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LE SENS
Quel est le sens d’une œuvre d’art ? L’histoire a-t-elle un sens ? Et cela a-t-il un sens de se demander si
la vie peut avoir un sens ? La question du sens se pose lorsqu’on cherche à comprendre ce qui se présente, à
déterminer ce qui va arriver ou à en estimer la valeur ; mais l’idée de sens reste souvent confuse.
Le terme sens, employé en philosophie renvoie surtout à la signification subjective que peut revêtir aux
yeux d’un être conscient la nature, l’histoire, voire quelque phénomène particulier. On peut même dire que la
philosophie est fondamentalement quête du sens de ce qui semble n’en comporter aucun. Elle est interrogation
sur le sens.
I ] APPROCHE DU TERME
Etymologiquement, le mot sens provient du latin ‘sensus’ qui renvoie aux organes des sens, ou à la signification.
Il faut reconnaître que le mot sens recouvre un très grand nombre d’acceptions. Et c’est d’ailleurs sur cette
diversité que repose en général toutes les problématiques.
- Le sens peut d’abord renvoyer aux facultés sensorielles externes, donc d’une certaine manière aux
organes sensoriels.
- Il peut désigner aussi le contenu d’une signification. Le sens comme idée, concept représenté par un
signe ou un ensemble de signes (Ex : le sens d’un mot, d’une phrase, d’un geste.) C’est l’idée qu’un
esprit comprend : Je vois dans la rue un homme qui tend la main, je comprends qu’il mendie. Mais une
telle acception ne renvoie-t-elle pas surtout à la linguistique ?
- Très matériellement, ce mot peut désigner la direction, l’orientation d’un mouvement.
- Il signifie encore le but qui donne un sens à une action, sa finalité.
- Et enfin, de façon générale et quasi-métaphysique, le sens peut être la raison d’être conférant à
l’existence humaine sa valeur.
Cette diversité du mot sens fut bien évoquée par Hegel : « Sens est un mot curieux qui est employé selon deux
significations opposées. D'une part, il désigne en effet les organes qui président à l'appréhension immédiate ; d'autre part
nous appelons sens la signification d'une chose, son idée, ce qu'elle a d'universel. C'est ainsi que le sens se rapporte d'une
part au côté immédiatement extérieur de l'existence et d'autre part à son essence intérieure » (Hegel, Leçons d'Esthétique)
[A.7].
II ] LE SENS VECU
La notion de sens tel que nous allons la voir dans cette partie n’est qu’une remise en place de problématiques et
débats déjà travaillé dans des notions précédentes.
A SENS ET SENSATION
Le problème n’est pas nouveau, il s’agit de toute la question portant sur la fiabilité des sens et de la connaissance
qui en résulte.
1) La défense de la connaissance sensible
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- Aristote à contrario de son maître Platon, défend la connaissance qui passe par les sens. C’est par celle-
ci que nous sommes en contact direct avec le réel. Les sens nous donne une connaissance immédiate du
monde extérieur.
- Mais plus encore, elle est nécessaire à la connaissance intellective qui ne pourrait pas exister sans celle-
là. Un être totalement dépourvu de sens ne pourrait rien connaître.
- Les Epicuriens fendirent eux-aussi les sens. Ils virent dans ceux-ci un critère de vérité. Mais trop
excessif ils s’attachèrent à ne vouloir considérer que la Nature qui nous entoure : Hors d’elle, rien
n’existe vraiment [A.1]
2) La sensation en accusation
- Platon bien évidemment est le héraut de cette position. La sensation est source d’illusion. Il faut se
référer aux seules Essences dont les objets sensibles ne sont que de pâles copies.
- Dans la grande tradition idéaliste, il convient aussi de se référer à Descartes, pour qui l’entendement est
bien supérieur à l’imagination.
B L’ACTIVITE LINGUISTIQUE
- Le terme sens peut donc aussi désigner la signification immanente des mots ; ce à quoi renvoient les
signes linguistiques. Les mots, les signes linguistiques ne communiquent-ils pas en effet un sens à
l’esprit ?
- Le langage apparaît privilégié, car il n’est pas un simple outil au service du sens, mais il constitue le
sens lui-même qui ne peut se trouver que dans les mots [A.2].
