold ne manifestant que peu d'intérêt, il accepte rapidement de céder aux demandes françaises de retrait.
Néanmoins, l'affaire n'en reste pas là: Gramont (ministre des Affaires étrangères) et l'impératrice Eugénie souhaitent
en profiter pour punir la Prusse de ses manigances diplomatiques continuelles. Ils obtiennent de l'empereur de
demander confirmation à Guillaume Ier. Ambassadeur à Berlin, Vincent Benedetti part trouver le roi de Prusse en
cure à Ems et obtient satisfaction ; Gramont exige ensuite une déclaration plus appuyée, ce à quoi Guillaume Ier
conscent de nouveau. Benedetti se prépare à câbler la confirmation au quai d'Orsay lorsque Bismarck fait circuler la
fameuse dépêche d'Ems: "refus brutal de Guillaume Ier de recevoir l'ambassadeur", ce qui, dit-il "fera l'effet d'un
manteau rouge au taureau gaulois". Gramont, estimant la France insultée, fait voter le 19 juillet 1870 par le corps
législatif la déclaration de guerre à la Prusse, que seuls Thiers et Gambetta dénoncent comme un suicide militaire.
Les Prussiens mobilisent 150 000 hommes, qu'ils massent près de Trèves. Du côté français, on réunit péniblement
180 000 hommes divisés en 4 corps qui n'ont quasiment aucune coordination. Persuadés malgré tout de l'emporter,
les Français attaquent Sarrebrück, à l'époque bavaroise, et la prennent après un bref combat: cela fait rentrer la
Bavière dans le conflit aux côtés de la Prusse. Les Français font désormais face à l'Allemagne entière et luttent
désormais à un contre deux. Les dés sont dès lors jetés: malgré quelques actes de bravoure et un comportement
exemplaire de la troupe, les fautes stratégiques et la disproportion en termes d'armement mettent rapidement l'armée
française dans une situation délicate. Les régiments de cavalerie, utilisés comme à l'époque napoléonienne, subissent
un carnage. Le 2 septembre, Sedan tombe avec Napoléon III. L'empire n'y survit pas 2 jours et la République est
proclamée le surlendemain à Paris.
Déterminé à résister, le gouvernement de Défense nationale parvient à lever des armées en province et à continuer la
lutte. Nombreuses mais très mal équipées, ces armées sont vaincues les unes après les autres. Les Prussiens arrivent
rapidement en vue de Paris mais s'y heurtent à une résistance farouche et ne parviennent pas à l'investir. Finalement,
on s'accorde sur une trève en février 1871 pour y procéder aux élections législatives. Installée à Bordeaux, menée par
Thiers, royaliste et pacifiste, la nouvelle Assemblée nationale préfère traiter avec la Prusse, entérinant la défaite
française. Il s'ensuit l'épisode de la Commune, où le gouvernement de Thiers bénéficie de la complaisance des
Prussiens (qui libèrent les officiers prisonniers et laissent entrer l'armée française dans Paris) dans son entreprise
répressive.
Le Reich est sur ces entrefaites proclamé le 18 janvier 1871 dans la galerie des glaces du palais de Versailles. Outre
cette humiliation, la France a perdu 200 000 tués et 700 000 blessés dans cette guerre.
4. Le traité de Francfort
Le 10 mai 1871, Français et Allemands signent le traité de Franfort-sur-le-Main. L'Assemblée nationale et le
Reichstag le ratifient par la suite. Les clauses de ce traité sont particulièrement dures pour la France, qui doit céder à
l'Allemagne l'Alsace, l'essentiel du département de la Moselle (dont Metz) et une partie des Vosges. Les Allemands
exigent également des Français qu'ils paient la guerre écoulée mais également celle de 1866, c'est-à-dire un total de 5
milliards de francs-or (un an de budget de l'Etat), la France étant occupée en attendant le paiement. Prévu pour 1874,
ce dernier est réglé dès 1872 et permet, en même temps que le départ des troupes allemandes, d'amorcer une forte
croissance en Allemagne.
La France réussit à échanger Belfort, dont la résistance a été héroïque, contre des bassins miniers initialement
conservés. Elle garde enfin rancune à l'Allemagne de ce conflit, ce qui ne sera pas sans conséquences pour l'avenir.
4. L'art de manier les contraires: les systèmes
bismarckiens
Bismarck cherche, après avoir triomphé de la France, à l'isoler. La sachant revancharde et potentiellement
dangereuse malgré son infériorité économique, démographique et militaire par rapport à l'Allemagne, le chancelier
s'efforce de nouer un système d'alliances qui empêcherait la France de redevenir une menace. Il faut pour cela
composer avec deux constantes dans l'Europe du second XIXème siècle.
La première de ces constantes est la rivalité coloniale, qui se double de la question d'Orient. La France étant
impliquée dans ces deux processus, Bismarck tente de l'y gêner.
La seconde constante est la poudrière balkanique, où les nationalités s'entrechoquent entre mouvements nationalistes
au sein des empires austro-hongrois et ottoman, où la Russie a des ambitions expansionnistes et où les guerres
menacent continuellement. Cela oblige l'Allemagne à jouer la carte de la modération afin d'apaiser toutes les
puissances balkaniques et de pouvoir s'en faire des alliés contre la France.
1. Les crises avec la France (1871-1887)
Dès son annexion à l'Allemagne, l'Alsace-Moselle est proclamée "Reichsland" (terre d'empire). Nombre d'Alsaciens
réticents à l'annexion s'engageront en tant qu'Allemands dans la Légion étrangère ; d'autres s'établiront en France
"intérieure" ou en Algérie. En 1874, les premiers représentants alsaciens au Reichstag sont tous des députés
protestataires, qui ne manquent pas de rappeller à Berlin leur opposition à l'annexion. Cette même année 1874 était
prévue par l'armée allemande comme l'année de l'évacuation du territorie français ; en fait, l'emprunt d'Etat lancé par
Thiers remporte un tel succès que la somme est réunie avec 6 mois d'avance, ce qui fait partir les troupes allemandes
fin 1873.
Craignant encore une restauration monarchique en France, qui la réinsérerait plus facilement dans le concert des
nations, Bismarck évoque la possibilité d'une guerre préventive, d'autant que le réarmement français s'effectue plus
vite que les experts allemands ne l'avaient prévu. En 4 ans, la France a reconstitué son potentiel militaire et peut
aligner une armée égale en nombre et en matériel à l'armée allemande grâce à une réforme militaire radicale (retour
du service militaire obligatoire, formation de régions militaires décentralisées, formation de réserves humaines
comme matérielles rapidement mobilisables, début d'effort sur les chemins de fer afin de mobiliser plus rapidement).
Le 21 avril 1875, devant la multiplication des signaux d'alerte concernant une guerre, l'ambassade de France à Berlin
télégraphie aux différentes chancelleries européennes et obtient du Royaume-Uni qu'il joue un rôle modérateur.
Benjamin Disraeli, Premier ministre birtannique, enjoint Bismarck de "calmer lesinquiétudes de l'Europe". En retour,
la France laisse les mains libres au Royaume-Uni dans le rachat des actions du canal de Suez vendues par le khédive.
Ce dernier, endetté, les revend à des banques britanniques, d'où une mainmise affermie sur la route des Indes pour le
Royaume-Uni.
Les autres puissances européennes s'opposent également à ce projet de guerre, d'où un apaisement bismarckien.
