Une aggravation brutale de la situation économique dans la zone euro
LEMONDE.FR | 15.01.09
L'évolution des taux directeurs de Fed et de la BCE LEMONDE.FR | 17.01.09
Le grand écart des emprunts d’Etat
menace la zone euro
Par JEAN QUATREMER Libération du 16/01/2009
Inquiet du fossé qui se creuse entre ses membres,
l’Eurogroupe se réunit lundi.
Les marchés font un pari. Que la crise va faire voler en
éclat la zone euro. Pourquoi ? Parce que depuis le début de
la crise bancaire, en août 2007, mais surtout depuis sa
contagion à l’Europe, en octobre 2008, l’écart (spread en
anglais) de taux d’intérêt s’est brusquement creusé entre
l’emprunt d’Etat de férence à dix ans (le Bund allemand) et
celui des autres emprunts d’Etat de la zone euro. Autrement
dit, les marchés exigent de la plupart des pays qui veulent
emprunter pour financer leur plan de relance une «prime de
risque» de plus en plus élevée. Une défiance à l’égard de la
solvabilité à long terme des Etats et donc leur capacité à
rester membre de la zone euro.
Qualité. Ce creusement affolant des spreads inquiète de
plus en plus les autorités monétaires européennes. Et
l’Eurogroupe, qui réunit les seize ministres des Finances de
la zone euro, va se pencher sur le sujet ce lundi.
Les taux d’intérêt à long terme, librement fixés par les
marchés (ils varient donc au jour le jour), reflètent la qualité
de la signature d’un Etat. Depuis 1995, date à laquelle les
marchés se sont persuadés que la monnaie unique verrait le
jour, ces taux ont navigué dans une fourchette très étroite. Et
permis, à la Grèce ou à l’Italie, deux pays hyperendettés, de
se financer dans des conditions proches de celle de
l’Allemagne. Cette dernière reste la référence absolue : elle
bénéficie des taux les plus bas.
«Eurobligation». Or, depuis le début de la crise, le besoin
de financement massif des Etats, a accru les spreads. Le
Bund allemand était hier à 2,90 %, le taux français à 3,38 % :
l’écart le plus important depuis le lancement de l’euro. Le
taux grec, lui, atteint 5,34 %, soit un différentiel faramineux
de 244 points de base. La dégradation des finances
publiques fait peser un risque sur la capacité de
remboursement des Etats. Et cette augmentation des taux
longs enclenche un cercle vicieux. Comme le service de la
dette (les intérêts) s’alourdit, cela détériore davantage le
déficit et accroît la dette, ce qui augmente d’autant la
méfiance des marchés…
Risque d’implosion ? Christian de Boissieu, président du
Conseil d’analyse économique, réfute une telle hypothèse.
«Aucun pays n’a quitté la zone euro. S’il le faisait, il verrait
exploser la charge des intérêts de sa dette.» Pour réduire
ces spreads et le risque qu’ils font peser, il faut, assure-t-il,
que «les Etats annoncent un plan d’assainissement de leurs
finances publiques à moyen terme, une fois la crise passée».
C’est le message martelé, hier, par Jean-Claude Trichet, le
président de la Banque centrale européenne. Et créer une
agence capable d’émettre des «eurobligations», comme l’a
suggéré Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe,
dans nos colonnes (Libération du 31 décembre 2008). Si,
dans un premier temps, l’Allemagne y perdrait, à moyen
terme, l’ensemble de la zone euro y gagnerait. L’idée fait son
chemin.
L'endettement met à l'épreuve
la cohésion de la zone euro
Philippe Ricard LE MONDE du 21.01.09
BRUXELLES BUREAU EUROPÉEN
Joaquin Almunia, le commissaire européen chargé des
affaires économiques et monétaires, a rejeté, lundi 19
janvier, toute perspective d'"éclatement" de la zone euro.
Récession inédite, déficits records, endettement massif, le
souffle de la crise économique met cependant à rude
épreuve la cohésion de l'union monétaire. En 2009, son
produit intérieur brut devrait reculer de 1,9 %, d'après les
prévisions en forte baisse dévoilées lundi par la Commission.
Dans les seize pays de la zone, le chômage devrait passer
de 7,5 % de la population active, fin 2008, à 10,2 % en 2010.
A l'instar de l'Espagne et de la Grèce, les Etats membres les
plus fragiles voient leur note financière révisée à la baisse
par les agences de notation. Une série de pays en difficulté,
dont la Grèce, l'Espagne mais aussi le Portugal, l'Irlande et
l'Italie sont sanctionnés par les investisseurs internationaux :
l'écart entre les taux consentis sur les emprunts d'Etat se
creuse comme jamais depuis la création de la monnaie
unique voici dix ans. Aujourd'hui, la crise oblige les Etats plus
exposés à payer une prime de risque de plus en plus
importante, qui alourdit d'autant leur refinancement. L'euro
avait au contraire permis de faciliter la convergence entre les
pays membres de la zone avec les taux les plus bas, ceux de
l'Allemagne.
La situation donne des sueurs froides aux dirigeants
européens. Les ministres des finances de la zone euro n'ont
pu ignorer le sujet lors de leur rencontre mensuelle, lundi
soir, à Bruxelles. La pression persistante mise par les
marchés de capitaux sur tel ou tel pays frappé par la
récession pourrait accélérer son éventuelle défaillance. Cet
automne, les Vingt-Sept avaient se porter au secours de
la Hongrie, un pays non membre de la zone euro, avec l'aide
du FMI et de la Banque mondiale. Or, il n'existe pas de
dispositif de ce genre pour soutenir un pays membre de
l'union monétaire. En principe, les traités européens excluent
même une telle initiative.
