VITTOZ I.R.D.C. Les états-limites Françoise Michel Psychologue clinicienne septembre 2014 I II III IV V VI VII Introduction Historique Comportement Sémiologie Psychopathologie Evolution Thérapeutique La méthode Vittoz Bibliographie Introduction Contrairement aux névroses et aux psychoses, il s’agit d’un trouble, plutôt que d’une pathologie claire, et d’un aménagement sans notion de structure. Ce trouble est fréquent : on parle de plus en plus de patients « états-limites ». Ils constituent une grande partie de la clientèle des psychothérapeutes, psycho praticiens et thérapeutes. Ce concept comporte de nombreuses ambiguïtés : historiques, nosographiques, sémiologiques et psychopathologiques. Il s’est peu à peu dégagé à partir de patients qui posaient problème : devant la difficulté de poser des indications de cure, les psychanalystes réfléchissent à une catégorie intermédiaire entre névrose et psychose. La notion d’état limite reste en pleine discussion et suscite des désaccords. Par exemple, pour les lacaniens, cela n’existe pas. Quelques mots-clés Instabilité : dès la nomination : état limite…cas limite… border line…pathologie narcissique… Instabilité du comportement, de l’humeur, de l’image de soi, des relations Souffrance : leur mode relationnel les fait souffrir ainsi que leur entourage Limite : entre la névrose et la psychose Aménagement, organisation : et non pas structure, qui serait synonyme de stabilité Angoisse : du vide, de l’abandon Relation anaclitique : besoin d’un autre sur qui s’appuyer Agressivité : principal voire seul affect réellement éprouvé Dépression : quand l'agressivité se retourne contre soi 1 I Historique Cette notion date du 20èeme siècle. Différentes descriptions sont faites par différents auteurs. En 1924, Freud parle de déformation du Moi (pour ne pas avoir à se morceler) qu’il dit « intermédiaire » entre l’éclatement psychotique et le conflit névrotique. Ses derniers travaux décrivent le clivage et le déni et font allusion à un type narcissique de personnalité. 1952 Wolberg : intolérance aux frustrations, volonté de maîtriser et en même temps de se faire exploiter. 1953 Knight: anaclitisme ego faible processus secondaires perturbés. 1968 les post-kleiniens étudient le clivage, mécanisme de défense toujours présent chez l’état-limite (Fairbain). 1974 Kohut : Soi grandiose, hypertrophie narcissique du sujet. Ces patients sont conduits à des fluctuations pour maintenir un niveau suffisant et stable d’estime de soi. 1975 Kernberg : pour lui l’état limite représente une pathologie névrotique particulière par le fait qu’elle s’exprime par des mécanismes psychotiques éphémères mais récurrents. Il s’agit de protéger les sujets contre les conflits internes (pas contre la dissociation). L’épreuve de réalité permet de distinguer les psychotiques des états-limites. On observe souvent des contradictions entre affects, contenus de pensée et comportements. La violence de l’agressivité entraîne une division défensive du Moi : un clivage entraîne une mauvaise maturation du Moi et du Surmoi et finalement une non-acquisition d’une identité stable. Qu’en est-il en France ? -1967 Bouvet : il développe la notion d’une relation d’objet « prégénitale » différente de la relation d’objet psychotique et de la relation d’objet du névrotique. Les références à l’Oedipe sont fragmentaires ou occasionnelles. La triangulation oedipienne ne peut arriver à jouer un rôle organisateur. -1975 Bergeret : il parle d’une organisation autonome distincte, ni psychose ni névrose, un aménagement plus ou moins stable et plus ou moins réussi entre les deux structures. Pour lui c’est une maladie du narcissisme. II Comportement Leur adaptation sociale n’est souvent qu’apparence, ils peuvent la maintenir tant qu’aucun problème ne survient. On les croit lucides, matures mais une conduite inadéquate, excessive peut survenir en réponse à une situation de niveau de stress moindre. Ils s'attendent souvent à être pris en charge par l’entourage. Le comportement est en effet imprévisible : la personne peut manifester un manque total de cohérence, une dissonance entre ses affects et ce qui se passe réellement dans l’instant. L’humeur est labile, l’intensité est plus grande que chez l’hystérique. On parle de dérégulation émotionnelle, de tempête émotionnelle, de surémotivité. 