Faute de pouvoir inquiéter la France en Europe, Bismarck l'encourage à s'étendre outre-mer, ce qui provoquera des
frictions avec les autres puissances coloniales et la détournera quelque peu de sa frontière orientale. La France,
constatant malgré tout son isolement, se tourne effectivement sur cette voie, espérant y trouver le surplus de
puissance qui lui manque.
Nommé ministre de la Guerre en 1886, Georges Boulanger est un revanchiste ardent. Tenant d'une politique ferme et
offensive à l'égard de l'Allemagne, il suscite l'admiration des cercles nationalistes et introduit des réformes
audacieuses. Il impulse la modernisation de l'artillerie, généralise le service militaire, introduit le fusil Lebeln
encourage l'espionnage dans les zones frontalières et renforce la défense de Belfort. En 1887, la capture du
commissaire de police Guillaume Schnaebellé par des frontaliers allemands provoque une crise majeure entre les
deux pays, et le belliquisme de Boulanger manque de déclencher une nouvelle guerre, ce que le Président Grévy
redoute en raison de l'isolement français. Finalement, on joue la carte de l'apaisement vis-à-vis de l'Allemagne et
Boulanger est limogé pour avoir généré une telle escalade.
2. Le système des trois empereurs (1872-1879)
Bismarck cherche à mettre en oeuvre une solidarité monarchique contre la France républicaine.
Berlin et Saint-Petersbourg signent un traité de défense mutuelle. En 1873, l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la
Russie fondent la ligue des trois empereurs, alliance de défense mutuelle dirigée contre le républicanisme, le
socialisme et, de manière inavouée, les puissances occidentales, au premier rang desquelles la France. Cela permet à
l'Allemagne de disposer de solides garanties sur ses flancs Sud et Est et d'avoir un avantage décisif en cas de conflit
contre la France.
A partir de 1867, Vienne, redoutant une nouvelle insurrection hongroise, lâche du lest sur cette question. FrançoisJoseph accepte d'accoler le titre de roi de Hongrie à son titre impérial et le pays prend le nom d'Autriche-Hongrie. En
filigranne de cet acte point le problème des nationalités, qui mine l'empire austro-hongrois de l'intérieur. L'alliance
allemande arrive à point nommé pour lui, en lui fournissant un soutien. De même, l'adjonction de la Russie à ce traité
permet de contenir temporairement les ambitions de celle-ci dans les Balkans, où elle se montre active dans sa quête
d'une mer chaude et au nom du panslavisme.
3. La Triplice (1879-1882)
A partir de 1875, la politique d'intransigeance de l'empire d'Ottoman vis-à-vis des chrétiens des Balkans
(augmentation de la dhîma, réduction de la tolérance religieuse). Les Bulgares sont particulièrement concernés, car
plus proches de Constantinople. Leurs revendications autonomistes se heurtent à une répression accrue. Les bachibouzouks se livrent à des exactions sur les populations bulgares, ce qui pousse la Russie à intervenir en 1878. Les
Russes prennent pied à Andrinople et poussent les Turcs à capituler.
De son côté, l'Autriche ambitionne de contrôler le canal d'Otrante, afin de boucler l'Adriatique. Il y a donc un risque
de frictions entre ces deux expansionnismes. Bismarck se propose comme médiateur: la Bulgarie devient
indépendante mais sans débouché sur la mer Egée ; l'Autriche reçoit la province ottomane de Bosnie qui s'était
insurgée contre les Ottomans. De plus, le traité de Berlin consacre les indépendances serbe, roumaine et
monténégrine. La Russie accepte cette situation et, se savant bloquée dans les Balkans, s'en détourne au profit de
l'Asie. Le 7 octobre 1879, l'Allemagne et l'Autriche se garantissent mutuellement contre la Russie, ce dont SaintPetersbourg n'est pas informée. En parallèle, le 18 juin 1880, le système des trois empereurs est reconduit, mais
résumé à un pacte de non-agression.
En 1885, à la faveur d'un nouveau conflit dans les Balkans, la Bulgarie est agrandie, en échange de quoi la Russie
renonce à toute prétention sur la Bosnie. Les empires évitent tout conflit ouvert dans les Balkans.
Les relations franco-italiennes sont difficiles depuis l'unité de ce dernier pays. Outre les rancoeurs liées au rôle
ambigü de la France dans le processus du Risorgimento, la mise sous protectorat de Tunis en 1881 au grand dam de
Rome finit de les envenimer. Le roi Humbert Ier, pour laver cet affront, se décide à négliger les revendications
"irrédentes" sur les territoires autrichiens en Adriatique pour se tourner contre la Fr'Íce aux côtés des germanoaustro-hongrois. Ainsi, le 20 mai 1882, l'Italie, "petit roquet qui aboie à la jambe" d'après Bismarck, forme avec
l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie la Triplice, avec garantie mutuelle contre toute agression. L'encerclement de la
France est total et le système bismarckien prend forme.
4. Le mécanisme du troisième système (1887)
En mai 1887, la Triplice expire au moment de l'affaire Schnaebellé. Rome demande à Berlin de la renouveller en lui
donnant davantage d'allant offensif. Soupçonnant Paris de convoiter la Libye, elle demande un soutien automatique
en cas d'offensive sur la France. Bismarck, sachant que l'Italie ne prendra sans doute pas une telle initiative, accepte
néanmoins, car cela ouvrirait un second front à la France. Cependant, cette alliance partielle déplaît à la Russie, qui
se sent marginalisée. Ainsi, Bismarck lui offre dès le 18 juin 1887 un traité de secret de garantie mutuelle.
L'Autriche-Hongrie, qui souhaite renforcer les buts défensifs de la Triplice, se voit satisfaite en ce sens par
l'Allemagne. Par conséquent, chaque puissance avec laquelle l'Allemagne compose se voit offrir par la
Wilhelmstrasse des clauses différentes, ce qui ne l'empêche pas de se retrouver au sein d'un même système, qui
asseoit en définitive la puissance allemande en Europe continentale.
Pour parachever l'isolement de Paris, Berlin se tourne vers la Méditerranée. Ainsi, l'Allemagne offre son soutien à
l'Espagne si la France s'étend au Maroc, dont Madrid contrôle le Nord. La Grande-Bretagne, dont l'extension en
Afrique du Nord est contrariée par l'armée du Maadhi, redoute aussi une prise de la Libye par la France.
L'Allemagne offre donc sa garantie sur ce territoire contre la France.
La recherche du statut quo met a priori un obstacle à toute velléité d'expansion française en Méditerranée.
La mise en place d'un tel système est éminement complexe et ne tient qu'aux talents propres de Bismarck.
L'accession au trône d'Allemagne de Guillaume II en 1888 change la donne. Las de finassieren en permanence, le
nouvel empereur rêve d'un Reich qui s'affirme dans le monde, fut-ce par la force. Il y a donc rapidement conflit entre
les deux personnages, ce qui pousse Bismarck à démissionner le 18 mars 1890. La Russie n'étant pas inclue dans la
Triplice, Guillaume II ne comprend pas l'ambiguité des relations qu'entretenait l'Allemagne avec elle et clarifie
d'emblée les choses en dénonçant le traité de défense mutuelle de 1887, jetant le premier grain de sable dans la
mécanique bismarckienne.
