Fabien TARRIT (Reims Champagne

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Colloque international jeunes chercheurs
Titre : « les méthodes en philosophie politique »
Dates : lundi 28 février, mardi 1er et mercredi 2 mars 2005
Lieu : Université de Rennes I (France), Campus de Beaulieu, UFR de Philosophie
Fabien TARRIT (Reims Champagne-Ardenne, UFR Sciences Economiques, CERAS OMI-LAME)
[email protected]
Titre de la communication : Marxisme et philosophie analytique : une réconciliation autour
de Cohen.
Résumé :
L’orthodoxie marxiste affirme avec force que les méthodes marxistes sont en
contradiction avec le positivisme logique et la philosophie analytique. Cohen fut le
premier à franchir explicitement la barrière historique entre marxisme et philosophie
analytique. Il s’agit d’une nouveauté bilatérale ; traditionnellement la philosophie
analytique a été hostile au marxisme, et à la philosophie continentale en général. La
philosophie dite continentale est critiquée pour son manque de rigueur. Réciproquement,
les philosophes dits continentaux critiquent la philosophie anglophone pour son caractère
trop universitaire. Cohen ne rejette pas explicitement l’hégélianisme mais il le rejette de
fait lorsqu’il substitue, de façon analytique, c’est-à-dire, non dialectique, un vocabulaire
analytique aux concepts hégéliens. D’une manière plus générale, Cohen a franchi la ligne
de démarcation entre marxisme et courant académique. Il définit sa méthode comme un
ensemble de théorèmes suivant un ensemble de postulats dont il teste la validité, et il se
revendique du positivisme logique en termes de précision intellectuelle. Cohen tente de
défendre la théorie de l’histoire de Marx en utilisant les critères analytiques. Il se fixe
pour objectif de resituer le marxisme dans un courant de pensée traditionnel. Son but
n’est pas de défendre le marxisme comme un ensemble homogène, mais, comme le titre
de son ouvrage l’indique, de défendre le matérialisme historique. Il est possible
d’affirmer que l’apport de Cohen est une approche la société comme une articulation
entre les éléments qui la composent, dont chacun doit être analysé indépendamment au
préalable, comme il procède lui-même avec les forces productives et les rapports de
production. Les abstractions analytiques paraissent incompatibles avec une lecture
marxienne. Pourtant, Cohen analyse des parties déterminantes d’une totalité complexe en
faisant abstraction de leur appartenance à cette totalité. Il définit le contenu sans référence
à la forme.
Positivisme logique et philosophie analytique peuvent être considérés comme deux
aspects de la même conception du monde. L’analyste brise les totalités complexes en
leurs parties constituantes ; le positiviste essaie de les rassembler. Telle est la démarche
entreprise par Cohen : d’abord il sépare les éléments, puis il les définit isolément. Il
semble acquis à l’idée que le marxisme souffre d’un manque de clarté, d’intelligibilité,
dont l’une des principales causes serait la prégnance de la logique hégélienne conduisant
à la confusion, à l’acceptation d’arguments invalides. Il rejette par conséquent toute
spécificité méthodologique du marxisme et maintient que le marxisme, puise sa
singularité dans ses positions sur le fonctionnement du monde, et que toute méthode, à
partir du moment où elle permet une expression rigoureuse, peut être mise au service du
marxisme. Pour Cohen, la philosophie n’a pas pour objectif premier d’être une prise de
01/03/2005
Présentation 10, F. T.
Colloque international jeunes chercheurs
Titre : « les méthodes en philosophie politique »
Dates : lundi 28 février, mardi 1er et mercredi 2 mars 2005
Lieu : Université de Rennes I (France), Campus de Beaulieu, UFR de Philosophie
parti, mais une activité scientifique. Cohen utilise les méthodes de la philosophie
analytique pour une défense du matérialisme historique et a de la sorte servi de modèle
aux marxistes analytiques. Il s’est approprié un élément du marxisme, le matérialisme
historique, et l’a détaché du corpus théorique marxiste. Il extrait la théorie de l’histoire du
matérialisme dialectique, qui envisage le marxisme dans sa totalité, et en a produit un
travail analytique, conceptuel. Sur le modèle du positivisme logique, il ne juge pas le
matérialisme historique au regard de l’histoire réelle, mais sur sa cohérence conceptuelle.
Il envisage le marxisme comme une tradition intellectuelle productive. Son objectif est de
le débarrasser de ce qu’il considère comme un poids méthodologique et métathéorique.
Une clarification rigoureuse des concepts n’est bien sûr pas spécifique à l’analyse de
Cohen, mais ici, elle est au centre de son projet intellectuel ; elle procède d’une
séparation entre positif et normatif, ce qui constitue une rupture catégorique avec Hegel,
qui affirmait avoir dépassé l’opposition entre être et devoir. Le rôle d’un philosophe
analytique s’apparente à celui d’un scientifique, en ce qu’il cherche à vérifier si une
théorie est cohérente et testable, donc scientifique. Il n’est pas le premier à expérimenter
une reconstruction du marxisme sur une base analytique. Mais d’une part cette
reconstruction a rarement été entreprise sur le matérialisme historique ; le terrain
privilégié fut surtout la théorie économique, depuis les années 1960, avec Okishio,
Morishima, Steedman, Samuelson… ; d’autre part, il fut le premier à l’engager de
manière systématique et explicite.
De nombreuses critiques ont été adressées à Cohen par des philosophes analytiques,
qui lui reprochent son marxisme et par des marxistes, qui lui reprochent sa philosophie
analytique. Reste qu’en offrant une approche du marxisme correspondant aux canons de
la philosophie analytique et du positivisme logique, Cohen attira un certain nombre
d’auteurs ayant une relative sympathie pour le marxisme et qui, jusqu’à présent, butaient
sur les présupposés philosophiques lui étant traditionnellement attribués, à savoir
essentiellement son héritage hégélien. Cohen fut en cela un précurseur, faisant partie de
ces intellectuels radicaux anglo-saxons ayant subi l’influence de la vague althussérienne
dans les milieux universitaires d’Europe continentale. Il fut le premier à théoriser
explicitement et intentionnellement le marxisme sur la base d’instruments
méthodologiques traditionnels, et il a ouvert la voie à une nouvelle approche du
marxisme, qui a pris le nom de marxisme analytique. En ouvrant cette perspective, Cohen
a franchi la ligne de démarcation entre marxisme et courant académique et a ouvert la
voie à des interprétations fort originales du marxisme.
Repères bibliographiques
BENSAÏD Daniel [1995], Marx, l’intempestif, Fayard, Paris, 416 p.
CALLINICOS Alex [1989], Marxist Theory, Oxford University Press, Londres, 281 p.
CARLING Alan [1997], « Analytical and Essential Marxism », Political Studies, vol. 45,
p.768-783.
COHEN Gerald A. [2000, original 1978], Karl Marx’s Theory of History: a Defence,
Expanded Edition, Princeton University Press, Princeton, 442 p.
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Lieu : Université de Rennes I (France), Campus de Beaulieu, UFR de Philosophie
LOCK Graheme [1990], « Le marxisme analytique entre la philosophie et la science »,
Actuel Marx, n°7, 1er semestre, p.131-138.
ROBERTS Marcus [1996], Analytical Marxism : a Critique, Verso, Londres, 1996, 272
p.
ROEMER John [1986] ed., Analytical Marxism, Cambridge University Press,
Cambridge, 313 p.
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