Influence de la domestication du riz sur l’évolution des populations de son principal agent pathogène fongique, Magnaporthe oryzae. Influence of rice domestication on the evolution of its main fungal pathogen, Magnaporthe oryzae. Déposé le : 5 mars 2008 Date de début : 3 novembre 2008 Sujet susceptible d'obtenir une : Bourse Région Salaire : Bourse Région LR + INRA (acquis) Fonctionnement : projet ANR Biodiversité Emerfundis (2008-2010) + projet ANR Génoplante IRMA (2008-2010) Fonctionnement équipe (CIRAD + INRA) Directeur : Didier THARREAU 04 99 62 48 39 - 04 99 62 48 48 - [email protected] Correspondant : Elisabeth Fournier 04 99 62 48 63 - 04 99 62 48 22 - [email protected] Encadrement : D Tharreau, Dossier HDR déposé. E Fournier, Demande d’accréditation sera déposée en 2008. Comité de thèse : Marc Henri Lebrun, UMR Bioger- Grignon, directeur, DR CNRS, Génétique et génomique des champignons Tatiana Giraud, UMR Ecologie, systématique et évolution - Orsay, CR1 INRA, Génétique des populations de champignons Denis Bourguet, UMR CBGP - Montpellier, DR2 INRA, Génétique et dynamique des populations d’insectes Lilian Gout, UMR Bioger - Paris, Maître de conférence AgroParisTech, Génétique et génomique des champignons phytopathogènes Thématique : Génétique et évolution des populations d’agents pathogènes Détail : La pyriculariose est la principale maladie fongique du riz partout dans le monde. C’est également un modèle d’étude pour les maladies fongiques aériennes des céréales. Les agents pathogènes fongiques sont responsables de la plupart des émergences de maladies sur les plantes. La thèse a pour objectif de comprendre les mécanismes d’émergence et les processus de dispersion d’un agent pathogène de plante dans un pathosystème modèle. Le changement d’hôte ayant conduit à l’émergence de cette maladie sur le riz et la perte de sexualité qui a probablement accompagné la dispersion seront étudiés. Les informations générées sur l’évolution des populations permettront également de définir des stratégies de lutte basées sur la résistance variétale qui soient plus durable. Le projet vise à comprendre quelles ont été les conséquences de la domestication du riz sur l’émergence, la dynamique et l’évolution des populations du champignon pathogène Magnaporthe oryzae sur le riz. Quatre questions principales seront abordées : - Quel est le centre d’origine de la maladie sur riz et comment s’est-elle disséminée ? - L’émergence de la maladie sur riz s’est-elle accompagnée d’une perte de sexualité ? - L’émergence de la maladie sur le riz a-t-elle pour origine un (ou plusieurs) saut(s) d’hôte ? - Comment certains déterminants du pouvoir pathogène ont-ils évolués au cours du processus d’émergence ? Nous faisons l’hypothèse que le centre d’origine de la maladie correspond au centre de diversité (Sud Est asiatique et Piémont himalayen). Nous testerons, à l’aide de méthodes ABC, (Approximate Bayesian Computation) différents scenari évolutifs décrivant la divergence entre populations du centre d’origine et du reste du monde, et retraçant les principales voies de dissémination. Les populations de M. oryzae en dehors du Sud Est asiatique sont majoritairement clonales. Nous faisons l’hypothèse que M. oryzae a perdu la capacité de reproduction sexuée suite à son émergence sur le riz, et évaluerons son mode de reproduction dans le bassin d’origine. Nous testerons, à l’aide de méthodes ABC, l’hypothèse selon laquelle M. oryzae sur riz provient d’un unique saut d’hôte depuis la sétaire, en augmentant le nombre de marqueurs diagnostics et en intensifiant les échantillons sur sétaire. Nous faisons l’hypothèse que certains déterminants du pouvoir pathogène ont subi une évolution adaptative en fonction des hôtes et des variétés, et étudierons l’évolution de quelques gènes d’avirulence et effecteurs, dans les populations du centre d’origine et mondiales. Profil recherché: Génétique des populations et inférence de paramètre demo-génétique. Statistiques. Connaissances de base en programmation. Intérêt pour l’étude de l’évolution des interactions hôte-pathogène. Domaine : Génétique des populations, Phytopathologie Objectif : La caractérisation de la dynamique et du potentiel adaptatif actuels et