-1- Les défenses immunitaires Nous vivons dans un monde potentiellement hostile, au milieu d’un nombre incalculable d’agents infectieux dont forme, taille et composition varient énormément. Nous ne serions pour eux que de simples refuges utiles pour propager leurs gènes, si nous n’avions développé des défenses comparables en efficacité et ingéniosité. L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine, responsable du SIDA, nous a rappelé que ces agents infectieux sont des organismes vivants capables d’évoluer et de s’adapter à leur environnement, qu’il s’agisse de virus, bactéries, levures ou parasites. Mais, si certains peuvent se développer de façon autonome, un grand nombre (virus, parasites et bactéries intra cellulaires) ne persiste qu’à la faveur du parasitisme d’un hôte humain ou animal, et leur élimination nécessite donc la destruction des cellules infectées de l’hôte. La grippe, maladie contagieuse due au virus influenza, peut atteindre 5 à 20% de la population, et plusieurs épidémies dévastatrices ont frappé l’espèce humaine. La variation permanente du virus explique que la maladie ne puisse être éradiquée et que le vaccin doive être continuellement adapté au nouveau variant viral apparu. Nous possédons des systèmes de défense qui peuvent établir un état de protection contre l’infection et dont la mise en route représente la base de l’immunité, «ensemble des mécanismes biologiques permettant à un organisme pluricellulaire de maintenir la cohérence des cellules et des tissus qui le constituent et d’assurer son intégrité en éliminant ses propres constituants altérés et les substances étrangères et agents infectieux auxquels il est exposé. Cette fonction met en jeu deux catégories de mécanismes apparus successivement dans l’évolution des espèces et étroitement intriqués chez les organismes supérieurs: l’immunité «non spécifique» naturelle ou innée de mise en jeu immédiate, puis l’immunité spécifique, acquise ou adaptative, qui se développe en quelques jours et met en place une mémoire immunologique» (JF Revillard). Immunités naturelle et spécifique impliquent une capacité de distinction ou de reconnaissance entre les constituants normaux de l’organisme ou le «soi» et les autres molécules dont l’ensemble constitue le «non soi». Immunités spécifique et non spécifique mettent en jeu des cellules et des molécules solubles. Les mécanismes innés constitutifs n’augmentent pas lors de contacts répétés avec le même agent infectieux. Face à la variabilité par mutation des multitudes de microbes, ces mécanismes n’ont pas une efficacité universelle. Leur activité est renforcée par le développement de réponses spécifiques acquises: des populations de lymphocytes, chacune avec sa propre spécificité pour un composant étranger particulier, produisent des réponses qui se combinent avec les mécanismes innés pour assurer une protection forte. Mieux, la mémoire gravée sur le système immunitaire par l’expansion de lymphocytes spécifiques lors du premier contact avec la molécule étrangère établit les bases d’une réponse plus forte lors de tout contact ultérieur, ce qui constitue le fondement de la vaccination. -2- Immunité innée De nombreux mécanismes immunologiques innés, ne changeant pas avec la répétition de l’infection, se mettent en route lors de toute agression de l’organisme. 1 Les barrières naturelles contre l’infection Les microbes sont maintenus à l’écart de l’organisme par la peau, la sécrétion de mucus, les mouvements ciliaires, l’action de lavage de fluides (larmes), l’acidité gastrique ou les compétitions entre microbes (tube digestif). S’ils parviennent à pénétrer dans l’organisme,ces agents infectieux sont alors la cible de cellules phagocytaires et de facteurs solubles. 2 Les cellules phagocytaires Les principales cellules phagocytaires, assurant la capture et l’ingestion de particules solides inertes ou vivantes, sont les polynucléaires neutrophile, une catégorie de globules blancs du sang, et les macrophages des tissus; les microbes adhèrent à leur surface, sont ingérés puis transportés à l’intérieur de la cellule où ils fusionnent avec des granules qui libèrent de nombreux facteurs microbicides comme des dérivés oxygénés actifs ou des dérivés nitrés. Une autre catégorie de cellules, les lymphocytes NK (Natural Killer) peut reconnaître et détruire des cellules modifiées par une infection virale ou des cellules tumorales. Des facteurs solubles interviennent également, comme le Complément, les protéines de l’inflammation, ou les interférons. 