Indications et contre-indications du sondage vésical

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Indications et contre-indications du sondage vésical
par François Pernin
Chirurgien, Centre hospitalier, Ajaccio, France.
Il existe deux façons de drainer la vessie d'un malade : le sondage vésical et le
cathétérisme sus-pubien.
Le plus souvent, le médecin a le choix entre ces deux méthodes. Il existe parfois des
contre-indications formelles de l'une ou de l'autre méthode.
I. Indications du sondage vésical
Le sondage comporte cinq grands types d'indications :
- rétention,
- postopératoire,
- thérapeutique,
- à titre diagnostique,
- pour le confort.
1. En cas de rétention
La cause de la rétention est variable selon les cas. Certains obstacles ne permettent
pas l'écoulement de l'urine de la vessie vers l'urètre, pas plus que le passage d'une
sonde de l'urètre vers la vessie.
D'autres obstacles ne se révèlent réellement obstructifs que pour l'urine et laissent
passer aisément la sonde.
La plupart du temps, l'obstacle responsable de la rétention n'est pas connu au
moment de l'incident, et on proposera d'abord au malade un sondage vésical doux et
prudent. Si ce sondage s'avère impossible, il faudra dériver le malade par
cathétérisme sus-pubien.
a. La rétention peut être de cause prostatique :
Elle est le plus souvent due à un adénome de la prostate, tumeur bénigne et
fréquente qui se laisse sonder facilement. Nous utilisons le plus souvent alors la
sonde siliconée de Foley.
 Le cancer de la prostate, lui, peut proliférer au point de provoquer une rétention
d'urine. Le sondage est parfois possible. Nous utilisons alors le même type de
sonde ou une sonde de Dufour béquillée, un peu plus rigide. Si le sondage
s'avère impossible dans cette cause, ce qui est parfois le cas, nous dérivons par
cathétérisme sus-pubien.
 Nous avons vu que si l'infection de la prostate, la prostatite aiguë, est la cause
d'une rétention, nous devons dériver par cathétérisme sus-pubien.
b. Les causes urétrales se résument à la sténose de l'urètre et nous avons vu qu'il
s'agissait d'une contre-indication du sondage vésical.
c. La rétention vésicale peut être due à un caillotage par hématurie, c'est
l'indication typique du sondage vésical, et non du cathétérisme sus-pubien, pour
deux raisons :
- parce qu'un cathéter sus-pubien est beaucoup trop fin pour permettre l'évacuation
des caillots responsables de la rétention ;
- parce que cette hématurie peut être due à une tumeur de la vessie, et il faut
craindre un ensemencement extravésical des cellules tumorales, par la petite
plaie provoquée par le cathétérisme sus-pubien.
Il faut donc absolument drainer ces malades par une sonde vésicale, de bon calibre,
à large orifice qui permettra des lavages réguliers à la seringue pour évacuer les
caillots et éviter leurs répétitions. Nous utilisons alors une sonde Hématuria, de type
Couvelaire, parfois à double courant si nous pensons qu'un lavage continu est
préférable.
d. Les rétentions de causes neurologiques sont tout à fait particulières. Dans la
phase aiguë d'une paraplégie, un sondage vésical est indispensable. Par la suite, il
faut souvent rééduquer ces malades d'une façon ou d'une autre afin qu'ils puissent
uriner autrement que grâce à une sonde à demeure.
2. Sondage vésical postopératoire
Après une intervention chirurgicale, il est parfois souhaitable que la vessie soit
drainée.
a. Après résection endoscopique de la prostate ou de la vessie : le sondage
vésical a pour rôle non seulement de drainer la vessie pendant tout le temps où le
malade ne pourra pas uriner de lui-même sans douleur, mais surtout de laver cette
vessie régulièrement des caillots qui pourraient l'encombrer, soit par lavages
réguliers à la seringue, soit par lavage continu à double courant. Nous utilisons alors
le plus souvent des sondes Hématuria Couvelaire à simple ou double courant.
b. Chirurgie à vessie ouverte : le sondage vésical est absolument indispensable
pour que la suture vésicale puisse cicatriser. Il faut compter environ huit jours pour
qu'une vessie soit solidement cicatrisée.
Ce drainage doit être parfait car, si la sonde s'obstrue, la vessie va se remplir et la
suture risque de lâcher. Nous utilisons dans ce cas des sondes Hématuria du type
Couvelaire.
c. En gynéco-obstétrique ou en chirurgie pelvienne : il est souvent souhaitable
pour le confort du malade que la vessie soit drainée pendant quelques jours. Étant
donné qu'il ne risque pas d'y avoir dans ce type de chirurgie, à vessie fermée, de
caillotage vésical, nous utilisons le plus souvent une simple sonde de Foley.
