Comprendre l`excision - Excision, parlons-en

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Comprendre l’excision
Qu’appelle-t-on « excision » ?
L'excision, aussi appelée Mutilations sexuelles féminines (MSF) ou Mutilations génitales
féminines (MGF), recouvre toutes les interventions incluant l'ablation partielle ou totale des
organes sexuels externes de la femme ou autre lésion des organes sexuels féminins.
L’Organisation mondiale de la Santé distingue 4 types de mutilations sexuelles féminines :
 La clitoridectomie : ablation partielle ou totale du clitoris.
 L’excision : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans
ablation des grandes lèvres.
 L’infibulation : rétrécissement de l’orifice vaginal par ablation et accolement des petites
lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans ablation du clitoris.
 Les formes non-classées de MSF : toutes les autres interventions nocives ou
potentiellement nocives pratiquées sur les organes sexuels féminins à des fins non
thérapeutiques.
Une question de vocabulaire : excision ? Mutilation sexuelle féminine ? Mutilation génitale
féminine ?
Excision, parlons-en ! utilise parfois indistinctement les termes de « mutilation sexuelle féminine »
et « d’excision ». Notre réseau et ses adhérent-e-s sont mobilisé-e-s pour l’abandon de toutes les
formes de mutilations sexuelles féminines. Nous utilisons néanmoins parfois le terme « excision »
de façon générique, selon les contextes ou le public avec lequel nous dialoguons.
Nous privilégions également le terme mutilations « sexuelles » à celui de « génitales » car il
reflète mieux l’ensemble des conséquences de l’acte sur la vie des femmes et intègre, en plus de
l’atteinte physique, toutes les dimensions de la sexualité (psychologique, sociologique,
anthropologique…).
Quels sont les risques liés aux mutilations sexuelles féminines ?
Les mutilations sexuelles féminines ne présentent aucun avantage pour la santé et entraînent
de graves conséquences physiques et psychologiques tout au long de la vie des femmes.
Parmi les risques auxquels sont exposées les filles et les femmes victimes d’excision, il est
possible de citer :
Des douleurs intenses : la vulve, les lèvres et le clitoris sont des parties du corps très innervées.
Couper des tissus sensibles des organes génitaux cause des douleurs extrêmes, d’autant que
les mutilations sexuelles féminines sont rarement pratiquées sous anesthésie. Par ailleurs, la
cicatrisation peut se révéler douloureuse dans des contextes où le suivi des soins reste précaire.
Tout au long de leur vie, les femmes peuvent continuer à ressentir des douleurs en raison de
l’emprisonnement ou de l’absence de protection des terminaisons nerveuses.
Des saignements voire une hémorragie.
Des saignements se produisent de façon immédiate. Dans certains cas, il s’agit même de
véritables hémorragies, pouvant alors entrainer la mort.
Des infections : les conditions d’hygiène précaires (par exemple le fait d’utiliser le même
instrument pour exciser plusieurs filles) peuvent être à l’origine d’infections. Par la suite, les
mutilations sexuelles féminines peuvent entraîner de multiples infections vulvaires, urinaires ou
gynécologiques, qui peuvent mener à la stérilité. La diffusion des infections sont susceptibles
d’entraîner des septicémies qui, sans traitement adéquat, peuvent être mortelles.
La mort peut être causée au moment de l’acte par des hémorragies ou des infections, y compris
le tétanos et le choc.
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) : l’utilisation d’un même instrument non stérilisé
pour l’excision de plusieurs filles est susceptible d’accroître le risque de transmission du VIH. Par
ailleurs, l’augmentation du risque des saignements au cours des rapports sexuels, qui est
fréquent lorsque la désinfibulation est nécessaire, peut accroître le risque de transmission du VIH.
Les filles et les femmes ayant été infibulées sont particulièrement exposées aux problèmes
urinaires et menstruels : la fermeture quasi complète du vagin et de l’urètre peuvent empêcher
l’urine et les menstruations de s’écouler normalement.