3 Le Complément facilite la phagocytose. Le Complément est une cascade enzymatique à plusieurs composants qui contribue à faire affluer les cellules phagocytaires vers les microbes. Le composant le plus abondant, le facteur C3, est scindé par une enzyme en C3a etC3b qui se lie au microbe et le signale aux phagocytes. Le composant C5 est alors scindé en C5a et C5b. C5b se fixe également au microbe et assemble les derniers composants, C6 à C9, en un complexe d’attaque membranaire perméable. Les liquides extra cellulaires peuvent alors pénétrer dans le microbe qui gonfle et éclate. Par ailleurs, C5a accroît la perméabilité des capillaires et attire les polynucléaires neutrophiles. C3a et C5a agissent également sur des cellules appelées mastocytes, qui libèrent des médiateurs solubles agissant sur la perméabilité des capillaires et l’attraction des polynucléaires neutrophiles. 4 La réaction inflammatoire aiguë médiée par le Complément. Après l’activation du Complément, les polynucléaires neutrophiles activés fixent les microbes revêtus de Complément et peuvent alors les ingérer. L’afflux de polynucléaires et l’augmentation de la perméabilité des capillaires constituent les bases d’une puissante réaction inflammatoire aiguë. L’inflammation peut aussi être déclenchée par les macrophages des tissus 5 Une réponse humorale constitue une seconde ligne de défense. D’autres protéines solubles de la phase aiguë de l’inflammation (protéines C réactive, protéines fixant le mannose), ont une synthèse fortement augmentée par l’infection. -3La protéine fixant le mannose appartient à un groupe de protéines capables de distinguer les sucres des membranes des microbes de ceux de l’hôte. 6 Mort extracellulaire: Les virus n’ont pas de possibilité propre de se multiplier. Aussi est-il indispensable pour eux de pénétrer à l’intérieur des cellules de l’hôte qu’ils infectent afin de s’en approprier la machinerie réplicative. Il est important pour l’hôte de détruire ces cellules avant que le virus ait pu se multiplier. C’est le rôle des lymphocytes NK (Natural Killer), qui reconnaissent des glycoprotéines apparues à la surface des cellules infectées qu’ils détruisent grâce à des perforines qui trouent les membranes des cellules. Un mécanisme semblable intervient pour de nombreux parasites (maladie du sommeil, paludisme); leur destruction par des polynucléaires éosinophiles revêtus du Complément les empêche de s’installer dans un hôte potentiel. -4- Immunité acquise Les agents infectieux qui ont échappé à l’action des mécanismes innés doivent être contrôlés par des mécanismes différents, selon qu’ils se développent à l’extérieur ou à l’intérieur des cellules. Les acteurs de l’immunité spécifique sont d’une part les immunoglobulines, Ig ou anticorps, sous forme soluble dans les liquides biologiques ou sous forme de récepteurs membranaires à la surface des lymphocytes B (BCR ou B Cell Receptor), et d’autre part, les récepteurs des lymphocytes T (TCR ou T Cell Receptor). Ces molécules, qui assurent la reconnaissance des agents étrangers, les antigènes, par des sites spécifiques complémentaires, sont extrêmement diversifiées (des dizaines à des centaines de milliards). Elles sont bi fonctionnelles avec une partie orientée vers l’extérieur de la cellule qui assure la reconnaissance spécifique, et une partie orientée vers l’intérieur qui envoie des signaux biologiques lors de la liaison avec un antigène. 1 L’anticorps, adaptateur spécifique, protège des infections extra – cellulaires. Il se fixe à l’antigène par son site de reconnaissance spécifique, variable selon les antigènes. Le signal est transmis à la partie constante de la molécule qui active alors les cellules phagocytaires et le Complément. Par ailleurs, l’inflammation aigue est activée par la fixation de certains anticorps, les immunoglobulines E, sur les mastocytes, cellules des tissus qui libèrent alors des médiateurs comme l’histamine. Enfin, les complexes immuns anticorps-antigène vont aussi provoquer la libération ds médiateurs de l’inflammation à partir des macrophages tissulaires. La structure de base de l’anticorps est un tétra – peptide avec 4 chaînes de peptides, 2 chaînes lourdes identiques et 2 chaînes légères identiques, reliées par des ponts disulfure S-S. On peut couper la molécule d’anticorps au niveau d’une région charnière pour obtenir 2 fragments identiques fixant l’antigène (Fab), et un fragment constant Fc. Les gènes des immunoglobulines codant pour les chaînes lourdes et légères sont situés sur 3 chromosomes différents. Dans chaque groupe, il y a plus de 100 gènes codant pour les régions variables V, environ 5 petits