100 000 gènes rendent désormais enfin possible l'étude des déterminants génétiques
de maladies fréquentes et aussi complexes que l'obésité (...).
Chez l'homme, l'obésité est associée à plusieurs maladies congénitales très rares, dont
les plus connues sont les syndromes de Prader-Willi et de Bardet-Biedl. Ces maladies
comportent des anomalies malformatives, neurologiques et sensorielles très graves.
Les gènes de neuf syndromes ont été localisés sur huit chromosomes différents, mais
ne sont pas encore identifiés. Par contre, deux mutations du gène de la leptine,
bloquant la production protéique, l'ont été dans deux familles de parents consanguins.
De même, une mutation du récepteur de la leptine a été découverte dans une famille
française responsable d'obésité massive ayant débuté dès les premiers jours de la vie,
mais aussi d'un ralentissement de la croissance, d'une absence de puberté et
d'anomalies de la glande thyroïde.
Toutes ces anomalies démontrent le rôle très important de la leptine chez l'homme,
notamment au niveau des hormones produites par l'h ypophyse, petite glande située à
la base du cerveau. D'ailleurs, quelques rares mutations d'un gène hypophysaire,
POMC, ont été identifiées chez des enfants souffrant d'obésité, d'insuffisance de
production de cortisone, et qui présentent une coloration rouge des cheveux.Toutes
ces anomalies génétiques sont extrêmement rares, transmises sur un mode récessif,
c'est-à-dire qu'il faut que la mutation soit présente sur les gènes paternel et maternel
pour que la maladie apparaisse, et l'obésité y est associée à des désordres endocriniens
multiples (...).
Il est probable que les gènes majeurs de l'obésité familiale font partie des
90 000 gènes encore inconnus, et ne pourront donc être identifiés que par l'exploration
complète des 23 paires de chromosomes des membres des familles obèses. Cette
approche est utilisée par plusieurs groupes, et les premiers résultats semblent en
démontrer la pertinence. Ainsi, de manière étonnante, des études familiales similaires,
réalisées dans des populations aussi différentes que les Hispano-Américains, les
Américains d'origine nord-européenne de Philadelphie, les Canadiens français ou des
adolescents allemands obèses, dont les modes de vie sont apparemment très différents,
retrouvent à peu près les mêmes régions du génome associées au surpoids :
essentiellement sur les chromosomes 2, 10, 11 et 20.
Il est très probable que les anomalies génétiques prédisposant à ces formes
communes d'obésité seront découvertes dans les deux ou trois prochaines années, ce
qui permettra de comprendre enfin les bases moléculaires de cette maladie. L'étape
suivante sera d'obtenir une classification des obésités en fonction de leurs causes,
première étape vers la mise au point de nouveaux traitements de l'obésité, agissant sur
des cibles identifiées grâce aux études génétiques. Ensuite, on peut imaginer la mise
au point de puces à ADN, qui permettront de rechercher de manière préventive les
facteurs de risque génétique à l'obésité, mais aussi aux autres conséquences néfastes
d'une alimentation déséquilibrée - diabète, cancers, maladies cardio-vasculaires. Il
sera ainsi possible de proposer une alimentation, un mode de vie personnalisés, mieux
adaptés aux caractéristiques génétiques et aux goûts de chacun. La nutrigénétique n'a
pas comme objet d'être une science prédictive d'asservissement de l'individu, mais un
moyen de sortir du prêt-à-manger commercial des pseudo-alicaments, des régimes
miracles dangereux, des traitements coûteux et inefficaces de l'obésité.