- Le mot nous fait toujours penser à quelque chose, il évoque toujours quelque chose. Il donne une
signification.
- La pluralité des sens des mots fait la richesse de tout langage : le fait que les mots aient plusieurs sens
n’empêche pas de comprendre ce que l’on dit, car pour déterminer le sens d’un terme, il faut le situer
dans son contexte. La compréhension d’un terme isolé est équivoque [A.6].
- Quand on considère que quelque chose est exprimé, doit-on supposer qu’il n’y a qu’un seul sens ?
L’accès au sens suppose toujours une interprétation. Mais peut-on accepter plusieurs interprétations ?
- A quelle condition le langage a-t-il un sens ? Il faut que sa construction et son emploi soient conformes
aux exigences du système.
C LA CONSCIENCE, DONATRICE DE SENS
Le sens est-il dans les choses elles-mêmes ou dans la conscience ?
1) La conscience intentionnelle
- La philosophie contemporaine souligne que c’est la conscience humaine qui confère un sens aux
choses : « Une vague n’est un individu que pour l’homme qui la regarde et la voit s’avancer vers lui ; dans la mer, ce
n’est rien que le soulèvement successif des parties de l’eau selon la verticale sans transport de matière selon
l’horizontale » (Merleau-Ponty, La Structure du comportement.) [A.8] Le sens paraît proprement humain.
- Cette conception du sens comme signification subjective et relative à notre conscience n’a pas toujours
été. Longtemps les hommes ont investi la nature d’un sens qu’ils rapportaient à Dieu, manifesté dans la
nature (A ce titre, l’anthropologie moderne ‘met dans le même sac’ les pratiques des peuples primitifs et
panthéistes et la vision chrétienne du monde.)
- La question est donc de savoir si c’est la conscience qui est donatrice de sens. La question prend toute
sa valeur si l’on se place dans la perspective intentionnelle de Husserl pour qui la « conscience est
toujours conscience de quelque chose. » Il n’y aurait donc pas de conscience vide d’un côté, comme en
attente d’être remplie par ce dont il y aurait à prendre conscience.
2) Compréhension et explication
- Derrière cette question repose toute l’opposition entre compréhension et explication. Car si comme le
fait remarquer Dilthey, ‘la nature s’explique et l’esprit se comprend’, toute la question est de savoir si le
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sens s’explique ou se comprend [A.3]. Pour Sartre, la réponse est claire, il faut faire privilégier la
compréhension [A.4].
- D’ailleurs, s’il fallait définir la compréhension, ne pourrait-on pas dire qu’elle est la saisie du sens par la
conscience humaine ? De toutes façons, il apparaît que la notion de sens est éclairée par le projet
humain, c’est-à-dire l’acte par lequel un sujet sort de lui-même, s’extériorise.
- Il faut bien reconnaître qu’en eux-mêmes, les phénomènes apparaissent vides de sens, neutres. Dès lors,
peut-on affirmer que sans conscience, il n’y a pas de sens ? Pour qu’il y ait sens, il faut que l’homme se
dépasse hors de lui-même, vers ce qui n’est pas lui.
III ] LE SENS CACHE
Que dire du sens caché ou latent des choses ? Comment le distinguer du sens apparent ? C’est ce sur quoi se
penche l’herméneutique. Mais est-il seulement possible d’élaborer une science de l’interprétation ? En effet,
l’interprétation n’est-elle pas en elle-même arbitraire et subjective ? A ce titre il semble bien qu’en fin de
compte, interprétation et compréhension n’aient rien de commun. La raison peut-elle donner du sens à tout ?
A L’HERMENEUTIQUE
1) Notions
- L’origine de ce mot est religieuse puisqu’il désigne la discipline attachée à l’interprétation des textes
sacrés de la Sainte Ecriture. Mais au 19ème et 20ème s., elle désigne aussi une théorie générale de toute
interprétation.
