Economie / Soudan / Pétrole

publicité
Economie / Soudan / Pétrole
Soudan : L’enjeu pétrolier
(MFI / 10.04.12) Victime d’une des plus longues guerres civiles du continent
africain entre nord et sud, le Soudan, déchiré aussi par le conflit du Darfour à
l’ouest, constitue un important enjeu pétrolier - convoité notamment par la
Chine, avide d’énergie mais aussi d’autres pays émergents asiatiques, comme
l’Inde ou la Malaisie.
Le secteur pétrolier a beaucoup contribué au développement économique de ce vaste
pays à la lisière de l’Afrique du nord et de l’est. Mais une solution pacifique au
processus de partition Nord-Sud du Soudan est indispensable pour soutenir la
production de pétrole et protéger les investissements engagés dans ce secteur. Cette
solution pourrait aussi déterminer les flux supplémentaires de capitaux et ouvrir la voie
à une normalisation des relations du Soudan avec les principaux acteurs mondiaux, en
particulier avec les États-Unis et l’Union européenne, estiment certains experts.
La partition du pays : un énorme défi
La China National Petroleum Company (CNPC) est le plus grand investisseur étranger
du Soudan, avec plus de 5 milliards de dollars investis dans le développement des
gisements de pétrole. En fait, depuis 1999, la Chine a investi au moins 15 milliards de
dollars et possède 50 % d’une raffinerie de pétrole près de Khartoum. Les gisements
de pétrole sont toutefois concentrés dans le sud chrétien ou animiste, qui s’est battu
pendant plus de vingt ans contre le pouvoir central de Khartoum, dans le nord
islamiste, avant de gagner son indépendance.
La compagnie chinoise a construit un oléoduc à partir de ses blocs de concession au
sud du Soudan, qui aboutit à un terminal à Port-Soudan sur la Mer Rouge où le pétrole
est chargé sur des supertankers à destination de la Chine qui reçoit près de 10 % de son
pétrole du Soudan. La partition du pays en deux et la proclamation de l’indépendance
du Sud-Soudan a posé un énorme défi. Le Parti du congrès national (NCP, au Nord) et
l’Armée de libération des peuples du Soudan (SPLM, au Sud) ont convenu de
constituer des forces armées conjointes pour protéger les champs de pétrole et les
infrastructures lors du processus de partition. Mais ils doivent encore calmer le jeu de
part et d’autre pour éviter les affrontements comme ceux qui ont éclaté depuis la
proclamation de l’indépendance du sud.
Un partage des recettes du pétrole à 50-50
Situé dans le nord-est de l'Afrique, le Soudan, un des plus grands États du continent
africain, est divisé en trois grandes régions : le Nord-Soudan, le Sud-Soudan et le
Darfour. Le Sud-Soudan est enclavé entre différents pays qui délimitent ses frontières :
Éthiopie, Kenya, Ouganda, République démocratique du Congo, Centrafrique et
Soudan du Nord. La route la plus rapide pour l'acheminement de son pétrole passe par
la mer Rouge via le Soudan ou l'Éthiopie.
Signés par le gouvernement de Khartoum et le Mouvement populaire de libération du
Soudan (MPLS), les Accords de paix de janvier 2005 ont mis fin à plus de vingt ans de
guerre civile au Sud-Soudan. Ils prévoyaient une période d'autonomie de six ans pour
la région sud, surveillée par la Mission des Nations unies au Soudan (MINUS). Et
aussi un partage des recettes de l'économie du pétrole fixé à 50-50.
Les gouvernements de Khartoum et Juba avaient jusqu'au référendum sur l'autonomie
du Sud-Soudan pour négocier les autres points qu’étaient le partage de la dette et la
monnaie. Les Accords de paix ont pris fin avec le référendum sur l'indépendance, le 9
janvier 2011. Mais aucune négociation n'avait abouti à un accord entre les deux États
dans les six années écoulées.
Suite à la sécession, le Soudan du Sud a mis la main sur près de 80 % des réserves de
pétrole. Or, l'économie pétrolière représentait 90 % des exportations du Soudan avant
l'indépendance du Sud-Soudan. Le président soudanais Omar el-Béchir a admis la
nécessité de diversifier l'économie du Nord-Soudan si l'indépendance était approuvée
par les Soudanais du Sud. L'agriculture sera prioritaire mais le Soudan du Nord devra
tout faire pour garder ou regagner la confiance de ses créanciers.
Les violences à la frontière enveniment les négociations
Les bases d’un conflit géoéconomique sont ainsi présentes : le Soudan du Sud possède
la majorité des réserves de pétrole, mais les infrastructures pour son acheminement
sont au Soudan du Nord. Des négociations sont donc nécessaires pour l'acheminement
du pétrole et le respect des contrats avec plusieurs pays. Le Sud-Soudan s'est d'ailleurs
engagé à respecter les contrats signés entre la Chine et le gouvernement de Khartoum.
Celui-ci souhaite taxer l'utilisation de ses oléoducs et de ses ports afin de compenser la
perte de gisements pétroliers et miniers. Pour sa part, le gouvernement du Sud-Soudan
entend payer le même montant que le Tchad, soit une somme plus faible.
Toutefois, les violences à la frontière des deux États enveniment les négociations. Des
groupes armés sont très actifs à la frontière, qui seraient affiliés au SPLM, selon
Khartoum - ce que dément Juba au sud-Soudan. Parallèlement, le gouvernement de
Juba a annoncé son intention d'aider financièrement le Soudan du Nord. En
contrepartie, il demande au gouvernement d'Omar el-Béchir de renoncer à la région
d'Abyei, riche en pétrole, qui subit des violences dues à de nombreux affrontements
armés. De part et d'autre de la frontière, les deux États s'accusent mutuellement de
défendre leurs intérêts par l’entremise de ces milices.
Vers une rencontre au sommet ?
De plus, le Nord-Soudan accuse des milices du Sud de complicité avec les rebelles du
Darfour. Dans cette région, les violences ne se sont pas estompées. Mais le « grand
oublié » des Accords de paix de 2005, le Darfour, devra user de patience : si le conflit
est surtout territorial et concerne la terre, l’intérêt pour le pétrole n’est pas loin puisque
plusieurs experts parlent de découvertes éventuelles sur place ou dans la périphérie.
Pour le moment, l’ancien président sud-africain, et médiateur de l’Union africaine
(UA), Thabo Mbeki, tente d’organiser une rencontre au sommet entre les présidents du
Soudan Omar el-Béchir et du Soudan du Sud Salva Kiir. Un premier rendez-vous a été
annulé après des affrontements à la frontière. Des combats d'une ampleur sans
précédent ont opposé les deux armées, avec raids aériens, interventions de chars,
artillerie lourde, chaque partie accusant l'autre d'avoir lancé l'offensive puis de
poursuivre l'agression. Au fond, il s’agit bien de l’enjeu pétrolier : les deux pays ne
parviennent pas à s'entendre sur un partage des revenus pétroliers, vitaux pour les deux
économies. De plus, le tracé exact de la frontière commune n'est pas encore défini et
les deux pays s'accusent mutuellement d'alimenter une rébellion sur le sol de l'autre.
Marie Joannidis
Téléchargement