Les conséquences sur la vie sexuelle : les femmes ayant subi une mutilation sexuelle peuvent
connaître des douleurs ou un plaisir sexuel diminué au cours des rapports sexuels, par exemple
en raison des dommages liés à l’ablation de tissus sensibles tel que le gland du clitoris, de
cicatrices résultant de leur excision ou encore de souvenirs traumatisants liés à l’intervention.
Les complications obstétricales : les femmes ayant subi une mutilation sexuelle féminine sont
plus exposées à des complications telles que des saignements excessifs, des déchirures du
périnée et ont souvent recours à des épisiotomies. Un travail prolongé ou un accouchement
difficile peuvent être à l’origine de fistules obstétricales, qui deviennent alors des conséquences
secondaires des complications liées aux mutilations sexuelles féminines.
Un accompagnement médical adéquat des femmes à l’accouchement réduit le risque de
complications obstétricales : Une femme excisée vivant loin d’un poste de santé, en milieu rural a
beaucoup plus de risques de complication qu’une femme excisée vivant dans un pays où le
système de santé et développé et accessible.
Les répercussions sur le nouveau-né : les résultats d’une étude menée par l’Organisation
mondiale de la Santé sur 28 000 femmes dans différents pays, prouvent que les mutilations
sexuelles des mères ont des conséquences négatives sur les nouveau-nés : les taux de décès
périnatal chez les nouveau-nés sont plus élevés pour les enfants des femmes ayant subi une
mutilation sexuelle que pour les enfants des femmes n’ayant pas subi de mutilation (supérieur de
15 % pour les enfants dont les mères ont subi une mutilation de type I, de 32 % lorsque les
mères ont subi une mutilation de type II, et de 55 % lorsqu’il s’agit d’une mutilation sexuelle de
type III)
Informations empruntées au rapport : l’abandon des mutilations génitales féminines et de
l’excision, Un examen attentif de pratiques prometteuses. PRP, USAID, 2007.
Les conséquences psychologiques : beaucoup de femmes décrivent les mutilations sexuelles
féminines comme un traumatisme, en raison de la douleur extrême ressentie au moment de
l’acte, du choc et de la force utilisée pour les empêcher de bouger. La douleur et/ou l’hémorragie
peuvent entraîner un choc au moment de la mutilation. Des études ont également montré que
les femmes excisées peuvent avoir une plus grande crainte des rapports sexuels ou connaître un
état de stress post-traumatique, d’anxiété, de dépression, de perte de mémoire.
Ces informations sont empruntées à : « Eliminer les mutilations sexuelles féminines – Déclaration
interinstitutions. HCDH, OMS, ONUSIDA, PNUD, UNCEA UNESCO, UNFPA, UNHCR, UNICEF,
UNIFEM », Organisation mondiale de la Santé 2008.
Pourquoi l’excision est-elle pratiquée ?
Aucune raison liée à « la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu
“honneur”» (Convention d’Istanbul) ne saurait justifier les mutilations sexuelles féminines.
Dans les sociétés où elles sont pratiquées, les Mutilations Sexuelles Féminines (MSF) sont le
reflet d’une inégalité entre les sexes et traduisent le contrôle exercé par la société sur les femmes.
Le maintien de la pratique est sous-tendu par un ensemble de croyances culturelles, religieuses
et sociales. Les raisons invoquées par les groupes qui perpétuent l’excision peuvent varier selon
la région, l’ethnie ou la communauté et peuvent se cumuler.
De façon transversale, il est important de comprendre que l’excision constitue une norme
sociale : dans la plupart des communautés, l’excision persiste en raison d’un sentiment
d’obligation sociale très fort. Par conséquent, même lorsqu’elles sont conscientes des
répercussions sur la santé physique et psychologique de leurs filles, les familles préfèrent
perpétuer la pratique pour ne pas subir jugement moraux et sanctions sociales (comme par
exemple l’impossibilité pour une fille de se marier ; dans les sociétés où l'on choisit son
partenaire à l'intérieur du groupe (non seulement social — homogamie — mais aussi
géographique, professionnel, religieux).