- Il s’agit pour l’herméneutique de faire parler les signes et de découvrir leur sens, d’aller de l’expression
pour remonter au sens caché de l’intériorité vécue. Elle cherche à dévoiler la signification des intentions
humaines (que ce soit dans un texte, un œuvre d’art, un mode de comportement, etc…)
- On peut considérer l’herméneutique comme la science de l’interprétation.
2) Les méthodes herméneutiques
- La philosophie contemporaine reconnaît deux grandes méthodes herméneutiques : Celle de Freud, et
celle de Hegel ! Chacune ayant ses fervents partisans ou détracteurs : « La psychanalyse nous proposait une
régression vers l'archaïque, la Phénoménologie de l'Esprit nous propose un mouvement selon lequel chaque figure
trouve son sens non dans celle qui précède, mais dans celle qui suit ; la conscience est ainsi tirée hors de soi, en
avant de soi, vers un sens en marche, dont chaque étape est abolie et retenue dans la suivante» (P. Ricoeur, Le
Conflit des interprétations.) A la philosophie on pourrait évidemment joindre la vision marxiste du monde,
qui dans son essence ressemble à celle de Hegel [T8-p.519].
- La méthode freudienne rentre en effet dans le cadre de l'herméneutique. Lorsque Freud, par exemple,
introduit une distinction entre le sens manifeste, apparent, d'un rêve et son sens caché, latent, il réalise
un travail d'interprétation : l'herméneutique freudienne gage le sens caché du rêve en se référant au
passé, à l'inconscient archaïque du sujet.
- Mais il est aussi une herméneutique qui se réfère au futur : ainsi fit Hegel dans la Phénoménologie de
l'Esprit, lorsqu'il éclaira les phénomènes en se référant à la fin vers laquelle s'acheminent la conscience
et l'Esprit. Chaque série du réel voit alors son sens explicité à partir de la dimension du futur.
B LA FINALITE
Chercher du sens dans les choses n’est-ce pas déterminer la finalité que l’on peut attribuer à un certain
phénomène ?
1) L’existence
- La question du sens de la vie n’est pas celle de la signification d’une chose ; elle implique de déterminer
en même temps sa valeur et son but.
- Dès lors le terme de sens a ici une portée métaphysique, c’est une réalité intelligible qui peut répondre
de notre existence dans le monde.
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- Il s’agit de considérer la destination des êtres humains, la raison d’être de notre existence.
- L’Ecriture Sainte enseigne à cet égard que hors de Dieu, la vie n’a aucun sens, tout est non-sens, vanité
des vanités [A.5].
2) Et si le sens n’existait pas ?
- C’est la conclusion logique à laquelle Nietzsche aboutit, puisque pour lui ‘Dieu est mort.’ Il n’est pas le
seul à opter pour cette solution. C’est tout un courant du 19ème siècle qui clame la mort de Dieu et des
idéaux supra sensibles. Toute valeur est dévalorisée, c’est la tyrannie de l’absurde.
- Il n’y a pas de réponse à la question « A quoi bon ? » Il faut dès lors reconnaître le non-sens et fonder
sur lui toute doctrine : C’est le nihilisme, pour qui le rien est fondement de toute chose [T16-p.396].
- Il faut reconnaître qu’en cette fin de 20ème s., le règne du non-sens l’emporte. Cf. l’art, le théâtre, etc…
La notion de sens aurait-elle disparu [T2-p.522]. Ce nihilisme annoncé par Nietzsche est bel et bien
présent dans nos sociétés contemporaines : l’absurde est la nouvelle dimension [T1+T2-p.526].
TEXTES EN ANNEXE
ANNEXE 1 : Toute vérité est issue des sens
L’erreur est généralement le fruit des jugements portés par l'esprit sur les faits, jugements qui nous font apercevoir ce que nos organes
des sens ne nous ont point montré.
Ceux qui pensent qu'on ne peut rien savoir ignorent également si la science est possible, puisqu'ils affirment tout ignorer. Je ne
discuterai donc point avec des hommes qui marchent la tête en bas. Mais je leur demanderai où ils ont appris ce que c'est que savoir et
ignorer, puisqu'ils n'ont jamais rien trouvé de certain, et comment ils sont arrivés à distinguer le certain et l'incertain. Tu trouveras que la
connaissance de la vérité nous vient primitivement des sens et que leur témoignage ne peut être convaincu d'erreur. Car on doit accorder
davantage de foi à ce qui peut par soi-même assurer le triomphe du vrai par rapport au faux. Or, où trouver un témoignage plus sûr que celui
des sens ? S'ils nous induisent en erreur, la raison pourra-t-elle déposer contre eux, elle qui leur doit toute son existence ? Si nous les
supposons trompeurs, la raison à son tour se transformera en une puissance de mensonge.