5. Conquête coloniale et relations internationales
1. Le partage de l'Afrique
La poussée européenne sur le continent noir n'en épargne quasiment aucune partie à la fin du XIXème siècle. Seule
l'Ethiopie, Etat copte millénaire, enclavé et sur lequel règne le negus, y échappe.
Menelik II, qui règne de 1889 à 1913, tâche de maintenir l'indépendance de son pays face aux appétits coloniaux,
encore aiguisés par l'ouverture du canal de Suez, qui confère un intérêt nouveau à la mer Rouge et au détroit de Babel-Mendeb. Les Britanniques s'implantent dans la corne de l'Afrique, à Berbera ; les Français à Djibouti, d'où ils
construisent une voie ferrée vers Addis-Abeba ; les Italiens en Erythrée et en Somalie actuelle, ce qui les place sur la
voie d'une conquête militaire de l'Ethiopie.
En 1896, les Italiens tentent une offensive sur l'Ethiopie qui est brisée le 1er mars à Adoua. Cela force l'Italie et les
autres puissances occidentales à reconnaître l'indépendance ethiopienne au traité d'Addis-Abeba. Humiliation
supplémentaire, le traité n'est pas rédigé en italien, car les Italiens avaient justifié leur incursion par une
interprétation tendancieuse d'un précédent traité rédigé en ahramique et en italien.
Outre l'Ethiopie, le Gabon, le Liberia et la Sierra Leone sont créés de toutes pièces par les Occidentaux afin d'offrir
des Etats à leurs anciens esclaves affranchis, d'où des capitales aux noms symboliques (Freetown, Libreville).
En-dehors de ce quatuor d'Etats africains indépendants, l'Afrique est mise en coupe réglée, avec la bénédiction des
intellectuels de l'époque. Ainsi, Ernest Renan estime qu'"une nation qui ne colonise pas est irrémédiablement vouée
au socialisme, à la guerre du pauvre et du riche. La conquête d'une race inférieure par une race supérieure qui s'y
établit n'a rien de choquant." Pour Jules Ferry, "la politique de recueillement ou l'abstention, c'est tout simplement le
grand chemin de la décadence."
La France et le Royaume-Uni recrutent des troupes coloniales (tirailleurs kabyles ou sénégalais pour la France). Les
ports africains servent de point d'appui pour les flottes, le chemin de fer accompagnant les axes de pénétration à
l'intérieur du continent (de Dakar à Djibouti pour les Français ; du Cap au Caire pour les Britanniques). La lutte
contre l'esclavage, encore pratiqué dans l'Est de l'Afrique par des musulmans motive également certaines
expéditions, dont celle de Khartoum ou du Tchad, contre le maadhi ou le sultan Rabah. Les parties colonisées de
l'Afrique sont soumises à une économie de pillage. Les produits tels que le bois, l'huile de palme ou le caoutchouc
sont à l'époque très prisés. Cependant, la notion d'exploitation est relativisée par les faits: la France est
financièrement perdante à coloniser et ne tire bénéfice que de l'Algérie et de l'Indochine.
En 1882, les Britanniques débarquent à Alexandrie suite à des émeutes anti-européennes. Depuis l'Egypte, ils
entreprennent la descente du Nil. Un temps stoppée par le royaume du Mahdi entre 1885 et 1898. Le général
Kitchener finit par avoir raison de la résistance au Soudan actuel.
Le 2 septembre de cette même année, les armées britannique de Ktichener rencontrent la colonne française du
commandant Marchand à Fachoda, au croisement des pénétrantes. La question de Fachoda embrase les opinions
publiques des deux pays et la guerre paraît proche. Paris accepte d'évacuer Fachoda le 21 mars 1899 en échange de la
neutralisation des fleuves Niger et Congo et d'un rapprochement diplomatique face à l'Allemagne, qui vient de lancer
sa Weltpolitik et entame la construction d'une puissante marine de guerre qui inquiète Londres. Les Allemands
prennent également pied en Namibie, en Tanzanie et au Togo.
Du 15 novembre 1884 au 26 février 1885 se tient la conférence de Berlin, qui fixe des règles de conduite dans les
colonies africaines (interdiction d'importer alcool et armes à feu sur la majeure partie du continent, nécessité
d'occuper réellement un territorie pour l'annexer...). Pour régler le contentieux du Congo, lesgrandes puissances
acceptent de le laisser au roi des Belges Leopold II. Si dans l'ensemble il n'y a pas de crise majeure, des événements
comme la guerre des Boers ont des répercussions en Europe. Lorsque les Britanniques tentent de progresser dans le
Nord-Est de l'Afrique du Sud, ils se heurtent aux colons d'origine hollandaise (les Boers). L'intransigeance des deux
parties dégénère en guerre ouverte entre 1898. Le soutien allemand aux Boers et leur détermination forcent les
Britanniques à mobiliser toutes leurs forces pour en venir à bout, d'où une inquiétude de Londres quant à sa
puissance. En 1902, les Boers sont tout de même vaincus, et l'Union sud-africaine est fondée en 1910, avec elle le
régime d'apartheid.
2. Le grand jeu en Asie
Les rivalités coloniales y sont anciennes (elles remontent à la guerre de Sept ans, voire au grand siècle) mais
s'exacerbent à la fin du XIXème siècle. En 1859, prenant pour argument la persécution des chrétiens sur place, la
France prend pied en Cochinchine et annexe le Tonkin en 1883, se taillant une frontière avec l'empire chinois, qui
végète depuis la fin de la dynastie des Ming au XVIIème siècle.
La Russie et le Royaume-Uni ont des vues sur la Chine ainsi que sur l'Afghanistan actuel. Les Russes y voient une
occasion d'atteindre une mer chaude ; les Britanniques veulent ouvrir la Chine à leur commerce et consolider leur
empire des Indes. Depuis qu'ils ont enlevé le Penjab aux Sikhs, en 1848, les Britanniques cherchent à pacifier les
régions montagneuses instables à l'Ouest mais gardent en mémoire le désastre de Khiber, passe montagneuse vers
Kaboul où fut massacrée 16 500 Britanniques sauf un lors d'une expédition pour s'emparer de l'Afghanistan.
L'installation russe au Turkménistan actuel en 1873 pousse les Britanniques à traiter. Les deux puissances s'accordent
finalement pour conserver l'Afghanistan comme territoire-tampon et de le neutraliser. La vallée du Panchir sert de
limite entre l'Inde britannique et le Turkménistan russe d'un commun accord.
En 1882, les Britanniques s'emparent de l'actuel Myanmar, ce que la France projetait de faire.
C'est donc une année-charnière, puisque l'Egypte bascule en même temps dans leur escarcelle.
En rétorsion, la France fait pression sur le Siam, auquel elle parvient à arracher quelques territoires entre 1873 et
1893, année où elle menace d'occuper Bangkok. Passée la menace sur Bangkok, le Siam apaise sa situation par une
série de traités concernant les frontières de l'Indochine française.
3. Le "Break up of China"
La Chine s'est peu à peu fossilisée dans ses philosophies maîtresses que sont le taoïsme et le confucianisme. Ses
rapports à l'Occident se résument à l'exportation de porcelaines et de thé, sans rien importer en retour. La volonté des
Occidentaux d'y implanter leur commerce, voire d'en enlever des territoires se manifeste dès les années 1830. Le
barrage fait par Pékin à l'importation d'opium en Chine provoque les guerres de l'opium (1839-1842 puis 1856-1860)
où l'armée chinoise est écrasée et le pays contraint d'accorder des concessions occidentales suite aux "traités
inégaux" qui pèsent toujours sur les relations sino-occidentales. De plus, le sac du palais d'été est durement ressenti à
Pékin.