2 Les crises d’angoisse peuvent être aiguës. L’angoisse du vide peut amener à acheter beaucoup, à travailler beaucoup. Ce sont de gros consommateurs de psychotropes. 75 % des patients états limites sont des femmes. Chez la femme on rencontre plutôt des crises de boulimie, chez l’homme plutôt des crises d’alcoolisation. Le mode relationnel est le même que dans la pathologie narcissique, non objectal. Il y a parfois fusion parfois autonomie, c’est transitoire et ça peut être réactionnel. La relation affective intime est difficile, cela constitue un paradoxe avec l’adaptation de surface. Ils peuvent être exigeants : la relation est anaclitique c’est-à-dire dépendance, étayage, attente de satisfaction positive. Ils ne connaissent pas la relation d’égal à égal c’est soit « petit-grand » ou « fort-faible ». Ils peuvent être impulsifs, agressifs, la manipulation agressive est possible : ils peuvent s’arranger pour que l’autre se sente coupable (se rapproche de la perversion). Fréquemment déçus, ils manifestent leur désillusion. L’état limite se défend contre la dépression. L’humeur bascule à partir des aléas de la vie quotidienne ; une contrariété et tout s’écroule. Les tentatives de suicide sont nombreuses ; même si ce ne sont parfois que des menaces, le taux de suicide reste important. Un abandon peut être considéré comme mortel. Avec son caractère imprévisible, impulsif, ses affects paradoxaux (fréquentes volte-face qui font penser à l’adolescent) les personnes qui partagent son intimité finissent par être blessées par lui. L’entourage n’a pas envie d’être empêtré dans son instabilité : aussi son réseau social peut ne pas être très soutenant et difficile à maintenir. Points forts : - prise de risque possible, il peut agir ou réagir rapidement - l’agressivité positive peut servir à défendre une cause - la relation peut être intense - beaucoup de sensibilité = beaucoup de richesse - il peut être très créatif. 4 sous-groupes -Etats-limites psychotiques : comportements inappropriés, négatifs, agressifs -Patients inconsistants qui oscillent dans leurs relations, agressifs et déprimés; des passages à l’acte les protègent contre la dépression. -Personnalités « as if » (décrites par Hélène Deutsch 1934) : elles ont un comportement adapté, une bonne insertion sociale. Certaines passent leur vie dans une grande entreprise qui les contient, leur sert de support anaclitique. Elles s’épuisent dans la recherche de leur identité. Si elles n’ont pas de réactions agressives, elles attendent des autres une relation de complémentarité ; elles ont recours au repli, à l’intellectualisation. 3 -Etats-limites névrotiques : ressemblance avec la névrose de caractère narcissique. Dépression anaclitique en rapport avec leur quête d’une relation symbiotique avec une figure maternelle perdue. III Sémiologie L’état limite est victime de ses émotions (cerveau limbique). La diversité caractérise cette pathologie : tous les symptômes peuvent se rencontrer chez les états limites. 1 l’angoisse de l’état-limite est une angoisse de perte d’objet : elle concerne un vécu passé malheureux sur le plan narcissique plus qu’érotique. Le patient limite tente de juguler l’angoisse d’une certaine manière. Comme c’est inefficace il tente un autre système de défense : inefficace ! Ainsi l’angoisse perdure, elle est diffuse, flottante et conduit souvent à une demande de thérapie. Antoine fait une demande de thérapie quand sa femme veut le quitter : l’angoisse de perte d’objet, d’abandon surgit. Les évènements amenant l’angoisse peuvent paraître anodins en apparence mais c’est la fragilité due au Moi faible qui entraîne le manque de tolérance à l’angoisse. Line 26 ans est totalement anéantie après un entretien pour intégrer un master qu’elle croit avoir raté. 2 identité troublée en rapport avec la perte des relations affectives Instabilité du sentiment d’identité personnelle, immaturité, incertitude, confusion. La frontière Moi-l’Autre est discontinue. On peut rencontrer des personnes charmantes un peu inquiétantes avec immaturité affective : c’est un signe de prolongement de la pseudo-latence (cf. tableau Bergeret). L’état limite a du mal à repérer ses sensations, ses