L’anti dumping Document de travail Alex Danau Collectif Stratégies Alimentaires asbl 12 mai 2003 Le dumping est considéré comme une pratique commerciale déloyale. À ce titre, il est traité par le GATT, qui le considère au regard de son article VI sur les droits « antidumping » et les droits compensateurs. En vertu de cet article, un membre est autorisé à prélever des droits « antidumping » à l’importation de produits réputés être vendus à un prix inférieur au prix auquel le pays exportateur le commercialise sur son marché intérieur. Le prélèvement d’un droit de douane permet de rétablir les prix à l’importation à un niveau considéré comme normal. Néanmoins, une condition est assortie au prélèvement de droit antidumping : il faut qu’un préjudice important, réel ou potentiel, soit retenu. Le dumping, en tant que tel, n’est donc pas sanctionnable, encore faut-il qu’il ait causé un préjudice important à un autre membre. L’article 6 §1 du GATT commence par cette condition que le dumping « est condamnable s’il cause ou menace de causer un préjudice important à une production établie d’une partie contractante ou s’il retarde sensiblement la création d’une production nationale ». Sommaire L’anti dumping La définition du dumping Le dumping de prix, seule forme considérée par le GATT Les autres formes de « dumping » Les « soldes » sur les marchés intérieurs sont plus appréciés que le dumping sur les marchés internationaux L’application des règles antidumping L’importance d’établir les dommages causés par le dumping Les plaignants La valeur normale et les coûts de production Les subventions aux producteurs sont-elles assimilables à du dumping ? Les estimations des subventions aux producteurs agricoles n’ont pas la limpidité de l’application de l’article VI du GATT Conclusion 1 2 2 3 3 4 4 7 8 10 11 13 1 La définition du dumping Le terme de dumping1 semble être apparu au cours du 19ème siècle, désignant l’action de se débarrasser d’un stock à tout prix. Cette action pouvait concerner deux pratiques différentes. La première, le dumping interne, est axée sur le marché intérieur et vise à briser la concurrence ; l’autre, le dumping international, est destinée à écouler des surplus sur les marchés extérieurs, faute de demande interne. La définition du dumping s’est approfondie durant l’entre-deux-guerres dans un contexte de relations économiques très crispées. Les pays européens affaiblis, leurs monnaies dépréciées par rapport au dollar, durent lutter contre la poussée économique des Etats-Unis. Afin d’exporter leurs produits, ils pratiquèrent des prix de dumping. La définition actuelle est restée proche de celle de Jacob Viner, économiste américain qui la proposa dans son mémorandum sur le dumping destiné au Comité préparatoire de la Conférence économique internationale, convoquée en 1927 par la Société des Nations. Il en fit une analyse poussée et en énonça les principaux mobiles : l’écoulement d’excédents de stocks ; le développement ou la conservation de certains débouchés extérieurs ; l’augmentation des ventes en vue d’accroître la production ; un prix de monopole ou de quasi monopole sur le marché intérieur ; la volonté d’évincer un concurrent ou de lui résister. Selon Viner, les conditions d’émergence des pratiques de dumping sont la présence d’industries organisées en trusts et cartels ou l’existence de mesures protectionnistes importantes protégeant les marchés intérieurs de la concurrence étrangère. Il montre que l’appréciation du dumping diffère selon que les pays soient protectionnistes ou libre-échangistes. Mais cette appréciation dépend plus essentiellement de « ... l’incidence du dumping sur la conjoncture économique nationale [ce] qui incitera le plus souvent le pays à laisser faire ou à réagir devant un dumping »2 Le dumping de prix, seule forme considérée par le GATT Le GATT considère exclusivement le dumping de prix. Il le définit comme « l’introduction des produits d’un pays sur le marché d’un autre pays à un prix inférieur à sa valeur normale »3. Pour déterminer cette valeur normale, le GATT se réfère en priorité au prix pratiqué sur le marché intérieur d’un membre. « Aux fins d’application du présent article, un produit exporté d’un pays vers un autre doit être considéré comme étant introduit sur le marché d’un pays importateur à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix de ce produit est a) inférieur au prix comparable pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire, destiné à la consommation dans le pays exportateur; b) ou, en l’absence d’un tel prix sur le marché intérieur de ce dernier pays, si le prix du produit exporté est i) inférieur au prix comparable le plus élevé pour l’exportation d’un produit similaire vers un pays tiers au cours d’opérations commerciales normales, Tiré de L’anti-dumping communautaire, Joël Boudant, Travaux de la Commission pour l’étude des communautés Européennes (CEDECE) et Economica, 1991. 