futurs des maladies infectieuses peut être grandement améliorée par une meilleure connaissance des conditions qui ont favorisé, dans le passé, l’émergence de ces maladies (Anderson et al. 2004). En particulier, certaines caractéristiques des agents pathogènes comme la capacité à s’adapter à de nouveaux hôtes, la modification du mode de reproduction, et la capacité de dispersion, ont pu être déterminantes dans les processus d’émergence. Ces caractéristiques ont pu être fortement modifiées lors des processus de domestication des espèces hôtes, du fait de la modification de la variabilité génétique de l’hôte accompagnant ces processus. Le présent projet de thèse vise à comprendre quelles ont été les conséquences de la domestication du riz sur l’émergence, la dynamique et l’évolution des populations d’une espèce modèle de champignon phytopathogène : Magnaporthe oryzae, l’agent responsable de la pyriculariose, principale maladie du riz partout dans le monde. Quatre questions principales seront abordées : - Quel est le centre d’origine de la maladie sur le riz et comment s’est-elle disséminée ? - L’émergence de la maladie sur le riz s’est-elle accompagnée d’une perte de sexualité ? - L’émergence de la maladie sur le riz a-t-elle pour origine un (ou plusieurs) saut(s) d’hôte ? - Comment certains déterminants du pouvoir pathogène ont-ils évolués au cours du processus d’émergence ? Notre première hypothèse de travail est que le centre d’origine de la maladie correspond à son centre de diversité. En effet, des études préliminaires portant sur un échantillon représentatif de la diversité mondiale ont permis de localiser un centre de diversité génétique dans le Sud Est asiatique et plus particulièrement dans le Piémont himalayen (Tharreau et al. en préparation). En utilisant des méthodes statistiques bayésiennes récentes (méthodes ABC pour Approximate Bayesian Computation), nous testerons différents scenari évolutifs dans lesquels nous ferons varier la localisation du centre d’origine, le temps et la dynamique de divergence entre populations du centre d’origine et du reste du monde, et les principales voies de dissémination. Ceci permettra de localiser et de dater l’émergence de la maladie sur le riz afin de savoir si cette émergence coïncide avec la domestication de la plante hôte, et de retracer les principales routes de colonisation, renseignant ainsi sur les principaux modes de dispersion (graduelle ou stochastique). Les populations de M. oryzae en dehors du Sud Est asiatique sont majoritairement clonales, mais de nombreux indices indirects laissent cependant penser que la reproduction sexuée pourrait persister dans le centre d’origine, sur le riz et/ou sur d’autres plantes hôtes (Zeigler 1998). Nous faisons l’hypothèse que M. oryzae a perdu la capacité de reproduction sexuée suite à son émergence sur le riz. En utilisant des marqueurs moléculaires répartis dans l’ensemble du génome, nous évaluerons le taux de recombinaison et chercherons à dater les éventuels événements de reproduction sexuée dans les populations du bassin d’origine sur le riz et sur d’autres plantes hôtes, en particulier la sétaire. Des travaux récents basés sur des approches phylogéographiques classiques (Couch et al. 2005) ont permis d’émettre l’hypothèse que M. oryzae a émergé sur le riz à partir d’un saut d’hôte unique depuis la sétaire (ancêtre du millet). Nous testerons cette hypothèse à l’aide de méthodes ABC en augmentant le nombre de marqueurs informatifs et en intensifiant les échantillons sur sétaire. Enfin, nous faisons l’hypothèse que certains déterminants du pouvoir pathogène ont subi une évolution adaptative en fonction des hôtes et des variétés. Nous étudierons donc l’évolution de quelques gènes d’avirulence et effecteurs, dans les populations du centre d’origine et mondiales. Sur ces gènes, nous chercherons à détecter des traces de sélection en comparant les taux de mutations synonymes et non synonymes. Mots clés : émergence, migration, reproduction sexuée, changement d’hôte, adaptation, méthode ABC Mots clés anglais : emergence, migration, sexual reproduction, host change, adaptation, ABC method Contexte : Les conséquences des processus de domestication sur la variabilité