segments de jonction J, et un seul gène codant pour chaque région constante C. Enfin, dans les régions variables, certaines régions sont hypervariables, créant encore plus de diversité (régions D). Classes d’immunoglobulines (Ig). Chez l’homme, il existe 5 types majeurs de chaînes lourdes, définissant 5 classes d’Ig : L’IgG est la plus abondante, particulièrement dans les fluides extravasculaires où elle neutralise les toxines et combat les microbes qui ont fixé le C3b en facilitant leur fixation aux phagocytes. Elle traverse le placenta en fin de grossesse et l’intestin du nouveau né lui permettant d’’’absorber les anticorps du colostrum maternel. L’IgA existe sous forme de monomère dans lesang. Mais elle est sous forme de dimère dans les sécrétions muqueuses où elle représente l’Ig principale intervenant dans la protection des surfaces internes de l’organisme. L’IgM, majoritairement un pentamère, est essentiellement intra -vasculaire et produite précocément. Elle réalise une agglutination des bactéries et intervient dans la lyse des cellules par le Complément. C’est donc une première ligne de défense importante contre les bactéries. -5L’IgD, à la surface des lymphocytes,.fonctionne probablement comme un récepteur d’antigène. L’IgE se fixe fortement aux mastocytes et le contact avec l’antigène conduit à une formation localisée d’agents antimicrobiens et à la libération de médiateurs de l’inflammation. Elle joue un rôle important dans certaines maladies parasitaires et l’allergie. Bases cellulaires de la production des anticorps : l’expansion clonale. Les anticorps sont fabriqués par les plasmocytes dérivés de lymphocytes B de la moelle osseuse (Bone marrow). Chacun est programmé pour fabriquer un seul type d’anticorps qui se place à la surface du lymphocyte comme un récepteur. L’antigène se fixe sur le lymphocyte possédant l’anticorps complémentaire, l’active et provoque alors l’expansion d’un clone de cellules productrices de ce même anticorps. Mémoire acquise et vaccination. Toute nouvelle exposition au même antigène provoque une réponse secondaire plus précoce et plus forte, prouvant l’existence d’une mémoire. Cela constitue les bases de la vaccination, qui utilise une forme non dangereuse de l’agent infectieux pour la première immunisation. L’immunité acquise est spécifique de l’antigène. Les anticorps différencient les antigènes parce que la reconnaissance est basée sur une complémentarité de structure. Le système immunitaire différencie également les composants propres à un organisme (le soi) des composants étrangers (le non soi) en fabriquant des lymphocytes anti soi qui ne réagissent pas avec les molécules normales de l’hôte. 2 Récepteurs du lymphocyte B. Le lymphocyte B fabrique une immunoglobuline avec un segment intra membranaire qu’il insère à sa surface où elle remplit un rôle de récepteur spécifique d’antigène. Cette Ig précoce est une IgM. Lors de la maturation du lymphocyte, une IgD de même spécificité est fabriquée et exprimée à la surface cellulaire; puis sont produites les autres classes d’Ig. Les Ig de surface forment alors un complexe avec d’autres protéines membranaires qui vont transmettre au lymphocyte des signaux d’activation. 3 Récepteur du lymphocyte T (TCR). Il est constitué d’un dimère transmembranaire formé de 2 chaînes, chacune avec un domaine externe variable, un peu comme le FAb des Ig, et un domaine interne constant. Le codage génétique du TCR est semblable à celui des Ig. La région variable est formée par l’association de régions V, D et J en une seule région recombinante V(D)J pour chaque chaîne. Comme les Ig, chaque région V a 3 régions hypervariables avec un rôle de reconnaissance. Une immunité cellulaire protège des agents infectieux intra cellulaires. Une autre classe de lymphocytes, les lymphocytes T cytotoxiques, intervient dans le contrôle des infections intra cellulaires. Ces cellules possèdent un récepteur TCR qui reconnaît un seul antigène et entreprend alors une expansion clonale pour former des cellules effectrices et à mémoire. Mais les lymphocytes T cytotoxiques ne reconnaissent un antigène étranger, viral par exemple, que s’il est associé à des molécules de classe I du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH) à la surface -6des cellules infectées; elles seront donc détruites avant que le virus ne puisse se répliquer. Ces lymphocytes T produisent également de l’interféron qui rend les cellules voisines résistantes à l’infection. Des lymphocytes T auxiliaires (T4 ou CD4) reconnaissent l’antigène associé à des molécules de classe II du CMH à la surface