Lors de l’apparition du spectre, Dom Juan semble perturbé, peut-être même un peu apeuré.
Il n’accepte pas le divin : « Non, non, rien n’est capable de m’imprimer de la terreur » Cette
phrase commence par une négation doublée, Dom Juan veut rester entièrement maître de ses
actes (et de ses réactions). La liberté est très importante pour lui et il ne conçoit pas d pouvoir
être dirigé par une autre personne « rien n’est capable ». De ce fait, Dom Juan refuse la
dernière chance qui lui est accordée de se repentir. Même Sganarelle tente d’influencer son
maître vers cette voie, mais il n’y a rien à faire « Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive,
que je sois capable de me repentir. » Dom Juan sait qu’il est condamné pour tous ses pêchés,
mais c’est un libertin et le refus de se repentir peut donc s’expliquer par cette volonté de
choisir soi-même ses décisions : il ne se repentira pas, même devant des apparitions divines.
Mais, ne pas vouloir avouer ses pêchés est une chose, mais le héros ne tient pas à ne faire que
refuser. En effet, il va même aller jusqu’à défier la justice divine : son libertinage est donc à
son apogée : il n’hésite en aucun cas à affronter le spectre. « Dom Juan veut le frapper » . De
plus, il ne se résoud pas à laisse le spectre s’échapper : « Je veux voir ce que c’est » ; « Je
veux éprouver avec mon épée si c’est un corps ou un esprit ». Dom Juan sait pourtant
pertinemment que son sort est déjà défini, mais son caractère libertin prendra le dessus dans
chaque situation, comme il en a été tout au long de l’histoire. L’instant où la statue arrive avec
« Arrêtez Dom Juan » marque la fin de cette lutte, perdue d’avance. De ce fait, pour la toute
première fois de sa vie, Dom Juan, en disant « Oui, où faut-il aller ? » et en acceptant la main
tendue de la statue accepte d’être puni pour son endurcissement au pêché. Le défi est perdu,
Dom Juan ne peut refuser de mourir : en donnant sa main, il accepte de mourir.
Dom Juan aura donc été un libertin avec un fort caractère. Sa réaction devant le divin
montre qu’il reste fidèle à sa doctrine libertine, et que jamais il ne regrettera ce qu’il a fait : il
n’a aucun remord et accepte sans rechigner la main de la statue, l’emmenant à son funeste
destin.
Nous allons maintenant nous intéresser à la réaction de Sganarelle lors de ces deux scènes,
réaction quelque peu ambiguë.
Tout d’abord dans la scène 5, Sganarelle est assez comique : il répète tout ce qui se passe,
ce qui est inutile puisque, comme lui, tout le monde voit le déroulement de l’action :
« Entendez-vous Monsieur ? » ; « Voyez-vous, Monsieur, ce changement de figure ? » De ce
fait, Sganarelle cherche à surmonter sa propre peur ; il veut que cette situation cesse, et tente
une fois de plus, en vain, de persuader son maître de se repentir : « Jetez-vous vite dans le
repentir ». Mais la réaction de Sganarelle la plus intéressante se situe dans la scène 6. En effet,
Dom Juan vient de mourir et c’est la réplique du valet qui va clôturer cette pièce de théâtre :
son contenu a un sens moral : le valet énumère toutes les « victimes » de son maître ainsi que
le bienfait que son maître décède : « parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à
bout, tout le monde est content ! » A cette liste s’ajoute aussi « Ciel offensé, lois violées,
filles séduites » ainsi que « familles déshonorées ». Toutes les causes de la fin funeste du
libertin sont donc résumées. Mais à cette morale s’ajoute un léger égoïsme de la part du valet