3. Indications thérapeutiques
Le sondage vésical indiqué à titre thérapeutique pour :
a. Pratiquer une chimiothérapie intravésicale, pour traiter des tumeurs de la
vessie récidivantes. Les produits le plus souvent utilisés sont : l'Adriblastine®,
l'Amétycine®, le BCG.
b. Le nitratage urétro-vésical : des solutions de nitrate d'argent diluées peuvent
être utilisées pour le traitement de certaines cystites récidivantes, en particulier
chez la femme. Ce type de traitement n'est plus très utilisé chez l'homme dans le
cas des urétrites, car il peut être dangereux pour l'urètre.
Des instillations intra-vésicales de Xylocaïne® diluée peuvent être pratiquées dans le
cadre de test urodynamique et pour le traitement de certaines impériosités
vésicales.
c. Il est plus rare d'avoir à utiliser ces sondages pour des instillations locales
d'antibiotiques.
4. Sondage vésical à titre diagnostique
a. Distinguer une rétention d'une anurie : Il est parfois difficile, devant un malade
qui n'urine pas, de savoir s'il est en rétention d'urine avec un globe vésical, ou s'il
s'agit d'une anurie, c'est-à-dire que l'urine n'arrive pas jusqu'à la vessie (obstruction
des deux uretères, insuffisance rénale aiguë). A titre diagnostique, il peut alors être
intéressant de mettre une sonde pour voir si la vessie est pleine d'urine ou si elle est
vide.
b. Pratiquer un examen cytobactériologique des urines : dans certains cas
particuliers, il peut être intéressant d'obtenir un échantillon d'urine prélevé dans des
conditions de stérilité absolue, chez certaines femmes présentant des "cystites
récidivantes" si l'on veut être sûr que le germe retrouvé dans les urines est bien un
germe urinaire et non pas une souillure cutanée ou vaginale. C'est le cas également
chez l'enfant, la petite fille en particulier, où peuvent exister des bactériuries difficiles
à traiter, avant de se lancer dans un traitement antibiotique au long cours. On veut
être sûr qu'il s'agit bien d'une infection urinaire.
c. Mesure du résidu post-mictionnel : chez certains patients, en postopératoire
immédiat, ou lors de certaines neuropathies, il peut être intéressant de connaître
l'efficacité des mictions, de savoir si la vessie se vide bien en particulier. Si
l'estimation du résidu post-mictionnel ne peut être obtenu radiographiquement ou par
échographie, on peut le mesurer par un sondage vésical après une miction.
A titre diagnostique, nous utilisons très souvent des sondes à usage unique, de petit
calibre, béquillées du type Mercier.
5. Sondage vésical de confort
On doit toujours se demander dans ce cas-là s'il s'agit du confort de l'équipe médicale
ou du confort du malade, car un certain nombre d'indications de sondage vésical
sont parfois inutiles.
a. La surveillance en réanimation d'un malade dans le coma, d'un brûlé grave,
nécessite souvent une surveillance exacte de sa diurèse, qui peut être obtenue par
sondage vésical.
Les malades moins gravement atteints pourraient sans doute être aussi bien suivis
en surveillant la diurèse obtenue par miction spontanée et non par sondage.
b. Nursing : certains malades grabataires, porteurs d'escarres, se souillent par
incontinence et risquent d'aggraver leurs lésions cutanées à cause de cette
incontinence. Le sondage vésical devient alors indispensable.
c. En préopératoire : dans la chirurgie pelvienne, le chirurgien préfère souvent
opérer à vessie vide, et une sonde vésicale est mise avant l'intervention.
Pourquoi ne pas profiter de l'anesthésie nécessaire à l'intervention chirurgicale pour
faire le sondage plutôt que lorsque le patient est encore éveillé, avant d'entrer au
bloc opératoire, et qu'il ressent la douleur du sondage.
d. L'incontinence : il existe deux types d'incontinence. Une incontinence par
regorgement : la vessie est pleine en permanence et l'urine s'écoule alors comme
par trop-plein. Ce type d'incontinence est grave, souvent dû à un obstacle
prostatique, et son véritable traitement est la chirurgie de l'obstacle en cause.
L'incontinence peut être due aussi à une insuffisance sphinctérienne et alors la
vessie est vide ou pratiquement vide. Dans le cas de malades inopérables, en
particulier les femmes, le sondage vésical à demeure peut être une solution de
confort, soit définitive, soit d'attente.
6. Conclusion
Comme nous l'avons dit, le sondage vésical est le plus souvent possible, mais les
contre-indications formelles existent et doivent être bien connues. Lorsque nous
avons le choix, nous préférons le cathétérisme sus-pubien au sondage vésical, car le
cathétérisme sus-pubien est moins traumatisant pour l'urètre, mais il n'est indiqué
qu'en cas de rétention.