2 Ibid. p. 24 1 3 Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947(GATT), article 6 §1 2 ii) ou inférieur au coût de production de ce produit dans le pays d’origine, plus un supplément raisonnable pour les frais de vente et le bénéfice. »4 Lorsque ce critère principal n’est pas rencontré, - prix intérieur comparable pratiqué au cours d’opérations commerciales normales- , la valeur normale peut être déterminée soit sur le premier critère subsidiaire soit sur le second qui est construit sur la base des coûts de production. Le choix entre les deux critères subsidiaires est libre. Les autres formes de « dumping » Différentes formes de dumping, le dumping social, monétaire, écologique, de fret etc., ne sont pas reconnus par le GATT. Ces formes de dumping ne recouvrent pas la définition du dumping que le GATT a retenue (le GATT n’a pas inventé sa définition du dumping qui est issue d’un long processus de d’élaboration internationale du concept et d’homogénéisation de pratiques réglementaires nationales…). Le dumping social, par exemple, se différencie du dumping de prix parce qu’il n’implique pas un différentiel de prix et qu’il n’introduit pas une discrimination entre les membres puisque « cette forme de compression des prix » est vraie pour tous les marchés, y compris les marchés intérieurs. Les bas salaires profitent à tous les acheteurs potentiels. Il en est tout aussi vrai des faibles prix dus à la surexploitation des ressources environnementales. Les expressions « dumping environnemental » et « dumping social » constituent de fait un abus de langage, mais n’en désignent pas moins des phénomènes importants. Peut-être serait-il plus judicieux de proposer un terme qui les distingue sémantiquement du dumping de prix. De même, ils pourraient être traités par des mesures spécifiques tel le contingentement (mesure prohibée par l’OMC). Les « soldes » sur les marchés intérieurs sont plus appréciés que le dumping sur les marchés internationaux Le dumping est une pratique décriée. Mais pourquoi des cadeaux faits aux acheteurs sont-ils si peu appréciés ? L’observation des pratiques commerciale sur les marchés intérieurs permet de traiter le sujet avec une approche moins moraliste tout en le rapprochant de comportement que nous connaissons mieux, puisque nous y sommes confrontés régulièrement. Nous connaissons bien l’engouement du public (du moins au sein de l’UE) pour les soldes qui sont clairement des ventes à perte. De fait, les ventes à perte sont interdites sur les marchés intérieurs pour les mêmes raisons que dans la sphère internationale, soit le respect d’une concurrence loyale. Cependant, la pratique des soldes est autorisée et justifiée par la nécessité, en fin de saison, de liquider sur une période relativement courte, les biens invendus. En Belgique, par exemple, la réglementation sur les soldes délimite cette pratique qui ne peut intervenir qu’à des périodes précises et courtes. Mais justement, cette réglementation est remise en cause5, non pas pour interdire les soldes, mais pour les déréglementer. Le secteur de la distribution souhaite ardemment cette déréglementation, alors que les indépendants et petites et moyennes entreprises souhaitent la conserver, craignant la concurrence à outrance des grands groupes. Il est intéressant de noter que les organisations de consommateurs 4 Ibidem 5 CONSEIL DE LA CONSOMMATION Avis sur l'opportunité de modifier la réglementation actuelle des soldes (C.C. 22.Bruxelles, le 27 juin 2000 3 plaident également pour la déréglementation, en particulier pour favoriser un meilleur ciblage ses saisons. Le débat ne porte donc pas sur la pertinence des ventes à perte appliquées sur une partie de la production « invendue », mais bien sur les modalités qui en permettent l’exercice. Producteurs, intermédiaires et consommateurs reconnaissent l’existence de cycles liés au processus de production commercialisation et la nécessité de la mise en marché du solde des invendus à titre d’exception aux règles de la concurrence. Tout l’intérêt du débat sur le marché intérieur, réside dans cette triple reconnaissance : pour le consommateur de la nécessité de la concurrence, de la loyauté de celle-ci pour les parties en concurrence et, pour les uns et les autres, de la réalité de l’imperfection de la chaîne de la production à la consommation finale et donc de la manière dont il faut régler ce que le marché ne peut faire sans intervention particulière. L’application des règles antidumping L’importance d’établir les dommages causés par le dumping Le dumping « est condamnable s’il cause ou menace de causer un préjudice important à une production établie d’une partie contractante ou s’il retarde sensiblement la création d’une production nationale » (article 6 §1 du GATT). Ce qui est reproché au dumping, sur la scène internationale, c’est l’impact que ces ventes « à perte » peuvent avoir sur la branche de production nationale de pays importateurs. ... le terme "dommage" s'entendra, sauf indication contraire, d'un dommage important causé à une branche de production nationale, d'une menace de dommage important pour une branche de production nationale ou d'un retard important dans la création d'une branche de production nationale…6 Le dumping peut provoquer des dommages à des pays tiers, mais le constat de la seule vente en dessous du prix normal ne suffit pas, encore faut-il apporter la preuve de l’existence d’un dommage « La détermination de l'existence d'un dommage aux fins de l'article VI du GATT de 1994 se fondera sur des éléments de preuve positifs et comportera un examen objectif a) du volume des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet des importations faisant l'objet d'un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur, et b) de l'incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits. » Il faut donc mener une enquête approfondie