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utilisateur » puisqu’il serait fortement approprié dans son utilisation (applications préférées,
contacts et réseau social, etc.) et dans son esthétique : il existe des milliers de logos,
sonneries et applications que l’on peut télécharger afin de rendre son téléphone unique et à
son image (notion reprise par Corinne Martin p. 111-112). Ce reflet via le téléphone portable
serait donc une « extension, un musée de soi » particulièrement prononcé chez les jeunes
adolescents puisqu’ils cherchent à se créer un réseau social autonome ; ainsi cet outil leur
permet de se créer une identité via de multiples possibilités multimédias et leur mode de
communication avec autrui
; et ce à travers un « investissement affectif patent qui se traduit
de façon très nette par le manque et la perte » (Corinne Martin p. 111-112)
D’ailleurs, la valeur identitaire est parfois si forte que l’objet en lui-même ne sert à rien
si ce n’est d’être à la mode. Dans son ouvrage Francis Jauréguiberry insiste sur le fait que
dès l’apparition du téléphone portable (en 1996), l’apparence et la personnalisation était un
enjeu important et les publicités soulignaient le « pouvoir distinguant » de cet outil (Les
branchés du portable, p. 16) à tel point qu’il existait des téléphones factices.
On peut donc parler d’un outil de « mise en scène » puisque le fait de posséder un
téléphone portable et de s’en servir en public est chargé de sens. Par exemple, cet outil est
tellement banalisé aujourd’hui qu’il est possible de s’en servir pour se fondre dans la foule et
ainsi montrer son indisponibilité
. Ou au contraire d’afficher sa précipitation à couper son
téléphone par de grands gestes par exemple, de s’excuser ou encore de mettre fin à un
appel pour montrer à un interlocuteur présent physiquement qu’on lui accorde de
l’importance (AFOM, « La place du téléphone mobile dans la société »). Et enfin il permet de
se donner une image, par exemple de professionnel actif et occupé, de personne sociable,
dynamique, etc. Nous supposons qu’ici le téléphone portable permet de se distinguer des
autres dans la rue, de se créer une personnalité pour des personnes que nous croisons et
qui ne nous connaissent pas. Et ce pour son propre plaisir, pour se valoriser soi-même.
Enfin, et d’un point de vue plus communicationnel, nous nous sommes aperçu qu’il y
avait également une forte (voire urgente) volonté de s’approprier le téléphone portable afin
de rester connecté ou « branché » selon les termes de Francis Jauréguiberry pour ne pas
être exclu de ce nouveau « mouvement d’ouverture relationnelle et d’accélération des
contacts qui s’est opéré durant la seconde moitié du XXè siècle » (Les branchés du portable,
p. 138). Ainsi faire des rencontres et les fixer dans son répertoire téléphonique devient un
véritable enjeu puisque cette nouvelle forme de société de communication (plus distante,
éphémère et éclatée) permet plus de « choix identitaire (…) et d’opportunités de rencontre »
(p. 140). L’auteur rapporte d’ailleurs les propos d’un artisan dans son ouvrage qui illustre
bien cette notion « rester en dehors, c’est ne plus exister », on entend exister socialement et
économiquement.
1.2. Les changements occasionnés par son apparition
L’apparition du téléphone portable n’est pas restée sans conséquence, car en plus de
pouvoir être approprié et personnalisé par chacun, il a occasionné des changements
notamment au niveau de la gestion du temps.
Mais tout d’abord, nous tenons à rappeler que contrairement au téléphone fixe qui
relie des lieux, le téléphone portable relie et met en communication des individus : ces
Http://www.20minutes.fr/article/368450/France-Joelle-Menrath-Pour-les-ados-le-portable-est-un-musee-de-soi.php, Joëlle
Menrath étant l’une des chercheuses ayant participé à l’étude réalisée par l’AFOM « La place du téléphone mobile dans la
société »
Article d’Emmanuèle Peyret datant du 25 juillet 2006 « le téléphone portable outils anti-fâcheux » sur le site www.liberation.fr
(consulté le 26/12/2010)