
Jean-Michel Fortis — Séminaire Formes Symboliques 13 février 2007
On peut remarquer toutefois que la notion de frontière n’est pas très claire : y a-t-il une frontière dans il a couru
sous le préau, et au même titre que dans il a couru dans l’abri ? On note que il a couru dans l’abri semblerait
bien impliquer un franchissement de frontière et néanmoins la construction est du type satellite-framed.
A.3 Extension de la notion de “satellite”
Stricto sensu, un GP n’est pas un satellite, mais il est souhaitable d’étendre la notion de satellite au-delà de la
définition qu’en a proposée Talmy (voir Matsumoto 2003). Une définition trop étroite de satellite ne permet pas
de décrire les langues romanes, par ex., qui n’ont pas (ou peu) de satellites mais ont des groupes prépositionnels,
des gérondifs etc. (Talmy parle alors pour ces langues de Co-event satellite, ce qui englobe peut-être ( ?) les
satellites au sens strict et les groupes adpositionnels).
A.4 Postérité de Talmy
Slobin et ses collaborateurs entreprennent d’éliciter des descriptions de mouvement (matériel : un livre pour
enfants sans texte, Frog where are you ?, narrant l’histoire d’un jeune garçon à la recherche de sa grenouille).
Travaille aussi sur des traductions d’un même texte.
Langues de l’échantillon : allemand, anglais, basque, espagnol, français, hébreu, islandais, italien, mandarin,
néerlandais, polonais, portugais, russe, serbo-croate, suédois, thaï, turc.
D’autres auteurs travaillant avec le même matériel ont enrichi par la suite cet inventaire. On trouve même une
étude sur les sujets à syndrome de Williams (Reilly et al. 2004).
Slobin (2004) ajoute les langues T-équipollentes (equipollently-framed languages), ensemble qui regroupe les
langues à verbes sériels, à radical double (verbes se composant d’un radical de manière et d’un radical de
déplacement), à préverbes complexes (de manière et de trajectoire). La pertinence du terme equipollent n’est pas
toujours claire (il y a souvent un ordre fixe, avec des bases qui ont un statut différent). Les cas d’équipollence
paraissent plus limités que Slobin ne l’entend (cas de double préverbe, manière et trajectoire ; cas de radicaux
doubles etc.
).
Slobin tend vers une dichotomie high manner-salient languages / low manner-salient languages, qui oppose
les langues accordant une grande attention au mode de mouvement et les autres. Il considère donc que la
construction du morphème / lexème codant la manière et son importance discursive sont cruciales (alors que la
typologie de Talmy est centrée sur la trajectoire).
En ce qui concerne les modes de description et notamment la richesse informationnelle des descriptions (la
“granularité d’encodage”), Slobin et d’autres auteurs observent des variations qui recoupent imparfaitement la
classification de Talmy. Par exemple, quoique parlant une langue à trajectoire verbalisée, les locuteurs de basque
détaillent beaucoup les trajectoires et en revanche “plantent peu le décor”, à l’inverse de ce que font les locuteurs
d’autres langues de la même classe (Ixbarretxe-Antuñano 2004). Ce style descriptif les rapproche plutôt des
locuteurs de langues à trajectoire satellisée.
La disponibilité, dans les langues à trajectoire satellisée, de nombreux lexèmes décrivant le mode de mouvement
et leur facilité d’emploi (la trajectoire étant rejetée dans un satellite “léger”) auraient pour effet que les locuteurs
prêtent plus d’attention au mode de mouvement et soient ainsi préparés à encoder les scènes selon ce que la
langue exige d’eux (thinking for speaking) : “Satellite-framed languages tend to have many more types of
manner verbs than do verb-framed languages —two to three times as many in the languages I’ve examined. This
is probably due to the ease of encoding MANNER in satellite-framed languages, which engenders —over time—
a predisposition to attend to this domain.” (Slobin 2005)
La thèse qu’il y a une relation systématique entre l’inventaire lexical d’une langue et son orientation typologique
reste à vérifier. Par exemple, le chantyal (sino-tibétain) est à dominante trajectoire verbalisée et pourtant
l’inventaire des verbes de trajectoire est restreint (Noonan 2003).
“There are languages with bipartite verbs, such as the Hokan and Penutian languages described by Delancey (1989, 1996),
in which the verb consists of two morpheme ofequal status, oneexpressing manner and the other path. Talmy (2000, p. 113)
provides a similar description of Nez Perce manner prefixes (Aoki, 1970). Richard Rhodes (personal communication) reports
that such constructions are typical of Algonquian, Athabaskan, Hokan, and Klamath-Takelman.
• There are languages such as the Australian language Jaminjung (Schultze-Berndt, 2000), with a very small verb lexicon of
about 24 “function verbs.” For encoding motion events, one of five verbs is used, expressing a deictic or aspectual function:
‘go’, ‘come’, ‘fall’, ‘hit’, ‘do’. These verbs are combined with satellite-like elements, “preverbs,” that encode both path and
manner in the same fashion. Again, neither path nor manner is unequivocally the “main” element in a clause.” (Slobin 2004)