des macrophages et libèrent des cytokines, facteurs solubles qui aident les lymphocytes B à fabriquer des anticorps ou activent les macrophages leur permettant de tuer les agents infectieux intra cellulaires. Les lymphocytes NK n’ont pas de récepteur spécifique de l’antigène. Ils peuvent cependant reconnaître les cellules infectées par un virus quand elles sont revêtues d’anticorps et les détruire. Bien que les mécanismes innés n’augmentent pas avec la répétition de l’infection, ils ont un rôle majeur car intimement liés aux mécanismes acquis, par deux voies différentes. Anticorps, complément et polynucléaires assurent une protection contre la plupart des organismes extra cellulaires, alors que lymphocytes T, cytokines solubles, macrophages et lymphocytes NK prennent en charge les infections intra cellulaires. Le Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH). Il a été mis en évidence par les réactions de rejet des greffes. Il permet de distinguer le soi du non soi et joue un rôle de présentation de l’antigène aux lymphocytes T cytotoxiques. Le CMH contient 3 classes de gènes. Les molécules de classe I, présentes sur toutes les cellules, transmettent des signaux aux lymphocytes T cytotoxiques. Les molécules de classe II sont associées aux lymphocytes B et aux macrophages et peuvent être induites sur les cellules de l’endothelium des capillaires et sur les cellules épithéliales. Elles envoient des signaux aux lymphocytesT CD4 auxiliaires des LyB et macrophages. Des molécules de classe III interviennent dans la synthèse des facteurs du Complément. Mécanismes de contrôle Les réponses immunes sont contrôlées par l’antigène : lorsque son taux baisse, l’intensité de la réponse diminue. De plus, les antigènes peuvent entrer en compétition entre eux par compétition de peptides pour les molécules du CMH disponibles Enfin, les IgM précoces stimulent la réponse en anticorps, alors que les IgG, plus tardives, l’inhibent. A des taux élevés d’antigène, des LyT suppresseurs des T CD4 se développent empêchant leur expansion excessive. Réseaux immuno – endocriniens. Les systèmes immunitaire, endocrinien et nerveux peuvent interagir. Des circuits interdépendants existent, parmi lesquels l’activité de cytokines augmentant la production des corticostéroides est importante car ils bloquent l’activité des macrophages et des LyT CD4 activateurs des LyT cytotoxiques. Les oestrogènes pourraient être responsables de l’hyperréactivité immune des femmes par rapport aux hommes. -7- Une malnutrition protéique altère globalement l’immunité cellulaire et l’activité des phagocytes. Exercice, traumatismes, âge et pollution peuvent altérer les réponses immunes, et le profil des cytokines produites par les cellules du sang change avec l’âge. En conclusion, une étape cruciale du déclenchement de la réponse immune est la reconnaissance de l’antigène par les cellules assurant les défenses de l’organisme. Ce rôle de présentation de l’antigène est assuré par une catégorie de cellules mise en évidence il y a une dizaine d’années et appelées cellules dendritiques car elles possèdent des prolongements semblables à ceux des cellules nerveuses. Les cellules dendritiques initient l’immunité en activant lymphocytes T et B naifs - effecteurs de la réponse adaptative- , et en stimulant les NK -instigateur crucial de la résistance innée naturelle. En plus de lier réponses innée et acquise, les cellules dendritiques contrôlent l’immunité par leur capacité à induire une nonréponse spécifique à l’antigène des lymphocytes. Le rôle central des cellules dendritiques dans l’immunité et la tolérance fait qu’elles sont des cibles thérapeutiques idéales. -8- IMMUNITE ANTI-INFECTIEUSE L’immunité anti-infectieuse implique un duel permanent entre les défenses de l’hôte et les stratégies d’évasion de l’agent infectieux. L’inflammation revisitée. L’inflammation est une réaction de défense majeure déclenchée par une infection ou une lésion des tissus. Elle se caractérise classiquement par l’apparition de « rougeur, chaleur, douleur et tumeur ». Les facteurs solubles libérés augmentent la synthèse des molécules d’adhésion sur les globules blancs, provoquant ainsi leur roulement le long des parois des vaisseaux capillaires puis leur passage à travers ces capillaires jusqu’au site de l’inflammation. De nombreux facteurs solubles interviennent dans le contrôle et le maintien du processus inflammatoire.L’impossibilité d’éliminer l’agent infectieux peut conduire à une inflammation chronique avec afflux de macrophages pouvant former un granulome. Infections par des bactéries