Si les souffles de son parfum s'exhalent en Orient, un homme privé d'odorat devient dans
l'Occident capable de les sentir.
Celui qui tient la coupe, la paume fardée de ce vin, ne s'égarera pas dans la nuit ; il tient un
astre dans la main.
Un aveugle-né qui le recevrait dans son cœur recouvrerait aussitôt la vue.
Le bruissement de son filtre fait entendre les sourds.
Si dans une troupe de cavaliers se dirigeant vers le terroir qui lui donne naissance,
quelqu'un est piqué par une bête venimeuse, le poison ne lui fait pas de mal.
Si l'enchanteur trace les lettres de son nom sur le front d'un possédé, ces caractères le
guérissent.
Brodé sur l'étendard de l'armée, ce nom enivre tous ceux qui marchent sous l'étendard.
Il polit le caractère des convives et par lui se conduisent dans la voie de la raison ceux qui
n'ont pas de raison.
Celui dont la main n'a jamais connu la largesse devient généreux, et celui qui n'avait pas
de grandeur d'âme apprend à se modérer, même dans la colère.
Si le plus stupide des hommes pouvait baiser le couvercle de son aiguière, il arriverait à
comprendre le sens de ses perfections.
On me dit : « Décris-le, toi qui es si bien informé de ses qualités. »
Oui, en vérité, je sais comment le décrire.
C'est une limpidité et ce n'est pas de l'eau, c'est une fluidité et ce n'est pas de l'air, c'est une
lumière sans feu et un esprit sans corps. Son verbe a préexisté éternellement à toutes les
choses existantes alors qu'il n'y avait ni formes ni images.
C'est par lui qu'ici subsistent toutes les choses, mais elles le voilent avec sagesse à qui ne
comprend pas.
En lui mon esprit s'est éperdu de telle sorte qu'ils se sont mêlés tous deux intimement ; mais
ce n'est pas un corps qui est entré dans un corps. Vin et non vigne : j'ai Adam pour père,
vigne et non vin : sa mère est ma mère.
La pureté des vases en vérité vient de la pureté des idées ; et les idées, c'est lui qui les fait
croître.
On a fait une distinction, mais le tout est un, nos esprits sont le vin et nos corps la vigne.
Avant lui, il n'y a pas d' « avant », et après lui il n'y a pas d' « après » ; le commencement
des siècles a été le sceau de son existence. Avant que le temps fut, il a été sous le pressoir.
Le testament de notre père n'est venu qu'après lui ; il est comme un orphelin.
Telles sont les beautés qui inspirent pour le louer les proses harmonieuses et les vers
chantants.
Celui qui ne le connaît pas encore se réjouit de l'entendre citer, comme l'amant de Nou'm
d'entendre le nom de Nou'm.
Ils ont dit : « Tu as pêché en le buvant. »
Non certes, je n'ai bu que ce dont j'eusse été coupable de me priver.
Heureux les gens du monastère ! Combien ils se sont enivrés de ce vin !
Et pourtant, ils ne l'ont pas bu, mais ils ont eu l'intention de le boire.
Avant ma puberté, j'ai connu son ivresse; elle sera encore en moi quand mes os seront
poussière.