Jean-Michel Fortis Séminaire Formes Symboliques 13 février 2007
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TYPOLOGIE DE L’EXPRESSION LINGUISTIQUE DU DEPLACEMENT : UN EXAMEN CRITIQUE
Jean-Michel Fortis, CNRS, UMR 7597
fortis.jean-mich[email protected]
http://htl.linguist.jussieu.fr/jmfortis.htm
A. La typologie de Talmy : ses antécédents et son évolution
A.1 Antécédents
La typologie de Talmy s’inscrit dans une tradition d’analyse sémantique visant à montrer que les langues
privilégient différents types d’informations, en particulier attribuent au pivot syntaxique de l’énoncé la fonction
de coder certaines informations de préférence à d’autres : cf. par exemple Tesnière (1965 : 303) :
“…tandis que le circonstant le plus concret assume en latin, en allemand et en russe la fonction de centre
structural et y figure par conséquent comme verbe, le même circonstant ne doit pas assumer en français un
rôle autre que celui de circonstant…”
Tesnière suit Malblanc, 1963, Pour une stylistique comparée du français et de l’allemand : “il semble que
l’allemand par la multiplicité de ses verbes s’essaie à épuiser la multiplicité du concret.” Cité par Tesnière, op.
cit. : 303.
Cf. Antonius modo profectus est / Anton ist eben fortgegangen / Anton tolko chto uchiol [tolko chto = ‘il y a un
instant’ ; uchiol = ‘est parti’] vs Antoine vient de partir ou : lesen Sie weiter vs continuez de lire.
D’où, en considérant que le mouvement est plus “concret” que le déplacement (1965 : 309) : “le verbe allemand
exprime le mouvement, tandis que le verbe français exprime le déplacement.”
Ou :
“Soit par exemple la phrase all. Anton schwimmt über den Fluss, dans laquelle c’est le verbe schwimmt qui
exprime le mouvement, et le circonstant über den Fluss qui exprime le déplacement, le correspondant
français ne saurait en être « Antoine nage à travers le fleuve », les prépositions françaises comme à travers
n’étant pas susceptibles de prendre la valeur résultative des mots allemands correspondants, grâce à laquelle
l’allemand exprime tout naturellement le changement de lieu qui est le sultat obtenu. La seule espèce de
mots du français susceptible d’exprimer un déplacement étant le verbe, force est de dire en français Antoine
traverse le fleuve à la nage ou Antoine traverse le fleuve en nageant, phrase dans laquelle le déplacement est
exprimé par le verbe traverser (…). La chose est tellement vraie et le mouvement est si secondaire dans
l’expression du déplacement, qu’il peut être remplacé par l’indication d’une activité connexe toute différente.
C’est ainsi que l’on dira en allemand : er bimmelte die Strasse hinauf « il montait la rue au son des grelots ».”
(Tesnière 1965 : 309-10)
A notre connaissance, seul Slobin (2005) cite Malblanc et fait allusion à la tradition de stylistique comparée (il
ne cite pas Tesnière). Il cite aussi des phrases comme :
(1) He still wandered on, out of the little valley, over its edge, and down the slope beyond.
(2) Il continua d’avancer au hasard, sortit du haut vallon, en franchit le bord et descendit la pente au-delà.
Mais, à la différence de Tesnière, il n’en tire aucune conséquence quant à la possibilité que la distinction entre
langues qui codent le mouvement dans le verbe et langues qui codent le déplacement dans le verbe exprime un
phénomène plus général. Talmy (2000 [1991]) en revanche, élargit sa typologie au-delà de l’expression du
mouvement, et en particulier à l’aspect et au changement d’état (acabo de comer / ich habe gerade gegessen ; I
blew the candle out / apagué la vela soplándola, de un soplido).
A.2 La typologie de Talmy (2000) [1985]
Question : quels types d’information sont fusionnés sur un lexème, et observe-t-on des régularités dans ces types
de fusion ? Les types de fusion varient-ils de langue à langue ?
Talmy part d’une décomposition des événements, et cherche quels éléments de cette décomposition sont
susceptibles d’être fusionnés sur un lexème :
Motion event (cas particulier de framing event dans Talmy (2000) [1991]) = figure + ground + motion
{BElocated , MOVE} + path.
