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23 avril 2010
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Robert BOYER
Synopsis
« L’euro n’est pas viable car l’absence de fédéralisme fiscal ne permet pas d’assurer la solidari
entre les Etats membres et la monnaie unique n’a pas d’avenir en l’absence d’une mise en
commun de la souveraineté politique » affirment nombre d’experts, surtout américains. « Les pays
de l’Europe du sud, supposés appartenir au « Club Med », ne devraient pas participer à l’euro car
ils ne remplissent pas les conditions structurelles nécessaires » tonnent les autorités allemandes.
Les experts de Goldman and Sachs vendent à la Grèce un produit dérivé lui permettant de
réduire sa dette publique, donc de faciliter l’entrée dans l’Euro. De quand date ce débat ? Pour
sûr il fait rage depuis février 2010 mais il était déjà présent de 1997 à 2001, date de l’admission de
la Grèce dans la zone euro. Que s’est-il passé au cours de cette décennie ? Trois processus se sont
entrelacés pour conduire à la crise ouverte au printemps 2010.
En tout premier lieu, la dette publique grecque n’a cessé de croître tant de façon ouverte que de
façon détournée par l’usage d’une comptabilité créative empruntée au secteur privé et qui
avait conduit par exemple à la fracassante faillite d’ENRON.
Mais cette dérive n’aurait pas été possible sans les difficultés rencontrées pour faire appliquer
le Pacte de Stabilité et de Croissance, dont la fonction était précisément d’éviter que survienne une
crise liée au laxisme d’un Etat-membre et à la crédibilité de l’euro. En effet, mal conçus, ses
critères avaient été immédiatement violés par nombre de pays fondateurs de la construction
européenne.
Enfin et surtout, la finance internationale n’a cessé de gagner en pouvoir et en impatience, au
point de s’ériger en un juge de la soutenabilité de l’endettement public après son explosion du
fait des plans de soutien au système financier et à l’activité économique après la faillite de
Lehman Brothers. Le laxisme des règlementations financières permet à Goldman and Sachs
de gagner sur tous les tableaux en encaissant les coûts de placement de la dette grecque, la
rémunération de la conception d’un produit dérivé permettant d’extraire une partie de cette
dette des comptes publics, enfin et surtout en spéculant sur les CDS correspondants.
Dans ce contexte, la Grèce, est le maillon faible : en conséquence, la spéculation se concentre sur
sa dette publique et simultanément parie sur la dévaluation de l’euro par rapport au dollar.
Comme les taux exigés par la finance internationale sont près du double de ceux que justifieraient
des fondamentaux, certes dégradés mais pas catastrophiques, c’est elle qui détient entre ses mains
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le destin de la dette grecque. On est ainsi très proche d’une prophétie auto-réalisatrice : si la
communauté financière américaine est convaincue du défaut grec elle a le pouvoir de le faire
advenir en relevant progressivement le taux d’intérêt exigé à chacun des refinancements de la
Grèce. C’est ce scénario qui se déploie et s’accélère depuis février 2010.
Or, cette marche à l’abîme était loin d’être inéluctable. Il aurait suffi que les autres membres de la
zone euro invoquent le caractère exceptionnel de la situation, se coordonnent pour octroyer un
crédit, à un taux raisonnable, du type de ceux qu’octroie le FMI, conditionnellement à un plan de
restructuration crédible. Or, le conflit des conceptions et des intérêts entre l’Allemagne et
l’Europe du sud est réapparu avec une violence extrême : « la Grèce n’a qu’à suivre la même
bonne, mais socialement douloureuse, politique suivie par l’Allemagne pour restaurer sa
compétitivité ! ». Le message de l’Europe est donc clair : « Grecs, aidez-vous vous-même et
l’Europe vous soutiendra ! ». On mesure les conséquences pernicieuses de l’abandon d’une
stratégie communautaire de défense du bien public que sont la croissance et la stabilité
européenne et du glissement vers une approche purement intergouvernementale : l’opposition
d’un pays membres suffit à bloquer des avancées pourtant essentielles. C’est précisément ce qui a
empêché une solution rapide et ordonnée à la crise grecque du fait de l’opposition des
responsables allemands au sauvetage d’un pays coupable de laxisme et de dissimulation de
l’ampleur des déficits publics.
Pire encore, à une approche raisonnée se substitue un affrontement des préjugés et clichés que les
opinions publiques des différents pays se forment les uns des autres. Si quelques députés
allemands suggèrent au gouvernement grec de vendre quelques unes de ses îles, pour sa part le
vice-premier ministre grec invoque une indemnisation pour l’or volé par les nazis. Les cicatrices
du passé sont ainsi ré-ouvertes en lieu et place de la construction d’une solidarité à l’échelle
européenne et d’une approche anticipatrice des problèmes structurels de l’UE. C’est cette
incapacité qui fait de la finance internationale l’acteur stratégique. Contrairement à la fable de La
Fontaine, le lièvre de la finance risque fort de triompher de la tortue que représente le processus
de délibération au sein des instances européennes.
