analytiques, mais histoire qui permettrait de comprendre l’évolution formelle des écrits ainsi que
les orientations successives des travaux des chercheurs. Il s’agira là donc de s’intéresser à la portée
des travaux du trio dans leur contemporanéité, soit leur réception.
Il s’agira, par ailleurs, de mettre à l’épreuve du monde d’aujourd’hui les principales
analyses et outils forgés par ces trois auteurs. En quoi peuvent-ils encore nous aider à
comprendre notre modernité ? Comment lire — et utiliser — aujourd’hui des travaux fortement
marqués par l’idée d’une appropriation de la nature alors que l’anthropologie de la nature (Ph.
Descola) ou des sciences et des techniques (B. Latour) ré-historicise l’idée de nature par
exemple ? Des interrogations similaires pourraient être conduites en matière d’anthropologie des
techniques, ou des configurations politiques d’allocation des ressources — rappelons le débat
opposant les tenants des « communautés rurales » et ceux des « collectivités rurales », la question
des rapports au féodalisme et à l’étatisme.
Nous proposons de situer cette mise à l’épreuve dans une relecture et un réexamen de
trois ouvrages qui ont, chacun à leur manière, marqué un domaine de recherche émargeant ou
non à la configuration contemporaine de l’ethnologie : L’homme et la charrue pour Haudricourt et
Mariel Jean Bruhnes Delamare ; Le geste et la parole pour Leroi-Gourhan et La Méditerranée, les
hommes et leurs travaux pour Charles Parain.
Cette première entreprise est capitale pour essayer de comprendre à la fois la construction
des domaines d’étude, les reprises de thèmes, et plus simplement la pertinence de leurs intérêts
scientifiques, par exemple une attention portée à la question du rapport entre l’homme et son
milieu par le biais de la technique, ou entre les hommes par la langue considérée comme une
technique (Haudricourt).
B. Discipline (s)
André Georges Haudricourt a une formation plurielle : agronome, géographe, botaniste,
linguiste. Il sera l’un des fondateurs de l’ethnobotanique en France, rédacteur de l’article
« ethnominéralogie » du volume Ethnologie générale dirigé par Jean Poirier.
Dans Le geste et la parole, Leroi-Gourhan pratique tour à tour une approche biologique et
une analyse en termes de culture. Rappelons si besoin est que son auteur est titulaire d’un
doctorat ès sciences et qu’il est aussi l’inventeur de l’ethnologie préhistorique.
Charles Parain est quand à lui agrégé de grammaire, pratique des fouilles en Égypte,
contribue en 1941 à la demande de Bloch à The cambridge economic history of Europe pour ce qui est
des techniques agricoles. Il contribue enfin aux recherches du musée national des Arts et
traditions populaires et se veut ethnohistorien.
Les illustrations du caractère trans-disciplinaire du trio pourraient être multipliées et
précisées. L’un des apports les plus importants de ses travaux est de constater que pour
interpréter les activités humaines dans leur diversité (techniques, langages, modes de vie, sciences
de la nature…), le sociologue, l’ethnologue ou le linguiste doit pouvoir faire concourir différents
points de vue sur un même objet.
Ces trois œuvres nous confrontent de ce fait à toute une série de questions :
- La hiérarchie des disciplines historiques et de leur rapport. Elle peut se traduire par celle de
l’auxilariat. Comment s’organise par exemple l’articulation entre recherches historique et
ethnologique ? Pour ces trois auteurs, il semble que la réalité sociale ne soit jamais totalement
intelligible par le seul présent. Il ne suffit pas d’observer les outils en train de fonctionner. De la
même manière, ethnologie et linguistique sont deux mondes que ces trois auteurs n’ont eu de
cesse de croiser, convertissant les plus farouches ethnologues aux vertus de la linguistique et
obligeant le linguiste, pour comprendre la manière dont fonctionne une langue, à tenir compte du