Co-event = par ex. manner / cause.
MACRO EVENT = MOTION EVENT + CO-EVENT
Pour se restreindre au cas du mouvement :
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Opération sémantique (conceptuelle) d’unification des composants [motion] + [x] = conflation (fr. fusion).
Expression dans un même lexème / morphème des composants [motion] + [x] = lexicalisation.
Ex. : BE + [manière] = hang, lay, lean.
[mouvement] + [trajectoire] (= motion + path, ou Path conflation) = entrer.
fusion [mouvement] + [manière] (Manner conflation) : The rock slid / rolled / bounced down the hill.
[path] est non-processif, et on obtient un événement (procès) par composition de [path] avec MOVE ou BElocated
(comme dans several persons were lying along the road) ?
MOVE semble donc être un primitif sémantique = changement dans l’espace + processif. Autre primitif
possible : SELF CONTAINED MOTION (oscillation, expansion etc.), subsumé par MOVE ?? Ou bien MOVE =
déplacement indéterminé ??
La décomposition pourrait donc être : MACRO EVENT = figure + ground + {pathTRANS, pathSELFCONTAINED +
(pathTRANS), pathBE-LOCATED} + Co-event.
Certains verbes ne peuvent s’interpréter que comme des fusions :
(3) * The canoe drifted / glided on that spot of the lake for an hour.
(4) The canoe drifted / glided halfway across the lake.
Plutôt de poser qu’un même verbe peut instancier différents schémas, Talmy parle de multiple conflation
(2000 : 48) :
(5) Could you reach2 me the flour down off that shelf with your free hand ?
GIVE + WITH-ENABLEMENT-OF-MOTION = moving down + WITH-ENABLEMENT-OF-reaching1
Problème : on remarque que reach2, dans ce contexte, est la lexicalisation d’une fusion dont reach1 est un
composant. Mais la fusion GIVE + WITH-ENABLEMENT-OF-reaching1 n’est pas identique à reach2, selon la
description même de Talmy (“moving [et non giving] an object by one’s grip after having thus reached1 toward
it”). On ne sait donc pas d’où vient le composant GIVE.
De même, la fusion [motion] + REVERSE ENABLEMENT a un mécanisme mystérieux :
“the Co-event named by the verb [e.g. allemand binden ‘attacher’] is an event that has previously taken place
and that now gets undone. This new event, in turn, enables the main Motion event named by the satellite [e.g.
auf ‘ouvert’].” :
Ich habe den Sack aufgebunden.
Il s’agit d’un cas de fusion un composant (ici [reversal]) n’est pas réalisé. Il serait préférable de dire, à notre
avis, que la construction [auf-V] (ou plutôt la construction auf-V en tant que membre contrastif de la paire [auf-
V] / [zu-V] i.e. ‘ouvrir en V-ant’ / ‘fermer en V-ant’) force une interprétation de binden comme verbe de mode
d’action non orienté (non pas ‘attacher’ mais ‘en nouant / dénouant’).
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De même, faire de reach2 une deuxième entrée lexicale est peu économique. Il est plus simple de dire que reach
peut instancier la construction [V GN1 GN2], où GN1 est un possesseur / bénéficiaire potentiel.
Satellite : It is the grammatical category of any constituent other than a noun-phrase or prepositional-phrase
complement that is in a sister relation to the verb root.”
Ex. : préverbes latins, allemands, russes, particules verbales anglaises, affixes polysynthétiques atsugewi.
Satellite à fusion [path] + [ground] : she drove home, the gate swung shut.
“Path appears in the verb root in “verb-framed” languages such as Spanish, and it appears in the satellite in
“stallite-framed” languages such as English and Atsugewi.” (Talmy 2000 : 117-8)
La construction à trajectoire verbalisée est clairement un type de fusion. Toutefois, on ne sait pas si les
constructions à trajectoire satellisée résultent toujours d’une fusion [motion] + [path] (put it in !: in statique (sans
composant [motion]) ? Cf. il court sous l’abri). Comment classer [Vmov+traj Adpdyn] (cf. en anglais : enter into a
free trade agreement ; double framing chez Croft et al. 2002).