pour estimer la situation de la branche de production concernée. Le paragraphe 4 de l’article 3 de l’accord sur la mise en oeuvre de mesures antidumping énumère les facteurs et indices économiques qui sont pertinents pour estimer la situation de la branche de production, précisant qu’ils ne sont pas exhaustifs : « diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du retour sur investissement, ou de l’utilisation des capacités; facteurs qui influent sur les prix intérieurs; importance de la marge de dumping; effets négatifs, effectifs et potentiels, sur le flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, la capacité de se procurer des capitaux ou l’investissement. » L’examen des facteurs et indices économique influençant une branche de production peut être très large, mais le constat d’effets ne peut suffire à incriminer le dumping. Les effets se Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994. article 3, note de bas de page 9 6 4 doivent d’être reliés à une cause. « Il devra être démontré que les importations faisant l’objet d’un dumping causent, par les effets du dumping, tels qu’ils sont définis aux paragraphes 2 et 4, un dommage au sens du présent accord. La démonstration d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le dommage causé à la branche de production nationale se fondera sur l’examen de tous les éléments de preuve pertinents dont disposent les autorités. » 7 Toute la difficulté réside ici dans l’établissement du lien de causalité, ce qui nécessite d’appréhender les différents facteurs pertinents pouvant causer des dommages à la branche de production plaignante et de vérifier si parmi eux, c’est bien le dumping qui est déterminant. « Celles-ci examineront aussi tous les facteurs connus autres que les importations faisant l’objet d’un dumping qui, au même moment, causent un dommage à la branche de production nationale, et les dommages causés par ces autres facteurs ne devront pas être imputés aux importations faisant l’objet d’un dumping. » Il faut que le dommage imputable au dumping soit significatif, important selon la définition de l’accord, donc en principe il devrait pouvoir être mis en évidence. Le dumping et les subventions comme substitut de mesures de régulation ou comme bouc émissaire Eviter que le dumping et les subventions ne soient les boucs émissaires du mal développement contribue à équilibrer le débat sur la réglementation du commerce international. Car en fin de compte, ce débat n’a de sens que parce qu’il soutient que la liberté de commerce peut entraver le développement ou l’orienter de manière inadéquate au bénéfice unique de groupes sociaux (voire d’entreprises) restreints, alors que la majorité des populations demeurerait dans des situations de pauvreté et de précarités, voire de misère. La réglementation sur le dumping met elle plus l’accent sur les mesures antidumping que sur le dumping pour limiter les tentations de protectionnisme. C’est l’hypothèse du bien-fondé économique du libre échange qui est soutenu. De ce point de vue, l’a priori de protectionnisme est à l’encontre du pays importateur, à qui il incombe la charge de la preuve. Il s’agit donc de vérifier si les difficultés d’une branche de production n’ont pas d’autres causes plus déterminantes que le dumping. Parmi les autres facteurs qui pourraient être la cause des dommages occasionnés à une branche de production, notons le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping. La détermination de la cause d’un dommage place sur le même pied les importations avec ou sans dumping, ce qui est somme toute logique. C’est la reconnaissance directe que se sont les flux d’importations qui peuvent induire des dommages à une branche de production et non le dumping par essence. C’est important, parce que cela plaide en faveur des droits de douane qui sont censés réguler les flux d’importations dommageables et non pas uniquement en faveur de droits antidumping. Le dumping est, dans ce contexte, remis en perspective parmi les flux de produits concurrents qui circulent et pénètrent les marchés de pays importateurs. Ce n’est pas uniquement la discrimination (l’existence du double prix), et donc de la déloyauté dans la liberté de commerce qui est questionnée, mais c’est également une manière d’incriminer l’absence de limitation des flux de produits par les pays importateurs. Or, l’OMC exclu les limitations quantitatives et réduit systématiquement et continuellement les droits de douane, principaux instruments de régulation des importations. 7 ibidem, l’article3,§5 5 La notion de « désorganisation de marché » Le dumping est codifié dans l’article VI du GATT et dans l’accord concernant sa mise en œuvre, lequel reconnaît donc, du moins implicitement, que des importations à bas prix peuvent causer des dommages importants. Les importations croissantes à des prix inférieurs aux coûts de production du pays importateur, sans qu’il y ait de dumping (qui concerne les prix d’exportation inférieurs aux prix ou aux coûts de production intérieur du pays exportateur), créent des situations dommageables que la CNUCED a définies comme « désorganisation des marchés ». Ces situations particulières ont donné lieu à des mesures particulières visant à limiter ce type d’importation. Il s’est agit de négocier des accords de commercialisation organisée (OMA), débouchant sur la régulation des importations par des