génétique des espèces domestiquées sont largement étudiées (e.g. Hancock, 2005). Caractérisée par une sélection directionnelle pour les traits d’intérêt, la domestication conduit à une importante divergence phénotypique entre compartiments sauvages et cultivés, à une réduction de la diversité génétique dans le compartiment cultivé, et de façon globale, à une moindre résistance aux maladies. Paradoxalement, peu de travaux portent sur l’influence de la domestication sur la biologie et l’évolution des cortèges parasitaires associés. Le projet de thèse que nous souhaitons développer, se propose d’aborder ces questions sur un pathosystème constitué de deux espèces modèles : le champignon Magaporthe oryzae et sa plante hôte, le riz Oryza sativa. Entre autres, le génome complet des deux organismes est disponible. Le riz sauvage asiatique O. rufipogon a subi au moins deux événements de domestication à partir de deux pools géniques préexistants : l’un en Inde, Myanmar et Thaïlande, a conduit au riz cultivé O. sativa var. indica, l’autre dans le sud de la Chine a conduit au riz O. sativa var. japonica (Londo et al. 2006). La pyriculariose, causée par M. oryzae, est considérée comme la plus importante maladie fongique du riz à cause de son fort potentiel destructif, sa large distribution géographique, et sa capacité à contourner les résistances spécifiques utilisées chez le riz. Cette espèce est constituée de plusieurs lignées spécialisées sur différentes plantes hôtes (blé, maïs, riz et d’autres monocotylédones). Une étude récente (Couch et al. 2005) a fait l’hypothèse d’une émergence de la maladie sur le riz suite à un saut d’hôte unique depuis la sétaire (Setaria) vers le riz japonica au moment de la domestication, suivi d’autres sauts d’hôtes vers le riz indica et vers des plantes adventices (Panicum, Leersia). Cette étude est néanmoins basée sur un faible nombre de marqueurs informatifs, et sur un échantillon peu représentatif des populations issues de riz et de sétaires dans le centre présumé d’origine. Le présent projet propose une démarche intégrative visant à décrire le plus précisément possible le processus d’émergence de la maladie, avec pour objectifs de localiser le centre d’origine de la maladie, de tester l’hypothèse du saut d’hôte comme événement responsable de l’émergence de la maladie, de comprendre le rôle de la recombinaison dans le processus d’émergence, et de caractériser l’évolution de certains déterminants du pouvoir pathogène dans les populations du centre d’origine. Nous utiliserons des approches novatrices et complémentaires d’analyse de la diversité génétique neutre (marqueurs microsatellites et SNP) et sélectionnée (déterminants du pouvoir pathogène), basée sur les statistiques bayésiennes et la coalescence. Les changements globaux, en particulier l’augmentation des échanges et le réchauffement climatique, ont des conséquences sur l’émergence des maladies des plantes. Comprendre comment des maladies ont émergé par le passé, nous renseigne sur les risques de nouvelles émergences et sur la marche à suivre pour les limiter (Anderson et al. 2004). Par ailleurs, les capacités d’adaptation et de migration de M. oryzae sont des éléments clés à prendre en compte pour développer des méthodes de lutte durablement efficaces contre cette maladie. Méthode : Au cours de cette thèse des données de caractérisation de la diversité génétique neutre ou sélectionnée seront produites à partir de différentes populations. Ces données seront ensuite analysées par différentes méthodes de génétique des populations, classiques ou à adapter à nos besoins. Nous disposons de 27 populations de l’agent pathogène représentatives de la diversité au niveau mondial et déjà génotypées avec 13 marqueurs microsatellites. Quelques marqueurs SNP sont disponibles. Durant la thèse nous obtiendrons de nouvelles populations, principalement dans la zone d’origine supposée, à la fois sur le riz (variétés contemporaines et traditionnelles) et sur sétaire. De nouveaux marqueurs SNP sont en cours de développement. Ils seront utilisés au cours du projet pour génotyper les nouvelles populations et les populations déjà disponibles. Les marqueurs microsatellites seront également utilisés sur