L’Unicef, qui travaille de longue date à la compréhension des dynamiques qui sous-tendent la
perpétuation et l’abandon de l’excision, explique ainsi dans une étude de 2010 : « Dans les
communautés où elle est pratiquée, l’E/MGF n’est considérée ni comme dangereuse, ni comme
une violation des droits humains. Elle constitue une étape nécessaire dans la bonne éducation
d’une fille, une façon de la protéger et, dans de nombreux cas, de lui permettre de se marier. Les
parents font exciser leurs filles afin de leur garantir le meilleur futur possible. L’honneur familial et
les attentes sociales jouent un grand rôle dans la perpétuation de l’E/MGF, ce qui permet
difficilement aux familles individuelles ainsi qu’aux femmes et aux filles en tant qu’individus de
renoncer à la pratique. Même lorsque les familles sont conscientes des conséquences néfastes
de l’intervention, elles perpétuent la pratique car elles craignent les jugements moraux et les
sanctions sociales au cas où elles ne se conformeraient pas aux attentes de la société. Le
moteur principal qui entretient la pratique est souvent le désir de protéger les filles et de leur offrir
le meilleur futur possible leur assurant sécurité économique et acceptation sociale ».
Les justifications suivantes sont notamment invoquées par les groupes qui pratiquent l’excision :
 Le contrôle de la sexualité des femmes et le maintien de la domination masculine :
L’excision – en prévenant le désir sexuel, empêcherait les expériences sexuelles prénuptiales
et ensuite les relations adultérines – garantissant ainsi l’honneur de la famille et du mari.
 Les croyances liées à la religion : bien qu’aucun texte religieux ne prescrive la pratique –
qui a d’ailleurs précédé l’apparition des grandes religions monothéistes - certains utilisent
leurs croyances pour justifier l’excision. La pratique se retrouve aussi bien dans des
populations musulmanes, chrétiennes ou animistes.
 D’autres croyances, les mythes : certaines communautés pensent que l’excision favorise la
fécondité des femmes ; qu’elle permet d’assurer une meilleure hygiène, de rendre les femmes
plus attrayantes ou même de leur ôter les parties qu’ils considèrent comme masculines ou
dangereuses telle que le gland du clitoris.
 Le maintien d’une identité et d’une tradition culturelle : pour certaines communautés,
pratiquer l’excision permet de perpétuer une tradition et de protéger une identité culturelle.
L’excision est par exemple parfois associée à des rites de passage à l’âge adulte. Pratiquer
l’excision pour préserver son identité culturelle, en particulier au contact de groupes qui ne
pratiquent pas, peut jouer un rôle important, par exemple dans un contexte migratoire.
Certaines familles peuvent parfois perpétuer la pratique en migration pour s’assurer de
transmettre valeurs et identité culturelle.
Qui pratique l’excision ?
La personne qui pratique l’excision n’est pas toujours la même selon les contextes. En Afrique de
l’ouest francophone, l’excision est généralement pratiquée par des femmes âgées dont le savoir
a été transmis par leur mère et qui disposent d’un statut particulier dans leur communauté, ou
encore par des accoucheuses traditionnelles.
Dans certains pays, les mutilations sexuelles féminines tendent à se médicaliser, c’est-à-dire
qu’elles sont pratiquées par des professionnels de santé. En Egypte, par exemple, en 2015 ( ?),
75% des excisions sont pratiquées par des professionnels de la santé, contre 24% en 19951.
La médicalisation de la pratique de l’excision ne constitue pas une solution et présente le risque
de lui donner un caractère officiel. L’Organisation mondiale de la santé condamne fermement la
pratique des mutilations sexuelles féminines par le personnel de santé.
En France, le Conseil de l’Ordre des médecins interrogé à ce sujet n’a pu que rappeler la teneur
du code de déontologie : « Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif
médical très sérieux… » (Art/41, Décret n°95-1000 du 6 septembre 1995 portant sur le code de
déontologie médicale).
A quel âge pratique-t-on l’excision ?
Dans l’immense majorité des cas, les filles sont excisées avant l’âge de 15 ans. Dans la
moitié des 29 pays qui pratiquent l’excision, la majorité des filles subissent les mutilations
sexuelles féminines avant l’âge de 5 ans.
En Égypte, en République centrafricaine, en Somalie et au Tchad, au moins 80 % des filles sont
excisées entre 5 et 14 ans, parfois dans le cadre de rites marquant le passage à l’âge adulte.