quotas. L’Accord multi-fibre entre dans cette définition bien que ce soit là un règlement global, « multilatéral », parce la désorganisation impliquait de nombreux pays, tant à l’exportation qu’à l’importation. Cependant, le clivage très typé dans ce cas, entre les pays importateurs, des pays développés, et les pays exportateurs, des pays en développement, a placé l’accord multi fibre dans le contexte très conflictuel des relations Nord-Sud. En tout état de cause, l’importation de produits à bas prix, que les prix soient le fait de dumping ou non pose problème. Les membres de l’OMC, en réinstrumentant les règles du commerce international, placent les mesures antidumping (l’article VI du GATT) au centre du dispositif de régulation. Il était donc inévitable que les accusations de dumping fusent. Qu’elles soient avérées ou non, les dénonciations pour dumping ont un effet dissuasif certain qui se substituent aux accords d’autolimitations et contingentements. Un rapport de la Commission du commerce des biens et services, et des produits de base de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement constate que « Les gouvernements des pays en développement, qui ont considérablement réduit les droits de douane et supprimé les mesures non tarifaires, sont de plus en plus contraints de recourir à des mesures antidumping et à des mesures compensatoires pour protéger leur industrie nationale des dommages causés par les importations. Depuis l’entrée en vigueur des Accords de l’OMC, de nombreux pays en développement ont adopté une législation antidumping24. En outre, plusieurs pays dont l’adhésion à l’OMC est en cours ont fait ou feront prochainement de même. »8 Ce même rapport établi un parallèle entre l’augmentation de l’application de droits antidumping par les pays développés à l’encontre des pays en développement et le démantèlement des contingents d’importation et des accord d’autolimitation, en particulier de l’accord multifibre. « Depuis le renforcement des disciplines multilatérales relatives aux sauvegardes – notamment l’interdiction et la disparition des restrictions volontaires à l’exportation ainsi que la suppression progressive, en vertu de l’Accord sur les textiles et les vêtements, des contingents relevant de l’Arrangement multifibres (AMF) -, on observe un recours croissant aux mesures antidumping et aux mesures compensatoires dans certains secteurs, surtout la sidérurgie et les textiles. »9 8 Incidences des mesures antidumping et des mesures compensatoires. Note d'information établie par le secrétariat de la CNUCED, TD/B/COM.1/EM.14/2, p. 10, octobre 2000. 9 Ibidem, p. 6. 6 Il ne s’agit pas ici de réhabiliter les pratiques de dumping, mais d’éviter de confondre la proie pour l’ombre et d’énoncer le problème réel que les importations peuvent poser en l’absence de politique de régulation10. Les dommages imputables à des facteurs internes La réglementation antidumping, à l’instar des règlements des différends, met l’accent sur l’investigation, ce qui met en lumière la complexité du commerce international, mais pas seulement, des facteurs économiques internes jouent en défaveur de telle ou telle branche. C’est particulièrement vrai pour l’agriculture, délaissée par les gouvernements et la coopération internationale. L’accord sur la mise en œuvre de l’article VI cite en plus du dumping et des importation à bas prix quelques facteurs de base: « la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs étrangers et nationaux et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de la branche de production nationale ». La contraction de la demande ou la modification de sa configuration est énoncée, mais pas l’excès de l’offre qui est pourtant un facteur très souvent en cause. La difficulté pour les producteurs agricole de s’ajuster à la demande nécessite la mise en place (ou le maintien) des instruments de gestion de l’offre de produits agricoles. Or c’est face à la situation inverse que l’on se trouve, puisque les programmes d’ajustement structurel ont eu tendance à orienter la production vers l’exportation dans de nombreux pas sous ajustement, négligeant la nécessaire limitation de l’offre. Sur un autre plan, et c’est particulièrement important pour l’agriculture, les effets croisés entre les produits ne sont pas envisagés. L’exemple du différentiel de protection du marché de l’Union européenne, entre les céréales et les oléagineux et les produits de substitution aux céréales est très illustratif de l’imbrication forte des produits agricole. Bien entendu, ce n’est pas le rôle de l’article VI d’analyser la situation économique de chaque branche de production, mais seulement d’examiner le bien fondé d’une plainte dans le cadre de procédure reconnue. Les plaignants Le dumping n’est considéré que s’il y a plainte et dommage. Cependant, la plainte doit émaner d’une partie significative de la branche de production. Il faut que les plaignants représentent au moins 25% des producteurs et au moins 50% du volume de la production. La situation des producteurs n’est pas identique et ils sont, en principe, eux-mêmes en concurrence. Les producteurs les moins compétitifs auront plus tendance à se protéger et à invoquer le dumping, alors que les dommages pourraient avoir pour origine leur manque de compétitivité relative, y compris à l’intérieur de la branche nationale. Néanmoins, les firmes liées (au sens de l’article VI) n’entrent pas dans le calcul. Cela a pour conséquence que la base de calcul a tendance à s’abaisser du fait qu’il y a de plus en plus de firmes liées. Par ailleurs, ces firmes posent un problème spécifique, dans la mesure ou elles importent des produits à des prix de transfert et peuvent pratiquer un dumping caché. Ce n’est là pas un Il est vrai que les effets sur la branche de production du pays importateur n’est qu’une partie du problème car se pose aussi la question de la concurrence entre pays exportateurs qui dans la procédure d’enquête peuvent se présenter comme « partie intéressée ». 