1 Les religions primitives Mini-atlas des religions du monde – section 3 : les religions primitives 2 ABORIGENES D’AUSTRALIE : Dans les sociétés primitives des aborigènes, les mythes sont très importants. La conception religieuse des aborigènes renvoie à un temps mythique, le «dream time» (le temps du rêve). C’est un temps fabuleux et complètement révolu, mais il est connu par les mythes et par les rêves. Les êtres du temps des rêves ont laissé des «esprits enfants» en des lieux sacrés (rochers, arbres, sources...). Les femmes qui passent en ces endroits sont ainsi fécondées. Ce principe de fécondation, qui est un lien entre le temps mythique et le temps présent, est à la base de la religion aborigène. Les êtres mythiques ont transmis aux aborigènes des objets sacrés appelés «tjuiunda» (des pierres, planchettes de forme oblongue ornementées de motifs rituels). Ces objets sacrés sont symbole de reproduction, mais ils sont mis à l’écart des femmes (si une femme vient à les voir, elle est mise à mort). C’est un des paradoxes de la religion: ces objets symbole de reproduction, qui sont pourtant le propre des femmes, doivent être écartés d’elles. Les hommes qui peuvent manipuler les objets doivent être initiés. C’est toute l’importance des cérémonies et des rites d’initiation qui se déroulent sur plusieurs années en de nombreuses phases. Le jeune homme est arraché à la sphère maternelle, grâce à une séparation symbolique d’avec la mère. Le nouvel initié est symboliquement mis à mort et renaît: c’est un nouvel accouchement entièrement géré par les hommes. On peut noter comme rites : la circoncision* la subincision* la scarification* l’avulsion dentaire* l’épilation* Lecture conseillée: Initiations, rites et sociétés, Mircea Eliade (Folio). LE CHAMANISME : Dates d’apparition: C’est une religion primitive souvent désignée comme faisant partie de l’animisme (mot d’éthymologie latine : «anima» signifiant souffle ou âme). On peut donc penser que cette forme de religion apparaît dès l’Antiquité. Fondateurs: Le chamanisme n’est caractérisé par aucun dogme, aucun clergé, aucun lieu saint ni lieu de prière. C’est par l’intermédiaire de prêtres orthodoxes ou luthériens que l’Occident a pu connaitre le chamanisme. En ce qui concerne le chamanisme sibérien, c’est l’archiprêtre russe Avvakum, déporté en Sibérie, qui a utilisé le mot chamanisme pour la première fois au 17ème. siècle. Quant au chamanisme Inuit, il a été connu grâce à Hans Egede (pasteur luthérien) qui a publié en 1741 un ouvrage sur les coutumes des Eskimaux. Bases de la croyance: Mini-atlas des religions du monde – section 2 : les religions orientales – le bouddhisme – 3 Le chamanisme se caractérise par le culte de la nature, la croyance en des esprits, des pratiques divinatoires et thérapeutiques telles que la transe ou l’extase. Points principaux de la doctrine: Il n’y a pas vraiment de doctrine (aucun écrit) mais le chamanisme se traduit par une pratique, étroitement liée au milieu naturel, aux conditions de vie et au type de société de chaque groupe. On distingue: le chamanisme sibérien, le chamanisme inuit, mongol, toungouse, turc et amérindien. Vocabulaire spécifique: Il n’y a pas de clergé mais juste un prêtre sorcier: le « chamane ». Le mot chamane vient éthymologiquement du mot toungouse (groupe de langue de la famille ouralo-altaïque) saman qui signifie le moine. Le chamane est un médiateur entre le monde des humains et celui des esprits, entre celui des vivants et celui des morts, entre celui des animaux et de la société humaine. Le prêtre sorcier est à la fois devin et thérapeute dans les civilisations d’Asie Centrale, septentrionale et d’Amérique du Sud. Fêtes remarquables: Les fêtes et les esprits invoqués varient en fonction du type de société. En Sibérie, le chamane doit assurer la chance à la chasse pour sa communauté (le plus grand soucis est en effet la subsistance dans cette région la plupart du temps enneigée). Le rite est conduit lors d’une grande fête annuelle qui prend la forme d’un mariage entre le chamane et les esprits de la forêt et des eaux (le chamane prend une épouse par monde nourricier). Tous les autres rituels suivent un schéma commun. En effet, se succèdent : - la convocation des esprits auxiliaires à qui l’on expose les raisons du rituel ; - un voyage dans la surnaturel et /ou l’expulsion de l’esprit hostile ; - la purification et le remerciement aux esprits ; - puis, pour finir, une divination sur les questions les plus variées. Néanmoins, on peut distinguer différents rites: les grands rituels au printemps ou avant la période de chasse afin d’obtenir la prospérité du groupe les rituels d’accompagnement d’âmes dans le but de s’assurer que l’âme a bien quitté le monde des hommes. Elle suivra un cycle normal de réincarnation. - les rituels contre la stérilité ou la mortalité infantile - les offrandes d’âmes, d’animaux sacrifiés qui sont envoyés jusqu’à leurs destinateurs surnaturels Influence culturelle: Le costume du chamane (lourd vêtement en peau de renne) ainsi que les instruments qui accompagnent les danses et rites (tambours, luths, crécelles...) ont une grande symbolique mais leur place est désormais dans les musées. En effet, le chamanisme s’est adapté à la modernité et à la vie urbaine où il s’intègre sous des activités variées exercées de façon authentique (psychothérapie, voyance, arts du spectacle, mouvements de résistance ethnique, écologie...). Cependant, on a pu constater une dérive du chamanisme en Occident dans les années 70. C’est l’apparition du néo-chamanisme : mouvement de retour aux origines, quête mystique (transe, extase) jusqu’au mouvement hippie. Le néo-chamanisme se transforme très vite en une entreprise lucrative proposant des stages d’initiation payants, dirigés par des néopraticiens et ex-anthropologues. Ce phénomène de mode, qui dénature le chamanisme et le fait basculer du côté du mysticisme, a eu beaucoup de succès auprès des «couches cultivées». Mini-atlas des religions du monde – section 2 : les religions orientales – le bouddhisme – 4 EN AFRIQUE NOIRE... Les quelques religions typiques que nous avons choisi d’étudier sont: celle des Dogon au Mali, celle des Sereer, Lebou, Wolof en Mauritanie et au Sénégal, et celle du Vodu au Bénin. Dates d’apparition: Le plus souvent, ces religions sont apparues dès qu’il y a eu groupement d’hommes. Par exemple, les populations autochtones (pêcheurs, chasseurs, cultivateurs) qui ont habité la Mauritanie et la vallée du fleuve Sénégal semblent avoir été indifférenciées sur le plan religieux du néolithique au 8ème. siècle. Puis sont arrivés les Almoravides berbères qui ont voulu islamiser la région: ceci provoqua le départ vers le sud des populations autochtones vers les 10ème et 11ème siècles. Il y a ainsi eu différenciation avec les trois tribus existantes aujourd’hui: les Wolof, les Sereer plus au sud, et les Lebou partis en 1570 à cent kilomètres au sud de Dakar. Fondateur: Il faudrait plutôt parler de fondateurs puisque c’est souvent le groupe d’homme