LE REFUS DE SOINS

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LE REFUS DE SOINS
Extrait de l’intervention de Me Sylvain PONTIER, le 8 avril 2004
L’information du patient et son consentement aux soins se trouvent au cœur de
l’évolution, ces dernières années, de la relation médicale vers une plus grande
autonomie de l’usager du système de santé.
La nécessité d’obtenir son consentement pour tout acte médical expose le médecin à
un refus.
Il parait évident, ne serait-ce qu’au nom de la liberté individuelle, que la volonté du
patient soit respectée.
Toutefois, lorsque la vie du patient est en danger, le droit du malade de s’opposer à un
traitement se heurte à l’obligation du médecin de sauver la vie.
La question du refus de soins ramène à la problématique récemment abordée par la
Jurisprudence Administrative Française à savoir s’il existe une priorité entre deux
obligations du médecin :
-
la sauvegarde de la vie humaine et
la nécessité du consentement aux soins.
Dans cette controverse, certains s’interrogent sur la place, au sein de ces
considérations, de la liberté thérapeutique des praticiens.
Cette problématique oppose deux principes d’application contradictoires dans la
pratique médicale :
-
le principe de la bienfaisance qui gouverne l’action du praticien aux frontières
du paternalisme médical
-
le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne par respect de son refus
de soins (et son pendant pénal par l’incrimination de la non assistance à
personne en péril), aux frontières de l’autonomie de la volonté.
1
On s’accorde à considérer, qu’il s’agisse du choix du mode de traitement ou de la
continuation d’un traitement face à la perspective du décès du patient (phase ultime de
la relation médecin-malade), que l’action thérapeutique ne doit, en aucun cas,
fonctionner pour elle-même sans considération de l’intérêt du seul et véritable
intéressé.
Comme on le verra, la jurisprudence récente est favorable aux patients victimes mais
porteuse d’une grande insécurité juridique pour le praticien.
Elle tend cependant à placer celui-ci dans les retranchements d’une médecine
défensive.
La question de savoir si le respect de la volonté du patient implique pour le médecin
l’obligation de laisser mourir celui qui refuse les soins, s’est posée de manière très
pratique et accrue dans le cas de refus de transfusion sanguine par conviction
religieuse de la part des patients « témoins de Jéhovah » hospitalisés dans des
établissements de santé publique.
I. L’ETAT DU DEBAT AVANT LA LOI DU 4 MARS 2002
Le respect de la volonté du patient s’explique juridiquement par l’application d’un
précepte parfaitement connu de tout médecin car figurant à la base du serment
d’Hippocrate : « primun non nocere » (article 40 du Code de Déontologie).
En effet, la pratique médicale doit avant tout veiller, à chaque instant, à ne pas nuire
aux patients.
Mais basé sur un adage simple, ce devoir a des contours diffus.
a) Des fondements textuels épars
Les sources textuelles du devoir d’humanisme des médecins qui indiquent que soit
respectée la volonté du patient sont multiples : déontologiques, légales (Code Civil,
Code de la Santé Publique) ou internationales.
Cette pléthore de textes ne permet pas une nécessaire lisibilité du droit français et reste
source d’insécurité juridique pour le corps de santé.
La question du refus de soins a récemment fait l’objet d’une traduction législative,
hélas pour trop générale, dans la loi du 4 mars 2002, que nous étudierons ci-après.
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La loi du 9 juin 1999, insérée au Code de la Santé Publique dans son ancien article L
1111-2, et visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs a pour la première fois
posé explicitement le principe légal selon lequel « la personne malade peut s’opposer
à toute investigation thérapeutique » et ainsi consacré le droit de la personne malade
de refuser des soins médicaux à finalité thérapeutique.
Au niveau déontologique, l’article 36 alinéa 2 du Code de Déontologie Médicale (daté
de 1995) dispose que « lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse des
investigations et traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir
informé le malade de ses conséquences ».
Cette disposition est à mettre en parallèle avec l’article 47 du même code qui prescrit
une nécessaire continuité des soins.
La circulaire du 6 mai 1995 introduit la charte du malade hospitalisé selon laquelle
« tout patient, informé par un praticien des risques encourus, peut refuser un acte de
diagnostic ou un traitement, l’interrompre à tout moment à ses risques et périls ».
Le fondement textuel jusqu’alors employé était l’article 16-3 du Code Civil issu de la
loi biotique du 29 juillet 1984, modifié par la loi du 27 juillet 1999, et posant le
principe « qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de
nécessité médicale pour la personne » et que « le consentement de l’intéressé doit être
recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention
thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».