Pour en savoir plus, consulter le rapport statistique de l’Unicef, publié en 2013.
Cette moyenne cache cependant des disparités puisque l’âge peut varier d’une ethnie à l’autre
ou d’une génération à l’autre.
D’où vient l’excision ?
Les origines de la pratique ne sont pas claires mais celle-ci serait apparue avant le Christianisme
et l’Islam. Certaines recherches lui trouvent une origine en Nubie, dans la Corne de l’Afrique,
dans les régions qui correspondent aujourd’hui à l’Egypte et au Soudan. Des momies
égyptiennes présenteraient en effet des marques attestant de la pratique.
Certains chercheurs en sciences sociales pensent que l’excision était pratiquée sur les femmes
dans la société pharaonique par les classes sociales les plus élevées. Par phénomène d’imitation
sociale, la pratique s’est progressivement répandue dans l’ensemble de la société, les classes
sociales moins élevées ayant commencé à exciser leurs filles pour pouvoir les marier aux
hommes de rang supérieur.
1
Docteur Mohamed Farid, qui coordonne des sessions de formation et de sensibilisation du personnel
médical, organisées par le ministère de la Famille en Egypte.
http://www1.rfi.fr/actufr/articles/115/article_82697.asp
La pratique se serait ensuite répandue vers l’ouest de l’Afrique et dans l’est, au Yémen. Les
différents groupes ethniques se sont appropriés l’excision et l’ont intégrée dans leurs propres
traditions, c’est pourquoi une multitude de justifications peuvent aujourd’hui être invoquées par
les groupes qui perpétuent la pratique.
En Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis, l’excision a été pratiquée jusque dans les années 50
pour traiter des « maladies » telles que l’hystérie, l’épilepsie, les troubles mentaux, la
masturbation, la nymphomanie, la mélancolie ou encore l’homosexualité. Aujourd’hui il s’agit
d’une pratique liée aux mouvements migratoires.
Où l’excision est-elle pratiquée ?
L’excision serait pratiquée dans 29 pays d’Afrique et du Moyen-Orient et, dans une moindre
mesure, dans certaines communautés en Asie (Malaisie, Indonésie, Irak, Inde, Pakistan), en
Amérique du Sud (Colombie, Pérou) ainsi que parmi les communautés de la diaspora dans les
pays où elle n’est pas traditionnellement pratiquée (Europe, Etats-Unis, Canada et Australie).
Pour en savoir plus sur le pays où l’excision est pratiquée, voir notre cartographie mondiale.
Pour en savoir plus sur les taux de prévalence dans les 29 pays d’Afrique et du Moyen-Orient,
voir le rapport statistique publié par l’Unicef en 2013.
Combien de filles et de femmes sont concernées ?
Au moins 125 millions de femmes ont subi une forme de mutilation sexuelle en Afrique, au
Yémen et en Irak. En Afrique 1 femme sur 3 en a été victime.
Dans le monde, on estime que 3 millions de filles, pour la majorité de moins de 15 ans, risquent
d’être soumises à la pratique chaque année.
En France, en 2004, on estimait à 53 000 environ le nombre de femmes adultes excisées
résidant sur le territoire.
Pour en savoir plus sur les données concernant la pratique en France, voir l’enquête qualitative
et quantitative menée par l’INED et Paris 1 Panthéon-Sorbonne entre 2007 et 2009, « Excision et
Handicap » :
https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/analyses/mutilationssexuelles-france/
Dans sa résolution de mars 2009, le Parlement européen estime que 500 000 filles et femmes
excisées vivraient dans l’Union Européenne. L’Organisation mondiale de la santé estime que
180 000 filles vivant dans l’UE risqueraient chaque année d’être excisées.
Pour en savoir plus sur les données de prévalence disponibles dans les autres pays
européen, consulter le site de l’Institut Européen pour l’Egalité de Genre (EIGE) – site en
anglais : http://eige.europa.eu/content/female-genital-mutilation
Pourquoi l’excision est-elle une violation des droits humains ?
