André Georges Haudricourt (1911-1996)

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André Leroi-Gourhan, André Georges Haudricourt et Charles Parain.
Matérialité, concrétudes et élaborations théoriques.
13, 14, 15 Octobre 2008.
IMEC (Institut mémoire de l’édition contemporaine), abbaye d’Ardennes, Caen.
L’objet de ces trois journées d’études est de contribuer à la connaissance des apports de
Charles Parain (1893-1984), André Leroi-Gourhan (1911-1986) et André Georges Haudricourt
(1911-1996) à la construction et à l’institutionnalisation de l’ethnologie comme discipline, places
qui n’ont pas été pleinement explorées.
Quelques pistes peuvent être d’ores et déjà appréhendées :
- Une définition de l’ethnologie appréhendée du côté du matériel. Ici, un intérêt pour
l’observation des outillages, la description des processus technologiques, ou encore l’analyse des
processus d’évolution des forces productives dans le prolongement des interrogations et des
postures d’historiens portant leur regard, tel Marc Bloch, sur la « civilisation matérielle »,
critiquant des ouvrages d’histoire où « les vicissitudes de l’équipement technique » sont réduites
« au silence » et appelant de ses vœux « une science mieux agrippée au réel ».
Ce trio va contribuer à ancrer une partie de la recherche ethnologique vers l’étude de cet
équipement, l’histoire des techniques et les modalités de leur mise en œuvre, les phénomènes
d’innovation…
- Une pratique de l’ethnologie marquée par l’investigation empirique, se déclinant tout à la fois
par la configuration de leur enseignement et leur ancrage sur des interrogations qu’ils veulent ou
semblent concrètes.
- Pour autant, des pratiques théoriques et de synthèse requérant non seulement « le local » mais
aussi des échelles importantes de temps et d’espace, collaborant ou s’annexant d’autres disciplines
comme la géographie humaine, la linguistique ou les disciplines historiques. Eux-mêmes, de ce
point de vue, sont parfois qualifiés de « passe-muraille », ainsi André Leroi-Gourhan et André
Georges Haudricourt. Tous les trois, aussi, participeront à des entreprises de recherche « pluridisciplinaires » telle la RCP28 (recherche coopérative sur programme) du CNRS sur l’Aubrac
dont Charles Parain rédige l’un des volumes de résultats. De plus, dans cette perspective, ils font
appel à certains critères et niveaux de généralisation — par exemple la classification ou la lignée,
la distribution dans l’espace — autant de corps d’hypothèses sur ce que doit être l’anthropologie
et les caractéristiques de son objet d’étude.
Ce colloque sera l’occasion de porter un regard sur les pratiques de la recherche en
ethnologie en essayant de mettre en perspective ces trois pensées qui, au premier chef,
concernent les ethnologues mais qui s’adressent aussi bien aux philosophes, aux historiens, aux
sociologues, aux linguistes…
Ces journées pourraient s’articuler autour de plusieurs axes de réflexion.
A. Réception/Relecture.
Cette relecture paraît d’autant plus importante pour l’histoire de l’ethnologie française
qu’elle est un bon indicateur de l’évolution des thèmes de recherche et des méthodes d’enquêtes
utilisées (observation participante, description, enquête de terrain, comparatisme...)
Trop souvent, encore, l’histoire de l’ethnologie se réduit à une histoire de la pensée
ethnologique et non de ses institutions, de ses animateurs grands ou plus petits, et de ses réseaux
(…). Histoire certainement plus mouvementée et fragmentée que celle des concepts ou des outils
analytiques, mais histoire qui permettrait de comprendre l’évolution formelle des écrits ainsi que
les orientations successives des travaux des chercheurs. Il s’agira là donc de s’intéresser à la portée
des travaux du trio dans leur contemporanéité, soit leur réception.
Il s’agira, par ailleurs, de mettre à l’épreuve du monde d’aujourd’hui les principales
analyses et outils forgés par ces trois auteurs. En quoi peuvent-ils encore nous aider à
comprendre notre modernité ? Comment lire — et utiliser — aujourd’hui des travaux fortement
marqués par l’idée d’une appropriation de la nature alors que l’anthropologie de la nature (Ph.
Descola) ou des sciences et des techniques (B. Latour) ré-historicise l’idée de nature par
exemple ? Des interrogations similaires pourraient être conduites en matière d’anthropologie des
techniques, ou des configurations politiques d’allocation des ressources — rappelons le débat
opposant les tenants des « communautés rurales » et ceux des « collectivités rurales », la question
des rapports au féodalisme et à l’étatisme.
Nous proposons de situer cette mise à l’épreuve dans une relecture et un réexamen de
trois ouvrages qui ont, chacun à leur manière, marqué un domaine de recherche émargeant ou
non à la configuration contemporaine de l’ethnologie : L’homme et la charrue pour Haudricourt et
Mariel Jean Bruhnes Delamare ; Le geste et la parole pour Leroi-Gourhan et La Méditerranée, les
hommes et leurs travaux pour Charles Parain.
Cette première entreprise est capitale pour essayer de comprendre à la fois la construction
des domaines d’étude, les reprises de thèmes, et plus simplement la pertinence de leurs intérêts
scientifiques, par exemple une attention portée à la question du rapport entre l’homme et son
milieu par le biais de la technique, ou entre les hommes par la langue considérée comme une
technique (Haudricourt).