NB : est en désaccord avec ce que dit Talmy quelques pages auparavant (2000 : 65) :
“Aske (1989) and Slobin and Hoiting (1994) have observed that motion events whose paths are
conceptualized as crossing a boundary as would be typical for ‘into’ and ‘out of’ are the ones that are
represented with the Path conflation pattern. But motion events with a path conceptualized as not crossing a
boundary as would be typical for ‘from’, ‘to’, and ‘toward’ are characteristically represented with the
Co-event conflation pattern, just as like English, as in Corrí de mi casa a la escuela, ‘I ran from my house to
the school’.”
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Talmy ne traite pas le problème des classes lexicales / contextes auxquelles est cantontel ou tel satellite de tel sens
(pourquoi on peut dire I kicked the door open et non I kicked the window broken ; cf. Talmy 2000 [1991]).
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On peut remarquer toutefois que la notion de frontière n’est pas très claire : y a-t-il une frontière dans il a couru
sous le préau, et au même titre que dans il a couru dans l’abri ? On note que il a couru dans l’abri semblerait
bien impliquer un franchissement de frontière et néanmoins la construction est du type satellite-framed.
A.3 Extension de la notion de “satellite”
Stricto sensu, un GP n’est pas un satellite, mais il est souhaitable d’étendre la notion de satellite au-delà de la
définition qu’en a proposée Talmy (voir Matsumoto 2003). Une définition trop étroite de satellite ne permet pas
de décrire les langues romanes, par ex., qui n’ont pas (ou peu) de satellites mais ont des groupes prépositionnels,
des gérondifs etc. (Talmy parle alors pour ces langues de Co-event satellite, ce qui englobe peut-être ( ?) les
satellites au sens strict et les groupes adpositionnels).
A.4 Postérité de Talmy
Slobin et ses collaborateurs entreprennent d’éliciter des descriptions de mouvement (matériel : un livre pour
enfants sans texte, Frog where are you ?, narrant l’histoire d’un jeune garçon à la recherche de sa grenouille).
Travaille aussi sur des traductions d’un même texte.
Langues de l’échantillon : allemand, anglais, basque, espagnol, français, hébreu, islandais, italien, mandarin,
néerlandais, polonais, portugais, russe, serbo-croate, suédois, thaï, turc.
D’autres auteurs travaillant avec le même matériel ont enrichi par la suite cet inventaire. On trouve même une
étude sur les sujets à syndrome de Williams (Reilly et al. 2004).
Slobin (2004) ajoute les langues T-équipollentes (equipollently-framed languages), ensemble qui regroupe les
langues à verbes sériels, à radical double (verbes se composant d’un radical de manière et d’un radical de
déplacement), à préverbes complexes (de manière et de trajectoire). La pertinence du terme equipollent n’est pas
toujours claire (il y a souvent un ordre fixe, avec des bases qui ont un statut différent). Les cas d’équipollence
paraissent plus limités que Slobin ne l’entend (cas de double préverbe, manière et trajectoire ; cas de radicaux
doubles etc.
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).
Slobin tend vers une dichotomie high manner-salient languages / low manner-salient languages, qui oppose
les langues accordant une grande attention au mode de mouvement et les autres. Il considère donc que la
construction du morphème / lexème codant la manière et son importance discursive sont cruciales (alors que la
typologie de Talmy est centrée sur la trajectoire).
En ce qui concerne les modes de description et notamment la richesse informationnelle des descriptions (la
“granularité d’encodage”), Slobin et d’autres auteurs observent des variations qui recoupent imparfaitement la
classification de Talmy. Par exemple, quoique parlant une langue à trajectoire verbalisée, les locuteurs de basque
détaillent beaucoup les trajectoires et en revanche “plantent peu le décor”, à l’inverse de ce que font les locuteurs
d’autres langues de la même classe (Ixbarretxe-Antuñano 2004). Ce style descriptif les rapproche plutôt des
locuteurs de langues à trajectoire satellisée.