besoins. Il manque de contrôle pulsionnel et affectif ; il peut se sentir submergé par un besoin qui prend toute la place, au détriment du contexte, ce qui entraîne le passage à l’acte. 3 relations anaclitiques c’est à dire relations affectives de dépendance Il s’accroche au contact, il a du mal à lâcher prise. Il peut s’épuiser dans une contrainte de perfection pour ne pas être abandonné. Il veut être aimé d’un grand, d’un fort, d’un objet distinct de lui sur lequel il peut s’appuyer. Un avenir meilleur est investi dans une relation de dépendance vis à vis de l’autre. Parfois on observe un appui sur les deux parents : il s’agit d’une triade narcissique qui n’est pas la triangulation. Le retrait peut être anxiogène. On observe parfois deux secteurs du champ relationnel : - dans l’un il y a une évaluation correcte de la réalité, (polarité adulte) - dans l’autre, fonctionnement sur un mode plus idéaliste en même temps que plus utilitaire (polarité enfant immature). Aline assume ses responsabilités professionnelles, elle sait s’organiser, s’occupe beaucoup des autres mais sa vie sentimentale est un fiasco. 4 dépression Pour Bergeret c’est l’élément central de cette organisation. Elle est liée à un sentiment de solitude. Le fond dépressif est très marqué, le fonctionnement ressemble à "je ne serai jamais suffisamment parfait pour être à l’abri de l’abandon". L’agressivité est retournée contre lui d’où dépression. Il peut éprouver la culpabilité d’avoir détruit l’objet en cas de séparation. 4 Il éprouve fréquemment un sentiment de vide. L’angoisse due au sentiment de vide intérieur est réactivée quand il y a vide extérieur. Parfois impression d’absurdité de la vie. Certains s’ennuient, traînent une lassitude de vivre. D’autres à l’inverse sont hypomanes, se jettent dans l’action qui fait office de lutte contre la dépression. Travail, action permettent d’éviter l’angoisse du vide et la dépression. Le risque de suicide est grand, il dépend de la tendance ou non au passage à l’acte. Il peut s’agir d’auto agressivité. Mylène travaille énormément et le justifie par des échéances à respecter. On regarde cela en thérapie, elle décide de prendre un peu plus de temps pour elle. Confrontée à une journée de RTT où sa fille est au lycée, seule chez elle, elle panique. Elle pense à m’appeler puis y renonce, elle a du mal à demander de l’aide. Elle a envie de mourir mais ne veut pas le faire pour ne pas imposer ça à son père et à sa fille. 5 passage à l’acte L’angoisse est tellement intense et envahissante qu’elle entraine le passage à l’acte. Le passage à l’acte peut dépendre aussi de l’agressivité et comment elle est gérée. Manque de contrôle des pulsions : le surplus d’excitation lié à la pulsion n’est pas élaboré mentalement et se dirige vers le corps, ex. comportements destructeurs (automutilation). On trouve parfois des conduites antisociales (proches de la psychopathie), Parfois instabilité professionnelle voire affective ; l’insertion sociale est fragile. Le passage à l’acte peut aussi être source de satisfaction pulsionnelle directe. Catherine : son mari veut divorcer et refuse une thérapie de couple. Sa colère éclate, elle casse une chaise : libération de l’agressivité, jouissance ressentie. Valérie quitte son lieu de travail quand un contrôleur l’invective. Dans une entreprise précédente, elle travaillait beaucoup, faisait des heures sup. Elle s’absente une journée pour enfant malade, elle voit sur sa fiche de salaire qu’on lui a retiré une journée de travail. Elle ne tente pas de demander pourquoi, elle donne sa démission. 6 dépendance On rencontre des toxicomanes, des alcoolo-dépendants, une dépendance passive à l’autre, une dépendance affective, parfois de la soumission. La relation bascule si l’autre ne répond plus aux attentes. On observe souvent une idéalisation primitive suivie d’une dévalorisation. 7 autres - symptômes d’apparence névrotique phobies : elles peuvent être multiples parfois jusqu’à être invalidantes obsessions conversions hystériques changeantes hypocondrie (on peut dire que Dora cas de Freud était plutôt limite qu’hystérique car il y avait amnésie) - parfois conduites sexuelles déviantes avec aspect impulsif, sexualité chaotique, sado-masochisme - épisodes psychotiques aigus états confus perte de repère idées délirantes non élaborées correspondant au chaos interne. La labilité fait qu’on peut hospitaliser la personne devant un état inquiétant ; le lendemain elle sort car tout va bien ! 