vivant en communion avec la nature qui a établi ses propres rites. Il semblerait que ces croyances soient le fruit d’une longue cohabitation avec la nature mais où chacun est acteur de la croyance, pas comme dans les religions monothéistes pour lesquelles un homme a dû «répandre» la bonne parole. Ces religions ont été connues dans le monde grâce à des explorateurs ou des missionnaires. Dans le cas des Dogons, par exemple, c’est l’ethnologue M. Griaule qui a su gagner la confiance de leur chef religieux, Ogotoméli, lors d’expéditions depuis 1930 jusqu’en 1965, et ainsi révéler au monde leur mode de vie. Bases de la croyance: Il n’y a aucun livre saint ou lieu saint chez ces peuples, ou plutôt, chaque lieu pourrait devenir sacré si un esprit y apparaissait. En effet, la survivance des croyances tient surtout à la force de la tradition orale: les principes sont transmis de génération en génération sous la forme de danses rituelles, de chants, d’initiations. Cependant, il faut savoir que sous l’influence de grandes religions monothéistes, ici l’Islam, la tradition se perd parfois :or, si le chant et les prières s’arrêtent, le(s) Dieu(x) s’en vont, comme c’est le cas dans certains villages Wolof aujourd’hui. Points principaux de la doctrine: La religion de nombre de ces peuples a pour base un mythe fondateur. Souvent, il existe une cosmogonie complexe qui repose sur la croyance en une puissance suprême (Amma chez les Dogon, Roog Sène chez les Sereer...). Mais cette puissance peut avoir des statuts très différents: elle peut être associée à la figure d’un grand Dieu (un peu comme dans nos religions monothéistes) ; elle est alors priée et célébrée comme telle. C’est le cas d’Amma chez les Dogon. Elle peut être inaccessible et indifférente au sort des hommes. Ils ont alors recours à une multitude de génies qui vivent dans la nature ou dans les villages et qui apparaissent d’ailleurs souvent sous la forme d’animaux (serpents, varans, chats) qu’il est interdit de tuer. Il existe par exemple les rab : génies des Lebou. Ou encore les génies des Sereer qui peuvent être de trois sortes: pangols (bien intentionnés), djini (plutôt méchants), et kouss (inoffensifs). Ces génies interviennent dans la vie quotidienne des hommes et peuvent représenter deux choses: Mini-atlas des religions du monde – section 2 : les religions orientales – le bouddhisme – 5 soit ils incarnent un élément de la nature, soit ils sont la réincarnation d’un ancêtre de la famille. C’est pour cela qu’on parle parfois d’ « ancestrisme» à propos de ces religions :il y a très peu de frontière entre la vie et la mort et les anciens viennent souvent donner leurs conseils aux vivants. C’est aussi pour cela que le savoir est l’apanage des plus vieux, qui sont souvent grands prêtres des cérémonies. Le but des rites, des cultes, des sacrifices est différent suivant le type de société: par exemple, chez les Lebou, installés près de la mer, on demande l’abondance du poisson et la sécurité des pêcheurs. Il n’y a pas de date ou d’heure précise pour prier, c’est plutôt ponctuel: un autel rustique (quelques pierres et une marmite) et du lait caillé en guise de sacrifice suffisent à entrer en communication avec l’esprit concerné. D’ailleurs en temps de crise, lorsque les sacrifices s’espacent, on observe une recrudescence d’accidents et de décès dans les villages... Vocabulaire spécifique: Clergé : dans beaucoup de ces religions, il n’y a pas vraiment de clergé, mais certains ont des rôles spécifiques: par exemple les madaq et saltigué (voyants) qui, chez les Sereer, prédisent les événements (décès, récoltes...) de l’année à venir. Le Vodu est un cas un peu particulier puisqu’il est l’intermédiaire entre les hommes et Dieu et seul un initié peut entrer en communication avec lui. Office : les prières peuvent être individuelles ou collectives. Par exemple, chez les Lebou, chaque famille a son rab et s’en occupe avec grand soin. On communique avec la divinité par l’intermédiaire de pratiques où tous les sens sont sollicités: danses, chants, parfois langue secrète pour prier. Les Dogon connaissent aussi des cultes totémiques: binu. Pratiques : lors des cérémonies, les fidèles ont souvent recours à des substances dopantes qui permettent d’entrer en transe, état qui est celui de la communication avec le sacré. On trouve : le dolo (bière de mil) chez les Dogon, l’eboga (drogue hallucinogène) chez les Buiti (Gabon, Guinée, Cameroun) qui permet d’avoir la vision du monde des figures ancestrales et divines, des plantes, au Bénin, qui sont indispensable pour ériger l’autel du Vodu. Fêtes remarquables: Chaque tribu a sa façon de célébrer les divinités et il y a différentes motivations à ces fêtes : elles peuvent être un hommage au dieu créateur et à l’univers tout entier: ainsi, chez les Dogon, tous les soixante ans, à l’occasion du retour visible d’un petit satellite de l’étoile Sirius. Pendant une semaine, on rejoue les grandes phases du mythe de création: le matin, les hommes se parent des bijoux et des mouchoirs de leurs femmes (pour évoquer l’androgynie de leur dieu créateur) puis dansent et mettent des masques. Les femmes préparent du dolo et ils en boivent jusqu’à l’ivresse car c’est «le support de la parole créatrice du mythe». elles peuvent êtres organisées pour demander quelque chose ou encore pour «racheter» l’âme d’un homme qui a fait une mauvaise action et qui se retrouve «possédé» par l’esprit d’un mort qui lui fait des reproches. On fait alors des sacrifices animaux très coûteux... - Enfin, il faut savoir que l’initiation est très importante dans ces sociétés. Notamment dans le cas du Vodu, la cérémonie a pour but de transformer l’initié en femme de l’esprit vodu (quelque soit son sexe) et ainsi de lui permettre de communiquer avec le divin. Influence culturelle: Depuis que le monde connaît un peu mieux ces pratiques, on s’aperçoit de la richesse qu’elles contiennent : - sur le plan musical :les chants rituels (kassak) souvent accompagnés de tam-tam ; Mini-atlas des religions du monde – section 2 : les religions orientales – le bouddhisme – 6 - dans le domaine de la peinture et de la sculpture: les totems et les masques sont sculptés dans le bois et sont peints avec des peintures végétales ; - surtout, ces religions sont intéressantes car elles sont un modèle de vie en harmonie avec la nature, de sagesse. D’ailleurs, ces peuples sont d’excellents observateurs non seulement de la faune et de la flore mais également des mouvements astronomiques ; Pourtant, il faut savoir qu’aujourd’hui, avec la modernisation de ces pays et l’avancée de l’Islam, les traditions tendent à disparaître totalement, ou du moins à dériver. Ainsi, la religion des Wolof donne lieu aujourd’hui dans les villes à des pratiques commerciales de voyance plutôt douteuses, mais qui sont pourtant très présentes encore dans la vie quotidienne des Africains. Aurélie Boutal – Mathilde Dudreuil – Marie Perret – Magalie Vierge – ************** Eléments complémentaires de référence : Lectures : - les religions de