Corollaire logique de cette recherche de consentement : le patient, capable et
conscient, doit pouvoir refuser de commencer ou de poursuivre le traitement ou
l’intervention conseillée par son médecin.
Les textes internationaux ratifiés par la France participent de cet élan de défense et de
promotion du respect de la dignité et de l’intégrité des patients.
Aux termes de l’article 3-1 de la déclaration sur la promotion des droits des patients en
Europe : « aucun acte médical ne peut être pratiqué sans le consentement éclairé et
préalable du patient ».
b) Une sanction d’origine jurisprudentielle
La première décision jurisprudentielle en matière de refus de soins est datée du 15
décembre 1859 (Tribunal Correctionnel de Lyon) ce qui fait de la solution actuelle une
réponse traditionnelle.
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La Cour de Cassationjuge, dès 1942 que le non respect du consentement constitue à la
fois un manquement du médecin à ses devoirs et une atteinte grave aux droits du
malade.
Lorsque la volonté du malade va clairement contre ses intérêts vitaux, le médecin ne
doit pas prendre trop facilement acte du refus de ce dernier et doit maintenir une
relation permettant de faire évoluer sa position.
Cependant, si finalement rien n’y fait, le médecin doit s’incliner mais en aucun
cas ne dissimuler au patient un traitement.
On peut croire voir se dessiner le spectre du délit de non assistance à personne en péril,
mais cette incrimination ne s’entend pas dans le cadre du respect du refus de soins
éclairé du patient capable.
Il en est ainsi lorsque la thérapeutique adéquate n’a pu être appliquée « en raison du
refus obstiné et même agressif du malade » (Cour de Cassation Chambre Criminelle,
3 janvier 1973, Dalloz 1975 page 591 note LEVASSEUR).
Peu importe également que les motifs du refus soient médicaux, philosophiques ou
religieux (Cour de Cassation Chambre Criminelle, 30 octobre 1974, Dalloz 1975 page
178, note SAVATIER), le médecin doit s’incliner.
Le médecin n’encourt aucune sanction s’il prescrit, dans ce cas, un traitement palliatif
(Conseil d’Etat, 6 mars 1981, revue de Droit Sanitaire et Social 1981, pages 407 note
DUBOUIS et 413 conclusions LABETOULLE) dès lors que ce traitement n’est pas
illusoire (Conseil d’Etat au disciplinaire 29 juillet 1994 revue de Droit Sanitaire et
Social 1995 page 57 note DUBOUIS).
La jurisprudence administrative a, un temps, semblé définir les conditions dans
lesquelles l’urgence permettait de passer outre le refus clairement exprimé du patient à
l’occasion de deux jugements de la Cour Administrative d’Appel de Paris en date du 9
juin 1998 Mme Senanayake (petites Affiches, 23 avril 1999, p. 10).
Reconnaissant un « état de nécessité né du conflit entre deux devoirs également
impérieux du sacerdoce médical » comme le décrit Monsieur MEMETEAU (petites
affiches 23 avril 1999, n° 81 page 10), la jurisprudence a défini trois conditions strictes
et cumulatives exigées justifiant l’intervention :
-
Exigence d’un pronostic vital (danger imminent pour la vie du patient).
-
Absence d’alternatives thérapeutiques (pouvant être mises en place en
pratique).
-
Actes indispensables à la survie du patient et proportionnés à son état (Quid
des soins palliatifs ?).
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Dans le sens de cette solution jurisprudentielle, Madame HEERS, Commissaire du
Gouvernement pour ces affaires, indiquait que « l’exigence du consentement n’est que
l’ordre de la modalité quand celle de la survie est l’ordre de la nature, de l’essence,
de la finalité (…) de l’acte médical ».
La Cour Administrative d’Appel a ainsi solennellement jugé que la préservation
de la vie prime la volonté individuelle.
Ces décisions de la Cour Administrative d’Appel ont fait l’objet d’un pourvoi devant
de le Conseil d’Etat (Cf. arrêt du Conseil d’Etat du 26 octobre 2001, Madame X…,
Droit et Patrimoine n° 101, février 2002, JCP ed E, n° 6, p. 302, II, 10025 ).
Cette décision du Conseil d’Etat du 26 octobre 2001 a mis un coup d’arrêt à cette
solution en indiquant clairement que pour avoir voulu « faire prévaloir de façon
générale l’obligation pour le médecin de sauver la vie sur celle de respecter la volonté
du malade », la Cour Administrative d’Appel de Paris a « commis une erreur de droit
justifiant l’annulation de son arrêt ».