Cependant l’impatience de la finance risque de se heurter au temps de l’économie et du politique.
En effet, on ne peut réduire instantanément le déficit public courant de 4 points du PIB, car il
faut compter avec l’inertie des structures productives, la prégnance des rapports sociaux qui
étaient à l’origine de la croissance grecque et bien sûr des stratégies politiques. Quid si la
réduction des rémunérations et l’augmentation de la fiscalité déclenchent une spirale
récessionniste keynésienne encore aggravée par la généralisation des politiques de désendettement
menées à l’échelle européenne. Quelle serait la légitimité du gouvernement si sa stratégie
débouchait sur une aggravation de la situation économique et la montée des revendications
sociales contestant aussi bien l’efficacité que la légitimité d’un plan destiné à remplir les
conditions posées par l’Europe et le FMI.
Nul expert ne saurait se targuer de savoir quelle sera l’issue d’un processus aussi ouvert. Il est
cependant urgent d’en tirer deux grandes leçons.
À peine achevée la mise en vigueur du Traité de Lisbonne, la crise grecque pointe une
insuffisance majeure : l’incomplétude du policy mix européen est lourde de conséquences tant
pour le devenir de l’euro que pour le dynamisme de la croissance du vieux continent.
Exclusion des Etats défaillants et repli sur l’intérêt national ou avancée vers un gouvernement
économique de la zone euro ? Entre ces deux extrêmes, une myriade de solutions techniques
est envisageable mais les plus efficaces sont hélas les plus difficiles à légitimer par les pouvoirs
politiques.
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À peine le système financier mondial a-t-il été sauvé grâce au soutien massif des différents
gouvernements que les financiers se retournent contre eux et estiment intolérables les déficits
publics destinés à limiter l’ampleur de la chute de l’activité que précipite la faillite de Lehman
Brothers. Quand les autorités politiques se décideront-elles à discipliner la finance afin
d’éviter la répétition des emballements spéculatifs qui se succèdent depuis les années quatre-
vingt-dix et la mettre au service de l’activité économique ? Respect du principe de
concurrence, interdiction de produits dérivés OTC aussi obscurs que profitables, interdiction
des ventes à découvert, telles sont quelques-unes des mesures qui auraient pu éviter que la
crise grecque prenne un tour aussi explosif.
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Robert BOYER
Introduction
L’éclatement, en septembre 2008, de la crise dite des subprimes a mis au premier plan la question
des relations entre systèmes financiers, activité économique et rôle des gouvernements dans le
retour à une cohérence des dynamiques monétaire et réelle. En effet, la crise née aux États-Unis
s’est propagée à la quasi-totalité des économies même si leurs gestions financière et monétaire
avaient été beaucoup plus prudentes. Dans ce contexte, la zone euro apparut d’abord comme un
bouclier pour les pays membres, les protégeant des ajustements brutaux des taux de change qui,
dans le passé avaient risqué de faire éclater la logique de constitution d’un grand marché
européen. Pourtant, en 2010, la montée des déficits publics, conséquence des politiques de lutte
contre une possible dépression, vient poser la question de la viabilité de la zone euro. Elle est en
fait menacée par l’hétérogénéité de la qualité de la dette des différents pays ce dont la crise
grecque manifeste l’ampleur – et leur inégale addiction passée à l’essor du crédit privé comme le
montre la gravité de la crise espagnole une fois dégonflée la bulle immobilière.
Comment est-on ainsi passé d’une finance plutôt protectrice de la cohésion européenne à la
diffusion du doute, au sein de la communauté financière internationale, concernant la viabilité à
long terme de l’euro ? Le propos du présent article est d’éclairer les forces et faiblesses de la
construction européenne à la lumière des enseignements que livre l’éclatement de la crise sur la
soutenabilité de la dette grecque. Dans un premier temps il faut s’interroger sur le caractère
accidentel ou au contraire largement structurel des facteurs qui conduisent à douter de la viabilité
de l’euro à long terme. Il faut ensuite cerner les facteurs proprement domestiques de la crise
grecque à la lumière des changements introduits par l’adhésion à l’euro. Il est alors possible de
mettre en évidence la contribution de la financiarisation à la forme particulière que revêtent les
craintes de non soutenabilité de la trajectoire grecque. Ainsi, peut-on faire ressortir comment la
configuration institutionnelle héritée du Traité de Maastricht et l’absence de prise en compte de
ces lacunes et incohérences manifestent brutalement l’incomplétude de la zone euro .Dans ce
contexte, on peut expliciter quels sont les facteurs qui vont déterminer le succès ou l’échec du
plan de réduction du déficit public grec. Quelle qu’en soit l’issue, au plan européen cet épisode
pose une question centrale : quels nouveaux dispositifs ou réformes des anciens seraient
susceptibles d’éviter la répétition d’une telle menace sur l’Euro ?
