Chantier de recherches « disciplines » de l'institut
Un séminaire inédit
L'opposition entre le «dagogique » et le « disciplinaire » agite régulièrement le milieu de
l’éducation. Or cette opposition est inopérante face à l’enjeu fondamental d’un accès plus égalitaire
aux savoirs. Un séminaire, rassemblant des militants issus de tous les syndicats de la FSU, se
propose de chercher à mieux comprendre les dimensions historiques, épistémologiques,
pédagogiques et didactiques de la question.
Une cinquantaine de militants ont répondu à l'appel de la première journée, le 12 novembre dernier,
autour du thème : « Comment et pourquoi se sont constituées les disciplines scolaires, avec quelles
finalités, en relation avec quelles théories et représentations du savoir, de l’apprentissage et de
l’école ? ».
Renaud d'Enfert, historien des sciences spécialisé dans l'histoire de l'enseignement scientifique, a
introduit la matinée.
La différenciation sociale de l'enseignement des mathématiques
La notion de discipline scolaire telle qu'on la connaît aujourd'hui, ne date que du début du XXème
siècle. L'organisation de ces disciplines en un système hiérarchisé est la traduction de luttes entre
des groupes sociaux.
Longtemps l'enseignement a été organisé en ordres dont la finalité sociale était clairement énoncée :
ordre primaire pour le peuple, ordre secondaire pour l'élite. La finalité d'une discipline scolaire
comme les maths était celle d'un enseignement utile et pratique au primaire, et d'une « formation de
l'esprit » dans le secondaire.
En 1852, une réforme concernant notamment les sciences, se fait avec le but de former des jeunes
capables de s'adapter à l'industrialisation.
En 1882, la loi J Ferry emploie pour la première fois le mot « mathématiques » dans la définition
des matières et des programmes de l'école primaire. Leur dimension pratique est toujours affirmée.
Les deux ordres restent séparés.
La réforme de 1902 de l'enseignement scientifique, accroît la place des sciences dans le secondaire.
Les contenus et les méthodes subissent des transformations profondes, on recommande le retour au
concret, l'induction, comme première étape, avant le raisonnement déductif. On parle de « méthode
des sciences ».
Il reste une différenciation sexuée des programmes : moins de place à la rigueur et à l'abstraction
dans les programmes destinés aux filles. Ce n'est qu'à partir de 1920 que les programmes seront
alignés. La dimension éducative des maths est de plus en plus mise en avant dans l'enseignement
primaire au cours du XXe.
Dans la période charnière (1920-1960), le débat pédagogique se nourrit des « méthodes actives »,
sous l'impulsion de l'Education Nouvelle. On recommande d'associer les disciplines : géométrie,
travail manuel en « leçons concordantes et cohérentes ».
C'est seulement à partir des années 50, que s'opère un renversement du poids respectif maths/lettres.
Les classes dominantes se mettent à privilégier la formation scientifique de leurs enfants. Dans le
même temps, la scolarité s'allonge et l'idée que les maths doivent préparer à la vie disparaît.
Les disciplines sont donc bien des constructions sociales.
Ateliers de l'après midi
Deux ateliers ont ensuite tenté d’étudier plus concrètement deux disciplines, le Français et l’EPS.
Maryse Rebière et Martine Jaubert (ESPE Bordeaux) ont présenté la première, Chantal Amade-
Escot (ESPE Toulouse) a présenté la seconde.
Atelier 1 :
Après la massification des années 70, les interrogations sur l'origine de l'échec scolaire des élèves
de milieux défavorisés ont émergé. Le français était désigné comme responsable des échecs dans
toutes les autres disciplines.
Le langage n'est pas transparent. L'objet dont on parle est une chose, mais ce qu'on en dit est autre.
D'autre part, on parle en fonction d'autrui et de ce qu'on suppose des interlocuteurs. Le langage est
dialogique.
Chaque discipline crée ses objets, ses formes de discours, ses genres...
L'enseignant de français doit-il enseigner un langage déconnecté ? On apprendrait d'abord à parler
lire et écrire, puis on aborderait ensuite les différentes disciplines. Ou bien est-ce qu'à partir de
situations diverses que l'on abordera, d'emblée, les objets dans différentes disciplines...
Enseigner consiste à aider les élèves à transformer leurs concepts spontanés en concepts plus
élaborés et le langage pour dire ces concepts élaborés s'appuie sur des concepts seconds.
L'apprentissage est étroitement lié aux usages langagiers.
A quelle discipline appartiennent, au final, les discours disciplinaires ? Forcément aux disciplines
elles-mêmes, d'autant que celles-ci évoluent.
Atelier 2
Les disciplines sont bien des constructions sociales. Mais elles sont aussi reconfigurées par les
élèves eux-mêmes et co-construites en classe. Qu'y a-t-il de commun entre l'enseignement de la
gymnastique des années 60 et ce qui existe aujourd'hui ?
L'EP a longtemps été, dans les textes et les instructions, une discipline militaire, voire hygiéniste,
bref utilitaire, y compris quand la psychomotricité est apparue. Puis on a assujetti l'EP à participer
au développement individuel et à la formation de compétences individuelles et sociales. L'histoire
de la discipline montre qu'effectivement elle est pilotée par des groupes (inspecteurs, universitaires,
formateurs..) mais qu'elle est aussi re-contextualisée par les acteurs, ce qui n'est généralement pas
pris en compte.
Il est donc important de réfléchir à ce qui traverse les pratiques. Quelles sont les déconvenues, en
tant que syndicaliste ou militant pédagogique, que nous rencontrons ?
La journée s'est terminée par une mise en commun des deux ateliers qu'il est impossible de résumer
ici. Disons que les représentations des disciplines, celles de l'apprentissage, le rôle de la langue font
débat.
Les disciplines sont-elles responsables de l'échec ? Comment les mettre en cohérence ? Ce sera le
thème du prochain séminaire.
Rendez-vous mercredi 8 avril de 10h00 à 16h30, dans les locaux du Snep-FSU.
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