B – Les défis techniques du clonage thérapeutique
Au delà des difficultés liées aux transferts et à l’intégration des transgènes, à la
régulation génétique, au contrôle de la différentiation cellulaire, aux risques
tumorigènes, au développement des tératomes, à l’imprinting, au vieillissement
cellulaire, au mécanisme chronologique de l’activité de la télomérase et j’en passe,
l’utilisation des cellules souches totipotentes et pluripotentes pose de nombreuses
questions éthiques. A-t-on le droit de détruire l’ovule humain fécondé pour faire des
recherches ? Est-il éthiquement adéquat de cloner des individus afin de les utiliser dans
un protocole thérapeutique ? L’embryon humain peut-il être perçu comme médicament
pour sauver d’autres vies ?
Les cellules ES, en principe, peuvent être induites à évoluer vers un appareil
particulier: cœur, foie, reins... D'où leur mystère, leur importance biomédicale et la
fascination des biologistes. Ce sera un fonds, une source de pièces de rechange pour les
humains ! Cependant, de nombreuses questions se posent :
- Peut-on réellement contraindre des cellules souches pluripotentes à se
différencier d’une manière déterminée ?
- Peut-on amener toutes les cellules d’une culture à se développer dans une
direction univoque?
- Quels sont les types cellulaires intermédiaires ?
- Quels marqueurs et quelles méthodes peuvent être employés pour sélectionner le
modèle désiré ?
Jusqu’à nos jours, la capacité des cellules ES à élaborer des organes complexes en
culture reste complètement inexplorée. Nous savons que les organes résultent
d’interactions entre des tissus embryonnaires provenant de deux couches distinctes : les
poumons, par exemple, se forment lorsque des cellules issues du mésoderme
interagissent avec des cellules de l’endoderme qui donnent le tube digestif.
L’interaction stimule ces cellules endodermiques qui se ramifient en prolongements,
lesquels deviendront les poumons. Pour construire des organes, on devra apprendre à
commander les interactions des cellules souches pluripotentes. Les anomalies des
bovins clonés, par la technique du clonage somatique pourrait être à l’origine d’ « effets
pathologiques durables »
. Ces effets décelés après la naissance des sujets clonés ne
pourraient-ils pas être en germe dans l’embryon et affecter la qualité des cellules qui le
composent ? Que sait-on des facteurs épigénétiques qui seraient susceptibles de
compromettre leur normalité ? L’activité télomérasique d’un embryon obtenu par
clonage est-elle identique à celle d’un embryon résultant d’une procréation ? En l’état
actuel des connaissances, ces questions demeurent sans réponse et justifient, pour le
moins, la poursuite d’une recherche approfondie sur l’animal avant toute
expérimentation sur l’homme. Heureusement, de nos jours, d’autres voies à
perspectives prometteuses s’ouvrent à la recherche compte tenu des ressources offertes
par les cellules souches multipotentes, présentes dans l’organisme adulte.
Lancet du 1er mai 1999