Fribourg: Un nouveau livre du professeur Bénézet Bujo à l'Academic Press Connaître la théologie africaine, nécessité face à la globalisation Fribourg, 26 novembre 2008 (Apic) Un nouveau livre du professeur Bénézet Bujo intitulé "Introduction à la théologie africaine", publié par Academic Press Fribourg, sort de presse lundi 1er décembre. Dans cet ouvrage de près de 160 pages, l'abbé Bujo souligne que ses propos n’ont pas la prétention d’être une petite somme ou même un compendium de la théologie africaine. Mais en rappelant qu'il y a bel et bien une approche africaine de la théologie, il met en question tous ceux qui sont habitués à une théologie considérée comme universelle alors qu'elle n'est que de type occidental. Originaire du Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC), l'abbé Bénézet Bujo (*), professeur de théologie morale et d'éthique sociale à l'Université de Fribourg (Suisse), est un spécialiste reconnu de la théologie africaine. Pour B. Bujo, il y a effectivement un christianisme occidental et un christianisme africain: "Le christianisme que l'on vit est une interprétation de l'Evangile selon la culture. L'Occident a interprété sa culture de façon à ce que les chrétiens européens puissent vivre l'Evangile, tandis que l'Afrique a reçu l'Evangile déjà mâché selon la culture européenne!". Il faut se rappeler, insiste-t-il, que les missionnaires étrangers "travaillaient la main dans la main avec les puissances coloniales et que l’Evangile lui-même fut proclamé dans ce contexte imbibé de préjugés". Son nouvel ouvrage veut seulement proposer des pistes, contribuer à faire connaître l’état de la recherche théologique africaine et aider les enseignants, notamment dans les Grands Séminaires ou les Facultés de théologie. Il se veut aussi un apport à la connaissance d'un message évangélique inculturé, un instrument dont les enseignants pourraient faire usage comme un petit manuel de théologie africaine, "qui, bien sûr, n’est qu’en état rudimentaire". Le professeur Bujo souhaite que ce petit ouvrage à caractère illustratif contribue à ce que la théologie africaine ne demeure pas marginale par rapport au système théologique venu de l’Occident. C'est pourquoi dans la deuxième partie, il élabore des modèles concrets de théologie sur le Christ, l'Eglise, l'éthique, etc. En outre, affirme-t-il, "nous devons viser à développer des traités théologiques propres dans le contexte de la culture africaine, sans devoir mettre en avant la systématisation en provenance d’autres aires culturelles à l’extérieur de l’Afrique subsaharienne". Le professeur Bujo souhaite non seulement que l'on écrive des ouvrages d’introduction générale à la pensée africaine, comme il a tenté de faire, mais il estime utile, voire urgent de confectionner des manuels de cours de chaque branche théologique (christologie, ecclésiologie, théologie sacramentaire, théologie morale ou éthique théologique, pastorale, liturgie, droit canon, etc.). Il pense aussi qu'il y a lieu de composer des manuels de méthodologie africaine aussi en exégèse, en histoire de l’Eglise et en patrologie, "car la Bible et les branches historiques doivent être lues et interprétées en référence au contexte culturel africain". En ce qui concerne le modèle d'éthique africaine qu'il propose, le professeur Bujo précise que ce n'est qu'un panorama qui ne prétend nullement épuiser toutes les questions éthiques qui se présentent en Afrique noire. Il apparaît néanmoins que l’éthique africaine a sa propre logique qui mérite d’être respectée dans le dialogue interculturel et interreligieux. Et d'affirmer qu'au moment où le monde est axé sur la globalisation, "nous croyons que ce serait une sorte de néocolonialisme que de dénier l’identité à la culture africaine et de vouloir la réduire au niveau d’une monoculture ou d’un ethos planétaire". Pour le professeur de Fribourg, l’éthique africaine veut promouvoir la vie en abondance, mais cela n’est possible que si l’on respecte la diversité dans les cultures. "La diversité, loin d’être un appauvrissement, est une chance et une richesse inouïes, alors que la globalisation est