Par une solution qualifiée par Monsieur FRION de « minimaliste en ce sens qu’elle
évite tout risque d’impérialisme médical ou d’acharnement thérapeutique », le
Conseil d’Etat a considéré que le médecin ne dispose d’aucune prérogative
prévalant, en général, sur celle du malade et a ainsi refusé de reconnaître une
quelconque hiérarchie entre le principe de l’autonomie du consentement et celui
qui oblige le médecin à soigner et le cas échéant à sauver la vie du malade.
Jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a cependant jugé les médecins
irresponsables des griefs avancés à leur endroit (car action en resp) en considérant que
ce qui doit prévaloir c’est le caractère extrême de la situation dans laquelle se trouve la
malade et qu’en l’espèce les médecins avaient accompli dans l’intérêt du patient « un
acte indispensable à sa survie et proportionné à son état. »
Cette jurisprudence, pragmatique en ce qu’elle invite les médecins à agir en
conscience, au cas par cas, implique en substance que si les médecins avaient dans
cette espèce finalement respecté la volonté de leurs patients, ils n’auraient pour autant
commis une faute.
5
II. LA LOI DU 4 MARS 2002 ET SON APPLICATION PAR LA
JURISPRUDENCE
La loi du 4 mars 2002 a prévu en son article 11, d’une manière très générale, la
rédaction de nouveaux articles dans le Code de la Santé Publique.
Ainsi, le nouvel article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique précise que « toute
personne a le droit d’être informée sur son état de santé.
Cette information porte (…) sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (…)
seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent en dispenser (…) ».
De même, le nouvel article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique précise : « toute
personne prend, avec le professionnel de santé compte tenu des informations et des
préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des
conséquences de ses choix.
Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie, le
médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre ou d’accepter les soins
indispensables.
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement
libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. (…)
dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale
ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur
ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables (…) ».
S’agissant de l’interprétation de ces textes, ils n’apportent pas une réponse claire à la
problématique qui nous occupe mais les discussions législatives entourant
l’élaboration de la loi mettaient clairement en avant que le consentement du malade
devait être respecté à l’exception des situations dans lesquelles sa vie était menacée (
ainsi, à la question formulée par Monsieur LAFFINEUR s’agissant de savoir ce qui se
passe « lorsqu’un témoin de Jéhovah, qui a demandé à ne pas être transfusé, subit une
hémorragie pendant l’opération ? », Monsieur KOUCHNER avait répondu « qu’il
n’est pas question de transfuser quelqu’un qui le refuse, pour quelque raison que ce
soit. Cela ne devient possible que lorsque la vie du patient est en danger et qu’il ne
peut ni refuser, ni consentir »).
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a) Sur l’apport jurisprudentiel du Conseil d’Etat et des juridictions du fond.
Le courant de l’été 2002 a été l’occasion pour les juridictions administratives de rendre
plusieurs décisions portant sur le refus de soins et le fait d’imposer des soins.
Ces jurisprudences ont notamment été rendues sur le refus des « témoins de Jéhovah »
d’accepter les transfusions sanguines, quelles qu’en soient les conséquences.
Hospitalisée au CHU de Saint-Étienne, Madame Valérie Feuillatey y avait subi, en
dépit de son refus oral et écrit, une transfusion sanguine, jugée par les médecins
indispensable à sa survie.
Elle et sa sœur, Madame Isabelle Feuillatey, « personne de confiance » au sens de
l’article L. 1111-6 du Code de la Santé Publique, avaient alors saisi le Juge des
Référés du Tribunal Administratif de Lyon en arguant d’une atteinte grave et
manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont le principe du
consentement aux soins et la liberté de conscience et de religion.
Le Tribunal avait enjoint aux médecins de ne pas pratiquer d’autres transfusions à
Madame Feuillatey mais il avait précisé que cette injonction cesserait de s’appliquer si
la patiente « venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un
pronostic vital ».
Cette réserve ne pouvait évidemment satisfaire Madame Feuillatey puisque sa religion
interdit les transfusions quelles que soient les circonstances, le patient dusse-t-il y
laisser la vie.
Les deux sœurs Feuillatey ont donc demandé au Conseil d’Etat d’annuler la réserve
concernant le risque vital pour la patiente.