La disponibilité, dans les langues à trajectoire satellisée, de nombreux lexèmes décrivant le mode de mouvement
et leur facilité d’emploi (la trajectoire étant rejetée dans un satellite “léger”) auraient pour effet que les locuteurs
prêtent plus d’attention au mode de mouvement et soient ainsi préparés à encoder les scènes selon ce que la
langue exige d’eux (thinking for speaking) : “Satellite-framed languages tend to have many more types of
manner verbs than do verb-framed languages —two to three times as many in the languages I’ve examined. This
is probably due to the ease of encoding MANNER in satellite-framed languages, which engenders over time
a predisposition to attend to this domain.” (Slobin 2005)
La thèse qu’il y a une relation systématique entre l’inventaire lexical d’une langue et son orientation typologique
reste à vérifier. Par exemple, le chantyal (sino-tibétain) est à dominante trajectoire verbalisée et pourtant
l’inventaire des verbes de trajectoire est restreint (Noonan 2003).
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“There are languages with bipartite verbs, such as the Hokan and Penutian languages described by Delancey (1989, 1996),
in which the verb consists of two morpheme ofequal status, oneexpressing manner and the other path. Talmy (2000, p. 113)
provides a similar description of Nez Perce manner prefixes (Aoki, 1970). Richard Rhodes (personal communication) reports
that such constructions are typical of Algonquian, Athabaskan, Hokan, and Klamath-Takelman.
There are languages such as the Australian language Jaminjung (Schultze-Berndt, 2000), with a very small verb lexicon of
about 24 “function verbs.” For encoding motion events, one of five verbs is used, expressing a deictic or aspectual function:
‘go’, ‘come’, ‘fall’, ‘hit’, ‘do’. These verbs are combined with satellite-like elements, “preverbs,” that encode both path and
manner in the same fashion. Again, neither path nor manner is unequivocally the “main” element in a clause.” (Slobin 2004)
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De même, le fait qu’une langue satellise la trajectoire n’est pas toujours corrélé au fait qu’elle soit high manner-
salient, en tout cas en ce qui concerne le déplacement. Cf. le cas du jakaltek (d’après Grinevald, à paraître) :
Le jakaltek (maya) satellise la trajectoire sans que le verbe ne spécifie le mode de mouvement :
(6) …[x’ay-toj] heb’ jetb’I saynoj snimanil naj
ASP.DIR2-DIR3 PL.companion to look for his body CL
‘The companions went down (away) to look for his body.’ [DIR: DOWN-AWAY]
Néanmoins, le jakaltek étend considérablement le champ d’application des directionnels (comme toj), qui
s’affixent communément à des verbes d’émission ou de perception :
(7) xtiyoxhli-ah-toj naj tet ix
saluted-DIR2-DIR3 CL/he (E3)to CL/her
‘He said hello (up) (away) to her’ (from his position down)
Du point de vue des verbes de déplacement “visible”, le jakaltek est atypique (le verbe n’exprime pas le mode de
mouvement). Paradoxalement, cela ne l’empêche pas d’affixer ses directionnels à des verbes de déplacement
non-visible.
B. PROBLEMES POSES ET REVISIONS
B.1 Problèmes 1 : distribution de l’information
Le rôle du contexte pose problème : quand on cherche à localiser sur un constituant la fonction de codage de la
trajectoire, comment rendre compte des interactions contextuelles entre verbe et adposition ? Slobin (2004) lui-
même reconnaît le problème et invoque la notion de distributed spatial semantics (Sinha & Kuteva 1995). Il cite
le cas du néerlandais, où c’est la construction syntaxique qui permet de coder la trajectoire :
(8) De jonge loopt het bos in
the boy walks the woods in
‘the boy walks into the woods’ [path: boy enters woods]
(9) De jonge loopt in het bos
the boy walks in the woods
‘the boy walks in the woods’ [non-path: boy located in woods]
Selon cette notion de distributed spatial semantics, “the spatial meaning of an element does not reside in a single
lexical item; rather, it is distributed over form classes and constructions” (Slobin 2004).
Mais d’autres cas sont plus délicats, en ce que la trajectoire n’a parfois aucun marquage spécifique, et doit être
inférée de l’interaction entre verbe et arguments (nous parlerons ici de marquage implicite). Cf ; le cas du
tagalog qui a une voix directionnelle-locative marquée par un affixe à sens très peu déterminé (statique,
dynamique, datif, code n’importe relation spatiale, et parfois la causativité). Ici, la relation n’est pas distribuée
sur des formes (sauf l’affixe de voix), mais est inférée du contenu de la proposition (Fortis 2003).
(10) Tinakbu-han nila ang kaaway.