Les mutilations sexuelles féminines, quel qu’en soit le type, sont internationalement reconnues
comme une pratique néfaste et une triple violation des droits humains des filles et des femmes,
en tant qu’être humain, femme et fille. Elles vont notamment à l’encontre des droits suivants :
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Droit à l’intégrité physique et mentale ;
Droit universel à la santé ;
Droit de ne pas subir de discrimination fondée sur le sexe ;
Droits de l’enfant (droit à atteindre tout son potentiel, droit à ce que son opinion soit pris
en compte ect.);
Droit de ne pas subir de traitements cruels, inhumains et dégradants ;
Droit à la vie (lorsque la pratique entraîne la mort).
Ces droits sont protégés par un ensemble d’instruments juridiques internationaux et régionaux de
protection des droits humains, ainsi que par des textes adoptés par consensus. Il est possible
d’en citer quelques uns :
 Charte internationale des droits de l’Homme
 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes (CEDAW) ;
 Convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants ;
 Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (Charte de Banjul) et son
protocole relatif aux droits des femmes en Afrique ;;
 Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul)
 Déclaration de Pékin et plateforme d’action de la Quatrième conférence mondiale sur les
femmes ;
 Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le
développement (CIPD).
Retrouvez la liste complète des instruments juridiques et les textes adoptés par consensus sur
les droits humains dans :
La Déclaration interinstitutions « Eliminer les mutilations sexuelles féminines », adoptée en
2008 par l’OMS, HCDH, ONUSIDA, PNUD, UNCEA UNESCO, UNFPA, UNHCR, UNICEF,
UNIFEM
(pages
9
et
36) :
http://www.who.int/reproductivehealth/publications/fgm/9789241596442/fr/
Le document « Mettre fin aux mutilations génitales féminines. Stratégie pour les
institutions de l’Union européenne » du réseau END FGM (pages 11 à 13) :
http://www.endfgm.eu/content/assets/ENDFGM_Strategy-FR.pdf
Comment parvenir à l’abandon de l’excision ?
Comment mettre un terme à une pratique millénaire qui concerne plus d’une trentaine de pays
dans le monde et des milliers de communautés aux traditions différentes ? L’expérience acquise
au cours des dernières décennies de mobilisation a permis de comprendre l’importance de
mener des actions de long terme, holistiques (globales) et le plus inclusives possible (associant
un grand nombre d’intervenants).
Dans les pays d’origine
Les expériences de terrain et les recherches en sciences sociales ont amené à définir les
principaux éléments à intégrer dans des stratégies coordonnées. Ces éléments sont repris dans
la Déclaration Interinstitutions publiée en 2008 sous l’égide de l’Organisation mondiale de la
santé (page 15). Il est ainsi expliqué que les interventions doivent être :
 Multisectorielles : il est important que la promotion de l’abandon de l’excision fasse
l’objet d’une action concertée et exercée à différents niveaux, de l’échelon local à
l’échelon mondial.
 Durables : le changement de comportements nécessite une action de long terme. Celleci est la garantie d’obtenir des résultats pérennes.

Dirigées par la communauté : les communautés qui pratiquent l’excision doivent être
actrices de son abandon. Les programmes doivent donc les aider à identifier ellesmêmes les problèmes et les solutions. Les interventions qui sont parvenues à mettre un
terme aux mutilations sexuelles féminines étaient basées sur le dialogue autour des
droits humains et l’égalité des sexes. Par ailleurs, elles évitaient les jugements de valeur
et encourageaient des choix collectifs.
Les actions menées pour promouvoir l’abandon des mutilations sexuelles féminines doivent être
adaptées aux contextes locaux et aux sensibilités culturelles. Il est néanmoins possible de
dégager des pratiques qui semblent décisives dans les processus d’abandon au niveau
communautaire et la dans création d’un contexte favorable au niveau national.
Au niveau communautaire
L’éducation et l’information : des clés pour la prise de conscience
Pour accompagner les communautés vers l’abandon de l’excision, les programmes qui incluent
des activités d’éducation et favorisent l’autonomisation, en particulier des femmes, ont
montré leur efficacité. Sans qu’elles ne se sentent jugées ni contraintes, les communautés sont
encouragées à débattre, examiner et remettre en perspective les valeurs et croyances associées
aux mutilations sexuelles féminines. Dans ce cadre, l’acquisition de nouvelles connaissances
relatives aux droits humains, à la santé en général, à la santé sexuelle et reproductive et à
la religion est essentielle pour que les communautés identifient elles-mêmes les solutions pour
mettre fin à l’excision.
