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L’anti dumping
Document de travail
Alex Danau
Collectif Stratégies Alimentaires asbl
12 mai 2003
Le dumping est considéré comme une pratique commerciale déloyale. À ce titre, il est traité
par le GATT, qui le considère au regard de son article VI sur les droits « antidumping » et les
droits compensateurs. En vertu de cet article, un membre est autorisé à prélever des droits
« antidumping » à l’importation de produits réputés être vendus à un prix inférieur au prix
auquel le pays exportateur le commercialise sur son marché intérieur. Le prélèvement d’un
droit de douane permet de rétablir les prix à l’importation à un niveau considéré comme
normal.
Néanmoins, une condition est assortie au prélèvement de droit antidumping : il faut qu’un
préjudice important, réel ou potentiel, soit retenu. Le dumping, en tant que tel, n’est donc pas
sanctionnable, encore faut-il qu’il ait causé un préjudice important à un autre membre.
L’article 6 §1 du GATT commence par cette condition que le dumping « est condamnable s’il
cause ou menace de causer un préjudice important à une production établie d’une partie
contractante ou s’il retarde sensiblement la création d’une production nationale ».
Sommaire
L’anti dumping 1
La définition du dumping 2
Le dumping de prix, seule forme considérée par le GATT 2
Les autres formes de « dumping » 3
Les « soldes » sur les marchés intérieurs sont plus appréciés que le dumping sur les
marchés internationaux 3
L’application des règles antidumping 4
L’importance d’établir les dommages causés par le dumping 4
Les plaignants 7
La valeur normale et les coûts de production 8
Les subventions aux producteurs sont-elles assimilables à du dumping ? 10
Les estimations des subventions aux producteurs agricoles n’ont pas la limpidité de
l’application de l’article VI du GATT 11
Conclusion 13
2
La définition du dumping
Le terme de dumping
1
semble être apparu au cours du 19ème siècle, désignant l’action de se
débarrasser d’un stock à tout prix. Cette action pouvait concerner deux pratiques différentes.
La première, le dumping interne, est axée sur le marché intérieur et vise à briser la
concurrence ; l’autre, le dumping international, est destinée à écouler des surplus sur les
marchés extérieurs, faute de demande interne.
La définition du dumping s’est approfondie durant l’entre-deux-guerres dans un contexte de
relations économiques très crispées. Les pays européens affaiblis, leurs monnaies dépréciées
par rapport au dollar, durent lutter contre la poussée économique des Etats-Unis. Afin
d’exporter leurs produits, ils pratiquèrent des prix de dumping.
La définition actuelle est restée proche de celle de Jacob Viner, économiste américain qui la
proposa dans son mémorandum sur le dumping destiné au Comité préparatoire de la
Conférence économique internationale, convoquée en 1927 par la Société des Nations. Il en
fit une analyse poussée et en énonça les principaux mobiles :
l’écoulement d’excédents de stocks ;
le développement ou la conservation de certains débouchés extérieurs ;
l’augmentation des ventes en vue d’accroître la production ;
un prix de monopole ou de quasi monopole sur le marché intérieur ;
la volonté d’évincer un concurrent ou de lui résister.
Selon Viner, les conditions d’émergence des pratiques de dumping sont la présence
d’industries organisées en trusts et cartels ou l’existence de mesures protectionnistes
importantes protégeant les marchés intérieurs de la concurrence étrangère.
Il montre que l’appréciation du dumping diffère selon que les pays soient protectionnistes ou
libre-échangistes. Mais cette appréciation dépend plus essentiellement de « ... l’incidence du
dumping sur la conjoncture économique nationale [ce] qui incitera le plus souvent le pays à
laisser faire ou à réagir devant un dumping »
2
Le dumping de prix, seule forme considérée par le GATT
Le GATT considère exclusivement le dumping de prix. Il le définit comme « l’introduction
des produits d’un pays sur le marché d’un autre pays à un prix inférieur à sa valeur
normale »
3
. Pour déterminer cette valeur normale, le GATT se réfère en priorité au prix
pratiqué sur le marché intérieur d’un membre.
« Aux fins d’application du présent article, un produit exporté d’un pays vers un autre doit
être considéré comme étant introduit sur le marché d’un pays importateur à un prix inférieur
à sa valeur normale, si le prix de ce produit est
a) inférieur au prix comparable pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour
un produit similaire, destiné à la consommation dans le pays exportateur;
b) ou, en l’absence d’un tel prix sur le marché intérieur de ce dernier pays, si le prix du
produit exporté est
i) inférieur au prix comparable le plus élevé pour l’exportation d’un produit similaire
vers un pays tiers au cours d’opérations commerciales normales,
1
Tiré de L’anti-dumping communautaire, Joël Boudant, Travaux de la Commission pour l’étude des
communautés Européennes (CEDECE) et Economica, 1991.