5 La personnalité borderline selon le D.S.M. IV 2002 (Classification des psychiatres, discutable au niveau psychanalytique) Mode général d’instabilité des relations inter-personnelles, de l’image de soi et des affects avec impulsivité marquée qui apparaît au début de l’âge adulte, présent dans divers contextes. Avoir au moins cinq des manifestations suivantes : -efforts pour éviter abandons réels ou imaginés -relations interpersonnelles instables et intenses (différent de la « froideur de fond » dans l’hystérie) : alternance idéalisation dévalorisation -perturbation de l’identité -impulsivité dans au moins 2 domaines dommageables pour le sujet (dépenses, sexualité, toxicomanie, boulimie, conduite dangereuse) -répétitions de comportements gestes ou menaces suicidaires ou d’automutilation -instabilité affective réactivité marquée de l’humeur -sentiment chronique de vide -colères intenses inappropriées difficulté à contrôler sa colère -survenue transitoire en situation de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères En guise de résumé : la personnalité borderline selon la Cim 10 (classification internationale des troubles mentaux) Le type borderline est inclus dans la personnalité émotionnellement labile : Tendance à agir avec impulsivité, manque de contrôle de soi associée à une instabilité de l’humeur avec comme caractéristiques : Images de soi, objectifs et préférences personnelles perturbés ou incertains, sentiment de vide, crises émotionnelles fréquentes, efforts pour éviter l’abandon, gestes auto-agressifs. IV Psychopathologie 1 rappel génétique 1er étape : chez le petit enfant distinction du non-Moi sous forme d’états initiaux du Moi encore un peu indifférenciés sans structure stable. (stade oral 0- 1 à 2 ans) 2ème étape : états où les lignes de force déterminées par les conflits, les frustrations, les effets des pulsions ou de la réalité, les défenses, ses réactions aux poussées internes et externes commencent à s’orienter vers la constitution d’une structure. (stade anal 2-3 ans) 3eme étape : (âge de l’Œdipe) véritable structure (décompensée ou non) ; à ce moment les lignes de clivage seraient définitivement constituées. Comme un cristal se brise selon des lignes préétablies, pas de communication possible entre lignée psychotique et lignée névrotique. Selon l’hypothèse structurelle de Jean Bergeret, l’état limite est entre la structure psychotique et la structure névrotique. Diatkine parle non de deux structures mais d’un équilibre avec passage entre un noyau psychotique et une enveloppe névrotique. 6 2 dynamique Un évènement traumatique (deuil, séparation) compromet l’état d’aménagement précaire du Moi car il y a inflation pulsionnelle. Les mécanismes de défense sont insuffisants pour contenir l’angoisse ; cela entraîne la régression. L’état limite a vécu un traumatisme affectif dans l’enfance, entre 9 mois et trois ans; une expérience réelle ou fantasmatique d’abandon. Cela entraîne une angoisse de perte d’objet. A la suite d’un traumatisme tardif, il peut y avoir basculement vers une structure (névrotique ou psychotique) ou maintien avec une série d’aménagements; les décompensations restent possibles à tout moment. Au début de la vie, la mère s’adapte totalement à son enfant (illusion de toute-puissance). Progressivement, elle doit tout à la fois le rassurer et le désillusionner, lui permettre l’acceptation de la frustration : elle doit être suffisamment bonne (Winnicott). Pour cause d’un comportement discontinu ou imprévisible, ce mécanisme n’a pas fonctionné chez les états-limites. L’illusion a été insuffisante et/ou la désillusion brutale. Antoine dit : je me protégeais de ma mère, mais quand je me sentais mal je lui montrais ma faiblesse. Je me sentais alors mangé ; c’est pas du tout ce que j’avais besoin, je voulais qu’elle me soutienne. Le Moi se construit grâce aux bons soins de la mère. Si le maternage est insatisfaisant, le Moi n’est pas suffisamment fort pour affronter l’Œdipe, il y a de la peur : l’état limite passe son temps à tenter