Il est important que la démarche soit inclusive et associe femmes et hommes, filles et garçons.
Les jeunes peuvent par exemple être sensibilisés dans le cadre d’activités menées en partenariat
avec les établissements scolaires. Toutes les formes d’éducation peuvent cependant être
employées, et le dialogue intergénérationnel doit être encouragé.
Le dialogue public pour parvenir à une décision collective
L’excision est une norme sociale, ce qui signifie que décider d’abandonner la pratique ne dépend
pas uniquement de ses propres préférences individuelles mais aussi et surtout des attentes
réciproques au sein de la communauté dans laquelle on vit. Les parents soumettent leurs filles à
l’excision pour leur garantir un avenir dans la société et parce qu’ils pensent que c’est ce que l’on
attend d’eux. Par conséquent, les programmes visant à mettre un terme aux mutilations sexuelles
féminines doivent amener les communautés à décider collectivement d’abandonner la pratique,
de façon à ce qu’aucune fille non excisée ne soit désavantagée, ni qu’elle, ou sa famille, se
retrouve exclue. Les nouvelles connaissances acquises doivent donc être discutées au niveau
familial, où sont prises les décisions de faire exciser les filles, de la communauté, en associant
les leaders traditionnels et religieux et des communautés voisines.
La « diffusion organisée » : élargir la décision d’abandonner à tout son réseau social
L’abandon de l’excision à grande échelle n’est imaginable que s’il est décidé par une proportion
suffisamment importante du groupe au sein duquel se nouent des mariages. L’abandon des
mutilations sexuelles féminines commence normalement par un premier groupe d’individus qui
initie une dynamique de changement, produisant un effet multplicateur. Ce groupe, prêt à
abandonner la pratique, essayera donc de convaincre les autres de l’abandonner à leur tour. Les
membres de cette masse critique font connaître aux autres leur intention d’abandonner la
pratique – un processus qui se nomme « diffusion organisée » – jusqu’à ce qu’une portion
suffisamment importante de la communauté où se nouent les mariages soit prête à abandonner
les MSF.
Les cérémonies publiques d’abandon : montrer que la norme a changé
La décision d’abandon doit par ailleurs être explicite et publique, de façon à ce que les familles
soient convaincues que la norme et les attentes qui y sont liées ont changé. Cet engagement
public peut prendre la forme de déclarations écrites, affichées publiquement et signées par ceux
qui ont décidé d’abandonner l’excision. Les communautés peuvent également se rassembler au
cours de cérémonies festives, auxquelles participent celles et ceux qui ont participé aux
programmes de sensibilisation et d’éducation, les chefs traditionnels et religieux, les autorités
gouvernementales et locales, les médias et d’autres communautés n’ayant pas encore rejoint le
mouvement d’abandon.
Dans les communautés où les mutilations sexuelles féminines accompagnent traditionnellement
des rites de passage à l’âge adulte, des rituels de remplacement peuvent être trouvés. Ceux-ci
permettent de renforcer les valeurs positives traditionnelles et peuvent être associés à une
éducation aux droits humains ou sur la santé sexuelle et reproductive.
Certains programmes associent enfin des activités de sensibilisation communautaires à des
activités destinées à trouver un nouveau rôle et de nouvelles sources de revenus pour les
exciseuses.
Au niveau national
L’évolution des comportements au niveau communautaire doit s’inscrire dans un contexte
favorable à l’abandon des mutilations sexuelles féminines.
La réforme de la législation et des politiques
Des mesures juridiques sont importantes pour que la désapprobation du gouvernement vis-à-vis
des mutilations sexuelles féminines soit explicite, pour soutenir ceux qui ont abandonné la
pratique ou qui souhaitent le faire et pour jouer un rôle dissuasif. Les mutilations sexuelles
féminines sont pénalement condamnées dans 24 de ces 29 pays où elles sont pratiquées.