extra cellulaires. Les bactéries extra cellulaires, comme le staphylocoqie ou le pneumocique sont éliminées par phagocytose et Complément. Elles tentent d’y échapper en s’entourant d’une capsule ou en sécrétant des toxines qui tuent les phagocytes. Elles peuvent dévier le Complément vers des sites inoffensifs pour elles ou en se réfugiant des zones difficilement accessibles. Les anticorps contrecarrent ces astuces en neutralisant les toxines, et en formant avec le Complément un dépôt sur les bactéries qui deviennent alors sensibles à la phagocytose (opsonisation). Les muqueuses sont protégées par des mécanismes particuliers : les IgA inhibent l’adhésivité des bactéries; les IgE peuvent initier une mini réponse immune locale avec afflux d’IgG protectrices, de Cumplément et de polynucléaires. Infection par des bactéries intra-cellulaires. Les bactéries intra-cellulaires comme le Bacille de Koch (tuberculuse) ou le bacille de la lèpre, se développent dans les macrophages dont ils bloquant l’activation. Ces bactéries peuvent être cependant éliminées par des Lymphocytes T qui, au contact des macrophages infectés, sécrètent des lymphokines qui activent des mécanismes microbicides, notamment les intermédiaires oxygénés actifs. Infections par des virus. Les virus essaient d’échapper au système immunitaire en modifiant leurs antigènes de surface: changements mineurs (dérive antigénique) ou majeurs à l’origine de virus différents. Les anticorps neutralisent les virus libres et sont particulièrement efficaces quand les virus circulent dans le sang avant d’atteindre leur organe cible. Ils jouent donc un rôle important pour éviter une ré infection. Certains s virus bourgeonnent à la membrane des cellules infectées et peuvent infecter les cellules voisines sans être exposés aux anticorps. Mais les cellules infectées présentent rapidement à leur surface des antigènes viraux associés au Complexe Majeur d’Histocompatibilité et sont éliminées par des lymphocytes T cytotoxiques. Lymphocytes T et macrophages produisent aussi des facteurs solubles qui baignent les cellules et empêchent tout passage du virus entre cellules voisines. -9- Infestations par des parasites. Les maladies causées par protozoaires et vers affectent des centaines de millions de personnes dans le monde. Les Ac sont généralement efficaces contre les formes circulantes du parasite, et la production d’IgE est notamment considérablement augmentée. Certains parasites recouverts d’IgE ou d’IgG sont tués par les polynucléaires éosinophiles. Les leishmania, trypanosma ou toxoplasma se protègent des Ac en se nichant à l’intérieur des macrophages et utilisent les mêmes stratégies que les bactéries intra cellulaires pour survivre, mais sont tués quand le macrophage est activé. Les LyT cytotoxiques ont aussi un rôle protecteur par lyse des cellules infectées. L’expulsion des vers intestinaux dépend généralement d’une forte réponse de lymphocytes T CD4 et nécessite l’action coordonnée des Ac, la libération de mucine, et la production de contractions intestinales et de diarrhée. Certains parasites évitent d’être reconnus en se recouvrant des protéines de leur hôte (mimétisme moléculaire). D’autres, comme le Trypanosome et certaines espèces de malaria, peuvent recouvrir leur surface avec un antigène dominant qui se modifie en permanence par dérive génétique. La persistance chronique d’une infection parasitaire aboutit souvent à des lésions du rein, du foie et du cœur. La plupart des parasites peuvent également produire une suppression des réponses de l’hôte qui augmente la sensibilité aux infections bactériennes et virales. - 10 - Vaccination Qu’est-ce qu’un vaccin ? Un vaccin est destiné à protéger d’une maladie infectieuse grâce à un renforcement et une accélération des défenses immune spécifiques. Pour y parvenir, on expose le système immunitaire des individus à un pseudo-agent infectieux ressemblant à l’agent pathogène mais sans danger. Néanmoins, le système immunitaire le reconnaît comme l’agent pathogène et monte contre lui une défense immunitaire qu’il garde en mémoire. Lors d’une éventuelle réinfection par le même agent, le système immunitaire du sujet vacciné réagit suffisamment vite pour le neutraliser avant qu’il n’ait le temps de provoquer la maladie. De quels types de vaccin dispose t-on ? La plupart des vaccins sont dérivés de concepts développés par Edward Jenner ( vaccin contre la variole) et Louis Pasteur (vaccin contre la rage). Ces vaccins utilisent l’agent infectieux, soit sous une forme atténuée, (vaccins contre la rougeole, la rubéole ou la fièvre