Le Conseil d’Etat, par son arrêt du 16 Août 2002 Mmes Valérie
et Isabelle Feuillatey ( Gaz Pal 2002, p. 1345 ; D, IR, 2002, n° 33, p. 2582 ; Droit et
Patrimoine, n° 110, décembre 2002, p. 84), confirme l’injonction contenue dans
l’ordonnance du Tribunal d’avoir fin à l’effet de son ordonnance au cas où la patiente
serait en danger de mort.
Il la réforme seulement pour préciser que les soins doivent être :
-
indispensables à la survie et
proportionnés à l’état du patient.
Il reprend là très largement les conditions posées par la décision de section du 26
octobre 2001 (cf arrêt précité) pour qu’un acte médical effectué contre la volonté du
patient ne soit pas fautif.
7
Il y ajoute l’obligation pour les médecins de tout mettre en œuvre pour obtenir le
consentement de la patiente.
Cette obligation figure dans l’article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique,
postérieure à l’arrêt du 26 octobre 2001.
On ne peut donc dire que le juge n’a pas tenu compte de ce nouveau texte.
On pourrait donc penser à la lecture de l’arrêt que le Conseil d’Etat a en réalité réitéré
purement et simplement sa jurisprudence du 26 octobre 2001 tout en faisant référence
aux nouveaux textes intervenus depuis et en ajoutant le fait de tout metter en oeuvre.
Il semble en réalité que la décision a plus de force que cela.
En effet, la nouveauté majeure est sans conteste l’affirmation de ce que le droit pour le
patient de consentir à un traitement médical et corrélativement, de le refuser, a le
caractère d’une liberté fondamentale.
Le Juge des Référés du Conseil d’Etat rend une décision par laquelle il consacre le
fait que le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu’il se trouve en état de
l’exprimer, son consentement à un traitement médical, revêt le caractère d’une
liberté fondamentale.
Toutefois, il précise que le médecin qui, après avoir mis tout en œuvre pour convaincre
son patient d’accepter les soins indispensables, accomplit, dans le but de le sauver, un
acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ne porte pas à cette liberté une
atteinte grave et manifestement illégale.
Il s’agit d’un ajout clair :
En effet, la réserve de la sauvegarde de la vie du malade ne figure nullement dans
l’article L. 1111-4 issu de la loi du 4 mars 2002.
Celle-ci bénéficie pour cette reconnaissance, d’un double parrainage : celui de l’article
16-3 du Code Civil, selon lequel « le consentement de l’intéressé doit être recueilli
préalablement (à toute atteinte à l’intégrité de son corps) hors le cas où son état rend
nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de
consentir » ; elle est également protégée, d’après les Juges, par les dispositions de
l’article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique, issu de la loi du 4 mars 2002.
Ainsi considérée, la liberté de consentir à des fins médicales s’inscrit dès lors
clairement dans le prolongement de la liberté individuelle, qui permet au sujet de
présider au respect de l’intégrité de son corps, de décider lui-même des atteintes qui
peuvent lui être portées.
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Il n’en demeure pas moins que même érigé en liberté fondamentale, le droit de
consentir à un traitement médical n’est pas pour autant à l’abri de tout infléchissement.
En effet, le Conseil d’Etat fait de la sauvegarde de la vie un justificatif de l’acte réalisé
contre l’avis du patient.
Tout au plus, les Juges ont pris soins de subordonner la légitimité de l’acte à la double
condition qu’il soit effectivement indispensable à la survie de l’individu et
proportionné à son état et qu’il ne puisse être réalisé qu’après que les médecins aient
tout fait pour convaincre le patient d’accepter ces soins.
En d’autres termes, la volonté du sujet doit être fermement suscitée avant que de
pouvoir être forcée.
Mais, à cette extrémité, il doit être désormais entendu que la sauvegarde de la vie
humaine, bien qu’elle ne soit pas exprimée par les textes, est une valeur sociale au
moins aussi fondamentale que la liberté individuelle qu’elle justifie, à l’occasion, est
sacrifiée.
Les juridictions du fond n’ont pas tardé à suivre et c’est ainsi que par une ordonnance
de référé du Tribunal Administratif de Lille du 25 août 2002, cette juridiction a donné
raison à une jeune femme de 24 ans, adepte elle aussi des Témoins de Jéhovah, qui
refusait d’être transfusée contre son gré.
Ayant été transfusée malgré son refus tant oral qu’écrit, elle a saisi le Juge
Administratif des référés pour éviter une nouvelle transfusion.
Le Tribunal Administratif lui a donné gain de cause en faisant injonction à
l’établissement hospitalier, sans poser aucune limite, « de ne pas procéder à
l’administration forcée de transfusion sanguine à Madame X contre son gré et à son
insu ».
