A partir de l'entrée en vigueur du planning de démantèlement tarifaire sur les biens de consommation importés
d'Europe (2000) puis de Turquie (2012), les PMI tunisiennes étaient délaissées par l'administration tunisienne,
qui a toléré des importations abusives et déloyales (qualité, prix dumping, normes...) de produits finis
fabricables en Tunisie, sans même se servir des clauses de sauvegardes prévues dans l'ALE'1994 scellé avec
l'UE.
Début 2016, les produits sud-est asiatiques vont pouvoir bénéficier d'une réduction des barrières tarifaires
(jusqu'à 20%) ce qui accentuera le déficit commercial avec la Chine et d'autres pays de la région. Ces
importations sont réalisées par les grands affairistes du pays qui, curieusement, étaient de solides industriels
dans les mêmes activités (IMM, IMCCV, IEE, ITC).
En fait, les grands opérateurs de l'industrie se dessaisissaient de leurs outils de production au profit de firmes
multinationales, pour se convertir en «rentiers», réinvestissant principalement dans la distribution moderne ou
dans l'économie souterraine.
Côté moyennes entreprises, les études effectuées ont recensé la disparition de la moitié des PMI (cession
d'usines aux IDE, liquidation d'actifs à la casse, ou fermeture pour cause de faillite) avec la mise en chômage
de leurs forces ouvrières (entre 300 et 500 mille personnes).
Des investissements destructifs
Au-delà du développement accéléré du secteur informel avec tous ses collatéraux nocifs sur tous les plans,
nous assistions depuis quelques années à l'industrialisation de la «distribution moderne», portée principalement
sur des produits importés.
C'est ainsi que nous avons enregistré la réalisation d'investissements capitalistiques dans :
1) la grande distribution : super et hypermarchés, chaînes spécialisées de distribution…
2) l'importation-distribution de voitures par les concessionnaires.
Cette orientation structurelle a entrainé des conséquences macroéconomiques fâcheuses : la fragilisation du
secteur industriel, la perte d'emplois industriels, la baisse des exportations et l'augmentation des importations,
l'amplification du déficit commercial, l'accentuation du recours à l'endettement improductif extérieur pour
nourrir les réserves en devises et équilibrer les comptes extérieurs.
Maintenant que le comité exécutif de l'Utica est formé essentiellement de rentiers (à l'exception de solides
groupes investissant à l'étranger), l'on se demande sérieusement qui représente les PMI à la centrale patronale,
et qui défend réellement leurs intérêts et les soutient auprès du gouvernement?
Au moment où l'industrie se casse la gueule par la concurrence déloyale de l'importation non-régulée des biens
de consommation, les opérateurs dans l'agriculture redoutent que le massacre industriel soit relayé par la
torture des activités agricoles, dont notamment les grandes cultures et la production animale (toutes spécialités
confondues).
Ce faisant, et sous l'impulsion de l'UE et de l'OMC, la Tunisie est en passe de se transformer d'un pays
«producteur» en un pays «consommateur», avec une structure du PIB en évolution défavorable pour
l'industrie, le tourisme et l'agriculture, et ce, en contrepartie d'un surendettement extérieur rampant destiné à
financer le déficit commercial et à combler divers déficits extérieurs. Renfermant une composante
improductive de plus en plus dominante, ce surendettement extérieur est implicitement couvert par les
richesses naturelles du pays, voire par des ouvrages et actifs divers adossant les «sukuk» projetés.