10 7 phénomène anodin puisque la part de transactions internationales effectuées entre firmes liées est estimée à 50-60% Ce commerce spécifique est soumis au mêmes règles antidumping mais pose beaucoup de difficultés dans l’estimation du « prix à l’exportation ». Dans ce cas, le prix normal sera comparé au prix auquel l’importateur revend la marchandise à un acheteur indépendant. La valeur normale et les coûts de production L’article VI du GATT de 94 prévoit la possibilité, en dernier ressort, de calculer le prix intérieur normal à partir des coûts de production, lorsqu’il n’est pas possible de le tirer de transactions effectives comparables. C’est Accord sur la mise en œuvre de l’article VI qui précise que : « Lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales sur le marché intérieur du pays exportateur ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché ou du faible volume des ventes sur le marché intérieur du pays exportateur, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la marge de dumping sera déterminée par comparaison avec un prix comparable du produit similaire lorsque celui-ci est exporté à destination d’un pays tiers approprié, à condition que ce prix soit représentatif, ou avec le coût de production dans le pays d’origine majoré d’un montant raisonnable pour les frais d’administration et de commercialisation et les frais de caractère général, et pour les bénéfices »11. La valeur normale du produit calculée par le biais des coûts de production est appelée « valeur normale construite ». La valeur normale construite est systématiquement utilisée dans la procédure antidumping La valeur construite, même si elle n’est pas la méthode retenue pour établir la « valeur normale » qui sera comparée au prix d’exportation pour déterminer la marge de dumping, intervient systématiquement dans la procédure de mise en œuvre des mesure antidumping au sein de l’Union européenne. En effet, la valeur construite est indispensable pour effectuer le contrôle du caractère profitable des ventes. Car le contrôle du caractère profitable des ventes réalisées sur le marché intérieur est indispensable pour déterminer si celle-ci peuvent, en totalité ou partiellement, être retenues pour établir « la valeur normale ».En effet, les ventes à perte ne peuvent être exclues des calculs que s’il est établi qu’elles ont été effectuées sur une période étendue en quantités substantielles12. Une des deux conditions suivantes doit être vérifiée pour exclure les ventes à perte du calcul de la valeur normale : soit que pendant la période d’enquête, le prix de vente moyen pondéré soit inférieur au coût unitaire moyen pondéré complet (Il y a donc vente globalement à perte) soit qu’au cours de la période d’enquête les ventes à perte individuelles représentent au moins 20% des quantités totales prises en considération. La vente en dessous des coûts de production (sur le marché intérieur) est donc admise13 pour autant que leur volume reste en deçà du seuil de 20% des ventes prises en considération pour la détermination de la valeur normale. Les ventes à des prix inférieurs aux coûts de production Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, article 2 § 2 12 Mémento pratique Francis Lefebvre, Communauté Européenne 2000-2001, juridique fiscal social comptable financier, ed. Francis Lefebvre, oct 1999, p. 531 13 Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 art. 2.2.1 11 8 sont donc considérées comme normale, lorsque qu’elles le sont pour des considérations « commerciales » (cf. soldes) et ne correspondent pas à une intention de dumping. Les auteurs de la note d’information du secrétariat de la CNUCED14 considèrent cette règle comme étant « extrêmement restrictive » et suggèrent de relever le seuil jusqu’à 40%. Leur objectif est de réduire la marge d’interprétation des autorités, dans le sens de l’imposition de droits anti-dumping indus. Ce qui semble devoir être évité, c’est d’une part, l’utilisation de la valeur normale construite qui n’est utilisée pour établir la marge de dumping, que lorsque les ventes sur le marché intérieur n’atteignent pas le seuil de 5 %. Et d’autre part, il faut éviter d’exclure les ventes à pertes sur le marché intérieur, ce qui aurait comme effet de « surévaluer » le prix normal et donc de surévaluer le dumping et les marges de celui-ci. Sur un autre plan, il s’agit d’une reconnaissance des cycles de produit et des considérations commerciales, qui nécessitent la vente d’une partie de la production à des prix inférieurs aux coûts de production. Peut-on établir un parallèle avec les exportations de produits agricoles bénéficiant de subventions à l’exportation ? Dans certaines limites, le maintien des subventions aux exportations pourrait se comprendre de la sorte d’autant plus qu’il ne fait pas de doute que