pleinement ce que je suis, ou bien est-il au contraire source de joie, d’action et
de créativité?La première perspective implique une dévaluation du désir et du corps
dont il dépend au profit du pouvoir positif de la volonté et de la raison: parce qu’il est
unêtre de désir, l’homme y est conçu comme essentiellement insatisfait et imparfait. La
seconde perspective, au contraire, permet une réhabilitation du désir, opposé ici au
simple besoin: l’homme y est considéré comme capable de subvertir par ses désirs les
règles naturelles, de dépasser la nature et de se dépasser. Deux conceptions opposées
de l’homme sont ainsi mises en présence: tel est l’un des enjeux du problème posé.
2) EXPOSITION IMPARTIALE D’UNE THÈSE ; RESTITUTION D’UNE ARGUMENTATION
DANS UNE ÉTUDE DE TEXTE
Une fois le problème posé et ses enjeux repérés, il convient, afin de procéder avec
rigueur et d’éviter toute confusion, d’adopter dans un premier temps une thèse
etune seule.Dans le cas de la dissertation ou de l’étude d’une notion, on choisira
donc d’abordde développer l’un ou l’autre des deux membres de l’alternative ou de la
contradiction relative au problème posé. On le fera « impartialement », c’est-à-dire de la
manière la plus objective possible – donc sans parti pris ni préjugé. En particulier, on
évitera les longues descriptions sans fruit, celle, par exemple, des effets présumés «
pervers » du désir si l’on compte montrer que celui-ci est essentiellement source de
manque et d’insatisfaction, ou encore celle des conséquences supposées « tragiques » de
la mauvaise foi si l’on veut prouver qu’il existe une possibilité de se mentir à soi-même.
Tout développement requiert que l’on défende une thèse au moyen d’arguments, et tout
argument désigne un raisonnement dont le but est de prouver ou d’infirmer une thèse.
On évitera donc à la fois la succession de petites remarques sans lien les unes avec les
autres, le ton moralisateur et les formules toutes faites, qui renvoient toujours à des
idées reçues.De la même manière, il conviendra, à l’occasion d’une étude de texte,
de restituerl’argumentation de son auteur dans le but exclusif de la
comprendre, abstraction faite du sentiment d’étrangeté voire de fausseté
qu’elle peut d’abord susciter. Ainsi, dans un texte donné aux séries ES en juin 1999,
Nietzsche affirme que ce que nous appelons liberté désigne en réalité un état où nous
n’apercevons pas les «chaînes» dont nous dépendons, en un mot l’état de servitude où
nous nous trouvons sans le savoir. Cette thèse, pour être bien comprise, devra être
longuement défendue et analysée, au moins dans un premier temps, abstraction faite du
sentiment que nous avons pourtant d’être libres, car c’est précisément ce sentiment de
liberté que Nietzsche désigne comme illusoire: il arrive en effet que nous ayons
l’impression de choisir librement un métier ou un mode de vie, alors que ce choix résulte
en réalité de l’influence inaperçue qu’exercent sur nous notre entourage immédiat ou la
société, indépendamment de nos capacités ou de nos motivations profondes.
3) ÉLABORATION D’UN CONCEPT OU D’UNE DISTINCTION CONCEPTUELLE
On ne saurait développer une thèse ou une autre ni plus généralement aucune
réflexion à propos d’une question, d’un texte ou d’une notion, sans un travail d’analyse
conceptuelle.Ce travail consiste à déterminer, développer, compléter progressivement
la définition des termes d’un énoncé ou celle des notions importantes d’un texte.Par
exemple, dans un sujet portant sur l’illusion, on parviendra à élaborer ce concept à
partir de l’analyse d’exemples précis, telle que celle de l’existence du père Noël pour
l’enfant ou celle d’un Dieu anthropomorphique, capable de colère ou de sévérité; à cette
occasion on distinguera rigoureusement l’illusion à la fois de la simple erreur et
de la faute. Contrairement à l’erreur en effet, purement incidente, l’illusion est le
produit d’un désir ou d’un intérêt. À la différence de la faute, cependant, elle n’est pas
pour autant et à proprement parler volontaire, sans quoi l’on ne serait pas «victime» de
ses illusions.