l’Afrique noire – Hubert Deschamps – Que Sais-je ? (PUF) – N° 632 – - Le Dieu des autres – Pierre Teisserenc – collection 10/18 – N° 996 – - L’Afrique fantôme – Michel Leiris – Gallimard – 1934 – réédité en collection l’imaginaire – - Tristes tropiques – Claude Levi-Strauss – Plon – Terre humaine poche – - Comme pour toutes les religions, les travaux de Mircea Eliade aux éditions Payot sont vivement conseillés : une partie est reprise en collection Presse-Pocket (consulter les catalogues). La revue Géo a publié de nombreux reportages photographiques sur le thème des fêtes rituelles et des diverses religions du monde. Si les textes sont assez superficiels (ce n’est pas une revue universitaire), les photographies constituent des documents souvent exceptionnels. Consulter les index thématiques publiés chaque année dans le numéro de décembre. Musique : Le numéro de décembre 1998 de Géo est centré sur les musiques du monde. Des articles et des références d’initiation sont fournies pour : - La Sibérie, autour des chants chamaniques ; - L’Afrique, autour des griots et de la musique populaire très liée à la religion; - Les Caraïbes et l’Amérique Centrale. Cinéma : La cinématographie de ces peuples est réduite, cependant nous conseillons: - Les films de l’ethnologue Jean Rouch, notamment sur les Dogons et le vaudou ; - Les films africains de Souleimane Cissé, « Yeelen » ou « Finye » qui mettent merveilleusement en scène l’imaginaire africain, de même que « Yaaba », film burkinabé de Ouedraogo. [Compléments JMD] LE BOUDDHISME Mini-atlas des religions du monde – section 2 : les religions orientales – le bouddhisme – 7 Dates d’apparition : Le bouddhisme est apparu en Inde entre 560 et 480 avant J.C. , alors que Siddharta Gautama, le Bouddha Sakyamuni, commence à enseigner à Bénarès . Le Bouddha est donc « l’être éveillé » qui a atteint l’illumination , c’est-à-dire qui est sorti du samsâra pour atteindre le nirvâna . Bases de la croyance et points principaux de la doctrine : La croyance se divise en deux tendances : - Le hinayâna = petit véhicule - enseignement à caractère fermé . Il est fondé sur une technique psychologique du salut et est constitué de règles strictes qui ont pour but de mettre fin à toute souffrance ( Livre sacré : Tripataka rédigé en pâli ) - Le mahâyâna = grand véhicule - enseignement qui a accordé la primauté aux problèmes philosophiques et à la connaissance mystique de Bouddha . Il se caractérise par la présence des Bodhisattvas , des êtres qui ont refusé d’entrer dans le nirvâna pour se consacrer au salut du monde . ( Livres sacrés : les Sutras rédigés en sanskrit littéraire ) . Le principe de la réincarnation : selon ses actions dans ses vies antérieures, l’homme est conditionné par le Kharma ( phénomène de causes à effets ) et il se réincarne dans l’un des six mondes de la roue du samsâra . La roue du samsâra ( roue de la souffrance ) est constituée de six mondes qui correspondent à six grands fleuves de souffrance : - Les hommes ( désir ) - Les animaux ( ignorance ) - Les demi-dieux ( orgueil ) - Les Enfers chauds et froids ( haine ) - Les Titans ( jalousie ) - Les Enfers des esprits avides ( avidité ) Le but pour l’homme est donc de sortir de la roue de la réincarnation pour se délivrer de la souffrance et atteindre grâce au chemin vers l’éveil le nirvâna (état d’illumination totale qui échappe à la réincarnation) Le chemin vers l’éveil : quatre nobles vérités sont nécessaires pour accéder au nirvana : - Identifier la souffrance ( origine : la naissance , la maladie , la vieillesse et la mort ) - Comprendre la cause de la souffrance ( la soif d’existence ) - S’essayer à la cessation de la souffrance (suppression du désir , de la haine , de l’ignorance ) - Le sentier octuple ( chemin à suivre pour atteindre l’éveil ) : * la conduite éthique : la parole , l’action , les moyens d’existence justes ; * la discipline mentale ou méditation : l’effort , l’attention , et la concentration justes ; * la sagesse : la connaissance , la pensée , l’intention justes . Le clergé est composé de la sangha ( ordre monastique , constitué des lamas ) et du lamaïsme (théocratie telle qu’elle s’exerce au Tibet par l’intermédiaire des moines ) qui comprend, selon le Grand véhicule : - Les deux grands lamas : * le dalaï-lama ( = le lama pareil à l’océan ) qui a le pouvoir temporel ; * le pantchen-lama (= le lama qui est un joyau ) qui a le pouvoir spirituel - Les Hutuktus : incarnations des bodhisattvas ou de dieux . - Les prêtres ( incarnation de dieux ou de saints inférieurs ) . Pendant les offices , les Bouddhas vivants font l’objet d’une adoration quasi-divine. Les cérémonies, particulièrement magnifiques, sont l’expression d’une grande dévotion et d’un mysticisme profond qui confine à la superstition. Elles sont accompagnées de chants pieux avec gongs , clochettes ou cymbales et de danses mythiques. Il y a également des cérémonies autour des tours sacrés. Le mantra est d’une grande importance. C’est une prière sacrée, généralement « Om mani padme hum », considérée comme une parcelle du pouvoir divin et dont la récitation est censée conférer une puissance surnaturelle. A la répétition de mantras s’ajoutent les inscriptions faites sur des rochers et des pierres proclamant l’éternité, les drapeaux de prière Mini-atlas des religions du monde – section 2 : les religions orientales – le bouddhisme – 8 protecteurs, plantés près de chaque maison et la rotation du moulin à prières, qui est de loin le moyen le plus efficace de prier : en effet, sur le cylindre que l’on fait tourner est fixée une bande de papier sur laquelle sont inscrites les syllabes sacrées. L’influence culturelle est très importante : beaucoup de poésie , de danses sacrées exécutées par les moines avec costumes et masques chatoyants , d’histoires et de légendes du panthéon tibétain , art pictural ... Lieux saints : il n’y en a pas vraiment . Tout temple , notamment le POTALA (demeure officielle du dalaïlama au Tibet) , est sacré . Aires dominantes : les états situés entre l’Inde , la Mongolie , le Japon et l’Indonésie . Zones de progression : *-250 avt J.C. : Ceylan * 100 : Birmanie , Chine+ ou - 323 millions de bouddhistes dans le monde * 522 : Japon * VIIème s. : Siam et Tibet * XIVème s. : Cambodge * XVIème s. : Mongolie * XXème s. : Occident ( 600 000 bouddhistes en France ) Lieux de conflit : - Au contact avec une autre religion ( hindouisme ou islam ) , avec une idéologie nationaliste , et/ou un particularisme ethnique . - Résistances des bouddhistes dont les temples servent de refuge aux dissidents politiques d’un état colonial , néo-colonial ( Vietnâm du Sud , Birmanie ) , ou socialiste ( résistance aux tentatives d’intégration forcée par la Chine , la Birmanie , le Vietnâm ) . Dans les Etats dits « socialistes » dans les années 1950 à 1970, Chine, Corée du Nord, Mongolie, Viet-Nam, Laos, Cambodge, des limitations plus ou moins importantes à la liberté d’expression religieuse ont été mises en place, une répression certaine a même été exercée, surtout