les produits agricole ont un caractère cyclique, dont les volumes produits sont toujours incertains, ce qui justifie que l’offre recherchée dépasse la demande supposée. Dans ce cas, le rapprochement avec les pratiques d’aide alimentaire se doit d’être fait. Ces formes de transactions se justifient et sont même largement sollicitée. Le débat ne porte pas sur les coûts de production, mais sur les modalités de transactions et essentiellement sur le caractère dommageable qu’elles pourraient avoir sur les producteurs du pays importateur. Cela étant, les subsides aux exportations dans leurs contreparties, désignées sous les termes de « droits compensatoires » sont, comme le dumping, réglés par l’article VI du GATT de 1994. Cependant, l’Accord agricole, dans sa clause de modération15, en suspend les effets. Néanmoins, les subventions à l’exportation sont passibles de mesures compensatoires si un dommage ou un risque de dommage est avéré, même s’il est fait appel à la modération dans l’ouverture d’enquête. Pour un usage systématique de la valeur construite dans les cas de dumping de produits agricoles Etant donné que la valeur normale des produits agricole est faussée quasi systématiquement, notamment par les subventions, les incitations, les prélèvements et autres intervention des gouvernements, avance l’IATP (cf. méthode de subvention américaine), il est hasardeux de mesurer le dumping en se basant sur les prix de marché. L’IATP plaide, dans le cas des exportations des Etats-Unis, d’établir que ceux-ci exportent à des prix de dumping et d’en calculer la marge en partant des coûts de production16. Cette organisation propose donc d’utiliser la valeur normale construite de manière systématique. Le« coût total du produit » calculé selon la méthode préconisée par l’IATP, comprend les coûts de production, les coûts de transport, d’inspection, de recherche développement, les aides versées par le gouvernement, etc. 14 Cnuced, p. 14 Accord sur l’agriculture, article 13, alinéa C i. 16 Dumping as a Structural Feature of US Agriculture: Can WTO Rules Solve the Problem?, Mark Ritchie, Suzanne Wisniewski and Sophia Murphy, Institute for Agriculture and Trade Policy, 15 9 Les coûts de production seraient faciles à obtenir auprès du ministère du l’agriculture des Etats-Unis. Les niveaux de subvention sont fournis par l’OCDE dans le cadre de leur système d’estimation du soutien au producteur (ESP). Les coûts du transport (de la ferme au port d’exportation), significatifs dans le coût total, est une moyenne des coûts de transport pour l’ensemble des produits et issus de sources multiples. Sur cette base, l’IATP estime pouvoir approcher le coût total de production, malgré que certains des coûts de production, en ce y compris les coûts d’inspection, de recherche-développement, se prêtent mal à leur incorporation aux coûts de production spécifiques d’un produit particulier. De cette manière, l’IATP montre que les céréales et le coton, par exemple, exportés par les Etats-Unis ont été vendu sur le marché mondial à un prix inférieur de 30 % de leur valeur normale construite selon leur méthode. Les conditions de production et de mise en marché des produits agricoles des Etats-Unis, si l’on suit l’IATP dans cette voie, conduisent à des opérations commerciales qui peuvent être considérée comme anormale. Dans ce cas, les critères imposés par l’article VI du GATT ne sont pas rencontrés (cf. page 2) et décident qu’il n’est pas possible d’établir « la valeur normale » au départ des prix sur le marché intérieur du pays exportateur. La réglementation antidumping de l’Union Européenne considère que les ventes en dessous des coûts de production entraînent des opérations commerciales anormales (les transactions entre firmes liées, sur des marchés captifs ou par des entreprises en position dominantes sont aussi considérées comme opérations commerciales anormales) si elles se sont échelonnées sur une période assez longue et ont porté sur des quantités substantielles et si les prix pratiqués ne permettent pas de couvrir tous les coûts dans un délai raisonnable au cours d’opération commerciales normales. Donc lorsque les opérations commerciale peuvent être considérées comme anormale, il est permis d’établir « la valeur normale » sur d’autres bases que le prix intérieur et en particulier, sur la base de la valeur construite. Un prix de base Afin de faciliter le constat de dumping, dans le cadre de la crise de la sidérurgie (Traité CECA), la Commission publiait des prix de base17« établis à partir du prix normal ou des coûts de production normaux les plus bas dans le ou les pays fournisseurs où règnent des conditions normales de concurrence et compren(nent) les frais de transport et d’assurance ainsi que les droits de douanes »18,). Ces prix de base se substituant à la « valeur normale », permettaient aisément la comparaison avec les prix à l’exportation (plus les coûts de la transaction), ce qui instaurait ainsi un système de surveillance constante des importations à des prix de dumping. Ce système de surveillance pourrait être transposé dans le cas des prix agricole et ajouter plus de transparence dans le commerce de produits agricoles, en particulier dans le cas de dumping systématique. C’est ce qui est suggéré par le travail de l’IATP. Les subventions aux producteurs sont-elles assimilables à du dumping ? L’article VI du GATT, ne concerne pas uniquement les mesures antidumping mais également les droits compensatoires applicables à l’encontre de produits importés, qui auraient bénéficiés de subventions. 