Dès lors conscientes de leur retard, les autorités chinoises tentent de moderniser et d'occidentaliser le pays, mais cela
se heurte au mépris caractérisé des Occidentaux à l'égard de la Chine, ce qui ne fait que raviver les mouvements
nationalistes chinois.
Le Japon de l'ère Meiji ambitionne de mener une politique expansionniste et lorgne sur la Corée, zone d'influence
traditionnelle de la Chine. En 1894, à la faveur d'une rébellion en Corée, l'intervention militaire chinoise en appui au
gouvernement coréen provoque une contre-intervention japonaise.
Les Chinois subissent revers sur revers face à une armée moderne et sont contraints d'abandonner la péninsule
coréenne et Formose au Japon lors du traité de Simonozoki en 1897. Cependant, les Occidentaux forcent Tokyo à
renoncer à la Corée.
Devant l'extrême faiblesse démontrée par l'armée chinoise, les Européens multiplient les coups de force. Les Russes
déferlent sur la Mandchourie et prennent Dalian, rebaptisé Port-Arthur ; les Allemands s'emparent de Qingdao. En
1898, l'empereur Kuang Sui subit une révolution de palais et est remplacé par l'impératrice Tseu-Hi, qui soutient la
révolte anti-occidentale des Boxers en 1900. Les Boxers, qui assiègent les ambassades européennes et lynchent leurs
ressortissants durant les "40 jours de Pékin", sont écrasés par une force internationale sous commandement allemand.
Tseu-Hi est également déposée au profit de l'éphémère Pou Yi, enfant dont le règne durera 3 ans.
La Chine sort brisée d'un demi-siècle d'incursions extérieures.
6. Paris-Londres-St.Petersbourg
La guerre des Boers a fait prendre conscience au Royaume-Uni que leur puissance militaire est insuffisante en cas de
menace en Europe. Cela l'oblige à se chercher un allié continental fort et fiable.
Les Russes ont quant à eux surestimé leur puissance militaire. La guerre de 1905-1906 contre le Japon les ramène à
la réalité: les défaites terrestre de Moukden et maritime de Tsushima face à un pays considéré comme faible et dont
le peuple est considéré par le racisme occidental de l'époque comme inférieur sonnent comme des humiliations. De
plus, la révolution de 1905 ébranle le régime tsariste.
Ces deux événements poussent Londres et Saint-Petersbourg à reconsidérer leur politique étrangère.
1. L'alliance franco-russe
La France a été efficacement contenue par le système bismarckien et n'a eu d'autre choix que de fortifier sa frontière
orientale et de mettre l'accent sur le réseau ferré pour accroître sa vitesse de mobilisation. Au moment où l'on invente
la "milinite", où l'artillerie progresse en termes de calibre et de portée, on achève les forts, qui se révèlent dès lors
moins efficaces. L'armée française est donc contrainte de miser sur une guerre de mouvement pour prendre
l'Allemagne de cours, avec comme atouts une mobilisation plus rapide, l'excellent fusil Lebel et une meilleure
artillerie légère (le canon de 75 est à sa mise au point en 1897 inégalé en Allemagne).
Il demeure toutefois la nécessité de trouver un allié contre l'Allemagne, afin de fixer une partie de ses forces, voire de
compenser une éventuelle violation de la neutralité belge.
En Allemagne, Guillaume II fait peu à peu abstraction du système bismarckien, qu'il juge complexe et inutile vue la
puissance allemande. En revanche, le précepte bismarckien du "drapeau suit le commerce" demeure appliqué, et
l'expansion commerciale allemande provoque rapidement des tensions avec le commerce russe, dont les exportations
de blé inondent le marché allemand. En rétorsion, la Reichsbank refuse de souscrire aux emprunts d'Etat russe, que le
régime tente de développer pour financer sa modernisation. Faute de trouver ses financements en Allemagne, SaintPetersbourg les recherche en France, faisant également acquisition de fusils modernes. Le tsar Alexandre III,
antirépublicain farouche, considère le rapprochement avec la France comme un pis-aller mais n'a guère le choix et s'y
plie donc de bonne grâce. Au total, 700 000 titres russes sont diffusés en France, pour lesquels 7 230 000 Français se
portent acquéreurs. Dans le même temps, la Russie devient populaire en France pour sa culture, tant littéraire
(Dostoievski, Tolstoï) que musicale (Stravinski). Malgré des régimes politiques antagonistes, la France et la Russie
se rapprochent par la force des choses.
Le 6 juin 1891, la Triplice est renouvelée, ce qui pousse Alexandre III à autoriser le rapprochement militaire avec la
France. Une flotte française parade dans Kronstadt, où la foule entonne une vibrante "Marseillaise", chant pourtant
interdit en Russie. Peu à peu, la France trouve là une nouvelle alliance de revers.
La construction du canal de Kiel par l'Allemagne permet le passage de navires d'un tirant d'eau de 9 mètres de passer
de la mer du Nord à la Baltique, ce que la Russie perçoit comme une menace.
Alors localisée dans les ports allemands de la mer du Nord et aisément repérable dans le Skagerrak en cas de
mouvement vers l'Est, la flotte allemande pourrait rapidement être tournée vers la Baltique et Saint-Petersbourg. Le
18 août 1892, la Russie et la France signent une alliance militaire automatique et engageante. La visite à Paris du tsar
et l'édification du pont à son nom marquent la fin de l'isolement français en Europe. En octobre 1893, la flotte russe
mouille à Toulon, où elle fait admirer le luxe de ses uniformes et le goût pour la débauche de ses marins une fois à
terre.
Le 9 août 1899, Théophile Delcassé, ministre des Affaires étrangères, signe un accord complémentaire, soutenant la
politique russe dans les Balkans, en échange de quoi Saint-Petersbourg soutient les revendications françaises sur
l'Alsace-Moselle. En 1912, les Russes s'engagent, en cas d'affrontement, à hâter leur offensive contre l'Allemagne, à
la lancer sous 12 jours et non un mois comme initialement prévu.
Sur le plan économique, les emprunts russes connaîssent toujours le succès en France. Sur les 45 milliards de francsor investis à l'étranger, 20 le sont dans la seule Russie. Un tiers des ménages français y ont des intérêts, qui, s'ils
avaient fructifié comme prévu, auraient représenté au début des années 2000 5 ans de PIB français. En 1913, la
Russie amorçe son décollage économique ; les prospectivistes y voient alors la première puissance industrielle
d'Europe pour 1917. La sidérurgie, financée par les emprunts en France, connaît un essor remarquable, de même que
l'industrie cotonnière en Asie centrale ou l'agriculture ukrainienne. On édifie même le premier pipeline.
2. Assurances méditerranéennes
Il reste cependant à sécuriser la Méditerranée, que Bismarck avait rendue inhospitalière pour la France. En premier
lieu, la France, qui ne veut pas d'un second front, cherche à neutraliser l'Espagne.