Si la raison est incapable d'expliquer pourquoi les objets qui sont carrés de près paraissent ronds de loin, il vaut mieux, étant
donné l'impuissance de notre raison, donner une fausse explication de cette double apparence que de laisser échapper des vérités évidentes de
nos mains, que de détruire toute certitude, que de démolir ces bases sur lesquelles sont fondés notre vie et notre salut. Ainsi tous les
raisonnements dont on s'arme contre les sens ne sont que de vaines déclamations.
Lucrèce, De la nature des choses.
ANNEXE 2 : Le langage n'est pas moyen, mais sens, pensée et être
On croit le sens transcendant par principe aux signes comme la pensée le serait à des indices sonores ou visuels, - et on le croit
immanent aux signes en ceci que, chacun d'eux, ayant une fois pour toutes son sens, ne saurait entre lui et nous glisser aucune opacité, ni
même nous donner à penser ; les signes n'auraient qu'un rôle de monition, ils avertiraient l'auditeur d'avoir à considérer telle de ses pensées.
A la vérité, ce n'est pas ainsi que le sens habite la chaîne verbale et pas ainsi qu'il s'en distingue. Si le signe ne veut dire quelque chose qu'en
tant qu'il se profile sur les autres signes, son sens est tout engagé dans le langage, la parole joue toujours sur fond de parole, elle n'est jamais
qu'un pli dans l'immense tissu du parler. Nous n'avons pas, pour la comprendre, à consulter quelque lexique intérieur qui nous donnât, en
regard des mots ou des formes, de pures pensées qu'ils recouvriraient : il suffit que nous nous prêtions à sa vie, à son mouvement de
différenciation et d'articulation, à sa gesticulation éloquente. Il y a donc une opacité du langage : nulle part il ne cesse pour laisser place à du
sens pur, il n'est jamais limité que par du langage encore et le sens ne paraît en lui que serti dans les mots. Comme la charade, il ne se
comprend que par l'interaction des signes, dont chacun pris à part est équivoque ou banal, et dont la réunion seule fait sens. Nos analyses de
la pensée font comme si, avant d'avoir trouvé ses mots, elle était déjà une sorte de texte idéal que nos phrases chercheraient à traduire. Mais
l'auteur lui-même n'a aucun texte qu'il puisse confronter avec son écrit, aucun langage avant le langage. Si sa parole le satisfait, c'est par un
équilibre dont elle définit elle-même les conditions, par une perfection sans modèle. Beaucoup plus qu'un moyen, le langage est quelque
chose comme un être et c'est pourquoi il peut si bien nous rendre présent quelqu'un. Le sens est le mouvement total de la parole et c'est
pourquoi notre pensée traîne dans le langage.
Merleau-Ponty, Signes.
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ANNEXE 3 : Au monde de l'esprit convient la compréhension
Les sciences morales se distinguent tout d'abord des sciences de la nature en ce que celles-ci ont pour objet des faits qui se pré-
sentent à la conscience comme des phénomènes donnés isolément et de l'extérieur, tandis qu'ils se présentent à celles-là de l'intérieur, comme
une réalité et un ensemble vivant originaliter. Il en résulte qu'il n'existe d'ensemble cohérent de la nature dans les sciences physiques et
naturelles que grâce à des raisonnements qui complètent les données de l'expérience au moyen d'une combinaison d'hypothèses ; dans les
sciences morales, par contre, l'ensemble de la vie psychique constitue partout une donnée primitive et fondamentale. Nous expliquons la
nature, nous comprenons la vie psychique.
Wilhelm Dilthey, Idées concernant une psychologie descriptive et analytique, in Le monde de l’esprit.