un clonage culturel qui veut imposer une monoculture, laquelle ne peut être que dictatoriale et oppressive", affirme-t-il. L'"Introduction à la théologie africaine" est le fruit d’un cours que l’auteur a dispensé durant les années académiques 2004-2005 et 20052006 à la demande des étudiantes et étudiants africains de la Faculté de Théologie de Fribourg, mais qui a été suivi par un bien plus large public. Le but de ce cours était l’initiation à l’inculturation en général et à la théologie africaine en particulier. JB Encadré Toute théologie est située Dans la première partie de l'ouvrage, l'auteur décrit le contexte qui a poussé les Africains à réfléchir à une façon propre de concevoir leur théologie en vue d’une proclamation plus efficace de la Parole de Dieu. "On sait en effet (...) que toute théologie est située: elle dépend de circonstances concrètes socioéconomiques, politiques ou religieuses dans lesquelles le christianisme se meut". A chaque époque, mais aussi suivant les différentes cultures, on aura des réflexions théologiques conditionnées qui voudraient interpréter la foi et proclamer l’Evangile dans le temps. "Non seulement les courants patristiques et scolastiques, mais toutes les tendances théologiques ultérieures jusqu'à nos jours n’ont été possibles que grâce aux problèmes complexes qui n’ont cessé d’agiter notre monde. C’est donc dans le sillage de cette interpellation perpétuelle de mettre à jour le discours sur la foi qu’il faut aussi situer la naissance de la pensée théologique africaine". Bénézet Bujo rappelle les points fondamentaux de la tradition africaine: la structure, l’organisation de la société traditionnelle et la religion qui sous-tend le tout. Il montre comment la société africaine d’avant la colonisation et d'avant le christianisme n’était pas ressentie comme un poids par les Africains. Elle garantissait plutôt une vraie libération pour ses membres. "C’est justement parce que le colonialisme et le christianisme occidental n’ont pas perçu cela que l’Africain s’est senti oppressé et n’a accepté les éléments étrangers à sa culture que pour la forme, sans s’en laisser profondément pénétrer". Malgré les préjugés occidentaux, relève l'abbé Bujo, on ne peut plus douter aujourd'hui que la foi en Dieu en Afrique noire a concerné et concerne majoritairement le monothéisme. Cela signifie que la majorité des peuples africains noirs, avant l’arrivée des missionnaires, n’adoraient pas les dieux mais un Dieu unique. "Par conséquent, on peut dire sans aucune crainte que l’originalité du christianisme n’est pas d’avoir apporté le monothéisme, car nos pères (et mères) en Afrique noire connaissaient déjà l’Etre suprême". Le professeur Bujo, après voir analysé la tradition africaine, rassemble un certain nombre de témoignages qui montrent comment l’agir autoritaire teinté de complexes de supériorité du Blanc à l’égard du Noir a poussé ce dernier à chercher une porte de sortie en recourant à ses propres racines culturelles en vue d’un progrès et d’une libération véritables dans tous les domaines, y compris dans le domaine de la religion. "C’est ainsi qu’une pensée théologique authentiquement africaine s’est mise petit à petit en route". Le prix indicatif du livre, tiré à 500 exemplaires, a été fixé à Fr. 28.-- JB (*) Bénézet Bujo est prêtre du diocèse de Bunia, au nord-est de la République Démocratique du Congo. Il a fait ses études de philosophie et de théologie au Congo et en Allemagne. Depuis 1989 Bénézet Bujo est professeur ordinaire à l'Université de Fribourg (Suisse), où il enseigne la théologie morale et l'éthique sociale. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur saint Thomas, sur la morale interculturelle et la théologie africaine. Son dernier livre "Plädoyer für ein neues Modell von Ehe und Sexualität. Afrikanische Anfragen an das westliche Christentum", a été publié par les Editions Herder, à Fribourg-en-Brisgau. L'ouvrage est sorti en 2007 dans la série (Quaestiones Disputatae - une collection fondée par le célèbre jésuite allemand Karl Rahner - né en 1904 à Fribourg-en-Brisgau, décédé en 1984 à Innsbruck). (apic/be)