au Tibet. Dans cet Etat théocratique, le bouddhisme fournit l’idéologie et les cadres à une résistance nationaliste qui s’oppose aux tentatives d’intégration forcée à la République Populaire de Chine, qui a annexé le territoire en 1959. De même, en Birmanie, les moines bouddhistes ont très nettement soutenu le mouvement en faveur de la démocratie et sont réprimés depuis 1988. Eléments complémentaires de références Lectures La Force du bouddhisme - Sa Sainteté le dalaï-lama et J.C. Carrière – Editions Pocket Le moine et le philosophe - J.F. Revel & M. Ricard Ed. du Nil Le Bouddhisme - Collection Domino Le bouddhisme - Henri Arvon – Que sais-je ? n°468 Le bouddhisme de Bouddha – Alexandra David-Neel – Payot Cinéma : Les films présentant le bouddhisme sous un aspect un tant soit peu crédible sont très rares . Citons Little Bouddha. Il faut plutôt chercher du côté des documentaires. Littérature Rares sont les romans ou ouvrages littéraires accessibles. Nous proposons la lecture des récits de voyages d’écrivains-voyageurs, comme Alexandra David-Neel. Ces ouvrages permettent d’entrer dans l’univers du bouddhisme par le biais d’un regard occidental, ce qui nous est plus aisé. Musique Compilations de musiques d’Extrême-Orient dans les collections de « musiques du monde ». Voir « Géo » décembre 1998, pages 96-97. Citons : « Fanbai, chant liturgique bouddhique » - Leçon du soir au temple de Quanzhou - éditions Ocora Tibet – Bouddhisme tobétain – orchestre et chants rituels – Edition Nonesuch, Explorer series. Auteurs : Claire Davy – Béatrice Nicolas Mini-atlas des religions du monde – section 2 : les religions orientales – le bouddhisme – 9 L’HINDOUISME Mini-atlas des religions du monde – section 9 2 : les religions orientales : Hindouisme 10 Dates d’apparition : entre le XV° et le X° siècles avant J.C. Fondateurs : Il n’y a pas de fondateur à proprement parler, mais des civilisations à l’origine de la religion védique qu’on peut considérer comme la base de l’hindouisme : celle de la vallée de l’Indus d’une part, celle de la migration aryenne du 2° millénaire d’autre part. Bases de la croyance et points principaux de la doctrine : La religion védique tire son nom des Veda, livres religieux en sanskrit archaïque qui diffusent la doctrine védique d’abord transmise pendant très longtemps oralement. Les Veda les plus importants sont : - le Rig Veda : c’est le plus ancien texte religieux du monde (il a été composé entre 1500 et 1000 av J.C. quand les Aryens se sont installés dans la région du Pendjab.) - les Brahmanas : ils établissent la dimension rituelle de la doctrine. Les Brahmanes sont les prêtres qui conduisent le sacrifice supposé préserver le Rta ou ordre de l’univers et c’est pourquoi, en raison de cette capacité quasi divine d’accomplir le rituel, ils forment le groupe social dominant. - les Upanishads : ils établissent les dimensions mystique et dévotionelle de la doctrine, pour la première par la notion de Brahman: esprit cosmique, vérité transcendantale et finale, c’est le Dieu impersonnel qui transcende les divinités personnifiées. L’atman est un niveau individuel du Brahman : notre propre et subjective vérité intérieure, le Soi. Le but de l’existence humaine est de réaliser l’identité du Brahman et de l’atman en nous. Pour la dimension dévotionelle survient la notion de Bhakti : dévotion extatique à un dieu personnel, métamorphose du Brahman impersonnel en une divinité personnifiée : les trois principales divinités forment la Trimûrti composée de Brâma, dieu de la création, Vishnu, dieu bienfaisant, conservateur du cosmos et Shiva, dieu ambivalent qui détruit pour reconstruire. La théorie du karman (ou karma) est le dogme central de l’hindouisme : c’est la nécessité pour l’homme de renaître dans une condition humaine ou animale déterminée par la qualité des actes passés. Elle est donc liée à la théorie de la transmigration infinie des âmes, le samsâra. L’objet essentiel de la religion est de permettre l’accès à la Délivrance, l’évasion hors des liens du karman, qu’on atteint par la voie de la connaissance, par la bhakti, ou encore par des méthodes comme le Yoga ou le Tantrisme. Les castes et les sectes : L’appartenance à la caste est déterminée par la naissance, elle est donc étroitement liée à la notion de karman. On distingue 4 castes : - les Brahmanes (la seule d’essence religieuse) sont les tenants des pouvoirs sacrés, - les Kshatriyas ont la fonction guerrière, - les Vaicyas sont voués à l’élevage et au commerce, - les Cûbras sont au service des trois autres et exclus de la religion. En outre il existe des «hors castes» qu’on appelle les Intouchables, pour lesquelles aucun karman n’est concevable et qui doivent vivre à un niveau plus bas que les animaux domestiques. L’hindouisme à l’origine n’a pas constitué d’ordres monastiques, mais plutôt des communautés spirituelles regroupant des disciples autour d’un gourou : ce sont les ashrams. Il existe autant de sectes que de courants de pensée mais on en distingue deux majeurs : les sectes shivaïtes et les sectes vishnuïtes. Les rites et les pratiques : la prière réside dans la forme du mantra (formules sacrées), Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 11 longues litanies de mots ou de phrases répétées un grand nombre de fois. L’image est l’auxiliaire du culte au même titre que la prière. L’adoration de l’image s’appelle la puja. C’est le foyer domestique qui plus que le temple est le centre de la vie religieuse. Ainsi il existe de très nombreux rites privés quotidiens et des sacrements ou samskaras : rites relatifs à la famille, très nombreux pendant l’enfance. Les fêtes religieuses sont plutôt de grandes manifestations populaires que des cérémonies collectives dans des temples. Ces fêtes sont très nombreuses et varient selon les régions mais on peut relever comme plus importantes Holi, la fête printanière des couleurs qui se célèbre dans l’Inde entière, la Durga-Puja qui pendant dix jours en automne célèbre la déesse Durga par des processions de chars avec des statues à son effigie, ou la Shivaratri ou journée de Shiva, qui célèbre son mariage avec Parvati, la fille du roi de l’Himalaya. Influences culturelles : L’expression artistique en Inde est essentiellement religieuse. En architecture, l’édification des temples est soumise à des règles strictes : le choix de l’emplacement est soumis à des dispositions géologiques, le temple hindou est l’analogue du cosmos et de l’homme, c’est-à-dire qu’à chacune de ses parties correspond une partie de ces deux réalités. L’art plastique est le support de la dévotion, et la diversité du panthéon hindou lui fournit une foule de sujets. Le théâtre met en scène la vie des dieux lors des festivals et la musique, notamment la flûte, est d’inspiration religieuse. Les instruments de musique sont d’ailleurs considérés comme des objets sacrés. Le chant et la danse sont souvent dédiés à Shiva. Sur le plan littéraire il faut souligner l’importance des deux grandes Epopées, le Ramayana et le Mahabharata (le plus