jaune), soit sous la forme d’un pathogène tué ou inactivé par traitement chimique ou physique (vaccins contre l’hépatite A ou le choléra). Une nouvelle génération de vaccins a émergé au cours des 20 dernières années grâce aux possibilités du génie génétique. Ces vaccins n’utilisent que les protéines nécessaires à la stimulation du système immunitaire. Ils sont conçus de manière à obtenir la meilleure protection possible tout en écartant d’éventuels risques liés à l’utilisation des vaccins traditionnels. Vaccins traditionnels et vaccins de nouvelle génération ont pour but de déclencher la réponse immune dirigée contre l’agent infectieux afin de le neutraliser. Comment fonctionne le système immunitaire ? Les Ac (réponse humorale) éliminent les agents infectieux qui circulent librement dans l’organisme, afin de les détruire avant qu’ils n’infectent les cellules de l’organisme. Les LyT cytotoxiques (réponse cellulaire) éliminent les agents étrangers présents à l’intérieur des cellules. Réponses humorale et cellulaire se complètent généralement pour contrôler une infection Vaccins sous-unitaires. Un microbe possède un grand nombre d’antigènes, dont certains ne sont pas protecteurs, et peuvent induire une hypersensibilité, voire même être immuno suppresseurs. Il est donc indispensable d’utiliser des antigènes purifiés. On a de plus en plus recours aux techniques d’ADN recombinant pour produire ces antigènes. Leur expression dans des bananes offre un moyen peu onéreux de réaliser une immunisation orale dans les pays en développement. Adjuvants. Les adjuvants (alumine, ou d’origine bactérienne comme l’adjuvant de Freund) sont des substances couplées à un antigène qui accroissent la réponse immune à cet antigène. De nouvelles méthodes consistent à coupler l’antigène à des petites vésicules lipidiques (liposomes) ou à un matériel glucidique (ISCOM). Ces particules peuvent être fabriquées avec plusieurs facteurs qui améliorent leur pouvoir - 11 immunogène. On peut aussi inclure plusieurs antigènes dans la même particule, ou cibler des sites particuliers de l’organisme. - 12 - IMMUNOLOGIE CLINIQUE 1 Déficits immunitaires Immunodéficit primaire. Il survient chez l’homme, à vrai dire rarement, suite à un déficit de la différenciation du système immunitaire : mutations chromosomique, déficience des cellules phagocytaires, du Complément, ou des lymphocytes. Les malades immunodéficients sont sensibles aux infections par de nombreux agents normalement éradiqués par le système immunitaire. 1 Déficience de l’immunité innée, notamment par mutation de l’oxydase des cellules phagocytaires (maladie granulomateuse chronique), défauts d’adhésivité des leucocytes, déficits des protéines de contrôle du Complément (hémoglobinurie nocturne), absence d’inhibiteur du facteur C1 du complément (angiodermatose héréditaire). 2 Déficience primaire des Ly B. L’agamma globulinémie congénitale liée à l’X, avec arrêt de la différenciation des lymphocytes B par mutation d’un gène de tyrosine kinase, immunodéficience des IgA, délétions du gène CD40L des LyT à la base du syndrome d’hyper IgM. 3 Déficience primaire des Ly T, par altération du développement T’ (syndrome de Di Georges), ou défauts de réparation de l’ADN (ataxie télangiectasie) 4 Immunodéficience sévère combinée. La moitié des malades ont des mutations du gène pour la chaîne de récepteurs d’interleukines, et un grand nombre ont un déficit du gène de dégradation des purines qui conduit à l’accumulation de produits toxiques. Ces patients sont corrigés par transfert de lymphocytes T autologues porteurs du gène sain. Immunodéficit secondaire: conséquence d’une malnutrition, de désordres lympho-prolifératifs, d’irradiation, d’administration d’agents cytotoxiques, ou d’infections virales. Le syndrome d’immunodéficit acquis (Sida) résulte de l’infection par le rétrovirus VIH des lymphocytes T CD4, des macrophages, des cellules nerveuses et des cellules dendritiques. Dans la cellule, l’ARN viral est converti en ADN qui s’intègre au génome de l’hôte où il reste dormant jusqu’à ce que la cellule soit stimulée. Il existe habituellement une longue phase asymptomatique après que la phase aigue initiale ait été circonscrite par la réponse immune. Le virus reste longtemps cantonné aux cellules dendritiques des ganglions qu’il détruit progressivement. Puis se produit une chute importante des lymphocytes T CD4 qui abolit les défenses cellulaires, notamment des lymphocytes cytotoxiques CD8 et rend le malade sans défense contre les agents infectieux. 