Dynamique des assemblages phytoplanctoniques de l’étang de Berre déterminée par une approche automatisée à l’échelle individuelle des cellules (par cytométrie en flux) Laboratoire : Institut Méditerranéen d’Océanologie MIO Encadrants : Gérald GREGORI et David NERINI La taille des océans et des mers est un des principaux obstacles à la compréhension du fonctionnement du milieu marin car se pose le problème de l’échantillonnage. Les campagnes océanographiques classiques, menées par des scientifiques à partir de navires spécialisés, ne peuvent généralement pas avoir une couverture spatiale et temporelle suffisamment fine pour obtenir une vue synoptique et représentative de l'état de l'environnement marin. Pour faire face à ces limitations, beaucoup d'efforts se portent sur l'automatisation des mesures couplée à une autonomie des instruments afin de produire des systèmes d’observation capables de fournir des données automatiquement, c'est-à-dire sans intervention humaine et de façon continue. Ceci est la tache du Global Ocean Observing System (GOOS), approuvé par les Nations Unies (l'UNESCO) et soutenu par l’initiative Européenne « EuroGOOS ». Le Conseil International pour l’Exploration des Mers (ICES) et la Mediterranean Science Commission (CIESM) se sont également engagés dans cette voie (voir site du TRANSMED: http://www.ciesm.org/marine/programs/transmed.htm, CIESM pilot project). Actuellement les mesures automatiques concernent principalement des paramètres physiques et chimiques (température, salinité, conductivité, intensité et direction des courants, sels nutritifs, concentration en pigments, etc.). Elles sont réalisées par des instruments montés le plus souvent sur des mouillages fixes ou bien dérivants. Afin d’accroître la couverture spatiale de ces observations certains capteurs ont été installés avec succès à bord de navires d’opportunité de type ferries (exemple : Projet Européen « FerryBox », programme GeP&CO : Le Havre-Nouméa). Ceci permet de récolter une quantité très importante de données de surface et fournit un système de surveillance à moindre frais capable de récolter des données régulières à la fois dans l’espace et dans le temps, plus aptes aux analyses statistiques (absence de données manquantes, rythme d’échantillonnage régulier) et particulièrement intéressantes pour alimenter les modèles numériques. Parmi les variables mesurées in situ lors des campagnes, la distribution spatiale synoptique des procaryotes et eucaryotes auto- et hétérotrophes est un paramètre clé pour appréhender leur rôle et leur importance à l’échelle planétaire, surtout dans le contexte du réchauffement global. Ces microorganismes sont les principaux producteurs et minéralisateurs de la matière organique et leur dynamique influence directement la qualité et le devenir de la matière organique dans l’Océan. En ce qui concerne le phytoplancton, principal responsable de la production primaire en milieu marin, le problème de sa distribution synoptique peut être résolu partiellement par l’exploitation d’images satellitales produites à partir des propriétés optiques de la surface océanique (Antoine, 1998). Ces images de « couleur de la mer » permettent d’estimer la concentration en Chlorophylle à partir d’algorithmes toujours plus perfectionnés. Cependant la résolution spatiale des images satellites reste faible (typiquement de l’ordre de 300 m dans le meilleur des cas) et leur interprétation sous forme de concentration en Chlorophylle laisse encore à désirer, en particulier dans les eaux côtières, où le phytoplancton est particulièrement abondant. Des analyses in situ réalisées à partir de méthodes indépendantes (exemple : fluorimétrie) sont par conséquent requises pour calibrer les algorithmes. Ces méthodes sont le plus souvent globales (mesures de pigments par fluorimétrie ou HPLC) et ne rendent pas forcément compte de l’hétérogénéité spécifique et physiologique des cellules. Pour pallier cette limite l’analyse à l’échelle individuelle des cellules s’impose. Pour les micro-organismes hétérotrophes l’absence de pigments photosynthétique ne permet pas d’exploiter les images satellites. La vision synoptique de leur distribution est d’autant plus difficile à appréhender, voire impossible, car seuls des prélèvements discrets et des analyses ultérieures en laboratoires (par cytométrie en flux, biologie moléculaire, microscopie, etc.) sont susceptibles de fournir cette information. Il n’existe donc pas pour l’instant de système d’analyse automatique et in situ capable de les détecter et de les quantifier très rapidement (voire en temps réel). Parmi les méthodes d’investigation à l’échelle cellulaire, la cytométrie en flux est une technologie qui s’impose de plus en plus en microbiologie marine car elle permet