Après avoir rénové ses forts pyrénéens, elle signe le 3 octobre 1904, en échange de la reconnaissance de la
souveraineté espagnole sur la côte spetentrionale du Maroc, que Madrid n'interviendra pas si elle progresse à
l'intérieur des terres. De plus, Paris garantit les archipels espagnols (Baléares et Canaries), ce qui clarifie
définitivement la situation.
La neutralisation de l'Italie est plus difficile à obtenir: Francesco Crispi, président du Conseil italien durant l'essentiel
des années 1890, est très francophobe ; de plus, les émeutes anti-italiennes courantes dans le Sud de la France
n'arrangent pas les relations entre Paris et Rome. Delcassé remédie à cette situation en nommant Camille Barrère
ambassadeur à Rome. Barrère tente d'exploiter l'irrédentisme de Victor-Emmanuel III tout en mettant un terme aux
pommes de discorde que sont la Tunisie et la "guerre douanière". En échange de la reconnaissance de la souveraineté
française sur Tunis par Rome, Paris accorde la double nationalité aux Italiens sur place. En novembre 1898, les deux
pays s'accordent pour abaisser significativement leurs droits de douane. La place-forte italienne sur le Chaberton,
édifiée pour contenir toute attaque française venant de Briançon, est laissée en plan malgré des efforts importants
pour la réaliser et la mise en place d'une artillerie à très longue portée (22 kilomètres) sur place.
En décembre 1900, un échange de lettres entre Paris et Rome permet à la France d'avoir les mains libres au Maroc en
échange d'une renonciation de la France à la Libye. Le 30 juin 1906, un accord secret entre la France et l'Italie met à
mal la Triplice, en assurant à la France que l'Italie n'interviendra pas si un conflit franco-allemand se déclare. L'axe
Marseille-Alger, vital en temps de guerre, est assuré.
3. L'Entente cordiale
A Fachoda, la guerre franco-britannique est apparue proche et n'a dû qu'à la volonté d'apaisement des dirigeants
politiques de ne pas se déclencher. L'évacuation de Fachoda ouvre donc la voie au statut quo en Afrique. Le
Royaume-Uni, en plus de craindre l'Allemagne en Europe, s'estime menacé par la Weltpolitik dans ses intérêts
commerciaux au niveau mondial, voire craint pour ses possessions coloniales. L'Allemagne pousse ses feux vers
l'empire ottoman, où elle construit le BBB (Berlin-Byzance-Bagdad), en s'octroyant l'exploitation d'une bande de 60
kilomètres de part et d'autre de la voie. Ainsi, elle définit le tracé de manière à disposer des mines et gisements
pétroliers de la région, tout en s'approchant des Indes britanniques.
En 1901, Edouard VII succède à la reine Victoria à Buckingham Palace et, très francophile, oeuvre pour le
rapprochement avec la France. Il effectue une "visite privée" à Paris, assiste en simple citoyen à une représentation
théâtrale et s'y taille un franc succès malgré un l'anglophobie ambiante suite à l'affaire de Fachoda.
En 1904, la France renonce à l'exploitation exclusive des eaux de Terre-Neuve, où elle avait longtemps aguerri ses
marins. Paris et Londres s'accordent aussi pour ne pas s'ingérer au Siam. En juillet 1904, le président de la
République Emile Loubet effectue une visite à Londres, où Edouard VII "[l]'invite à trinquer à l'Entente cordiale".
L'alliance se profile entre la France et le Royaume-Uni.
4. La Triple entente
La mise sur pieds par l'Allemagne de la Hochseeflotte oblige Londres à accentuer son effort militaire pour préserver
sa supériorité maritime. Dans le même temps, la brouille germano-russe s'accentue en 1905 lorsque Guillaume II
glisse une boutade à son lointain cousin Nicolas II: "l'amiral de l'Atlantique accueille l'amiral du Pacifique." peu
après la bataille de Tsushima.
En cette même année a lieu la crise de Tanger, où l'Allemagne, testant le rapprochement franco-britannique, envoit
un bâtiment mouiller dans ce port marocain. Il s'ensuit la conférence d'Algésiras, où Londres réaffirme son soutien à
Paris au Maroc.
Dans le même temps, la convention du 31 août 1907 règle le contentieux russo-britannique à propos du Tibet, auquel
Londres renonce, en échange de quoi la Russie confirme son renoncement à l'Afghanistan. Les deux pays se
garantissent aussi mutuellement. En mars 1913, la France et le Royaume-Uni signent une convention militaire:
Londres garderait la Manche et la mer du Nord et enverrait 90 000 hommes en France si une guerre impliquait la
France ; en retour, la France tiendrait la Méditerranée. Clin d'oeil de l'Histoire, le corps expéditionnaire britannique
est placé sous le contrôle du général John French.
Face à ces tractations, l'Allemagne est inquiète. Sachant qu'elle ne peut tenir seule face à une entente francobritannico-russe et consciente des faiblesses de ses alliés, elle sait qu'il lui faut déclencher une guerre préventive. Il
lui faut écraser la Russie rapidement, tant que son potentiel miltiaire est entamé par la guerre contre le Japon et que
son essor économique n'a pas encore suffi à la relever.
7. La paix armée
1. La crise d'Agadir
A l'issue de la crise de Tanger, l'Allemagne avait vérifié la solidité de l'axe Londres-Paris. Il était par ailleurs prévu
pour la France de sécuriser la façade atlantique du royaume chérifien, mais rien n'était stipulé quant à l'intérieur du
pays, où la France se fait sans cesse plus pressante suite aux nombreuses dettes que le Maroc a contractées pour se
moderniser mais ne rembourse pas. Les tenants d'une colonisation du Maroc prônent une politique agressive, quitte à
provoquer des incidents de frontière avec l'Algérie française. En 1903, la France fait circuler une caravane de
chameaux convoyant la paie de la garnison française à Figuin en territoire marocain. Cela appâte les bandits qui
infestent la région, lesquels tendent une embuscade à la caravane sans parvenir à s'en emparer. De 1903 à 1907, la
France intervient au Nord-Est du Maroc pour le pacifier et s'y établit. L'Allemagne goûte peu ce coup de force.
En 1908, suite à des troubles contre les Européens à Casablanca, la France intervient. Comme les Français envoient
un contingent de la Légion étrangère largement formé d'Allemands, Berlin tente de provoquer des désertions au sein
du corps expéditionnaire par l'intermédiaire de son consulat à Casablanca et obtient de Paris de ne pas aller plus
avant au Maroc tout en ayant droit à l'exploitation des mines de phosphate au Maroc. Au mois de mai 1911, les
Berbères, accusant le sultan de faiblesse, mettent le siège devant Fès ; le sultan demande à la France de l'aider, ce qui
est accepté. Le général Moinier, commandant en chef de la garnison de Casablanca, intervient mais procède à
l'occupation immédiate des territoires libérés. Constatant la poussée française, le ministre allemand des Affaires
étrangères, Kiderlen-Wächter, décide de tenter un coup d'éclat. Le 2 juillet 1911, la canonnière allemande
« Panther » vient mouiller en rade d'Agadir, avec dans son sillage le croiseur « Berlin », navire puissamment armé et
convoyant une unité de fusiliers marins pour occuper la ville.