17 18 Boudant, p. 89 Considérant de recommandations CECA, cité par Boudant, p. 92 10 Comme le dumping, les subventions peuvent causer des dommages à une branche de production. De ce point de vue, l’application de droits compensateurs peut s’appliquer, à juste titre, pour rétablir le niveau adéquat de prix à l’importation. Il s’agit dans ce cas de plaintes particulières, dont les règles de représentativité sont équivalentes à celle concernant les plaintes pour dumping, qui concernent des importations particulières. Leurs effets –des dommages infligés à une branche de production- aussi bien que leurs traitements, permettent d’assimiler dumping et subvention. Par contre, les subventions peuvent prendre des formes très diverses. Tout avantage conféré à des entreprises par une contribution financière des pouvoirs publics peut être considéré comme une subvention, tels des aides directes, des aide à l’exportation, des conditions favorables de tarifs de transport, des avantages fiscaux, de prêts, amortissement… Le calcul du montant de la subvention doit refléter l'avantage conféré au bénéficiaire au cours de la période d'enquête. Il a pour objectif d’obtenir le montant de la subvention par unité de production, partant du principe qu’un effet important d’une subvention est de toujours réduire les coûts supportés par le bénéficiaire.19 Les estimations des subventions aux producteurs agricoles n’ont pas la limpidité de l’application de l’article VI du GATT Les applications de droits compensateurs font donc suite à des plaintes émanant d’entreprises représentatives des branches de production concernées et dépendent des résultats d’enquêtes sur l’existence de dommages que subissent ces branches de production et qui sont imputables à des subventions particulières. Dans ce cas, le principe est simple et le déclanchement de la procédure est unilatérale. A l’inverse, les décisions de tolérer certains types de subventions, qui seraient donc exemptés des effets de l’article VI du GATT, dépendent de la perception multilatérale et globale, des effets et des distorsions potentielles qu’ils pourraient occasionner sur les marchés. Pour les produits agricoles, c’est l’Accord sur l’agriculture issu de l’Uruguay round qui délimite les règles concernant les subventions autorisées et, par sa clause de modération, suspend les effets de l’article VI du GATT quant à l’application de droits compensateurs. Cette suspension est toutefois soumise à la conformité des subventions avec l’Accord. Seules les subventions aux exportations, même conformes aux prescriptions de l’Accord, sont passibles d’application de droits compensateurs, si elles causent des dommages. Mais, précise l’Accord, il sera fait preuve de modération pour l'ouverture de toute enquête Il s’agit bien de décisions politiques dont les choix reposent sur le principe du respect du marché libre, mais aussi sur des rapports de forces en présences. Encore faut-il tenter d’objectiver ces choix en s’appuyant sur les instruments qui permettent d’apprécier les distorsions potentielles occasionnées par les différents types de subvention ainsi que d’en comparer les volumes entre les pays La comparaison entre les types de subventions et leurs quantités globales pose de nombreux problèmes que n’arrive pas forcément à résoudre les instruments utilisés. Cela conduits à des marges d’interprétation très larges qui, s’ajoutant aux propos caricaturaux, obscurcissent le débat politique plus qu’il ne l’éclaire Par exemple, lorsqu’une ONG internationale affirme, dans le cadre de sa campagne de lobby contre les subventions de l’Union Européenne, que chaque vache de l'Union européenne (UE) 19 Calcul du montant des subventions dans le cadre des enquêtes antisubventions, Communication de la Commission (98/C 394/04), Journal officiel des Communautés européennes du 17.12.98, p. 7 11 serait subventionnée à raison de 2 euros par jour (soit 16,7 milliards d'euros pour 2000), ce chiffre peut être ramené à 0,34 euros par vache et par jour, selon une autre analyse. « Les dépenses du FEOGA ont été de 2,5 Md €, soit 15% seulement des 16,7 milliards allégués par l'OCDE, ce qui, pour 20,4 millions de vaches laitières, représente 0,34 € par vache, le surplus négatif du consommateur représentant donc 85% du total …[L’OCDE inclut] la différence entre prix agricoles intérieurs et prix mondiaux comme un manque à gagner des consommateurs … … A priori on ne devrait donc appliquer la perte de surplus des consommateurs qu'à environ 10% de la consommation mondiale, ou de celle de l'OCDE en l'occurrence… »20 L’« estimation du soutien au producteur » (ESP), l’indicateur de l’OCDE L’estimation du soutien au producteur est un indicateur développé par la FAO et ensuite par l’OCDE ; il est utilisé pour mesurer les soutiens fournis aux producteurs agricoles, notamment dans le cadre des négociations internationales sur le commerce. La formule utilisée est basée sur la différence de prix existant entre le marché domestique et le marché international, à laquelle on ajoute les aides directes et dont on retire les prélèvements et les surcoûts. ESP total brut= Q.