L’entretien motivationnel, les étapes de changement et les dépendances. Prof. Henri Boon – U.M.H. - Mons Séminaire consacré aux « Problèmes liés à l’alcool » à Ho Chi Minh Ville, en novembre 2004. Tout thérapeute expérimenté a été confronté avec les résistances du patient, ses résistances propres et surtout l’absence de motivation dans le chef de celui qui abuse de substances. Il y a quelques années déjà, les psychologues William MILLER et Stephen ROLNICKE ont mis au point un style d’approche relationnelle qui est surtout un état d’esprit s’opposant à l’approche confrontationnelle habituelle. A ce nouveau style d’approche relationnelle, s’est en plus ajouté le modèle transthéorique de changement de James PROCHASKA et Carlo DI CLEMENTE décrivant les étapes qui mènent au changement. « L’entretien motivationnel est une approche centrée sur le patient, visant à amener un changement de comportement en aidant le patient à explorer et à résoudre souvent son ambivalence ». L’objectif principal est d’amener le patient à prendre conscience de la problématique, des possibilités de changement et des moyens à mettre en œuvre pour effectuer ces changements. Le patient prendra conscience qu’il ne s’agit pas de rayer d’un seul trait le ou les problèmes pour autant d’ailleurs qu’il reconnaisse en avoir, mais bien de proposer une série d’étapes intermédiaires et de moyens également adaptés à chaque étape pour favoriser après la prise de conscience les changements possibles. Les principes qui régissent les stratégies motivationnelles sont : 1. Empathie, c’est-à-dire reconnaître la personne dans son autonomie et son individualité. Accepter son vécu sans nécessairement l’approuver. 2. Peser le pour et le contre des abus de substances. 3. Eviter la contradiction et l’affrontement. 4. Renforcer le sentiment d’efficacité personnel. 5. Renforcer la liberté de choix. 1 Pour ce faire, on pratiquera, autant que faire se peut : les questions ouvertes en évitant bien sûr les questions fermées. la reformulation des paroles du patient. la prise de conscience des conséquences personnelles, familiales et sociales de la problématique et à chaque fois un résumé de l’entretien et de ses interactions. La relation thérapeutique sera de type partenariat en créant une relation de type co-présence. L’approche relationnelle et dialectique sera donc bien centrée sur la rencontre et non point sur la confrontation. On insistera sur les avantages sans aucune argumentation ce qui permettra donc de renforcer le sentiment personnel de prise en charge. Le thérapeute sera présent, disponible et à l’écoute. Cette approche incitative sera d’autant plus efficace que l’on tiendra compte des étapes de changement. En effet, les études de PROCHASKA et DI CLEMENTE ainsi que d’autres auteurs ont bien montré qu’il existait différents temps intermédiaires propices ou non à des processus stratégiques ou non de changement. Ces auteurs ont ainsi décrit 6 étapes et processus de changement : 1. l’indétermination où le sujet bien souvent nie avoir un problème voire une assuétude. Il va de soi que dans ces conditions aucune stratégie thérapeutique proposée ne fonctionnera. Seule l’information ou l’exemple pourra éventuellement inciter le sujet à se retrouver au stade suivant qui est 2. la pré-intention. Stade où le sujet accorde à reconnaître l’éventuelle existence mais bien souvent minimisée d’une certaine problématique vis-à-vis de substances nocives. L’information ainsi que l’éventuelle balance entre le contre et le pour pourra amener le patient au troisième stade qui est 3. l’intention. Moment privilégié où le sujet s’accorde à avouer une problématique néfaste et manifeste alors déjà l’intention d’éventuellement faire quelque chose pour régler ce problème. 4.La préparation. On pourra alors éventuellement l’amener au quatrième stade qui est celui de la préparation au changement où l’on mettra au point les stratégies possibles de manière à créer abstinence et maintien. 5.L’action sera la mise en place de ces stratégies qui tiendront compte des différents aspects biologiques, psychologiques et sociaux à réguler. 2 6.La maintenance et la prévention de la récidive. Enfin, une fois la mise en place du support psychothérapeutique, biologique et social, une stratégie de prévention des rechutes sera mise en place aux fins de maintenir les résultats obtenus. Ce travail par étape permettra ainsi de manière nuancée et progressive un travail de restructuration complète permettant au sujet d’accepter tout changement de manière valorisante et constructive. Ce travail thérapeutique s’étalera dans le temps en évitant les pièges de la confrontation, de l’expertise, de l’étiquette diagnostique, du jugement et de l’auto satisfaction du thérapeute. Que ce soit l’abus d’alcool, l’abus de tabac ou encore l’abus de substances autres, différents auteurs ont bien montré la supériorité dans les résultats de ce type d’approche impliquant un style relationnel empathique et non confrontatif. Cette manière d’aborder la problématique de dépendance permet souvent de dépasser non seulement les résistances mais les ambivalences des patients. 3