Toutefois, se contenter d’imposer des sanctions fait courir le risque de voir la pratique devenir
clandestine. Les mesures juridiques doivent être accompagnées de campagnes d’information et
d’autres mesures visant à promouvoir un soutien accru de l’opinion en faveur de l’abandon de la
pratique.
La mise en place des programmes et des services de santé pertinents
La prise en charge des mutilations sexuelles féminines doit faire partie de programmes
permettant une maternité sans risque, un accompagnement psychosocial, la prévention et le
traitement des infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida, la prise en charge
des violences envers les femmes etc.
Le personnel soignant doit être formé au repérage et à la prise en charge des complications liées
aux mutilations sexuelles féminines.
Afin d’éviter la médicalisation de l’excision, les normes en matière d’éthique médicale doivent
énoncer clairement que la pratique des MSF constitue une violation des principes professionnels
et des droits humains. Elles doivent également permettre de poursuivre et de retirer l’autorisation
d’exercer aux professionnels de santé exerçant cette pratique.
Des programmes de sensibilisation par les médias
Les médias ont un rôle déterminant à jouer comme vecteurs d’informations concernant les
mutilations sexuelles féminines et les évolutions sociales relatives à l’abandon au sein des
communautés. Ils peuvent également constituer un espace d’échanges et de discussions sur les
mutilations sexuelles féminines, et contribuer ainsi à la l’élaboration de consensus locaux,
régionaux ou nationaux.
Dans les pays où l’excision n’est pas traditionnellement pratiquée (pays de migration)
Créer des ponts entre les pays d’origine et les communautés de diaspora
La pratique de l’excision est susceptible de concerner l’ensemble des membres d’une
communauté, y compris ceux de la diaspora. Il est par conséquent impératif d’établir des liens
au-delà des frontières nationales et de poursuivre les efforts menés dans les pays d’origine au
sein des populations qui se sont installées dans de nouveaux pays.
Des approches coordonnées entre les pays d’origine et les pays de migration doivent pouvoir
permettre de faire connaître aux communautés de diaspora les progrès réalisés dans l’abandon
de l’excision au sein de leur communauté d’origine. Une dynamique positive peut ainsi se mettre
en place, où les membres de la diaspora peuvent être influencés par les évolutions en cours
dans leur communauté d’origine ou bien devenir eux-mêmes des moteurs de ce changement
grâce à leur influence sociale et économique.
Agir sur les territoires nationaux
La France fait partie des pays pionniers au niveau européen dans la lutte contre l’excision. Les
autorités françaises et les réseaux associatifs se sont saisis de la question dès le début des
années 80. Le pays est en effet concerné puisque selon les estimations de l’INED datant de
2004, 53 000 femmes ayant subi une excision vivraient sur le territoire.
La législation a été renforcée au fil des années et elle est aujourd’hui en mesure de protéger les
filles sur le sol français et à l’étranger d’une mutilation ou d’un risque de mutilation. Les
associations et les autorités socio-sanitaires mènent également un travail de longue date en
matière de prévention, qui porté ses fruits, notamment sur les filles de 0 à 6 ans.
Le territoire dispose par ailleurs d’un ensemble d’unités de soins pluridisciplinaires où les femmes
excisées peuvent bénéficier d’un accompagnement adapté.
En novembre 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a
rendu un nouvel avis sur les mutilations sexuelles féminines. La CNCDH appelle ainsi à
poursuivre les efforts menés en matière de prévention, de protection et de répression, avec
l’appui de tous les secteurs concernés : la santé, la justice, l’éducation et le secteur social.
D’autres pays européens se sont emparés de la question, comme la Belgique, où un réseau
d’acteurs a mis en place en 2008 une plateforme de concertation et de coordination des actions
relatives aux mutilations sexuelles féminines.
Pour aller plus loin, retrouvez ressources et bonnes pratiques développées en Belgique sur le
site de Stratégies concertées-MGF.
Quels sont les acteurs clés dans l’abandon de l’excision ?