de passer la frontière. (cf. le rêve d’Aline) Les éléments précurseurs du Surmoi en formation sont entraînés vers des fixations antérieures. Fixation très archaïque au stade oral ou au stade anal voire sadique-anal. Les personnes étatslimites sont dans la toute-puissance (stade oral) ou dans le désir de toute-puissance (dominantdominé) stade anal. Il y a défaut d’intégration du Surmoi mais Moi Idéal pathologique par gonflement du Moi. Ce n’est pas l’Idéal du Moi mais un Moi grandiose à la fois puéril et gigantesque. La constatation de l’échec amène l’état limite à la dépression. Rappel :Moi idéal : idéal de toute-puissance narcissique forgé sur le modèle du narcissisme infantile en référence à la mère archaïque Idéal du Moi : il résulte de la convergence du narcissisme et des identifications aux parents, aux idéaux collectifs, le sujet cherche à se conformer à un modèle Line, issue d’une famille d’origine italienne a été éduquée dans la soumission à l’homme. « Ne fait pas de bruit, ton père est fatigué… viens dire bonsoir à ton père, accroche un sourire à ta face ». Line a peur de son père, la mère en bloque l’accès, le père ne peut pas assurer la triangulation. De plus Line a été frappée par son frère aîné puis abusée par un moniteur. Elle abandonne ses études avant de rédiger son mémoire et tombe dans la dépression. Elle vient en thérapie, parvient à transformer l’image du père idéal en homme comme les autres (elle pleure : j’ai perdu mon papa idéal) exprime en séance sa colère vis a vis des parents et de son frère, termine son mémoire. Il y a crainte de castration (névrose) et énergie investie pour ne pas tomber dans la psychose. Les relations sont de type narcissique et non génital puisque l’Oedipe n’est pas atteint. Le choix d’objet est narcissique (en miroir) : il s’opère sur le modèle de la relation du sujet à lui-même; l’objet représente la personne sous tel ou tel aspect. Incapacité de réaliser une synthèse des introjections et des identifications positives (pulsions libidinales) et négatives (pulsions agressives) Prédominance des pulsions : manque de contrôle, agressivité, impulsivité Prédominance des processus primaires de pensée Il y a imitation plutôt que véritable identification car le bon objet initial n’est pas introjecté (cf. Mélanie Klein). Organisation intra psychique rudimentaire : tendance à avaler tout rond ce qu’on lui dit plutôt qu’une véritable assimilation 7 Antoine est très étonné adulte d’être considéré selon un test « compatissant ». Il se souvient : sa mère lui a dit : « t’es dur, t’es incapable de sentiments » lorsqu’il était adolescent. En résumé : Moi faible : imitation avant identification véritable Manque d’estime de soi car moi idéal, grandiose, inatteignable L’état limite ne s’aime pas. Sentiment de honte fréquemment éprouvé. L’objet est vital. La sécurité est fondamentale. 3 Les Mécanismes de défense (contre l’angoisse de perte d’objet) peu ou pas de refoulement (car Moi Idéal plutôt que Surmoi) les représentations liées à la pulsion sont assez peu repoussées dans l’inconscient : la conscience entraîne une souffrance. clivage c’est le plus utilisé il s’applique à l’objet ou à soi : tout bon (rassurant) /tout mauvais (terrifiant) il protège soi ou l’objet de l’agressivité orale pathologique. La bonne partie du Moi est protégée, le bon objet n’est pas contaminé par le mauvais. Manichéisme : passage de la haine à l’amour (ou vice-versa) ou manque de discernement entre amour et haine, bien ou mal, masculin ou féminin. L’objet clivé n’est pas pleinement investi, les relations ont une nature artificielle, l’attitude change quand l’objet est défectueux ou absent : dimension utilitaire des relations. Le clivage est inadapté, la dépense énergétique importante, le moi s’épuise. L’intelligence peut être élevée mais le rendement est faible en raison de l’énergie psychique consommée pour se maintenir. En thérapie, toute prise de conscience de la réalité bute sur le clivage (oui mais…) La persistance de ce mécanisme archaïque est une entrave à la mise en place harmonieuse des instances psychiques. Les autres mécanismes sont des conséquences du clivage. idéalisation primitive elle s’applique également à l’objet ou à soi le manque de perfection est une menace