grand poème du monde). Sonia Cordier – Candice Piat ************* Eléments complémentaires de références : Lectures - - Le Veda, textes présentés et réunis par JeanVarenne – Marabout-Université –N° 145-146 L’hindouisme – Louis Renou – Que Sais-je ? – N°475 – Sept Upanishads, traduction de Jean Varenne – Points-Sagesses – Le Seuil – SA25 – Le yoga – Mircea Eliade – Petite bibliothèque Payot – N°120 – La Baghavad Gîta – traduction de Anne –Marie Esnoul etOlivier lacombe – PointsSagesses- Le Seuil – SA9 – Le Mahâbhârata, extraits traduits par J.M. Péterfalvi – GF-Flammarion – N° 433-434 Les grands penseurs de l’Inde – Albert Schweitzer – petite bibliothèque Payot – N° 1 La Sagesse orientale – C. Scott Littleton – France Loisirs – 1997 – une très belle iconographie et des synthèses accessibles sur toutes les grandes religions orientales dont l’Hindouisme – L’Inde – Mircea Eliade – Presse-pocket Agora – N° 51 - Une série de notes rédigées par l’auteur lors de son séjour en Inde pour la préparation de sa thèse sur le Yoga. Eliade est un des meilleurs spécialiste de ce domaine religieux,, accédant directement aux textes par la connaissance du sanskrit. Musique : De nombreuses collections éditent maintenant des musiques indiennes. Citons les éditeurs comme « Le chant du monde » ou « Harmonia mundi ». Voir également le numéro de Géo de décembre 1998, sur les «Musiques du monde », avec un article et des conseils de Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 12 découvertes musicales, pour s’initier. Cinéma : On ne peut dresser une liste des films indiens, car leur nombre est trop grand et leur accessibilité impossible, pour la plupart. Nous recommandons, deux cinéastes qui sont des maîtres mondialement reconnus, et dont les films sont diffusés, à ce titre, sur les chaînes de télévision françaises : Satyajit Ray et Mrinal Sen. La plupart de leurs films mettent en scène la société indienne et permettent de mesurer le poids de castes et le rôle de la religion de manière quotidienne . [compléments JMD] MUSIQUE ET RELIGION Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 13 Si aujourd’hui, non seulement en occident mais aussi dans le monde entier la musique est ancrée dans le monde profane il faut bien rappeler que cela n’a pas toujours été le cas. En effet les origines de la musique sur tous les continents sont sacrées. Cela veut dire que dès l’origine et jusqu’à peu la musique a toujours été liée au divin. Synthèse entre le travail sur le son, le rythme, le chant, la poésie, la musique tend à être considérée comme l’art le plus parfait et ainsi le plus adéquat pour communiquer avec la divinité. Chez les Grecs ce sont les muses, filles du Ciel et de la Terre (Ouranos et Gaia) qui ont donné la musique aux hommes pour qu’ils puissent honorer les dieux. Toutes les muses sont représentées avec un instrument de musique. Dans d’autres civilisations on retrouve cette idée du dieu qui donne la musique, à la fois pour le plaisir des hommes mais aussi pour le culte. Enfin si dans d’autres civilisations, comme en Egypte, la musique est plutôt associée à la vie princière, c’est en fait que le Prince est considéré comme un dieu. Et si dans les tribus d’Afrique la musique se vit au quotidien c’est que les esprits sont partout. Cependant chaque civilisation, chaque religion a utilisé la musique de façon différente. C’est ce que nous allons voir... La musique dans les religions animistes Les Mayas, les Aztèques et les Incas : la musique symbole des dieux. Du Mexique au Chili on utilise l’échelle pentatonique : une gamme est faite de cinq sons. On a retrouvé comme instruments des flûtes de pan, des flûtes simples, triples ou quadruples, des sifflets, des ocarinas, des trompes en poterie, céramique, pierre, jade ou or. Ces instruments figurent souvent des animaux fabuleux et sont symbole et lien entre le monde des humains, le monde animal et le monde invisible. On trouve aussi des percussions. En ce qui concerne le chant (cuica en aztèque, kay en maya, taki en quechua) on en a des représentations sur des fresques ce qui nous a permis de savoir qu’il existait des écoles de chants chez les aztèques et qu’il était toujours inséparable de la danse. La danse quant à elle peut être « en civil », déguisée ou masquée. Elle se rattache toujours au culte du Soleil ou de la Terre nourricière. L’Afrique au rythme de la danse et du chant. La musique est transmise oralement. Mais attention, contrairement à ce qu’on a pu croire pendant longtemps c’est une musique qui a un passé, une histoire et donc une évolution. En effet les différents mythes qui racontent sa naissance le prouvent ainsi que les vestiges qu’on a pu retrouver: les pierres sonores du Togo ou du Nigéria qui sont des pavés de tailles différentes qui produisent chacun un son particulier et que l’on frappe avec un caillou. On a retrouvé aussi des rhombes qui datent du paléolithique. Le rhombe est un morceau de bois aplati en forme de poisson attaché à une ficelle ce qui permet de le faire tourner à toute vitesse audessus de la tête. Cela produit un ronflement qui est censé effrayer ceux qui l’écoutent et raviver l’esprit des ancêtres. En Afrique la musique est improvisée et elle se fait sur le mode responsoriel : un meneur lance dans l’assistance un thème qui est repris par tous, intégralement ou avec des variantes. La musique est souvent pentatonique. Le monde musical est très tourné vers le rythme : djembé, tam-tam.... Comme en Amérique, le chant est indissociable de la danse. La danse est souvent masquée. Le masque est le déguisement de l’homme qui ainsi perd sa personnalité humaine et incarne un être surnaturel. Le changement s’effectue sur trois plans : aspect (costume), comportement (danse), voix. L’homme masqué a un pouvoir surnaturel et tout le monde doit l’honorer et lui obéir. Pour transformer sa voix l’homme peut utiliser un instrument. Le chant et la danse accompagnent tous les rites de passage mais aussi les fêtes. Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 14 Le son primordial du monde hindouhiste Les plus anciennes musiques qui nous soient connues sont apparues sous forme de psalmodies dans un recueil de chants liturgiques, le Sama Veda, l’un des quatre hymnes sacrés de l’Inde antique. L’évolution de la musique en Inde à ses origines est mal connue malgré un traité, le Natya Shastra, qui regroupe toutes les disciplines liées au théâtre. Ce texte est un texte de référence. Il envisage la musique, la poésie et la danse comme un moyen de connaissance du divin. L’art procure à la fois de la joie mais en même temps il permet de comprendre les enseignements spirituels de la Veda. Le son lui-même est investi d’un pouvoir sacré puisque, selon le mythe, la création du monde résulterait de la vibration originelle d’un son primordial. La voix est la reine de tous les instruments. La musique hindouiste est une musique modale, excluant toute harmonisation et orchestration. Elle n’a jamais été écrite mais a toujours été transmise oralement. La théorie ancienne énonce sept