2 Hypersensibilité Une stimulation excessive des mécanismes de l’immunité peut conduire à des dommages tissulaires par réaction d’hypersensibilité dont il existe plusieurs types : Hypersensibilité anaphylactique de type I : par réaction de l’antigène avec les IgE spécifiques fixées sur les mastocytes, caractérisée par une contraction des muscles - 13 lisses et une dilatation des capillaires. L’agrégation des récepteurs des IgE active des enzymes cellulaires et mène à la libération d’autres médiateurs comme l’histamine et des facteurs d’attraction des polynucléaires éosinophiles et neutrophiles. L’allergie atopique est la conséquence d’une réponse locale excessive des IgE avec des réactions allergiques aux zones de contact avec l’allergène (rhume des foins, asthme). La réponse persiste par action des lymphocytes T CD4 qui recrutent des éosinophiles créant des dommages tissulaires. Cytotoxicité de type II dépendant de l’anticorps. Les cellules sur lesquelles un anticorps s’est fixé sur un antigène de surface peuvent être capturées par les cellules phagocytaires, ou lysées par le Complément. Exemples : réactions à la transfusion, maladie hémolytique du nouveau-né par incompatibilité Rhesus, destruction de greffe. Hypersensibilité complexe de type III. Les complexes antigène-anticorps activent leComplément, et les polynucléaires neutrophiles attirés libèrent leurs médiateurs cytotoxiques et font agréger les plaquettes sanguines, cause de micro thromboses. Si les anticorps circulants ont des taux élevés, l’antigène est précipité, créant une réaction locale avec infiltration de polynucléaires neutrophiles, œdème et érythème (maladie de Pigeon Fancier, aspergillose pulmonaire, traitement de la lèpre ou de la syphilis par augmentation brusque de l’antigène liée à la destruction des cellules infectées, ou enfin lésions synoviales de l’arthrite rhumatoide). En excès d’antigène, des complexes solubles se forment et se fixent sur les globules rouges ou circulent à l’état libre et vont se déposer dans le rein, les articulations, ou la peau.(maladie sérique, après injection de grandes quantités de protéine étrangère, Lupus Erythémateux Disséminé, infections par le streptocoque, paludisme, polyartérite liée au virus de l’hépatite B). Hypersensibilité retardée de type IV ou à médiation cellulaire. L’interaction de l’antigène avec les lymphocytes T sensibilisés crée des dommages tissulaires. Plusieurs cytokines sont produites qui activent les macrophages et sont la cause de l’apparition retardée d’induration et d’érythème, par infiltration par des phagocytes et des lymphocytes. 3 Transplantation Le rejet de greffe est une réaction immune spécifique témoin d’une réponse secondaire importante, avec formation d’anticorps spécifiques contre le greffon. La transplantation est contrôlée génétiquement par les molécules de classe I du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH). Par ailleurs, les molécules de classe II du CMH provoquent une prolifération et une transformation maligne des lymphocytes génétiquement différents. Les jumeaux ont ¼ de chances d’identité du CMH. Mécanismes du rejet de greffe. Les lymphocytes T CD8 ont un rôle majeur dans la phase aiguë précoce du rejet dont l’intensité dépend du nombre de lymphocytes reconnaissant le CMH étranger. - 14 Des anticorps peuvent provoquer un rejet suraigu en quelques minutes, mais une réaction après 11 jours est due à la fixation d’Ig et du Complément sur les vaisseaux du greffon. Un rejet insidieux et tardif peut survenir par dépôt de complexes immuns sur le greffon. La prévention du rejet de greffe s’obtient en respectant la concordance du CMH. Le rejet peut être évité par des immuno suppresseurs ou des anticorps antilymphocytes. Une tolérance peut être obtenue par injection de moelle osseuse ou de précurseurs de cellules dendritiques chez les receveurs conditionnés par médicaments. Des stratégies sont en cours de développement pour éviter le rejet suraigu de greffons de porc chez l’homme (Xénogreffes). Expérience clinique de la greffe. Cornée et cartilage, sans vaisseaux, sont relativement bien tolérés. Les greffes de rein donnent d’excellents résultats mais le traitement immuno suppresseur doit être poursuivi à vie. De nombreux succès sont obtenus avec les greffes de coeur et de foie. Les greffes de moelle osseuse sont bien acceptées de parents ou collatéraux, mais il est difficile d’éviter le rejet d’une moelle allogénique, même en éliminant les lymphocytes T CD8 du greffon. Des essais de transplantation de tissu nerveux et la production de prothèses vasculaires sont en cours. Certaines spécificités HLA sont souvent associées