B. Discipline (s)
André Georges Haudricourt a une formation plurielle : agronome, géographe, botaniste,
linguiste. Il sera l’un des fondateurs de l’ethnobotanique en France, rédacteur de l’article
« ethnominéralogie » du volume Ethnologie générale dirigé par Jean Poirier.
Dans Le geste et la parole, Leroi-Gourhan pratique tour à tour une approche biologique et
une analyse en termes de culture. Rappelons si besoin est que son auteur est titulaire d’un
doctorat ès sciences et qu’il est aussi l’inventeur de l’ethnologie préhistorique.
Charles Parain est quand à lui agrégé de grammaire, pratique des fouilles en Égypte,
contribue en 1941 à la demande de Bloch à The cambridge economic history of Europe pour ce qui est
des techniques agricoles. Il contribue enfin aux recherches du musée national des Arts et
traditions populaires et se veut ethnohistorien.
Les illustrations du caractère trans-disciplinaire du trio pourraient être multipliées et
précisées. L’un des apports les plus importants de ses travaux est de constater que pour
interpréter les activités humaines dans leur diversité (techniques, langages, modes de vie, sciences
de la nature…), le sociologue, l’ethnologue ou le linguiste doit pouvoir faire concourir différents
points de vue sur un même objet.
Ces trois œuvres nous confrontent de ce fait à toute une série de questions :
- La hiérarchie des disciplines historiques et de leur rapport. Elle peut se traduire par celle de
l’auxilariat. Comment s’organise par exemple l’articulation entre recherches historique et
ethnologique ? Pour ces trois auteurs, il semble que la réalité sociale ne soit jamais totalement
intelligible par le seul présent. Il ne suffit pas d’observer les outils en train de fonctionner. De la
même manière, ethnologie et linguistique sont deux mondes que ces trois auteurs n’ont eu de
cesse de croiser, convertissant les plus farouches ethnologues aux vertus de la linguistique et
obligeant le linguiste, pour comprendre la manière dont fonctionne une langue, à tenir compte du
milieu dans lequel celle-ci est ou a été utilisée.
- Les rapports entre des sciences de la nature et des sciences historiques (au sens de Jean-Claude
Passeron) avec par exemple la catégorie d’ethnoscience et la confrontation des savoirs qu’elle
suscite.
- Les modalités d’existence d’une telle posture dans un monde scientifique plus ou moins
fragmenté disciplinairement que ce soit dans les lieux de publication, de validation des recherches,
de formation d’une école, de paradigmes ou de postures de recherches.
- celles aussi de l’objet de recherche dont on voit ici qu’il n’est pas découpé disciplinairement
mais dont la définition convoque des processus de recherche intégrée.
C. Science et politique
Chacun de ces auteurs a entretenu des relations, de diverses natures, avec le marxisme, du
point de vue d’une entrée par les pratiques techniques et économiques — beaucoup plus que par
des questions de pratiques politiques même si elles sont présentes.
On peut voir là, à l’œuvre, la notion marxienne d’infrastructure, tout comme la notion de
communauté rurale est redevable à Marx, ou celles de rapports sociaux de production et forces
productives. Ou bien encore une parenté entre les programmes de travail de Parain et de Marx,
l’attention portée à l’histoire, etc.
Il s’agira ici de s’interroger, tout à la fois, aux relations entre les concepts et centres d’intérêts
marxiens et ceux de notre trio — cette question de la consonance est à l’œuvre chez Parain à
propos de l’école des Annales si l’on en croit Febvre : « Tout de même, dans ces milieux-là, on
nous lit, on nous suit » —, entre les opérations de connaissance qu’il met en œuvre et l’action
politique qu’elle leur soit ou non propre, son rôle dans la constitution d’une anthropologie
marxiste en France qu’elle soit métropolitaine ou africaniste, sa participation à des entreprises
marxistes de publication et de discussion (le numéro thématique de La Pensée sur ethnologie et
marxisme, ou les publications du CERM (centre d’études et de recherches marxistes) sur les
sociétés précapitalistes, le féodalisme ou le mode de production asiatique…)
D. Institutions.
Ce colloque, enfin, pourrait être l’occasion d’un retour sur l’histoire et le fonctionnement des
institutions de l’ethnologie entre les années 1950 et 1970. L’EFEO (école française d’ExtrêmeOrient) où Haudricourt réside en 1948-49, le CRFE (centre de formation aux recherches
ethnologiques) fondé en 1946 par Leroi-Gourhan et auquel participe Haudricourt, le Muséum
d’histoire naturelle, le CNRS dont il faut rappeler qu’il a joint/disjoint plusieurs disciplines avec
l’anthropologie au sein d’une même section, Le mois d’ethnographie française dont sont
administrateurs Leroi-Gourhan et Parain, mais aussi les grandes enquêtes pluridisciplinaires
comme celle de L’Aubrac à partir de 1964 dans laquelle Parain a eu un rôle important.
Une attention particulière sera portée aux situations et relations à l’œuvre au sein des
configurations ainsi dessinées et dans la visée d’éventuelles reconfigurations.
Les fonds d’archives de A. G. Haudricourt et de Leroi-Gourhan disponibles à l’IMEC
(Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine) comprennent de nombreux documents
administratifs ainsi que de la correspondance liée au fonctionnement général de ces institutions.
Nous vous prions d’envoyer vos résumés (entre 5000 et 10000 signes) pour le 15 Février
2008 au plus tard.
La publication des Actes est envisagée sur la base d’une sélection des communications.
Adresse à laquelle faire parvenir les résumés
Noel Barbe
[email protected]
Jean François Bert
[email protected]
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