l’analyse à haute vitesse des cellules (plusieurs milliers de cellules analysées par seconde). Ces cellules sont entraînées par un liquide vecteur et sont interceptées une par une par une source lumineuse (un ou plusieurs lasers) et les propriétés optiques de diffusion de la lumière et d’émission de fluorescence permettent de discriminer les différents groupes de cellules présents, ainsi que leur concentration dans l’échantillon. L’analyse rapide et sa haute résolution qui permet de détecter les bactéries et les virus (Marie et al., 1999) permettent d’envisager l’étude de la distribution des assemblages microbiens à une fréquence impossible par des méthodes plus conventionnelles (type microscopie). Notre laboratoire est équipé de cytomètres non conventionnels, le CytoSub et le Cytosense (Dubelaar et al., 1999, Dubelaar et Jonker, 2000), conçus spécialement pour l’analyse du phytoplancton. Leur conception permet l’analyse de grosses particules (dans la gamme 1-1000 µm) et l’enregistrement du profil des signaux générés lors de l’interception des particules par le faisceau laser. Cette information complémentaire qui autorise l’analyse des chaînes de cellules n’est pas disponible sur des cytomètres plus conventionnels limités à une classe de taille < 10 μm. De plus ces cytomètres sont autonomes et peuvent être déployés in situ ou sur le terrain (navire, laboratoire mobile, local dédié). Il permet une analyse automatique qui peut aller jusqu’à un échantillon toutes les 10 minutes. Notre laboratoire fait partie des pionniers dans l’utilisation de cet instrument (thèse de Thyssen M.) et les travaux réalisés soit en immergeant le cytomètre in situ, soit en l’utilisant à bord d’un navire d’opportunité a fait l’objet de plusieurs publications (Thyssen et al, 2008 a, 20008b et 2008c ; Malkassian et al 2011). Actuellement notre groupe s’intéresse au phytoplancton de l’étang marin de Berre, zone soumise à de nombreux forçages naturels et anthropiques. Dans le cadre d’un projet soutenu par l’INSU (projet EC2CO « MISE ») un monitorage automatisé du phytoplancton par cytométrie est prévu à différentes périodes afin de mettre en évidence la dynamique de ces assemblages en fonction des variables environnementales. Le stage que nous proposons offre la possibilité de participer à ce projet non seulement en travaillant sur l’analyse des données déjà acquises, mais aussi en participant aux prochaines campagnes. L’objectif du stage est de caractériser la diversité du phytoplancton de l’étang et de suivre la dynamique des groupes phytoplanctoniques définis par cytométrie. La haute fréquence d’analyse (toutes les heures) et l’analyse à l’échelle individuelle permettent de déterminer le cycle cellulaire de ces groupes. Un effort particulier sera consacré à l’étude de l’influence d’évènements sporadiques (régime de vent, apports d’eau douce, etc) sur la dynamique de ces groupes phytoplanctoniques, aussi bien en termes de variation d’abondance (biomasse) que de modification du rythme cellulaire. L’originalité du projet réside dans la capacité d’étudier des évènements sporadiques généralement hors de portée de méthodes d’échantillonnage classiques (manuellement à partir d’un navire). Références citées : Antoine D (1998). Apports de la télédétection spatiale de la "couleur de l'Océan" à l'océanographie. Océanis, 24:81-150. Dubelaar GBJ, Gerritzen PL, Beeker AER, Jonker RR, and Tangen K (1999). Design and first results of CytoBuoy a wireless flow cytometer for in situ analysis of marine and fresh waters. Cytometry, 37:247-254. Dubelaar GBJ, and Jonker RR (2000). Flow cytometry as a tool for the study of phytoplankton. Scientia Marina, 64:135-156. Malkassian A., Nerini D., Van Dijk M., Thyssen M., Mante C., Gregori G.(2011). Functional analysis and classification of phytoplankton based on data from an automated flow cytometer. Cytometry Part A, Volume 79A, Issue 4, 263-275. Marie D, Brussaard CPD, Thyrhaug R, Bratbak G, and Vaulot D (1999). Enumeration of marine viruses in culture and natural samples by flow cytometry. Applied and Environmental Microbiology, 65:4552. Thyssen M. (2008a) Analyse à haute fréquence spatiale et temporelle du phytoplancton à l’aide de la cytométrie en flux automatisée et immergeable. Thèse, Université de la Méditerranée. Thyssen M., Tarran G.A., Zubkov M., Holland R.J., Grégori G., Burkill P.H., Denis M. (2008b) The emergence of automated high frequency flow cytometry : revealing temporal and spatial phytoplankton variability. Journal of Plankton Research. 30 (3), 333-343. Thyssen M., Mathieu D., Garcia N., Denis M. (2008c) Short-term variation of phytoplankton assemblages in Mediterranean coastal waters recorded with an automated submerged flow cytometer. Journal of Plankton Research. 30(9):1027-1040.