solution : idéalisation encore plus grande ou dénigrement parfois omnipotence projection elle sert à stabiliser les objets intériorisés ils sont protégés de l’agressivité. Si l’expérience interne s’explique par un déclencheur extérieur elle devient moins troublante ex quand il se sent mal à l’aise, il projette que les autres veulent le mettre mal à l’aise identification projective expulsion sur l’extérieur des mauvaises images de soi ou de l’objet que le patient ne peut intérioriser. Ex Paul ne peut pas prendre conscience qu'il est en colère aussi il l’attribue à l’autre. Cela va l’empêcher de transformer certaines expériences en représentations symboliques car il manque l’élaboration fantasmatique. La réparation est difficile, cela contribue au désespoir 8 déni chez l’état limite, il y a déni des affects et des représentations de l’autre et en particulier du narcissisme de l’autre. Ce qu’il peut consciemment reconnaître, il le dénie dans ses actes ou ses affects. (faire comme si…) passage à l’acte il permet d’évacuer la réalité psychique interne avant que la relation mentalisée à l’objet ou au soi se développe il peut intervenir devant une expérience source de souffrance il évite ainsi la souffrance mais il n’y a pas d’élaboration psychique il constitue un obstacle à l’abord thérapeutique V Evolution 1 Evolution aiguë Grande crise d’angoisse aiguë lors d’un deuxième traumatisme psychique désorganisateur : état paroxystique transitoire proche d’une dépersonnalisation. Une cause extérieure (mariage, deuil…) réveille par le vécu intérieur une situation pré-dépressive évitée jusque-là. L’excès de surcharge pulsionnelle rappelle le premier traumatisme : l’aménagement imparfait du moi est bouleversé. névrose ex Trouble Obsessionnel Compulsif le rituel est une tentative de stabiliser l’humeur ex : syndrome d’amassement contre l’angoisse du vide décompensation psychotique voie psychosomatique 2 Stabilité dans l’instabilité : chronicisation Certains se maintiennent toute leur vie dans une situation inconfortable mais assez habilement aménagée ; parfois décompensation lors de la vieillesse. 2.1 aménagement caractériel - névrose de caractère l’état limite qui cherche la stabilité joue à la névrose mais n’en a pas tous les moyens structurels génitaux et oedipiens maladie de la relation avec l’objet et non un conflit ça-surmoi sujets hyperactifs vie fantasmatique faible jugent sévèrement leur entourage personnalités psychopathiques - psychose de caractère difficulté d’évaluation de la réalité projection vers l’extérieur de tout élément gênant ex hommes d’action très actifs besoin d’être aimé ou craint situation sociale éminente mais souvent fin brutale entraînant la solitude 9 - perversion de caractère : perversité ou parle aussi de « petit paranoïaque » à la fois agressif et gentil ni souffrance ni culpabilité déni du narcissisme de l’autre 2.2 aménagement pervers : perversion Le mot vient de pervertere , en latin renverser (ruiner anéantir) Le pervers a plaisir à avoir une emprise sur l’autre, il peut jouir sans limite et utiliser l’autre selon son bon plaisir. Il y a absence d’empathie (aucun souci de la souffrance de l’autre). Dans son cours, L. Oudjani vous a parlé de la violence insensible sans culpabilité dans la perversion. La société actuelle est plus permissive et individualiste que l’époque du Freud. L’ère était moralisatrice ce qui entrainait honte et culpabilité. La permissivité peut induire la perversion ; la culture du résultat dans les entreprises amène à instrumentaliser l’autre. Les figures d’autorité édictant les lois sont moins prégnantes, chacun fait sa loi, c’est ça la perversion, le pervers fait sa propre loi. Le pervers utilise beaucoup le langage ; il séduit, manipule ou trompe, raille, humilie. Il a tendance au passage à l’acte et à la transgression. Difficile de dialoguer avec un pervers. Les pervers consultent rarement ou bien pour avoir la paix ou bien pour manipuler le thérapeute. Les thérapeutes reçoivent l’entourage du pervers. Le pervers sait mettre le doigt sur la faille de l’autre il anéantit l’estime de nous-même. Origine : l’enfant de 3 ans ne tolère pas la frustration (pervers id) la seule loi qui vaut est celle de son désir. Au fond le pervers se déteste, il