les nouvelles populations. Le génotypage avec des marqueurs microsatellites est pratiqué en routine au laboratoire. Pour le développement des marqueurs SNP, nous avons accès à des plateformes qui utilisent ce type de marqueurs sur d’autres espèces. Les outils d’analyse des données de génétique des populations classiques sont disponibles et maîtrisés par les encadrants. Toutefois, des développements ou des adaptations seront nécessaires pour disposer de méthodes d’évaluation du taux de recombinaison et adapter les méthodes ABC à notre modèle d’étude. Ces adaptations se feront avec l’appui d’autres chercheurs de l’unité et de chercheurs du CBGP qui ont contribué au développement des méthodes ABC. Résultat attendu : Les agents pathogènes fongiques sont responsables de la plupart des émergences de maladies sur les plantes. La pyriculariose est la principale maladie fongique du riz partout dans le monde. C’est également un modèle d’étude pour les maladies fongiques aériennes des céréales. La thèse a pour objectif de comprendre les mécanismes d’émergence et les processus de dispersion d’une maladie de plante dans ce pathosystème modèle. Le changement d’hôte ayant conduit à l’émergence de cette maladie sur le riz et la perte de sexualité qui a probablement accompagné la dispersion seront étudiés. Les informations générées sur l’évolution des populations permettront également de définir des stratégies de lutte basées sur la résistance variétale qui soient plus durables. Les conséquences des processus de domestication sur la variabilité génétique des espèces cultivées sont très étudiées, mais peu de travaux portent sur l’influence de ces processus sur les cortèges parasitaires associés. Ce sujet permettra de mieux comprendre les conditions ayant permis à Magnaporthe oryzae d’émerger sur le riz et de se disséminer dans le monde entier. Ces connaissances acquises sur une émergence réussie pourront avoir un caractère prédictif pour d’autres maladies émergentes ou réémergentes. L’existence, chez les champignons pathogènes, de modes de reproduction contrastés suivant les zones géographiques, est encore très peu documentée. Ce projet permettra de mieux comprendre les conséquences du mode de reproduction sur la dynamique des populations et l’évolution de certains déterminants du pouvoir pathogène. Des retombées méthodologiques sont attendues pour ce projet de thèse. En matière d’analyse de marqueurs neutres différentes méthodes pourront être comparées (phylogéographie, coalescence, ABC, simulations…) pour l’identification du centre d’origine et la détection de la reproduction sexuée. Ce sujet permettra aussi d’évaluer les méthodes de phylogéographie basée sur les techniques ABC, pour des organismes à cycles de vie particuliers. Les limites d’utilisation de deux types de marqueurs (microsatellites et SNP) pour répondre aux différentes questions posées pourront être évaluées. Trois publications dans des revues internationales à comité de lecture sont envisagées : - une sur la localisation du centre d’origine des populations sur riz et sur les migrations à partir de cette zone, - une sur la détection de la reproduction sexuée, - une sur le changement d’hôte et sur l’origine des souches pathogènes du riz. Référence biblio : Anderson PK, Cunningham AA, Patel NG, Morales FJ, Epstein PR and Daszak P. 2004.Emerging infectious diseases of plants: pathogen pollution, climate change and agrotechnology drivers. Trends in Ecology and Evolution 19: 535-544. Couch BC, Fudal I, Lebrun MH, Tharreau D, Valent B, van Kim P, Nottéghem JL and Kohn LM. 2005. Origins of host-specific populations of the blast pathogen, Magnaporthe oryzae, in crop domestication with subsequent expansion of pandemic clones on rice and weeds of rice. Genetics 170: 613-630. Hancock JF. 2005. Contributions of domesticated plant studies to our understanding of plant evolution. Annals of Botany 96: 953-963. Londo JP, Chiang YC, Hung KH, Chiang TY, and Schaal, BA. 2006. Phylogeography of Asian wild rice, Oryza rufipogon, reveals multiple independent domestications of cultivated rice, Oryza sativa. PNAS 103: 9578-9583. Zeigler RS. 1998. Recombination in Magnaporthe grisea. Annual Review of Phytopathology, 36: 249-275.