notes (svara) qui correspondent à peu près aux degrés de notre gamme de do. Ces notes se nomment : sa, ri, ga, ma, pa, dha, ni, qui sont des abréviations de noms symboliques. L’octave quant à elle est divisée en vingt-deux micros-intervalles. La musique indienne repose sur deux conceptions : le raga (la mélodie) et le tala (le rythme). - Il existe de très nombreux raga. Un raga se compose d’une échelle sur laquelle est ordonné un nombre défini de notes formant entre elles des intervalles précis. Il y a des notes prédominantes et chaque raga possède une ou plusieurs phrases mélodiques qui permet de le reconnaître. Quand on interprète un raga il s’agit de rendre l’atmosphère particulière qui lui est attachée en développant librement autour du cadre mélodique imposé. Lorsque la même émotion est partagée par le musicien et par l’auditoire c’est la rasa ou saveur du raga. - Le tala est un nombre défini d’unités de temps répétées de manière cyclique. Ces temps, matra, sont répartis en groupes à l’intérieur d’un cycle dont ils définissent la structure. Un cycle est toujours représenté et décomposé avec des syllabes, qui correspondent à des frappes précises sur un tambour. Ces figures rythmiques peuvent être très complexes. On trouve un certain nombre d’instruments dans la musique hindouiste comme la bin ou rudra-vina qui est un instrument à cordes pincées sur un tube de bois avec deux résonateurs, ou le sitar qui n’a qu’un seul résonateur, ou le tambura qui est une sorte de luth, ou le sarangi qui est une sorte de vielle, le bansuri qui est une flûte en bambou et le shahnaii qui est un hautbois, ainsi que des cymbales et différentes sortes de tambours. On peut remarquer que la musique hindouiste a adopté le violon occidental. Le A bouddhique La musique bouddhique est souvent faite de voix graves, impressionnantes par leur profondeur et leur ampleur. On chante en prière ou en méditation. C’est un moyen de transformer tout le courant de l’être en une conscience illuminée. C’est une forme dynamique de la méditation. Les concepts musicaux de base sont nés en Inde et arrivés au Tibet au XVIII° avec les enseignements du bouddhisme tantrique. Ces concepts ont été établis par les lamas ou yogis qui vivaient isolés dans les montagnes et qui chantaient dans un état d’illumination. Des disciples notaient ces compositions pour les perpétuer dans les mémoires des autres. Ils écrivaient en syllabaire sanskrit : la musique bouddhiste part d’une volonté de vulgarisation d’une religion à caractère universel. Cependant, à cause de l’occupation chinoise, on peut déplorer une perte immense dans la transmission des rites et de la musique. Le fanbai est l’élément vocal de la liturgie bouddhique. Il sert aux récitations des textes saints, à la psalmodie pour les incantations et aux hymnes composés par les lamas. On peut trouver des chants à plusieurs voix; dans ce cas chaque moine a sa propre voix. La musique bouddhique se base sur un son primordial qui est le son A. Il est la source de tout son et de Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 15 toute parole, il est l’essence même du silence, il est un médiateur universel par lequel l’unité de toutes les choses se réalise, transcendant ainsi la dualité du JE et d’AUTRUI, bon et mauvais... En ce qui concerne les textes des chants, ce sont les même depuis trois cents ans pour les hymnes, mais pour les autres textes chantés on peut constater une différenciation de prononciation, de dialecte ou même de langue. Les styles de fanbai se partagent suivant l’influence des grands centres. Les instruments aussi ont une large place dans le rituel. Les cymbales horizontales et verticales tiennent une place essentielle dans la liturgie. On trouve aussi des drilbu (clochettes), des percussions, des buhak (longues trompes qui reposent sur le sol), des dungkar (conques), des trompettes basses, droites ou recourbées... Le chant est conduit par le umze. Le patriarche, souvent un lama, tient le drilbu et le sceptre. Au début du siècle les instruments accompagnaient souvent le rituel mais la volonté de réduire le fossé entre moines et laïcs a réintroduit la beauté des louanges chantées. Aujourd’hui encore ce sont les moines qui sont chargés de préserver la musique bouddhique. Le chant de l’Islam L’Islam religieux et canonique codifie une pratique musicale qui ne reconnaît comme moyen d’expression que la voix humaine. On trouve l’appel à la prière (adham), du haut du minaret, qui doit épouser les règles d’un chant riche en ornementations ou au contraire se rapprocher d’une récitation proche du parler. On trouve aussi la lecture du Coran, livre sacré par excellence, qui doit se soumettre aux inflexions de la cantillation ou de la psalmodie. Les théologiens veulent de la rigueur, une psalmodie austère. Cependant on peut remarquer l’éclosion d’un répertoire parallèle, composé d’hymnes religieux chantés à la mosquée ou audehors. De plus on peut noter l’action du soufisme, un mouvement mystique de la fin du XI°, qui a beaucoup fait pour que la musique devienne une activité en soi et qui a dépassé la séparation du sacré et du profane en concevant le phénomène musical comme un tout non divisible et en réintégrant les instruments de musique. Le soufisme, dont le mot d’ordre est : « plusieurs chemins mènent à Dieu, j’ai choisi celui de la musique », est un ensemble de traditions séculaires que l’on retrouve dans tout le monde musulman. On distingue les instrumentaux, qui accompagnent les derviches tourneurs pendant la cérémonie d’appel à Dieu, où chaque pièce est hantée par une mélodie jouée sur un mode particulier, le maqam, avec flûte, luth, tambour et bendir. Ces cérémonies visent à provoquer des transformations de l’état de conscience pour comprendre les vérités spirituelles. « L’amour divin pour les soufis a un côté sensuel étonnant. Il ne passe pas par le culte, mais par une expérience de vie qui pousse très loin l’amour de l’univers. » Abed Azrié. Aucune civilisation, à part l’Islam, n’a poussé à un tel degré de perfection la réflexion sur le son, la note et les intervalles (la gamme arabe est différente de la gamme occidentale). On y trouve l’idée d’ethos, établissant une relation entre les notes d’une musique et la notion du temps. Certains modes ne sont joués que la nuit, ou un certain jour... Le rythme est le balancier de la musique, il aide à comprendre les paroles énoncées dans le chant. L’instrument-roi est l’oud, ou luth oriental, en bois, avec un manche court et un chevillier recourbé vers l’arrière. Les trois musiques du judaïsme L’histoire des chants religieux juifs est aussi ancienne que celle de la civilisation de ce peuple. Les juifs émigrant souvent, plusieurs styles se développent, à l’intérieur comme à l’extérieur de la synagogue. On peut définir trois traditions principales : Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 16 - la tradition yéménite (Yémen, Proche-Orient, Afrique du Nord) qui est la tradition la plus ancienne et la plus pure car au I° beaucoup de juifs ont immigré