"La situation ne présente aucun élément qui nous inciterait à
agir sur le court terme", a indiqué Jean-Claude Juncker, le
président de l'Eurogroupe. En cas de nécessité, ce dernier a
laissé entendre que les Européens ne laisseraient pas au
FMI "l'exclusivité" d'une opération d'assistance. M. Juncker et
M. Almunia ont rencontré, lundi, le nouveau ministre des
finances grec, pour lui demander de poursuivre
l'assainissement des finances publiques de son pays. Pour le
commissaire européen, le risque d'une défaillance d'un des
Etats les plus fragiles n'est cependant "pas important".
"AVIS PARTAGÉS"
Pour contourner la sanction des marchés, M. Juncker a par
ailleurs proposé cet automne de créer une agence commune
d'émission de la dette obligataire. Un tel dispositif pourrait
permettre d'éviter la divergence des taux, puisque la dette
émise par les pays de la zone euro le serait selon un barème
unique, en mutualisant les risques. "Les flexions existent,
mais les avis sont partagés", a reconnu M. Juncker lundi.
L'Allemagne et la France s'opposent à un tel dispositif, contre
l'avis de l'Italie. Faute de budget fédéral fort, les pays les plus
solides craignent de devoir financer sur leurs deniers
l'éventuel sauvetage des leurs voisins.
Enfin, les inquiétudes des marchés financiers contribuent à
alimenter la controverse sur l'application du pacte de stabilité
et de croissance, au sein de la zone euro et dans l'ensemble
de l'Union européenne. D'après la Commission, douze des
vingt-sept Etats membres - dont sept pays de l'euro -
devraient voir leur déficit passer au-dessus du seuil de 3 %
du PIB en 2009. Le dérapage pourrait atteindre 11 % en
Irlande et 8,8 % au Royaume-Uni. Il se situera à 5,4 % en
France et à 6,2 % en Espagne. M. Almunia s'est gardé
d'annoncer le lancement de nouvelles procédures de déficit
excessif. Il hésite à avancer dans cette direction, à l'heure
les Vingt-Sept multiplient les initiatives pour soutenir leur
économie. La relance est un "impératif absolu", a martelé
Christine Lagarde, la ministre des finances française.
Plusieurs pays, dont l'Allemagne et la présidence tchèque de
l'Union européenne, plaident néanmoins pour un "scénario
de sortie de crise" budgétaire. Pour eux, il s'agit, entre
autres, de rassurer les investisseurs internationaux quant
aux bonnes intentions budgétaires de l'Union. "Le pacte doit
être appliqué sans trop de zèle, juge un haut responsable
financier. Un mécanisme de surveillance des Etats membres
est légitime, mais le marché est en train de faire la police lui-
même", ajoute un haut responsable financier. Pour lui, les
problèmes de l'Espagne et de l'Irlande, deux ex-pays
"vertueux" balayés par la crise financière et immobilière,
démontrent que la seule discipline budgétaire ne suffisait
pas. Faute de consensus, les dirigeants de la zone euro se
contentent pour l'heure de répéter leur attachement au pacte
de stabilité et de croissance. Et ils insistent sur la "flexibilité"
qu'il autorise en cas de circonstances exceptionnelles.
Jean-Claude Trichet exclut des taux à
zéro pour cent dans la zone euro
Pierre-Antoine Delhommais LE MONDE du 17.01.09
Le président de la Banque centrale européenne (BCE),
Jean-Claude Trichet, a estimé, vendredi 16 janvier, qu'il
n'envisageait pas d'abaisser les taux directeurs jusqu'au
niveau de zéro pour cent, comme l'ont fait la Réserve
fédérale américaine et la Banque du Japon. "Si vous me
demandez si nous pouvons aller jusqu'à zéro, je vous
réponds : "non, nous n'y irons pas"", a-t-il déclaré à la
télévision publique japonaise NHK. Il n'a en revanche pas
exclu de nouvelles baisses des taux. "A la question, "est-
ce que 2 % est le plus bas niveau que vous allez atteindre
?", je vous réponds "non, nous verrons ce qui est
nécessaire"", a-t-il encore
La veille, le conseil des gouverneurs de la BCE avait,
comme prévu, abaissé d'un demi-point son taux directeur,
ramené de 2,5 % à 2 %. Pour justifier ce geste, M. Trichet
a expliqué que "la BCE avait anticipé une poursuite du
ralentissement significatif" de l'économie de la zone euro.
Les mauvaises statistiques, notamment en provenance
d'Allemagne, se sont accumulées au cours des derniers
jours, faisant craindre une contraction du produit intérieur
brut (PIB) beaucoup plus forte que prévu jusqu'à présent.
M. Trichet a aussi souligné que le conseil avait pris en
compte "l'allégement significatif des pressions
inflationnistes". En décembre 2008, l'inflation sur un an
est tombée à 1,6 % seulement, en dessous de l'objectif à
moyen terme de la BCE d'un taux inférieur mais proche
de 2 %. "La BCE envoie un signal de confiance pour
l'économie et les marchés financiers", a commenté le
ministre allemand de l'économie Michael Glos.
Les économistes parient sur une nouvelle baisse de ses
taux en mars après une pause en février. "Mars est le
prochain rendez-vous important pour prendre des
décisions" en matière de politique monétaire a d'ailleurs
précisé, M. Trichet.
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