(P-Pm)+PD-PL-AA. Les critiques21 faites à cet indicateur montrent toute la difficulté du débat global sur les subventions, et leur assimilation à du « dumping ». L’ESP additionne les deux grands canaux de support à l’agriculture : les transferts du contribuable par le biais des subventions et les transferts des consommateurs, qui sont la différence entre le prix de référence international et le prix domestique à la ferme. L’un et l’autre sont regroupés et assimilés, sous le vocable « subvention ». Toute la production mise en marché intervient dans le calcul de l’estimation, y compris la part de loin la plus importante, qui ne quitte pas le marché domestique… Le choix de la référence de prix sur le marché international n’est pas neutre et a une influence sur les résultats. (cf. le choix de la Nouvelle-Zélande pour le lait). La comparaison entre les ESP des différents pays est également très largement biaisée à cause de l’évolution des taux de change entre les monnaies nationales et la monnaie de référence ($US). Plus fondamentalement, il est difficile de concilier la référence au marché mondial pour mesurer le niveau des soutiens, alors que l’on prête le pouvoir de ces soutiens de modifier les prix mondiaux. Autrement dit, les soutiens peuvent aussi bien être l’effet que la cause de l’évolution des prix mondiaux. Il est donc hasardeux d’estimer les niveaux des transferts aux producteurs en se basant sur des prix mondiaux alors qu’on peut difficilement estimer ce que ces prix seraient en l’absence de politique agricole. Le calcul de la subvention est basé sur l’hypothèse que les structures de marché d’un pays à l’autre sont identiques. (cf. le cas du lait au Canada). Ainsi, si dans le cas du Canada, pour le lait, les consommateur paient un prix donné comparable au prix de référence, mais que les producteurs bénéficient d’un prix supérieur grâce à la réduction des marges des transformateurs ou à d’autres réduction de coûts aux différents niveaux de la filière, la différence sera portée au compte du subside au producteur … De même, si la transmission du prix à la ferme jusqu’au consommateur n’est pas complète (l’est-elle souvent ?) alors le transfert des consommateurs vers les producteurs n’est pas réel non plus, ce sont les différences de marges des intermédiaires qui diffèrent. Des comparaisons 20 Jacques Berthelot- 12 mars 2003 in http://forum1.inter-reseaux.net/article.php3?id_article=334 Analyse critique du concept d’esp, estimation du soutien au producteur. Application au secteur laitier. M. Doyon, D.-M. Gouin, N. Paillat in Economie Rurale 272. 2002 Paris. 21 12 faites entre plusieurs pays sur la transmission du prix du lait à la ferme vers les consommateurs montrent que, dans les cas observés, les hausses de prix à la ferme étaient transmises jusqu’aux consommateurs, alors que les baisses ne l’étaient pas, sauf au Québec. La situation particulière du Québec était principalement dues à la réglementation imposant un cadre à la fixation des marges des intermédiaires. Ainsi, lorsque les producteurs bénéficient d’un système de mise en marché collectif, ils peuvent retenir une plus grande part du prix aux consommateurs à la place des intermédiaires. La disproportion de pouvoir de marché entre, d’une part les producteurs agricoles, et d’autre part, les transformateurs et les autres intermédiaires est telle, qu’un effort d’organisation entre les producteurs est indispensable Mais, vu au travers de l’ESP, toute augmentation relative du pouvoir de marché des producteurs, ou les plus grandes performances d’une structure de marché d’un pays à l’autre, sont interprétés comme déloyales par rapport aux producteurs d’autre pays, ce qui est un contresens. Conclusion Le commerce des produits agricoles suscite de nombreux débats, tant le secteur est sensible. La baisse tendancielle des prix est continue, le secteur est en crise permanente et les accusations de dumping fusent. Le vocable sonne d’ailleurs de plus en plus comme une insulte. Pourtant la notion de dumping, comme les recours vis-à-vis de ces pratiques, sont largement codifiées et sont intégrées dans les législations nationales de nombreux Etats. Les supports à l’agriculture sont décriés comme étant du dumping, lorsque les produits sont exportés, par contre la clause de modération de l’Accord agricole issu du cycle de négociation commerciale de l’Uruguay, suspend les effets de l’article VI du GATT, qui organise les mesures compensatoires (aux subventions).Par ailleurs, les subventions font l’objet de limitation globales en fonction de leur effets potentiels de distorsion sur le marché et dont les instruments de mesure sont sujet à caution. Les orientations actuelles des règles internationales du commerce agricole prennent la mauvaise voie. Il serait préférable d’examiner l’ensemble des pratiques commerciales en fonction de leurs effets sur l’agriculture des pays tiers et de les traiter selon les procédures de l’article VI du GATT. Il serait préférable de partir d’enquêtes sur les dommages occasionnés, instruites sur la base de plaintes fondées, introduites par une part représentative des producteurs concernés. Cela suppose que la clause de modération ne soit pas maintenue, et donc que les droits compensateurs puissent être utilisés et que des mesures de sauvegardes généralisées viennent compléter l’article VI. La notion de désorganisation de marché devrait ainsi rejoindre le système antidumping, basé sur le relèvement des droits de douanes à un niveau suffisant pour éliminer le préjudice causé. 13