2
Ibid. p. 24
3
Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947(GATT), article 6 §1
3
ii) ou inférieur au coût de production de ce produit dans le pays d’origine, plus un
supplément raisonnable pour les frais de vente et le bénéfice. »
4
Lorsque ce critère principal n’est pas rencontré, - prix intérieur comparable pratiqué au cours
d’opérations commerciales normales- , la valeur normale peut être déterminée soit sur le
premier critère subsidiaire soit sur le second qui est construit sur la base des coûts de
production. Le choix entre les deux critères subsidiaires est libre.
Les autres formes de « dumping »
Différentes formes de dumping, le dumping social, monétaire, écologique, de fret etc., ne sont
pas reconnus par le GATT. Ces formes de dumping ne recouvrent pas la définition du
dumping que le GATT a retenue (le GATT n’a pas inventé sa définition du dumping qui est
issue d’un long processus de d’élaboration internationale du concept et d’homogénéisation de
pratiques réglementaires nationales…).
Le dumping social, par exemple, se différencie du dumping de prix parce qu’il n’implique pas
un différentiel de prix et qu’il n’introduit pas une discrimination entre les membres puisque
« cette forme de compression des prix » est vraie pour tous les marchés, y compris les
marchés intérieurs. Les bas salaires profitent à tous les acheteurs potentiels.
Il en est tout aussi vrai des faibles prix dus à la surexploitation des ressources
environnementales. Les expressions « dumping environnemental » et « dumping social »
constituent de fait un abus de langage, mais n’en désignent pas moins des phénomènes
importants. Peut-être serait-il plus judicieux de proposer un terme qui les distingue
sémantiquement du dumping de prix. De même, ils pourraient être traités par des mesures
spécifiques tel le contingentement (mesure prohibée par l’OMC).
Les « soldes » sur les marchés intérieurs sont plus appréciés que
le dumping sur les marchés internationaux
Le dumping est une pratique décriée. Mais pourquoi des cadeaux faits aux acheteurs sont-ils
si peu appréciés ?
L’observation des pratiques commerciale sur les marchés intérieurs permet de traiter le sujet
avec une approche moins moraliste tout en le rapprochant de comportement que nous
connaissons mieux, puisque nous y sommes confrontés régulièrement. Nous connaissons bien
l’engouement du public (du moins au sein de l’UE) pour les soldes qui sont clairement des
ventes à perte.
De fait, les ventes à perte sont interdites sur les marchés intérieurs pour les mêmes raisons que
dans la sphère internationale, soit le respect d’une concurrence loyale. Cependant, la pratique
des soldes est autorisée et justifiée par la nécessité, en fin de saison, de liquider sur une
période relativement courte, les biens invendus.
En Belgique, par exemple, la réglementation sur les soldes délimite cette pratique qui ne peut
intervenir qu’à des périodes précises et courtes. Mais justement, cette réglementation est
remise en cause
5
, non pas pour interdire les soldes, mais pour les déréglementer. Le secteur de
la distribution souhaite ardemment cette déréglementation, alors que les indépendants et
petites et moyennes entreprises souhaitent la conserver, craignant la concurrence à outrance
des grands groupes. Il est intéressant de noter que les organisations de consommateurs
4
Ibidem
5
CONSEIL DE LA CONSOMMATION Avis sur l'opportunité de modifier la réglementation actuelle des soldes
(C.C. 22.Bruxelles, le 27 juin 2000
4
plaident également pour la déréglementation, en particulier pour favoriser un meilleur ciblage
ses saisons.
Le débat ne porte donc pas sur la pertinence des ventes à perte appliquées sur une partie de la
production « invendue », mais bien sur les modalités qui en permettent l’exercice.
Producteurs, intermédiaires et consommateurs reconnaissent l’existence de cycles liés au
processus de production commercialisation et la nécessité de la mise en marché du solde des
invendus à titre d’exception aux règles de la concurrence.
Tout l’intérêt du débat sur le marché intérieur, réside dans cette triple reconnaissance : pour le
consommateur de la nécessité de la concurrence, de la loyauté de celle-ci pour les parties en
concurrence et, pour les uns et les autres, de la réalité de l’imperfection de la chaîne de la
production à la consommation finale et donc de la manière dont il faut régler ce que le marché
ne peut faire sans intervention particulière.
L’application des règles antidumping
L’importance d’établir les dommages causés par le dumping
Le dumping « est condamnable s’il cause ou menace de causer un préjudice important à une
production établie d’une partie contractante ou s’il retarde sensiblement la création d’une
production nationale » (article 6 §1 du GATT).
Ce qui est reproché au dumping, sur la scène internationale, c’est l’impact que ces ventes « à
perte » peuvent avoir sur la branche de production nationale de pays importateurs.