ANNEXE 4 : La compréhension permet de saisir le sens d’une conduite humaine
L’homme est pour lui-même et pour les autres un être signifiant puisqu'on ne peut jamais comprendre le moindre de ses gestes sans
dépasser le présent et l'expliquer par l'avenir. C'est en outre un créateur de signes dans la mesure où, toujours en avant de lui-même, il utilise
certains objets pour désigner d'autres objets absents ou futurs. Mais l'une et l'autre opération se réduisent au pur et simple dépassement :
dépasser les conditions présentes vers leur changement ultérieur, dépasser l'objet présent vers une absence, c'est une même chose. L’homme
construit des signes parce qu’il est signifiant dans sa réalité même et il est signifiant parce qu'il est dépassement dialectique de tout ce qui est
simplement donné. Ce que nous nommons c'est l'irréductibilité de l'ordre culturel à l'ordre naturel.
Pour saisir le sens d'une conduite humaine, il faut disposer de ce que les psychiatres et les historiens allemands ont nommé
« compréhension ». Mais il ne s'agit là ni d'un don particulier, ni d'une faculté spéciale d'intuition : cette connaissance est simplement le
mouvement dialectique qui explique l'acte par sa signification terminale à partir des conditions de départ.
Sartre, Question de méthode.
ANNEXE 5 : Tout est vanité et poursuite du vent
Paroles de l'Ecclésiaste, fils de David, roi de Jérusalem.
Vanité des vanités ! dit l'Ecclésiaste,
Vanité des vanités !
Tout est vanité.
Quel avantage revient-il à l'homme
De toute la peine qu'il se donne sous le soleil ?
Une génération passe, une autre vient,
Et la terre subsiste toujours.
Le soleil se lève, le soleil se couche,
Et il se hâte de retourner à sa demeure,
D'où il se lève de nouveau.
Le vent va au midi, tourne vers le nord ;
Puis il tourne encore et reprend les mêmes circuits.
[…]
On ne se souvient pas de ce qui est ancien,
Et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir
Chez ceux qui vivront plus tard.
Moi, l'Ecclésiaste, je suis depuis longtemps roi d'Israël à Jérusalem,
Et j'ai appliqué mon esprit à rechercher et à sonder par la sagesse
Tout ce qui se fait sous les cieux :
Occupation pénible
A laquelle Dieu soumet les enfants des hommes.
J’ai examiné tout ce qui se fait sous le soleil :
Oui, tout est vanité et poursuite du vent.
L’Ecclésiaste.
ANNEXE 6 : Le sens n'apparaît que par la considération d'une totalité
Nous connaissons une très petite partie d'une éternité à prolonger au-delà de toute mesure. Combien peu, en effet, représente le souvenir
des quelques milliers d'années que l'histoire nous transmet ! Et cependant, à partir d'une si petite expérience, nous jugeons témérairement de
l'immense et de l'éternel ! Comme feraient des hommes qui, nés et élevés en prison, ou si l'on préfère, dans les mines de sel souterraines de
Pologne, penseraient qu'il n'y a pas d'autre lumière au monde sinon celle des méchantes lampes qui leur suffit à orienter péniblement leurs
pas. Considérons une très belle peinture ; cachons-la tout entière, sauf une infime petite partie : que verrons-nous d'autre en elle, malgré
l'examen le plus approfondi, ou mieux : d'autant plus qu'on l'examinera de plus près, sinon un amas confus de couleurs sans choix, sans art?
Et cependant quand, le voile une fois retiré, on considérera tout le tableau d'un centre de perspective convenable on comprendra que ce qui
paraissait appliqué au hasard sur la toile a été pour l'auteur l'œuvre d'un art suprême. Ce que les yeux saisissent dans la peinture, les oreilles
le font pour la musique. De remarquables compositeurs mêlent très souvent des dissonances aux consonances, afin d'exciter et pour ainsi
dire d'aiguillonner l'auditeur ; et pour qu'il se réjouisse d'autant plus, une fois tout rentré dans l'ordre, qu'il s'était trouvé comme dans une
attente anxieuse.
Leibniz, De l’origine radicale des choses.
ANNEXE 7 : Les sens du mot « sens »
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