A Paris, le président du Conseil Caillaux estime nécessaire d'occuper le Maroc et est décidé à ne pas transiger sur
cette question. Il charge l'ambassadeur Cambon, en poste à Berlin, d'en référer à Kiderlen-Wächter, qui persiste à
menacer la France de guerre si elle ne se retire pas. Sur cela, Caillaux convoque le général Joffre, chef d'Etat-major
et lui demande: « En cas de conflit avec l'Allemagne, avons-nous 75% de chances de l'emporter? -Nous ne les avons
pas. », d'où un choix de jouer la carte de l'apaisement. Londres trouve néanmoins excessive la réaction allemande et
décide d'appuyer Paris. En échange de la cession de territoires au Cameroun, la France obtient de l'Allemagne qu'elle
abdique de ses vues sur le Maroc. Une fois implantée au Cameroun, l'Allemagne y développe la culture de la banane
et l'élevage des camarons. Cela la rapproche de ses rêves de MittelAfrika, articulée autour de la Tanzanie et de la
Namibie actuelles. Le 4 novembre 1911, les Allemands terminent le chemin de fer entre Le Cap et Kolwezi. En
échange d'une contiguïté avec le fleuve Congo, l'Allemagne cède à la France un petit territoire au bord du lac Tchad,
Fort-Lamy, futur N'Djamena.
Néanmoins, la gravité des crises remet l'éventualité d'une guerre franco-allemande dans les têtes.
2. La guerre italo-ottomane
La fin du contentieux franco-italien en Afrique du Nord pousse l'Italie à concrétiser ses ambitions en Libye. En 1911,
les Italiens attaquent les Ottomans mais piétinent devant une résistance acharnée. Cela oblige Rome à élargir la
portée du conflit, envoyant sa flotte pilonner Beyrouth à l'artillerie lourde. De plus, les Italiens débarquent au
Dodécanèse et s'en emparent. Les Ottomans plient et acceptent de céder la Libye. Les Italiens décident également de
ne pas se retirer du Dodécanèse, sans que les Ottomans ne réagissent. Cela met en lumière les faiblesses du « vieil
homme malade » de l'Europe. Cependant, l'appel au djihad des senoussis libyens contre les Italiens est entendu et
Rome ne pacifiera que tardivement l'intégralité de la Libye.
3. Deux guerres balkaniques
En 1903, un coup d'Etat militaire porte au pouvoir Pierre Ier Karageorgevitch en Serbie. Le nouveau monarque veut
faire de la Serbie le « Piémont des Balkans ». Il serait temps, d'après lui, de remettre tous les Serbes dans un même
Etat, et donc de mener une politique d'expansion. En 1908 et 1909 se produisent des incidents en Bosnie, où les
nombreux Serbes réclament un rattachement à la Serbie.
A l'époque, les Jeunes-Turcs, mouvement politique rénovateur, prend le pouvoir à Istanbul à la faveur de la défaite
militaire contre l'Italie. Ils réclament une réforme de fond dans un sens constitutionnel et convoquent donc un
Parlement représentant tous les peuples de l'empire ottoman, ce qui inclut les Bosniaques. En rétorsion, Vienne prend
un décret de rattachement définitif à l'égard de la Bosnie. La Russie s'y oppose mais n'est pas soutenue en ce sens par
la France et le Royaume-Uni ; Belgrade fait en revanche savoir sa désapprobation.
Le 31 mars 1909, la Serbie renonce à toute revendication sur la Bosnie, car la Russie est incapable de la soutenir
efficacement en cas de besoin. De son côté, l'empire ottoman décide de mener une politique de « turquisation » de
ses provinces non-turques. Face à ces mesures, la ligue balkanique se forme, composée de la Serbie, de la Bulgarie et
de la Grèce avec l'appui russe. Les Bulgares prennent Andrinople aux Ottomans, qui acceptent la tenue d'une
conférence à Londres pour la paix. L'Albanie y est restaurée, sans autre modification territoriale. Cela permet
d'affaiblir les Ottomans et de satisfaire les exigences austro-allemandes de ne pas donner à la Serbie d'accès à la mer,
tandis que la Grèce gagne de nombreuses îles en mer Égée. La Bulgarie s'estimant lésée, reprend les armes contre ses
anciens alliés. Les Ottomans en profitent pour reprendre Andrinople. La France et le Royaume-Uni s'activent pour
rechercher la paix, qui est signée à Bucarest en 1913. Cette paix est désastreuse pour la Bulgarie, qui est démembrée
sur tous ses flancs. La Grèce en tire bénéfice, s'étendant vers Salonique au Nord et gagnant la Crête au Sud ; la
Serbie ne reçoit qu'une partie de la Macédoine ; la Russie déconsidère ce traité qui ne renforce pas assez son allié
serbe. La poudrière balkanique est en place.
4. L'été 1914
L'Europe sous ses apparences prospères est minée par les antagonismes diplomatiques et par le problème des
nationalités (Irlandais, Polonais, Alsaciens). En juillet 1913, le Reichstag adopte une loi augmentant son armée de
700 à 820 000 hommes assortie d'un achat massif de canons et mitrailleuses, tout en élaborant le plan Schlieffen. Il
s'y ajoute un nouvel effort d'équipement de la Kriegsmarine par la construction de nouveaux cuirassés. Le 8
décembre 1912, une réunion d'état-major avait conclu à la nécessité de rapidement provoquer une guerre car le temps
joue contre l'Allemagne: dès 1917, la Russie est censée égaler son potentiel militaire, avant de le dépasser peu à peu ;
la France modernise rapidement son artillerie et peut redevenir une menace à moyen terme. Le Royaume-Uni porte
son effort sur la marine, car il veut disposer d'un tonnage triple à celui de l'Allemagne. L'Autriche-Hongrie tente
aussi un effort d'équipement, tandis que la France porte le service militaire à 3 ans pour compenser sa faiblesse
démographique, tout en consacrant 33% de ses dépenses publiques à sa seule Défense. L'assassinat du prince héritier
d'Autriche-Hongrie François-Ferdinand le 28 juin 1914 est l'étincelle qui met le feu aux poudres en fournissant à
Vienne les motifs suffisants pour attaquer Belgrade, ce qui était prévu de longue date. L'ultimatum austro-hongrois,
adressé avec lenteur, réclame:
-la révocation des fonctionnaires serbes anti-austro-hongrois.
-la dissolution des organisations pro-serbes en Bosnie.
-la fin de toute campagne anti-austro-hongroise en Serbie.
-l'enquête de policiers austro-hongrois sur le territorie serbe.
Le refus de ce dernier point par Belgrade provoque un regain de tension. A partir du 24 juillet, les Austro-hongrois
attaquent la Serbie ; le 28, Belgrade est bombardée, ce qui provoque un début de mobilisation russe. Le 31 juillet,
Berlin enjoint Saint-Petersbourg de cesser la mobilisation, ce qui est refusé avec la bénédiction de Paris. Le 3 août,
l'Allemagne et la France entrent officiellement en guerre. Le 4, l'exécution du plan Schlieffen (contourner les forts à
l'Est de la France en passant par la Belgique) pousse Londres, garant de la neutralité belge, à entrer en guerre. La
Première guerre mondiale vient de commencer.
C/ La Grande guerre (1914-1918)
Décrivant le conflit, le maréchal Lyautey y évoque avec raison le « suicide de l'Europe ». Cette guerre est avant tout
une catastrophe démographique. Les nations européennes s'entretuent 4 ans durant sur les champs de bataille. La
France y perd 3 300 hommes par jour, pour un total d'1,5 million de tués. L'Allemagne subit pour sa part des pertes
journalières estimées à 3 100 hommes. Les progrès de l'artillerie expliquent en partie l'ampleur du carnage.