PERF/courir-VD 3PL.GEN NOM ennemi
‘Ils ont fui devant l’ennemi.’
(11) Tinakbu-han nila ang mga magulang nila.
PERF/courir-VD 3PL.GEN NOM MPL parent 3PL.GEN
‘Ils sont allés chercher de l’aide auprès de leurs parents.’ (litt. ‘Ils ont couru vers leurs parents.’)
En d’autres cas encore, la trajectoire n’est codée que par une construction qui ne spécifie ni relation ni trait
spatial. En (13) (haya, langue bantoue comme le zoulou ; cf. Grégoire, 1998), c’est la présence de l’applicatif qui
permet de déterminer que la chute a eu lieu depuis l’extérieur de la maison
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:
(12) Ngkagw’ ómúnju.
1SG suis tombé 18-9-maison
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Les chiffres renvoient aux numéros des classes nominales (classes d’accord).
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‘Je suis tombé (alors que j’étais) dans la maison.’
(13) Ngkagwel’ ómúnju.
1SG suis tombé-APPL 18-9-maison
‘Je suis tombé dans la maison.’ [c’est-à-dire depuis l’extérieur de la maison]
Enfin, les procédures d’interprétation renvoient dans certains cas à des règles qui font intervenir à la fois le verbe
et l’adposition (et parfois les arguments). Par exemple, en français, à ne peut désigner une relation finale dans
(14) ; cette fonction est prise par une préposition plus spécifique (dans par exemple).
(14) *Nous sommes entrés à la boutique.
(15) Nous sommes entrés dans la boutique.
En tagalog, la préposition générique sa peut parfaitement désigner une relation finale :
(16) Pumasok tayo sa tindahan.
VAS.IRR.entrer 1PL.INCL PREP boutique
‘Entrons dans la boutique.’
En français, avec les verbes de franchissement de frontière, à spécifie le plus souvent l’endroit le
franchissement de frontière a eu lieu :
(17) Pour rejoindre l’autoroute, on est entrés / sortis à Montélimar.
Les lieux “théâtraux” (notion d’apparition) font apparemment exception :
(18) Omar Sharif est entré au casino. [où à désigne bien une relation finale]
Par conséquent, en français (non en tagalog), la règle serait à peu près : à est congruente avec la phase désignée
par le verbe sauf quand le verbe exprime la notion d’apparition sur un lieu vu (peut-être) comme le théâtre
d’interactions sociales
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. La règle doit faire référence à l’interaction verbe / préposition, voire aux arguments. Par
conséquent, la spécification de la trajectoire n’est pas “localisée”.
B.2 Problèmes 2 : questions de classification
Quelle est la place du mandarin ? Talmy (1991, 2000) en fait une langue à trajectoire satellisée. Slobin (2004)
objecte que les verbes de trajectoire peuvent être employés seuls, comme dans une langue à trajectoire
verbalisée. Mais à ce compte, la place de l’anglais serait tout autant indécise.
D’autre part, parce que les verbes de mode de mouvement seraient admis avec un franchissement de frontière
(cf. (19)), le mandarin se comporterait plutôt comme une langue à trajectoire satellisée. Mais à ce compte, le
français se rapprocherait aussi d’une langue à trajectoire satellisée.
(19) Fei chu yi zhi maotóuying (Slobin 2004 : 224)
Fly out one owl
‘An owl flew out.’ [en fait, chu est un verbe plein = ‘sortir’]
Le japonais est du même type que le mandarin (Ishibashi 2006) :
(20) Hukuroo-ga tobi-dasi-ta.
chouette-SUJ voler-sortir-TAM
‘Une chouette est sortie en volant.’
(21) Watasi-wa kaidan-o kake-agat-ta.
moi-TH escaliers-OBJ courir-monter-TAM
‘Je monte les escaliers en courant.’
(22) Watasi-wa basu-kara/-o tobi-ori-ta.
moi-TH bus-SOURCE/-OBJ sauter-descendre-TAM
‘Je descends du bus en sautant.’
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La préposition à met souvent hors focus la relation spatiale (qu’elle spécifie peu) et permet de focaliser sur l’activité, le
lieu-fonction : cf. être au bureau / dans son bureau (Vandeloise 1990, Cadiot 1997).
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