au Yémen et se sont isolés, protégeant ainsi l’ancienne liturgie. - la tradition Séfarade qui couvre la même zone géographique. - la tradition Ashkénaze, plus soumise aux influences européennes (Europe). La musique vocale de la synagogue comprend des psalmodies, des chants responsoriels du Livre Saint, des cantillations, des hymnes. On y retrouve les formes poétiques des églises syriaques et byzantines et la métrique arabe. Au VI° apparaît le chantre (soliste, hazanout) et avec lui la prière chantée et intégrée à la liturgie. Après la destruction du temple de Jérusalem en 70 après JC la musique instrumentale est interdite à la synagogue, en signe de deuil de la perte du temple. Néanmoins elle réapparaît dès le XII° à Bagdad et on essaie même l’orgue au XVII° à Prague. La musique a toujours rythmé les fêtes, les mariages... C’est essentiellement dans la Bible que se trouve consignée l’activité musicale des Hébreux. Dès les premières pages on trouve l’existence des instruments de musique comme l’indique la Genèse (IV, 21) : "Jubal fut le père de tous ceux qui jouent du kinnor et du ugab ". La kinnor est une sorte de lyre. Mais en ce qui concerne l’ugab on pense que c’est une flûte ou un roseau à anche. Il faut noter que la présence du chant n’est pas mentionnée. Mais dans le Talmud on sait que même avant la création de l’homme les anges chantaient la gloire de Dieu. Cependant les juifs privilégient les instruments pour la pureté et les diversités de timbre. De même on peut noter l’absence d’instruments à percussions. On les trouve seulement chez les Araméens (Genèse XXXI, 27) avec le tof qui est un petit tambour sur cadre. Miriam, la soeur de Moïse et Aaron, en jouait. Les lévites, descendants de Lévi, fils de Jacob, forment une classe de musiciens préposée au jeu musical instrumental et chanté. Seuls les instruments à vent, en particulier la trompette hazozera, échappent à leur tutelle. La musique est donc consacrée au culte et obéit donc à des fonctions précises. Deux instruments dominent : la kinnor, emblème du Roi David, qui peut servir lors de la transe pour communiquer avec Dieu (pratique presque abandonnée aujourd’hui) et la shofar, corne de bélier, qui a seule été acceptée comme instrument après la chute de Jérusalem. C’est elle qu’on rencontre soixante-douze fois dans la Bible et notamment lors de la chute des murs de Jéricho. Cependant on trouve aussi les trompettes en argent, la nevel (cithare) et des cymbales. C’est le Roi David qui a défini la place de la musique dans la liturgie. Il a aussi mis en place les vingt-quatre choeurs formés chacun de douze choristes ou instrumentistes. C’est lui qui a mis en place l’utilisation du chant de façon systématique, autrement que pour psalmodier le Livre Saint. Le chant peut aller de la joie à la lamentation, il peut être collectif ou responsoriel. Il existe trois types de chants : les chants sacrés, les chants profanes et une autre catégorie, entre les deux qui sert pour les cérémonies comme les couronnements, les guerres « saintes »... La monodie orthodoxe En 1054 c’est le schisme qui sépare l’Eglise orthodoxe de l’Eglise catholique. A ce momentlà, l’Eglise catholique romaine adopte la polyphonie alors que l’Eglise orthodoxe orientale conserve la monodie. Aujourd’hui encore la musique byzantine conserve ce caractère de monodie. Les premières traces qu’on ait retrouvées de cette monodie sont les mélopées du IV°. On sait peu de choses sur la musique profane à Byzance en dehors du fait que les Pères de l’Eglise condamnaient la musique instrumentale et théâtrale ainsi que tout usage laïque d’instruments. Pour eux, l’harmonie parfaite avec le corps consistait à faire de soi-même un instrument. Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 17 La musique orthodoxe se caractérise par des lignes mélodiques excessivement souples, soutenues par un bourdon (basse continue). C’est l’iso, le point de départ tonal qui a pour rôle la suggestion mystique de la musique. Le rite est imposé, célébré dans les langues nationales ou liturgiques (slavon ou grec byzantin). La musique orthodoxe repose sur les trois piliers de la musique antique : modes diatonique, chromatique et enharmonique. On utilisait huit modes. Cette musique est différente de la musique grégorienne qui n’utilise que les mélodies diatoniques. Cependant au VI° l’empereur Justinien désirait faire de Constantinople une capitale éblouissante. Il édifia alors l’Agia Sophia dans lequel on chantait des hymnes exécutés par cinq cents chanteurs subdivisés en plusieurs groupes. Du X° au XVIII° la notation s’enrichit de nouveaux symboles ajoutés aux neumes primitifs. De plus on peut noter l’influence de la philosophie néoplatonicienne sur la musique orthodoxe. Au Moyen Age il était inconcevable qu’un artiste s’écarte de ce principe : les types mélodiques sont un écho des chants célestes, chantés au ciel à la louange de Dieu. Cependant les modifications subies au cours des siècles par la musique orthodoxe sont à peine discernables. La musique réformée L’éveil de l’Allemagne, le choral luthérien. Le 31 octobre 1517, le moine Luther placarde ses quatre-vingt-quinze thèses sur les indulgences sur les portes de l’église du château de Wittenberg. C’est la naissance de l’Eglise réformée. Luther parle de la musique en ces termes : « C’est un des plus magnifiques dons de Dieu que la musique. Satan la déteste fort, car elle nous aide à chasser bien des tentations et des mauvaises pensées ». Luther articule le culte nouveau sur le chant du cantique ou choral. Il décide que les prières seront chantées, traduites du latin dans la langue allemande. Il construit même de courts poèmes sur une musique de chanson populaire. Le choral est exécuté à quatre voix dans les cantates (pièces chantées) et les passions (texte de l’Evangile chanté). C’est un moment de méditation où l’Eglise tout entière s’exprime dans la bouche d’un chrétien. Expression religieuse de tout un peuple, ciment sonore et culturel d’une communauté, le choral a associé la musique et l’expression de pensées religieuses et philosophiques. Il contribua à l’essor de la grande musique allemande et en même temps à l’éveil d’une conscience nationale. Bach a été le grand compositeur qui, grâce à ses chorals, a fait connaître la musique luthérienne. Il faut bien noter cependant que la musique protestante, à l’image de la religion s’est adaptée aux sociétés dans lesquelles on l’a utilisée. C’est pourquoi chaque groupe possède sa propre musique, expression personnalisée de sa foi. L’orgue : l’instrument roi de la liturgie protestante. L’orgue est un instrument à vent. Autrefois sa soufflerie était actionnée à bras d’homme. Aujourd’hui elle est électrique. C’est aussi un instrument à clavier, qui réunit touches blanches et touches noires. Il peut avoir de un à cinq claviers manuels, c’est-à-dire joués avec les mains. Le pédalier en bois est joué avec les pieds. Grâce à ses jeux qui sont un ensemble de tuyaux correspondant au même timbre (de flûte, de trompette...), il peut reproduire et associer les sonorités de la plupart des instruments de l’orchestre, tout en ayant les siennes propres. Certaines orgues sont monumentales et font l’objet de toute une mode autour de leur présentation. La musique catholique Le Moyen Age Du XII° au XV° siècle c’est plus que de la musique que nous avons, c’est un théâtre religieux. Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 18 Les chansons sont dans des dialectes locaux et véhiculées par les troubadours et les trouvères. Les introductions sont souvent longues et il y a beaucoup de paroles échangées aux veillées. A ces chansons s’ajoutent les danses surtout aux XIII° et XIV°. Ce sont des pièces courtes avec des mélodies répétées. Les thèmes sont autour de l’amour et des batailles. On utilise les percussions comme le tambour, le tambourin basque, les claves... On utilise aussi la guitare et la vielle. Les danses comme le rondo, la carole, le passe-pied... apparaissent. Au XIV° les instruments à vents comme la cornemuse apparaissent. Les chansons se chantent en français moderne. Il y a une seule mélodie accompagnée d’un instrument. La musique devient polyphonique, les voix progressant par tierces. Au XV° apparaît le faux-bourdon qui est une voix qui accompagne par une tierce grave à l’octave supérieur. Enfin en 1436 avec la découverte de l’imprimerie, la musique devient écrite et se répand. Cela donne lieu à des représentations dramatiques, des mystères, notamment celui de la Passion, divisé en trois parties: le mystère des vierges folles et des vierges sages, la nativité et la résurrection. La musique sacrée suit ces changements. Cependant, le grégorien va dominer toute la période. Au VII° après JC le Pape Saint Grégoire le Grand a réformé la Schola Cantorum, l’école des chantres des églises de Rome, par la notation neumatique du plain-chant. Le plain-chant est la psalmodie des textes sacrés de l’Eglise romaine fondée sur le rythme de la prose latine. Cependant les premiers écrits nous sont mal connus car ce type de chant est marqué d’une forte tradition orale. Le chant appartient au peuple et la tradition est entretenue dans les monastères. « Chanter, c’est prier, exprimer sa vie intérieure. Le grégorien naît du mystère de l’âme humaine. Il vient de la pureté et nous guide vers la transcendance. » Au Moyen-Age, religion et philosophie étaient partout, y compris dans le rythme de la musique. La musica perfecta correspond à une mesure ternaire car il y a un début, un milieu et une fin, alors que la mesure binaire est imparfaite. L’écriture en neumes c’est-à-dire l’écriture symbolique fait perdre à la musique son caractère populaire. Cependant les neumes ne sont pas encore définis bien clairement et un même intervalle peut se noter de différentes manières. Le grégorien est interprété par des hommes mais aussi par des religieuses. C’est une mélodie à une voix constituée d’après un modèle rythmique régulier, divisible en mesures d’égale durée. La monodie est proche des cantillations hébraïques. Le répertoire est regroupé en deux livres : l’Antiphonaire pour les offices et le Graduel pour la messe. Au XII° la musique évolue en passant du chant a capella à la musique instrumentale et accompagnée par les instruments médiévaux comme le serpent. On passe aussi de la monodie à la polyphonie avec des voix parallèles à la quarte ou à la quinte, ce qu’on appelle l’organum. A nos oreilles il peut paraître un peu dur et dissonant. Les instruments ne sont pas indispensables même si l’orgue et le carillon se répandent rapidement. La Renaissance et l’humanisme. Avec la Renaissance, la musique retrouve un retour à l’Antiquité. C’est aussi l’époque de la foi inébranlable en l’homme qui forge son destin. C’est à partir de ce courant que la musique va pouvoir évoluer avec l’élaboration au XVI° du contrepoint, système d’écriture qui permet de superposer plusieurs lignes mélodiques indépendantes mais qui reste en harmonie avec le sujet. C’est aussi le contrepoint qu’utilisera la musique des psaumes dans le culte protestant. Suite de la musique sacrée La musique sacrée ne va pas cesser d’évoluer en fonction des recherches musicales faites par tous les grands musiciens. En effet il n’existe pas de musicien, jusqu’au XX°, qui n’ait écrit que de la musique profane. On peut dire que la musique sacrée trouve son apogée dans le requiem de Mozart (1756-1791). Mais peut-on dire la même chose du requiem de Fauré (1845-1924) quand on sait que Fauré, écrivant ce requiem est parfaitement athée? La musique Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion – 19 sacrée devient alors un champ d’exploration et d’essai pour tous les musiciens... Mais cela ne fait pas perdre de sa valeur à la musique, quelle qu’elle soit. De plus, ce qui fait la force de la musique catholique, comme la musique protestante, c’est qu’elle s’est adaptée aux peuples et aux continents. Chacun a pu s’approprier la musique et chanter Dieu à sa manière. C’est comme cela qu’on en est arrivé à l’élaboration des negro spirituals et des gospels. L’exemple des gospels L’élaboration des gospels se base sur un proverbe africain qui dit que « l’esprit ne descendra pas sans chant ». C’est le mot anglais pour traduire « Evangile » qui sert à désigner, par extension, la forme vocale utilisée pour chanter les saintes Ecritures dans les églises noires américaines. C’est une version modernisée des negro spirituals. La différence entre les deux n’est donc qu’historique. Beaucoup de chanteurs noirs viennent de l’église où ils ont fait leurs premières armes. Cette musique sacrée est à l’origine de nombreuses musiques profanes comme la soul music, le funk, le rap... Cette musique exubérante, fervente, est fascinante. C’est pourquoi aujourd’hui elle est utilisée par ceux qui prônent l’oecuménisme. Le gospel est la dernière formation en date de musique sacrée, catholique et protestante... mais sûrement pas la dernière. Auteurs : Marie-Pierre Brochon - Béatrice Nicolas – Maïté Romain – Quelques titres pour commencer : Instruments de musique du monde ; Le chant du Monde. ANIMISME : Masques dan, Côte d’Ivoire ; Ocora radio France. BOUDDDHISME : Fanbai, chants lithurgiques bouddhique : hymnes aux Trois joyaux, Chine – Musique sacrée, rituel tibétain, Tibet . ISLAM : Le saint Coran vol. II, club du disque arabe – Chants religieux de l’islam : Syrie, Muezzin d’Alep – Chants sacrés de l’Anatolie, Turquie . JUDAISME : Inedit Hanaout, chants liturgiques juifs, Maisons des cultures du monde – Musiques liturgiques juives (Psaumes), Rosenbluth. CHRISTIANISME : - Orthodoxie : Musique byzantine, Lycourgos Angelopoulos et le choeur byzantin en concert, Grèce, Le chant du monde – Chants spirituels du peuple russe (chants liturgiques polyphoniques et monodiques XVII° et XVIII° siècles). - Protestantisme : Passion selon Saint Matthieu, Jean-Sébastien Bach. - Catholicisme : Lumière éternelle, dix siècles de musique sacrée, Philips – Canto gregoriano, Moines de Silos (1973). Mini-atlas des religions du monde – section 4 : musique et religion –