Colloque international jeunes chercheurs
Titre : « les méthodes en philosophie politique »
Dates : lundi 28 février, mardi 1er et mercredi 2 mars 2005
Lieu : Université de Rennes I (France), Campus de Beaulieu, UFR de Philosophie
01/03/2005 Présentation 10, F. T.
parti, mais une activité scientifique. Cohen utilise les méthodes de la philosophie
analytique pour une défense du matérialisme historique et a de la sorte servi de modèle
aux marxistes analytiques. Il s’est approprié un élément du marxisme, le matérialisme
historique, et l’a détaché du corpus théorique marxiste. Il extrait la théorie de l’histoire du
matérialisme dialectique, qui envisage le marxisme dans sa totalité, et en a produit un
travail analytique, conceptuel. Sur le modèle du positivisme logique, il ne juge pas le
matérialisme historique au regard de l’histoire réelle, mais sur sa cohérence conceptuelle.
Il envisage le marxisme comme une tradition intellectuelle productive. Son objectif est de
le débarrasser de ce qu’il considère comme un poids méthodologique et métathéorique.
Une clarification rigoureuse des concepts n’est bien sûr pas spécifique à l’analyse de
Cohen, mais ici, elle est au centre de son projet intellectuel ; elle procède d’une
séparation entre positif et normatif, ce qui constitue une rupture catégorique avec Hegel,
qui affirmait avoir dépassé l’opposition entre être et devoir. Le rôle d’un philosophe
analytique s’apparente à celui d’un scientifique, en ce qu’il cherche à vérifier si une
théorie est cohérente et testable, donc scientifique. Il n’est pas le premier à expérimenter
une reconstruction du marxisme sur une base analytique. Mais d’une part cette
reconstruction a rarement été entreprise sur le matérialisme historique ; le terrain
privilégié fut surtout la théorie économique, depuis les années 1960, avec Okishio,
Morishima, Steedman, Samuelson… ; d’autre part, il fut le premier à l’engager de
manière systématique et explicite.
De nombreuses critiques ont été adressées à Cohen par des philosophes analytiques,
qui lui reprochent son marxisme et par des marxistes, qui lui reprochent sa philosophie
analytique. Reste qu’en offrant une approche du marxisme correspondant aux canons de
la philosophie analytique et du positivisme logique, Cohen attira un certain nombre
d’auteurs ayant une relative sympathie pour le marxisme et qui, jusqu’à présent, butaient
sur les présupposés philosophiques lui étant traditionnellement attribués, à savoir
essentiellement son héritage hégélien. Cohen fut en cela un précurseur, faisant partie de
ces intellectuels radicaux anglo-saxons ayant subi l’influence de la vague althussérienne
dans les milieux universitaires d’Europe continentale. Il fut le premier à théoriser
explicitement et intentionnellement le marxisme sur la base d’instruments
méthodologiques traditionnels, et il a ouvert la voie à une nouvelle approche du
marxisme, qui a pris le nom de marxisme analytique. En ouvrant cette perspective, Cohen
a franchi la ligne de démarcation entre marxisme et courant académique et a ouvert la
voie à des interprétations fort originales du marxisme.
Repères bibliographiques
BENSAÏD Daniel [1995], Marx, l’intempestif, Fayard, Paris, 416 p.
CALLINICOS Alex [1989], Marxist Theory, Oxford University Press, Londres, 281 p.
CARLING Alan [1997], « Analytical and Essential Marxism », Political Studies, vol. 45,
p.768-783.
COHEN Gerald A. [2000, original 1978], Karl Marx’s Theory of History: a Defence,
Expanded Edition, Princeton University Press, Princeton, 442 p.