L'épidémie de grippe espagnole qui s'ensuit tuera 2,5 millions d'Européens. Initialement prévue comme courte, la
guerre s'enlise. Le « choc du fort au fort », prévu par tous les commandements pour hâter la fin du conflit, échoue en
raison de l'équivalence des forces en présence.
1.Stratégie directe
A. Le front oriental
Dès les premiers jours d'août 1914, la Russie lance une offensive générale contre l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne.
Le contrat passé avec la France est donc pleinement honoré. Cependant, l'armée russe est mal équipée et commandée
et ne tarde pas à se disperser, perdant en efficacité. Les Russes sont arrêtés au bord des lacs mazures et à Tannenberg
par un redéploiement de forces allemandes à l'Est sous le commandement du maréchal Hindenburg. Cependant,
l'Allemagne, repoussée à l'Ouest, se retrouve à combattre simultanément sur 2 fronts, ce qu'elle voulait absolument
éviter. Après avoir arrêté les Russes, les Allemands décident de reporter leur effort sur eux, car ils savent l'armée
russe moins solide que l'armée française: dispersée sur un front allant des Carpates à la Baltique, peu aidée par une
logistique défaillante et devant affronter 2 adversaires à la fois, l'armée russe n'est pas en situation favorable et recule
peu à peu.
A la fin de 1915, les Russes comptent déjà 3 millions de tués et commencent à être envahis. Les difficultés russes
poussent les franco-britanniques à réagir, ce qui se fait par un regain des offensives contre l'armée allemande en
même temps que les Russes tentent une contre-attaque en Ukraine (l'offensive Broussilov) et persuadent la Roumanie
d'entrer en guerre à leurs côtés. Cette réaction ne fait que différer le naufrage russe: en 1917, pris en étau entre les
difficultés militaires et les pénuries, le régime tsariste s'effondre et est remplacé par un gouvernement intérimaire
dirigé par Alexandre Kerenski. Si Kerenski s'échine à poursuivre la guerre, la révolution communiste d'octobre 1917
voit un revirement de la politique russe. Vladimir Lénine, arrivé au pouvoir, décide de conclure une paix séparée
avec l'Allemagne à Brest-Litovsk. Le traité de Brest-Litovsk est désastreux pour la Russie, qui perd un tiers de ses
territoires européens et voit la création de nouveaux États en Pologne, Finlande, Ukraine et pays baltes.
B. Le front occidental
En août 1914, le plan Schlieffen est déclenché par l'Allemagne afin de vaincre rapidement la France en passant par la
Belgique pour contourner ses défenses à l'Est puis en redescendant vers Paris. La manoeuvre échoue du fait de la
résistance acharnée des Français, Britanniques et Belges ainsi que du caractère anticipé de l'offensive russe à l'Est.
Les Allemands sont obligés de démobiliser 100 000 hommes pour les reporter à l'Est et d'infléchir leur mouvement
vers la Marne, où la garnison de Paris les attend et où les Français acheminent vaille que vaille les troupes postées à
l'Est. L'engagement dure du 6 au 12 août. L'obstination des Français est totale. Remettant son rapport, le général
Foch écrit: « Ma gauche plie, ma droite est tournée, mon centre est enfoncé. Tout va bien, j'attaque! ». Après une
semaine d'âpres combats, les Allemands sont contraints à la retraite. Tentant de profiter de la retraite allemande pour
porter un coup décisif, les alliés tentent de déborder les Allemands en poussant les combats vers la Manche. Si les
Allemands reculent, ils ne rompent pas et parviennent à se stabiliser sur une ligne de front allant de la mer du Nord à
la frontière suisse. A l'hiver 1914, les adversaires se fixent sur des tranchées et entament la guerre de position.
En 1915, apprenant les défaites russes et sachant que l'Allemagne ne place plus la France au premier rang de ses
priorités, Joffre décide d'une offensive générale en Artois. Préparée par un déluge d'artillerie et mobilisant 330 000
hommes, cette attaque échoue faute de pouvoir consolider le terrain conquis. Après 40 jours de bataille, le front n'a
été reculé que de 4 kilomètres tandis que les Franco-Britanniques ont perdu 270 000 hommes contre 150 000 pour les
Allemands.
En 1916, les Britanniques introduisent la conscription pour remplacer leurs lourdes pertes et compenser leurs faibles
effectifs de départ tandis que l'Allemagne envisage de reprendre l'offensive, ayant mis la Russie hors d'état de la
menacer. Le général Falkenhayn, chef d'État-major, estime qu'une attaque massive sur Verdun « saignera à blanc »
l'armée française, qui refusera de se retirer de cette ville symbole, où fut signé le traité entérinant l'existence de la
France en tant qu'État. L'attaque allemande, soutenue par 22 500 canons lourds, avance rapidement mais au prix de
pertes élevées. Les Français, plutôt que d'y engloutir des régiments, accélèrent la rotation des troupes via la « voie
sacrée », ainsi qu'ils surnomment la route de Verdun. La plupart des régiments français y passeront mais peu seront
intégralement détruits. Peu à peu, les Français parviennent à rétablir la situation et à refouler l'offensive allemande.
La bataille aura mis au total 700 000 hommes hors de combat dont 350 000 morts à peu près également répartis entre
les deux camps pour un résultat nul. En juillet 1916, une offensive alliée sur la Somme pour dégager Verdun se solde
par la mise hors combat de 900 000 hommes sans gains décisifs. La lassitude devant les pertes et la stagnation du
combat atteint peu à peu le moral des troupes.
Ayant échoué à remporter un succès décisif, Joffre est relevé de ses fonctions et nommé ambassadeur à Washington.
Il est remplacé par Robert Nivelle à la tête de l'armée française. Disposant des premiers chars d'assaut, Nivelle décide
de tenter une attaque inédite: attaquer sans préparation d'artillerie afin de maximiser l'effet de surprise. L'attaque du
Chemin-des-Dames, entre Soissons et Laon, menée en avril 1917, est un échec majeur: les Allemands étant au
courant malgré tout des préparatifs opposent une ferme résistance et brisent l'assaut. Il s'ensuit des mutineries
importantes au sein de l'armée française, qui provoquent une cinquantaine de « fusillés pour l'exemple » et une
substantielle amélioration des conditions de vie sur le front ainsi que la promesse de ne plus engager d'offensive à
l'aveuglette. L'immobilisme de la situation inspire à Erich Maria Remarque son célèbre ouvrage « A l'Ouest rien de
nouveau ».
Une fois la Russie mise hors-jeu, l'Allemagne reprend l'offensive à l'Ouest. L'entrée en guerre des
États-Unis en 1917 infléchit cependant le rapport de forces en faveur des Alliés. De plus, le rangement de leurs
armées sous un commandement unifié confié au maréchal Foch permet une meilleure coordination de leurs actions.
