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Objet : Bercy reprend totalement la main sur l’intelligence économique - acteurs publics
Le gouvernement a acté, lors du Conseil des ministres du 27 janvier, la refonte du pilotage
administratif de l’intelligence économique. La tutelle de Matignon est transférée à Bercy, avec un
rattachement au ministre de l’Économie et à la direction générale des entreprises.
Une reprise en main en bonne et due forme. Le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique,
Emmanuel Macron, a présenté, le 27 janvier, une communication en Conseil des ministres refondant le
pilotage administratif de l’intelligence économique. Bercy obtient les “pleins pouvoirs” avec la
publication très prochaine d’un décret instituant un commissaire à l’information stratégique et à
la sécurité économiques. Le texte portera également la création d’un service à compétence
nationale dénommé “service de l’information stratégique et de la sécurité économiques
(Sisse)”.
Le nouveau commissaire, nommé directement auprès du ministre en charge de l’Économie, sera
chargé de mettre en œuvre les orientations fixées par un comité directeur réuni à l’initiative du
ministre et composé de représentants de plusieurs ministères. En pratique, ce commissaire sera
également placé à la tête du Sisse. Exit donc la délégation interministérielle à l’intelligence
économique (D2IE), rattachée jusqu’alors à Matignon et dont la mutation a en réalité été initiée en juin
dernier avec l’éviction de sa patronne, Claude Revel. Cette spécialiste de l’intelligence économique –
condisciple de François Hollande dans la promotion Voltaire de l’ENA et installée par ce dernier à ce
poste un an après son accession à l’Élysée – avait été exfiltrée dans la foulée à la Cour des comptes
avec une nomination en qualité de conseillère maître en service extraordinaire.
Bataille entre le Trésor et la direction des entreprises
Quelques jours plus tard, un inspecteur général des finances de Bercy et ancien magistrat, Jean-
Baptiste Carpentier, jusqu’alors patron emblématique de la cellule de renseignement antiblanchiment
des ministères financiers, Tracfin, avait été porté à la tête de la D2IE. S’en est suivi un déménagement
physique des personnels sur le site de Bercy. Ne restait donc plus que la refonte juridique et
administrative opérée lors de ce Conseil des ministres du 27 janvier. Le nouveau service regroupera les
moyens actuels de la D2IE et du service ministériel de coordination à l’intelligence économique (SCIE).
Le nouveau patron ne pourra être nommé qu’une fois le décret publié.
Au sein de Bercy, le contrôle du nouvel ensemble positionné sur ce secteur sensible a attisé les
convoitises de deux directions. Au terme de plusieurs mois de rivalités entre la direction générale des
entreprises (DGE) et la direction générale du Trésor (DGT), la première a fini par l’emporter. La nouvelle
entité constituera un service de la DGE, s’appuiera sur ses moyens, son expertise, et bénéficiera de son
réseau déconcentré. Cette réforme “vise en particulier à renforcer l’action menée en faveur de la
protection et de la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques fondamentaux de la
Nation, ainsi qu’à assurer les moyens de la souveraineté économique de la France”, indique le
communiqué du Conseil des ministres. Avant d’ajouter, comme pour rassurer : “Cette nouvelle
organisation maintient ainsi la plénitude de la dimension interministérielle des dispositifs précédents.”
Quelle orientation stratégique ?
Ce changement correspond à un retour aux sources administratif dans la mesure où la D2IE – créée en
2009 – dépendait de Bercy jusqu’à une décision de 2013 la rattachant directement au Premier ministre
d’alors, Jean-Marc Ayrault. “Le délégué rend directement compte de son action au Premier
ministre”, précisait le décret pris à l’époque. Il faudra attendre un peu pour connaître les traductions
concrètes de ce changement en matière d’orientation stratégique, mais certains parient sur un
recentrage sur l’action économique, alors que la D2IE avait pu chercher à investir d’autres terrains,
comme la problématique de l’influence.