... le terme "dommage" s'entendra, sauf indication contraire, d'un dommage important causé
à une branche de production nationale, d'une menace de dommage important pour une
branche de production nationale ou d'un retard important dans la création d'une branche de
production nationale…
6
Le dumping peut provoquer des dommages à des pays tiers, mais le constat de la seule vente
en dessous du prix normal ne suffit pas, encore faut-il apporter la preuve de l’existence d’un
dommage
« La détermination de l'existence d'un dommage aux fins de l'article VI du GATT de 1994 se
fondera sur des éléments de preuve positifs et comportera un examen objectif a) du volume
des importations faisant l'objet d'un dumping et de l'effet des importations faisant l'objet d'un
dumping sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur, et b) de l'incidence de
ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits. »
Il faut donc mener une enquête approfondie pour estimer la situation de la branche de
production concernée. Le paragraphe 4 de l’article 3 de l’accord sur la mise en oeuvre de
mesures antidumping énumère les facteurs et indices économiques qui sont pertinents pour
estimer la situation de la branche de production, précisant qu’ils ne sont pas exhaustifs :
« diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de
marché, de la productivité, du retour sur investissement, ou de l’utilisation des capacités;
facteurs qui influent sur les prix intérieurs; importance de la marge de dumping; effets
négatifs, effectifs et potentiels, sur le flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la
croissance, la capacité de se procurer des capitaux ou l’investissement. »
L’examen des facteurs et indices économique influençant une branche de production peut être
très large, mais le constat d’effets ne peut suffire à incriminer le dumping. Les effets se
6
Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de
1994. article 3, note de bas de page 9
5
doivent d’être reliés à une cause. « Il devra être démontré que les importations faisant l’objet
d’un dumping causent, par les effets du dumping, tels qu’ils sont définis aux paragraphes 2 et
4, un dommage au sens du présent accord. La démonstration d’un lien de causalité entre les
importations faisant l’objet d’un dumping et le dommage causé à la branche de production
nationale se fondera sur l’examen de tous les éléments de preuve pertinents dont disposent les
autorités. »
7
Toute la difficulté réside ici dans l’établissement du lien de causalité, ce qui nécessite
d’appréhender les différents facteurs pertinents pouvant causer des dommages à la branche de
production plaignante et de vérifier si parmi eux, c’est bien le dumping qui est déterminant.
« Celles-ci examineront aussi tous les facteurs connus autres que les importations faisant
l’objet d’un dumping qui, au même moment, causent un dommage à la branche de production
nationale, et les dommages causés par ces autres facteurs ne devront pas être imputés aux
importations faisant l’objet d’un dumping. »
Il faut que le dommage imputable au dumping soit significatif, important selon la définition
de l’accord, donc en principe il devrait pouvoir être mis en évidence.
Le dumping et les subventions comme substitut de mesures de régulation ou
comme bouc émissaire
Eviter que le dumping et les subventions ne soient les boucs émissaires du mal
développement contribue à équilibrer le débat sur la réglementation du commerce
international. Car en fin de compte, ce débat n’a de sens que parce qu’il soutient que la liberté
de commerce peut entraver le développement ou l’orienter de manière inadéquate au bénéfice
unique de groupes sociaux (voire d’entreprises) restreints, alors que la majorité des
populations demeurerait dans des situations de pauvreté et de précarités, voire de misère.
La réglementation sur le dumping met elle plus l’accent sur les mesures antidumping que sur
le dumping pour limiter les tentations de protectionnisme. C’est l’hypothèse du bien-fondé
économique du libre échange qui est soutenu. De ce point de vue, l’a priori de
protectionnisme est à l’encontre du pays importateur, à qui il incombe la charge de la preuve.
Il s’agit donc de vérifier si les difficultés d’une branche de production n’ont pas d’autres
causes plus déterminantes que le dumping.
Parmi les autres facteurs qui pourraient être la cause des dommages occasionnés à une
branche de production, notons le volume et les prix des importations non vendues à des prix
de dumping.
La détermination de la cause d’un dommage place sur le même pied les importations avec ou
sans dumping, ce qui est somme toute logique. C’est la reconnaissance directe que se sont les
flux d’importations qui peuvent induire des dommages à une branche de production et non le
dumping par essence. C’est important, parce que cela plaide en faveur des droits de douane
qui sont censés réguler les flux d’importations dommageables et non pas uniquement en
faveur de droits antidumping.
Le dumping est, dans ce contexte, remis en perspective parmi les flux de produits concurrents
qui circulent et pénètrent les marchés de pays importateurs. Ce n’est pas uniquement la
discrimination (l’existence du double prix), et donc de la déloyauté dans la liberté de
commerce qui est questionnée, mais c’est également une manière d’incriminer l’absence de
limitation des flux de produits par les pays importateurs. Or, l’OMC exclu les limitations
quantitatives et réduit systématiquement et continuellement les droits de douane, principaux
instruments de régulation des importations.
7
ibidem, l’article3,§5
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