Malgré quelques trouées, l'offensive allemande est déjouée en Picardie. Par la suite, la supériorité des Alliés en
effectifs, en chars d'assaut et en avions inverse définitivement le cours des combats et les Allemands sont contraints
de se replier, même s'ils ne subissent aucune défaite majeure. Lüdendorff, qui a remplacé Falkenhayn, sait que l'issue
de la guerre n'est plus qu'une question de temps. Guillaume II est poussé à abdiquer et le gouvernement intérimaire,
établi à Weimar, engage des pourparlers sur insistance de l'état-major. Le 11 novembre 1918, il y a cessez-le-feu. Le
« coup de poignard dans le dos » des civils entre dès lors dans les discours nationalistes allemands. Alors que
l'Allemagne n'a pas été vaincue, elle est contrainte de demander la paix. Cette auto-humiliation ne devait pas rester
sans conséquences.
C. Le front italien
L'Italie entre en guerre aux côtés de la Triple Entente en avril 1915, ayant eu promesse de prendre l'Istrie, l'Illyrie et
la Dalmatie en cas de succès. L'armée italienne livre d'épiques combats aux Austro-Hongrois dans les Alpes et fixe
des pans entiers de l'armée austro-hongroise, ce qui soulage les Russes et éclaircit la situation dans les Balkans.
En octobre 1917, une offensive austro-hongroise sur Caporetto manque d'emporter le front italien, ce qui oblige
l'armée française à intervenir. Après le désastre de Caporetto, les Italiens fusillent 2 000 hommes « pour l'exemple ».
Par la suite, ils se reprennent et l'emportent à Vittorio Veneto. L'Italie a rempli ses obligations mais s'estimera par la
suite mal récompensée, d'où le sentiment de « victoire mutilée » dans les premières années d'après-guerre.
2.Stratégie indirecte
A. La guerre navale
La Triple Entente décrète dès l'ouverture des hostilités le blocus des côtes allemandes. L'Allemagne est bloquée en
Europe mais dispose de flottes éparses dans le monde, qui jouent un rôle de trublions, comme l'escadre du Pacifique,
qui sera finalement coulée aux Falkland. Il y a toutefois une tentative allemande de sortir la Hochseeflotte en mai
1916. Il s'ensuit la bataille du Jutland où les flottes allemande et britannique s'affrontent sporadiquement, sans
parvenir à un engagement total. Les Allemands, réalisant l'étendue des forces adverses, préfèrent se replier dans les
ports de la mer du Nord. Le bilan est mitigé: la flotte allemande a coulé 112 000 tonnes de navires britanniques pour
« seulement » 60 000 tonnes perdues, mais se refusera désormais à toute opération. Dès lors, Berlin réoriente sa
stratégie navale vers la guerre sous-marine.
L'Allemagne décide de lancer la guerre sous-marine à outrance, grâce aux premiers sous-marins de combat. Elle fait
cependant l'erreur de menacer directement tout navire naviguant vers les ports français ou britanniques, ce qui déplaît
aux puissances neutres, notamment aux États-Unis, qui cherchent à maintenir leurs liens commerciaux avec l'Europe
malgré leur non-engagement militaire. Une série de bavures, débutée avec le torpillage du paquebot « Lusitania » le
7 mai 1915, décide à terme les Américains à entrer en guerre. En avril 1917, les sous-marins allemands coulent 900
000 tonnes de navires, mais les progrès rapides de la lutte anti-sous-marine (escortes, grenades, écoute des
communications) limitent de plus en plus leur efficacité.
B. Recherche d'alliés
L'empire ottoman, avec lequel l'Allemagne n'a eu de cesse de resserrer ses liens économiques et de lui promettre la
restitution de l'Egypte en cas de victoire, rejoint la Duplice le 2 novembre 1915, ce qui équilibre l'entrée en guerre de
l'Italie. La Bulgarie se joint aussi à cette alliance, souhaitant prendre la Macédoine.
Du côté de la Triple Entente, on cherche à s'attacher les bonnes grâces du Japon, en lui promettant les possessions
allemandes en Chine et dans le Pacifique. Il s'ensuit des affrontements violents entre les Japonais et les Allemands
dans la zone. Les Japonais parviennent à terme à l'emporter en Asie mais n'interviennent pas en Europe de manière
significative, se contentant d'envoyer 3 navires en Méditerranée.
En août 1916, la Roumanie entre en guerre sur insistance de la Russie, mais se retrouve prise en tenailles entre
l'Autriche-Hongrie et la Bulgarie ainsi que quelques contingents allemands, parmi lesquels le lieutenant Rommel, et
est vaincue dès décembre. Au Sud, la Grèce se révèle un allié utile pour forcer le passage dans les détroits et créer
une tête de pont. Suite à l'échec de l'assaut sur les Dardanelles, les franco-britanniques se replient sur Salonique, ce
qui leur permet de récupérer les débris de l'armée serbe, réfugiée à Corfou après une pénible retraite. En juin 1917,
ils obligent Athènes à entrer en guerre à leurs côtés. Par la suite, ils planifient une offensive vers le Nord afin de
neutraliser la Bulgarie.
Irrité par les incursions récurrentes d'une petite troupe allemande sur ses colonies africaines, le Portugal entre en
guerre et envoie quelques unités en France.
Les États-Unis demeurent le principal allié de la Triple Entente. Ils interviennent en rétorsion aux torpillages dans
l'Atlantique et aux manœuvres allemandes au Mexique visant à le faire entrer en guerre contre eux. Il leur faut
effectuer un effort considérable pour mettre leur armée sur pieds et se doter d'armements performants.
Accompagnant le premier contingent américain qui débarque à Saint-Nazaire le 30 juin 1917, le général Pershing
lâche son fameux « La Fayette, nous voilà! » Début 1918, 1 million d'Américains sont sur le sol français et apportent
une aide décisive lors de l'offensive finale ; ils seront 3 millions au moment de l'armistice. En janvier 1918, le
président Woodrow Wilson énumère ses « 14 points », qui pèseront d'un poids décisif lors des négociations de
Versailles.
C. Fronts secondaires
Les combats ont aussi lieu dans les Balkans. Faute de pouvoir prendre les détroits, les Franco-Britanniques s'y
rabattent. La faiblesse des troupes bulgares pousse les alliés à attaquer depuis Salonique. Le 15 septembre 1918, une
charge à la baïonnette en Thrace enlève les défenses bulgares. Sofia capitule 3 semaines plus tard. Le 1er novembre,
les troupes serbes reviennent à Belgrade. Mise en difficulté par l'Italie, l'Autriche-Hongrie ne peut supporter ce
deuxième front et commence à se décomposer. Le général Franchet-d'Espéret clame avec raison que l'objectif est
désormais de prendre Munich. Cela décide les Allemands à traiter.
Au Sud, l'entrée en guerre de l'empire ottoman pousse les Britanniques à susciter la révolte des Arabes contre
Constantinople. Si l'historiographie a essentiellement retenu l'action de Lawrence d'Arabie, ce sont en fait les
Français du colonel Brémond qui assument l'essentiel des tâches en matière de renseignement, de sabotages et de
stratégie. La révolte arabe se révèle être un succès militaire. Cela permet à Londres de planifier rapidement le
redécoupage des possessions ottomanes au Proche-Orient. Cependant, les Britanniques font 3 promesses
contradictoires: par les accords Sykes-Picot, ils concèdent la Syrie et le Liban actuels aux Français ; par la
déclaration Balfour, ministre des Affaires étrangères, ils promettent un foyer national aux Juifs ; enfin, ils promettent
aux Arabes un royaume de l'Euphrate au Nil. Au final, la première promesse sera tenue, les deux autres
partiellement. Cela attise les rancœurs futures et explique en partie les évolutions du Proche-Orient par la suite.
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