1. Remonter aux origines de l’Euro et de l’admission de la Grèce
L’inquiétude sur la situation grecque, qui se veloppe à partir de février 2010, a relancé les
débats sur la viabilité de la zone euro. Il est à cet égard significatif de noter que reviennent en
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force des arguments qui avaient été mobilisés de part et d’autre, dès la fin des années quatre-
vingt-dix. Les pays de l’Europe du sud peuvent-ils faire partie de la zone euro ? Leur adhésion ne
risque-t-elle pas d’aggraver leurs problèmes domestiques en les privant de la facilité que
constituaient des dévaluations récurrentes ? Les pays de l’Europe du Nord doivent-ils manifester
leur solidarité, y compris budgétaire, vis-à-vis des économies les plus fragiles ? C’est une
invitation à analyser la trajectoire des institutions européennes et de la formation de la politique
économique des Etats membres de 1999 à 2010.
L’illusion d’une continuité entre le serpent monétaire et l’institution de l’euro
Dans ce passage, il faut souligner une double continuité, source d’un optimisme sans doute
excessif. D’un côté certains auteurs conçoivent que la monnaie unique n’est autre que le passage à
la limite du durcissement du SME en direction de changes fixes entre monnaies européennes.
D’un autre côté, les mesures de prudence budgétaire et de faiblesse de l’endettement public
permettant de qualifier les divers pays pour l’adhésion à l’Euro sont aussi des parties constitutives
du Traité européen codifiant les nouvelles institutions et responsabilités.
Pour autant, la décennie 2000 fait clairement percevoir le long travail de différenciation des
trajectoires nationales que renforce le passage à l’Euro. En premier lieu, les économies qui
restauraient leur compétitivité à travers des dévaluations périodiques enregistrent une restriction
de leur offre compétitive. Comme par ailleurs, le taux de change est maintenant identique pour
tous les pays, ceux qui jouaient principalement sur la compétitivité-prix (l’Italie, la France,…)
doivent faire face au même taux de change que les économies caractérisées par l’innovation et la
différenciation par la qualité, telle l’Allemagne. Si dans une première phase l’Euro se déprécie par
rapport au Dollar, tous les systèmes productifs nationaux peuvent s’ajuster sans trop de difficulté.
Par contre, à partir du moment les doutes sur le dollar après l’effondrement de Lehman
Brothers font refluer les capitaux vers l’Euro, on observe une polarisation de larges surplus
commerciaux en Allemagne en contrepartie d’un accroissement des déficits de la plupart des
autres pays membres. Le fait que le taux de change Euro/dollar soit devenu une variable de
marché, principalement déterminée par l’anticipation des rendements financiers, implique une
accentuation de la polarisation des systèmes productifs en faveur des pays les plus compétitifs.
Pour sa part, la politique de la BCE ne contribue pas à contrecarrer ce mouvement. En effet,
comme la politique de taux d’intérêt est maintenant déterminée en fonction de la conjoncture
économique de l’Europe, perçue dans son ensemble, un même taux d’intérêt peut s’avérer trop
restrictif pour les économies les plus compétitives, mais par contre trop laxiste pour les
économies en rattrapage rapide. En quelque sorte la politique monétaire européenne ne convient
plus à la majorité des pays (Steclebout, 2004). En conséquence, bien que les nouveaux États
membres croissent plus rapidement grâce à un phénomène de rattrapage, la croissance de la zone
Euro continue à être déterminée pour l’essentiel par la capacité d’exportation de l’industrie
allemande.
Dès lors, compte tenu d’une croissance plus faible qu’aux États-Unis et surtout qu’anticipée par
l’approfondissement du marché unique, les pays dont la capacité productive est la moins
compétitive sont contraints de recourir aux déficits publics ou au laxisme du crédit privé. Ainsi
s’explique le fait que le pacte de stabilité et de croissance soit violé par nombre de pays dès les
années 2000 et qu’il est réformé pour permettre une plus grande flexibilité (Boyer, 2006). C’est
dans un tel contexte que certains gouvernements se livrent à une comptabilité créative visant à
dégonfler artificiellement le poids de la dette publique. De même, la brutale chute du taux
d’intérêt payé au titre de la dette publique des pays qui antérieurement étaient pénalisés par la
crainte d’une dévaluation de leur monnaie induit une relaxation du crédit qui se porte moins sur
la formation de capital productif que sur la consommation privée et l’immobilier. Jusqu’en 2007,
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