à des maladies particulières, HLA-B27 et spondylarthrite ankylosante, HLA-B8 et myasthénie, HLA-DR4 et arthrite rhumatoïde, HLA-DQ8 et diabète insulino-dépendant… Le fœtus est une allogreffe. Les différences de CMH existent entre mère et fœtus. En tant que greffe potentielle, le fœtus doit être protégé contre l’attaque par le système immunitaire de la mère. Un mécanisme majeur de défense est l’absence de CMH classique sur les couches externes du placenta : le cytotrophoblaste exprime une protéine de classe I du CMH non classique et non polymorphe, HLA-G, qui inhibe la cytotoxicité des lymphocytes NK de la mère. 4 Immunologie des tumeurs. Des antigènes, exprimés durant la vie embryonnaire ou restés silencieux dans les cellules normales, apparaissent à la membrane des cellules tumorales. Ils sont généralement faibles, mais les peptides des virus associés à certaines tumeurs sont par contre très puissants. Enfin, la dérégulation des cellules tumorales cause fréquemment des anomalies de structure des sucres de surface cellulaire. Réponse Immune des tumeurs. Les lymphocytes T exercent généralement un contrôle efficace des tumeurs dues à des virus, mais les autres tumeurs ne provoquent que des réponses faibles. Les lymphocytes NK ont un rôle probable dans le contrôle du développement des cellules tumorales et de leurs métastases. - 15 Les tumeurs malignes lymphoides présentent des arrêts de maturation et des translocations chromosomiques. Les leucémies et lymphomes expriment des marqueurs de surface s qui aident au diagnostic. La plupart des lymphomes sont d’origine lymphocytaire B, associés à l’infection par le virus d’Epstein-Barr et expriment des immunoglobulines monoclonales. Le myélome est une prolifération maligne d’un clone de plasmocytes. La macroglobulinémie de Waldenstrom résulte de la prolifération non contrôlée d’un clone produisant une IgM en grande quantité, ce qui augmente la viscosité du sang. Enfin, les cellules malignes lymphoides suppriment la différenciation de la lignée lymphocytaire normale correspondante. Immunothérapie des cancers. Des vaccins basés sur les protéines des virus donnant des tumeurs sont envisageables. L’immunisation par un peptide de Leucémie Lymphoide Chronique, de cause encore inconnue, génère une protection. Les cellules de tumeurs faiblement immunogènes provoquent des réponses protectrices efficaces si on les inocule avec des costimulateurs comme certaines cytokines normales. Des anticorps conjugués à des médicaments ou des radio éléments peuvent cibler la tumeur et des résultats encourageants ont été obtenus dans le cancer du poumon. Des anticorps bi fonctionnels, reconnaissant la tumeur et les lymphocytes peuvent amener Lymphocytes NK ou T cytotoxiques à proximité des tumeurs. Les mécanismes immunologiques innés peuvent être ré activés : NK stimulées par l’interleukine 2, efficaces contre le cancer du rein ; interférons très efficaces contre les anomalies des lymphocytes T, ou le mycosis fongoide. 5 Maladies auto-immunes. Ce sont des maladies dues à l’action pathogène de lymphocytes T et/ou B spécifiques d’auto antigènes, c'est-à-dire de peptides faisant partie des constituants naturels de l’organisme. La présence de lymphocytes T et B auto réactifs est une caractéristique de tout organisme normal, mais une tolérance naturelle aux constituants du soi est acquise au cours du développement. Les maladies auto-immunes constituent un vaste ensemble qui recoupe certaines maladies inflammatoires chroniques sans relation nette avec un allergène, un toxique, ou un microorganisme identifiés. Certains modèles animaux spontanés de maladies auto-immunes sont dus à des anomalies génétiques des mécanismes de la tolérance naturelle. Des maladies auto-immunes expérimentales peuvent être induites par activation de lymphocytes T auto réactifs par un antigène tissulaire en présence de molécules d’origine bactérienne, ou par activation de lymphocytes B autoréactifs. L’activation polyclonale des lymphocytes B et T peut aussi être induite par des médicaments ou des toxiques de l’environnement ; selon le CMH, cette activation peut provoquer une réponse suppressive protectrice ou une maladie auto immune avec stimulation préférentielle des lymphocytes Th1 (auxiliaires des LyT CD8 cytotoxiques) ou Th2 (auxiliaires des LyB producteurs d’anticorps). De nombreuses maladies auto immunes ou inflammatoires humaines sont associées à certains allèles du CMH, suggérant une prédisposition génétique. Bibliographie JP Revillard, Immunologie, DeBoeck université I Roitt, Essential Immunology, Blackwell Science.