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Les gouvernements ont l’obligation juridique de respecter, protéger et promouvoir les
droits humains et peuvent être tenus pour responsables pour tout manquement à ces
obligations. En conséquence, ils doivent prendre des mesures en matière législative,
judiciaire, administrative, budgétaire, économique et autre, et faire en sorte que
l’ensemble de la législation nationale soit compatible avec les instruments juridiques
internationaux et régionaux qu’ils ont ratifiés.
Les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer pour porter la question des mutilations
sexuelles féminines sur la scène politique.
Les organisations professionnelles, telles que les associations médicales, de sagesfemmes et d’infirmières, peuvent promouvoir les directives en matière d’éthique dans le
cadre de la formation initiale et dans leurs pratiques professionnelles.
Les associations d’enseignants, de juristes, de travailleurs sociaux, peuvent
également contribuer a l’élimination des mutilations sexuelles féminines en exerçant leur
rôle de protection de l’enfance en danger, en défendant l’abandon des mutilations et en
menant des actions de sensibilisations appropriées.
Les leaders, qu’ils soient religieux ou laïques, jouent un rôle majeur à la fois en
fournissant des arguments contre la pratique et en créant une dynamique sociale propice
au changement.
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Le personnel soignant peut jouer un rôle pour empêcher les mutilations sexuelles
féminines, informer les patients et les communautés des conséquences bénéfiques de
leur abandon, et les soutenir dans cette démarche.
Les exciseuses traditionnelles sont également des parties prenantes à ne pas négliger
puisque leur rôle devra changer. Si elles décident d’abandonner la pratique, elles peuvent
avoir un poids décisif pour convaincre les autres de l’abandonner également.
Les
hommes : bien
que
les
mutilations
sexuelles
féminines
aient traditionnellement été considérées par de nombreux hommes comme une « affaire
de femmes », le rôle des hommes est important pour que les choses changent. Dans
certains endroits, ils sont favorables à la pratique ; toutefois, les recherches ont montré
qu’une partie des hommes est préoccupée par les effets néfastes des mutilations
sexuelles féminines et préfèrerait épouser des femmes n’ayant pas subi l’intervention. Ce
sont les hommes qui peuvent décider de ne plus considérer l’excision comme un critère
dans le choix de leur future épouse.
Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent un rôle essentiel en
concevant et en mettant en œuvre des programmes pour l’abandon des mutilations
sexuelles féminines.
Les organisations confessionnelles ou interconfessionnelles ont aussi joué un rôle
significatif en utilisant les réseaux et structures existants pour délivrer des messages de
sensibilisation au sein de la communauté.
Les Nations Unies jouent un rôle crucial en définissant des normes internationales et en
encourageant et entreprenant des travaux de recherche, en collaboration avec les
partenaires des milieux universitaires et du développement, de façon à garantir que les
normes reposent sur des éléments de preuve solides. Les institutions des Nations Unies
sont particulièrement bien placées pour promouvoir la coopération et la coordination entre
l’ensemble des acteurs. Plusieurs organismes des Nations Unies ont pour tâche
d’assurer le suivi de la mise en œuvre des engagements juridiques internationaux visant
à protéger et promouvoir les droits humains pour tous sans discrimination d’aucune sorte.
Il est ainsi possible de citer le programme conjoint du FNUAP et de l’UNICEF, qui ont
associé leurs expertises pour accélérer le changement vers l’abandon des mutilations
sexuelles féminines.
Les medias : Les medias et les formes traditionnelles de communication (musique,
poésie, théâtre) sont de puissants outils du changement social. Ils peuvent transmettre
une nouvelle vision selon laquelle les filles et les femmes peuvent conserver leurs valeurs
traditionnelles sans être excisées et sont particulièrement importants lorsque la question
des mutilations sexuelles féminines est considérée comme tabou. Ils peuvent offrir des
forums de discussion et de débat, notamment des débats télévisés, des documentaires,
des films et des programmes didactiques.
Ces informations sont empruntées à : « Eliminer les mutilations sexuelles féminines – Déclaration
interinstitutions. HCDH, OMS, ONUSIDA, PNUD, UNCEA UNESCO, UNFPA, UNHCR, UNICEF,
UNIFEM », Organisation mondiale de la Santé 2008 (pages 22 à 24).
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