a subi un traumatisme initial, le processus d’évolution s’est cassé, la relation à l’autre a été entravée trop tôt pour se construire (croyance : le monde est pourri). Tous les pervers ne sont pas narcissiques c’est une certaine forme de perversion dont on parle beaucoup. Le pervers narcissique est manipulateur, a un ego surdimensionné, il séduit, peut nous fasciner. VI Thérapeutique Travailler dans l’ici et maintenant Le patient état-limite a besoin que s’établisse une relation thérapeutique satisfaisante et contenante. Le thérapeute doit être stable, centré, et maintenir des limites claires. Clarifier le contact dans l’instant présent. Il convient de restaurer la capacité d’un contact clarifié dans l’instant présent. Travailler l’ici et maintenant favorise la stabilité du client, il convient de le confronter à la réalité des faits. Avoir une démarche supportante, axée sur la réalité, centrée sur la réduction des extrêmes sur le plan du comportement affectif. Mieux vaut réduire l’exploration intra psychique. Le client a besoin de construire son Moi. La relation thérapeutique doit permettre à la personne état-limite d’être reconnue et appréciée en tant que personne unique et digne d’amour. Elle doit pouvoir se séparer et s’individualiser pour réactiver le processus de croissance, mettre à l’épreuve de nouveaux comportements dans un environnement supportant et sécuritaire. La thérapie peut être difficile, le cadre difficile à maintenir, le client est instable. Un jour la thérapie lui fait du bien, la semaine suivante elle n’est plus bonne pour lui. 10 Il peut être exigent accroché au thérapeute ou résister à toute forme de contact réel. Il peut arrêter la thérapie sans prévenir. (faisant revivre une sorte d’abandon au thérapeute) Certains semblent aller bien dans la séance, contraste avec ce qu’ils disent de leur vie ; d’autres se montrent dans un état régressif infantile impulsif voire manipulateur. Il peut demander des réponses toutes faites. La thérapie peut être intense le thérapeute peut être très investi idéalisé puis totalement rejeté. Risques pour le thérapeute : trop s’impliquer voire trop rejeter. Ne pas se faire piéger (par exemple par un débordement d’émotion) et garder la distance : ça peut mettre le client en colère mais ainsi il devient adulte, on ne le considère pas comme une pauvre victime. VII La méthode Vittoz Le cadre de la thérapie Vittoz avec ses exercices structurés rassure ; c’est une très bonne réponse à l’instabilité de l’état limite. Le Moi est faible : le renforcer. Travailler l’identification : Je suis ….. Dire haut et fort son nom, son prénom Ecriture consciente du nom et du prénom Jouer avec les lettres du prénom Les actes conscients sentis décidés Différés : attention au risque de sentiment d’échec Besoin de sécurité : les limites de la pièce, le sol solide, qui porte Homme debout, l’axe vertical, Arbre planté (c’est renarcissisant) Marche consciente La réceptivité somesthésique, faire le contour du corps La respiration La Relaxation Le 1 : sentiment d’unité continuité de Soi Lâcher prise Lecture consciente : s’affirmer soi-même, expérimenter de lire haut et fort S’affirmer devant l’autre Balayage du champ de conscience Elimination du « trop-plein du cerveau » afin de voir clair car diverses pensées et émotions se mélangent Le regard de l’autre, le sien dans la glace La distance entre deux personnes Eviter l’imitation : le thérapeute ne fera pas ce qu’il demande au client Renforcer le moi et l’estime de soi : donner en conscience 11 Bibliographie Bergeret (J.) Les état-limites in Revue française de psychanalyse 34 n°4 juillet 1970 P.U.F. Paris pp. 600-634 Bergeret (J.) Psychologie pathologique 1972 Masson Paris Bergeret (J.) La dépression et les états-limites 1975 Payot Paris Chabert (C) et alii Névroses et fonctionnements limites Charrier (P) Les Etats Limites Armand Colin Fourcade (J.M.) Les personnalités limites Freud (S.) Dunod Eyrolles Nouvelles conférences sur la psychanalyse 1936 Gallimard Paris Kernberg (O.) Les troubles limites de la personnalité Dunod Col. Psychismes Kohut (H.) Le soi P.U.F. Col. Le fil rouge Marcelli (D.) Les états-limites P.U.F. Col Nodules Searles (H.) Mon expérience des états-limites Connaissance de l’inconscient NRF 12