Certains ont interprété l’absence de réserves comme une obligation faite au corps
médical de respecter la volonté de la patiente, même en cas de danger pour sa vie.
Il s’agit semble-t-il d’une lecture erronée.
En effet, force est de constater que l’ordonnance dont s’agit mentionne de façon
explicite dans ses motifs que l’hôpital n’avait pas allégué « que le refus de respecter la
volonté de la patiente serait rendu nécessaire du fait d’un danger immédiat pour sa
vie ».
9
Il semble donc possible d’en déduire que les Juges n’auraient pas pris la même
décision si le défendeur avait rapporté la preuve que la patiente se trouvait dans une
situation d’extrême urgence, rendant nécessaire l’intervention du médecin.
On doit donc considérer que la jurisprudence de référence est celle du Conseil d’Etat
du 16 août 2002.
b) Synthèse pratique
Face au refus de soins du malade, le praticien doit informer ce dernier des
conséquences de son refus, éclairer sa décision, inscrire cette information dans le
temps, et, le cas échéant, se préconstituer une preuve écrite et s’entourer de témoins
face au refus persistant du malade.
Le médecin doit donc adopter le comportement suivant face à une telle situation :
S’il s’agit d’un adulte majeur :


Le médecin doit fournir une explication détaillée, au patient, sur la nature des
soins proposés, et les risques évolutifs en cas de non traitement. Ces explications
sont au besoins répétitives. Le médecin a en effet l’obligation de tout mettre en
œuvre pour convaincre le patient d’accepter les soins indispensables à sa survie,
cette situation mettant en jeu le pronostic vital.
Le médecin doit s’assurer que le patient est juridiquement capable, c'est-à-dire
jouissant de toutes ses facultés mentales que ce soit du fait d’une maladie ou
d’un état transitoire (exemple : intoxication ou toxicomanie). Dans le cas
contraire, le médecin doit consulter sauf urgence ou impossibilité la personne de
confiance désignée préalablement par le malade ou la famille ou à défaut un de
ses proches, avant toute intervention ou investigation.
En cas de persistance d’un refus, de la part d’un individu capable, le médecin doit
alors faire signer par le malade une attestation de refus de soins.
Il est indispensable que ce certificat mentionne la date, l’heure, le lieu ainsi qu’une
acceptation formelle du patient de ce que la signature de ce document entraîne des
conséquences pour le patient. Un exemplaire doit être laissé au malade. Il ne faut pas
hésiter à préciser sur cet écrit, un certain nombre de risques expliqués oralement au
patient, sachant que cet écrit intervient au titre des moyens de preuves et ne constitue
en aucun cas à lui seul une cause d’irresponsabilité ou de responsabilité.
En cas de refus de signer l’attestation et de refus de soins par le malade, il est
nécessaire que le praticien se fasse établir selon le même principe, un procès-verbal
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contresigné par les personnes présentes, attestant de l’information donnée et des
risques annoncés par le médecin et du refus de signer l’attestation de la part du malade.
Si se conjuguent péril immédiat et pleine conscience du malade, le médecin n’encourt
pas de poursuites pour non assistance à personne en péril, si, la procédure décrite cidessus était correctement respectée ainsi que l’a affirmé la Cour de Cassation dans son
arrêt précité du 3 janvier 1973 : « un médecin qui se plie au refus obstiné de son
patient ayant exprimé par écrit ce refus, ne tombe pas sous le coup ni de
l’incrimination d’homicide involontaire, ni de l’incrimination de refus d’assistance à
personne en péril ».
Si se conjuguent péril immédiat plus inconscience du malade, le médecin doit
prendre toute disposition utile et proportionnée pour préserver la vie de ce
patient, même, si, celui-ci avait exprimé, même en des conditions juridiquement
recevables, son opposition aux soins.
L’urgence permet donc de passer outre l’absence de consentement du patient mais
sous condition de respect d’une triple condition :
 Il ne doit exister autre alternative thérapeutique.
 La vie de l’intéressé doit être en jeu.
 Les actes accomplis doivent êtres indispensables à la survie du
patient et proportionnés à son état.
Enfin, s’il s’agit d’un enfant mineur ou d’un incapable majeur :

L’accord des parents ou du tuteur est nécessaire aux soins ; cependant, en cas de
refus, qui risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou
du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables malgré l’avis
contraire des parents ou tuteurs légaux.
Sylvain PONTIER
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