Si le sondage vésical s'avère indispensable, il est alors pratiqué de façon douce,
atraumatique et aseptique.
Il. Contre-indications du sondage vésical
1)
le traumatisme de l'urètre,
2) la sténose de l'urètre,
3) la prostatite aiguë,
4) le jeune âge pour un garçon,
5) l'existence d'une prothèse urétrale ou prostatique.
Les rétentions d'urine dues à l'une de ces causes deviennent alors une indication au
cathétérisme sus-pubien.
Nous détaillerons successivement chacune de ces contre-indications.
1. Le traumatisme de l'urètre
Il doit être suspecté après :
- une fracture du bassin,
- une chute à califourchon,
- un traumatisme de la verge en érection.
Il est suspecté devant l'existence d'une rétention d'urine, souvent associée à une
urétrorragie (écoulement de sang pur par l'urètre). Le sondage vésical dans ce cas
serait :
- soit inutile, si l'urètre n'a pas été traumatisé lors de cet accident;
- soit dangereux parce que l'urètre a été traumatisé, parce que ce sondage peut
compléter une fracture incomplète de l'urètre, infecter l'hématome péri-urétral et
provoquer alors une infection grave. Ce sondage est douloureux et, enfin, en cas
de rupture complète, il s'avère impossible.
Dans ce cas, mieux vaut donc d'emblée s'adresser au cathétérisme sus-pubien.
2. La sténose de l'urètre
Ces sténoses sont suspectées en cas d'antécédents de traumatisme de l'urètre, de
sondage vésical, de chirurgie endoscopique ou d'antécédents d'urétrite (chaudepisse).
Souvent le malade se sait déjà porteur de ce rétrécissement. Il a déjà été traité par
dilatation.
Au cas où cette sténose ne serait pas connue, elle se révèle lors de la tentative de
sondage ; ce sondage est impossible avec fausse route et urétrorragie.
Dans le cas d'une sténose de l'urètre connue, avec rétention, le sondage n'est pas
souhaitable, car il s'avèrera le plus souvent impossible et dangereux avec risque de
fausse route, d'hémorragie et d'infection. Il faut alors d'emblée s'adresser au
cathétérisme sus-pubien.
3. La prostatite aiguë
Il s'agit d'une infection grave de la prostate, secondaire à une urétrite ou à un geste
endoscopique récent.
Il existe une fièvre à 40°C avec frissons, des brûlures mictionnelles avec pollakiurie.
Le toucher rectal s'avère extrêmement douloureux. Le sondage vésical, en cas de
rétention due à la prostatite aiguë n'est pas souhaitable car il s'avère extrêmement
douloureux au moment du sondage et pendant tout le temps où la sonde est en
place, et il majore l'infection que l'on souhaite traiter.
Dans ce cas-là, il vaut mieux drainer le malade par cathétérisme sus-pubien, s'il
présente bien une rétention d'urine.
4. Le jeune âge pour un garçon
En cas de rétention aiguë chez un jeune garçon, le sondage vésical n'est pas
souhaitable car souvent traumatisant, même avec des sondes fines ; il risque, en
outre, de créer par la suite une sténose de l'urètre.
La sténose de l'urètre étant une affection récidivante, difficile à soigner, il est
souhaitable qu'un jeune garçon ne commence pas sa vie avec une telle affection qui
compromet non seulement la qualité de ses mictions, mais aussi, par le biais d'une
infection, sa fertilité future.
Dans ce cas-là encore, mieux vaut donc le dériver par cathétérisme sus-pubien.
5. L'existence de prothèse prostatique ou urétrale
Il s'agit d'une contre-indication nouvelle. Certains malades fragiles peuvent être
traités d'un obstacle prostatique par la pose endoscopique d'une prothèse urétrale
métallique. Certains malades porteurs de sténose de l'urètre récidivante peuvent
être traités aussi par la pose endoscopique de prothèse urétrale métallique. Lorsque
ces prothèses ont été fraîchement posées et qu'elles provoquent une rétention
d'urine, un sondage vésical risque d'être impossible, ou de déplacer ces prothèses.
Il vaut mieux alors dériver ces malades en rétention par cathétérisme sus-pubien.
6. Conclusion
L'éducation du personnel effectuant le sondage vésical, ainsi que celui du patient,
sont les moments essentiels de la prévention des complications du sondage vésical.
Douceur, asepsie lors de la pose de la sonde et pendant tout le temps de présence
de celle-ci, maintien d'une diurèse suffisante garantissent le succès de ce geste qui
ne devra être effectué que pour des indications précises et dans l'intérêt du patient.
Développement et Santé, n° 158, avril 2002
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