Les états-limites

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VITTOZ I.R.D.C.
Les états-limites
Françoise Michel
Psychologue clinicienne
septembre 2014
I
II
III
IV
V
VI
VII
Introduction
Historique
Comportement
Sémiologie
Psychopathologie
Evolution
Thérapeutique
La méthode Vittoz
Bibliographie
Introduction
Contrairement aux névroses et aux psychoses, il s’agit d’un trouble, plutôt que d’une
pathologie claire, et d’un aménagement sans notion de structure. Ce trouble est fréquent : on
parle de plus en plus de patients « états-limites ». Ils constituent une grande partie de la clientèle
des psychothérapeutes, psycho praticiens et thérapeutes.
Ce concept comporte de nombreuses ambiguïtés : historiques, nosographiques,
sémiologiques et psychopathologiques. Il s’est peu à peu dégagé à partir de patients qui posaient
problème : devant la difficulté de poser des indications de cure, les psychanalystes réfléchissent à
une catégorie intermédiaire entre névrose et psychose. La notion d’état limite reste en pleine
discussion et suscite des désaccords. Par exemple, pour les lacaniens, cela n’existe pas.
Quelques mots-clés
Instabilité : dès la nomination : état limite…cas limite… border line…pathologie narcissique…
Instabilité du comportement,
de l’humeur, de l’image de soi, des relations
Souffrance : leur mode relationnel les fait souffrir ainsi que leur entourage
Limite : entre la névrose et la psychose
Aménagement, organisation : et non pas structure, qui serait synonyme de stabilité
Angoisse : du vide, de l’abandon
Relation anaclitique : besoin d’un autre sur qui s’appuyer
Agressivité : principal voire seul affect réellement éprouvé
Dépression : quand l'agressivité se retourne contre soi
1
I Historique
Cette notion date du 20èeme siècle. Différentes descriptions sont faites par différents auteurs.
 En 1924, Freud parle de déformation du Moi (pour ne pas avoir à se morceler) qu’il dit
« intermédiaire » entre l’éclatement psychotique et le conflit névrotique. Ses derniers
travaux décrivent le clivage et le déni et font allusion à un type narcissique de
personnalité.
 1952 Wolberg : intolérance aux frustrations, volonté de maîtriser et en même temps de se
faire exploiter.
 1953 Knight: anaclitisme ego faible processus secondaires perturbés.
 1968 les post-kleiniens étudient le clivage, mécanisme de défense toujours présent chez
l’état-limite (Fairbain).
 1974 Kohut : Soi grandiose, hypertrophie narcissique du sujet. Ces patients sont conduits
à des fluctuations pour maintenir un niveau suffisant et stable d’estime de soi.
 1975 Kernberg : pour lui l’état limite représente une pathologie névrotique particulière par
le fait qu’elle s’exprime par des mécanismes psychotiques éphémères mais récurrents. Il
s’agit de protéger les sujets contre les conflits internes (pas contre la dissociation).
L’épreuve de réalité permet de distinguer les psychotiques des états-limites. On observe
souvent des contradictions entre affects, contenus de pensée et comportements. La
violence de l’agressivité entraîne une division défensive du Moi : un clivage entraîne une
mauvaise maturation du Moi et du Surmoi et finalement une non-acquisition d’une
identité stable.
 Qu’en est-il en France ?
-1967 Bouvet : il développe la notion d’une relation d’objet « prégénitale » différente de la relation
d’objet psychotique et de la relation d’objet du névrotique. Les références à l’Oedipe sont
fragmentaires ou occasionnelles. La triangulation oedipienne ne peut arriver à jouer un rôle
organisateur.
-1975 Bergeret : il parle d’une organisation autonome distincte, ni psychose ni névrose, un
aménagement plus ou moins stable et plus ou moins réussi entre les deux structures. Pour lui
c’est une maladie du narcissisme.
II Comportement
Leur adaptation sociale n’est souvent qu’apparence, ils peuvent la maintenir tant qu’aucun
problème ne survient. On les croit lucides, matures mais une conduite inadéquate, excessive peut
survenir en réponse à une situation de niveau de stress moindre. Ils s'attendent souvent à être
pris en charge par l’entourage. Le comportement est en effet imprévisible : la personne peut
manifester un manque total de cohérence, une dissonance entre ses affects et ce qui se passe
réellement dans l’instant.
L’humeur est labile, l’intensité est plus grande que chez l’hystérique. On parle de dérégulation
émotionnelle, de tempête émotionnelle, de surémotivité.
2
Les crises d’angoisse peuvent être aiguës. L’angoisse du vide peut amener à acheter beaucoup, à
travailler beaucoup.
Ce sont de gros consommateurs de psychotropes. 75 % des patients états limites sont des
femmes. Chez la femme on rencontre plutôt des crises de boulimie, chez l’homme plutôt des
crises d’alcoolisation.
Le mode relationnel est le même que dans la pathologie narcissique, non objectal. Il y a parfois
fusion parfois autonomie, c’est transitoire et ça peut être réactionnel.
La relation affective intime est difficile, cela constitue un paradoxe avec l’adaptation de surface.
Ils peuvent être exigeants : la relation est anaclitique c’est-à-dire dépendance, étayage, attente de
satisfaction positive. Ils ne connaissent pas la relation d’égal à égal c’est soit « petit-grand » ou
« fort-faible ». Ils peuvent être impulsifs, agressifs, la manipulation agressive est possible : ils
peuvent s’arranger pour que l’autre se sente coupable (se rapproche de la perversion).
Fréquemment déçus, ils manifestent leur désillusion.
L’état limite se défend contre la dépression. L’humeur bascule à partir des aléas de la vie
quotidienne ; une contrariété et tout s’écroule. Les tentatives de suicide sont nombreuses ; même
si ce ne sont parfois que des menaces, le taux de suicide reste important. Un abandon peut être
considéré comme mortel.
Avec son caractère imprévisible, impulsif, ses affects paradoxaux (fréquentes volte-face qui font
penser à l’adolescent) les personnes qui partagent son intimité finissent par être blessées par lui.
L’entourage n’a pas envie d’être empêtré dans son instabilité : aussi son réseau social peut ne pas
être très soutenant et difficile à maintenir.
Points forts :
- prise de risque possible, il peut agir ou réagir rapidement
- l’agressivité positive peut servir à défendre une cause
- la relation peut être intense
- beaucoup de sensibilité = beaucoup de richesse
- il peut être très créatif.
4 sous-groupes
-Etats-limites psychotiques :
comportements inappropriés, négatifs, agressifs
-Patients inconsistants qui oscillent dans leurs relations, agressifs et déprimés; des passages à
l’acte les protègent contre la dépression.
-Personnalités « as if » (décrites par Hélène Deutsch 1934) : elles ont un comportement adapté,
une bonne insertion sociale. Certaines passent leur vie dans une grande entreprise qui les
contient, leur sert de support anaclitique.
Elles s’épuisent dans la recherche de leur identité.
Si elles n’ont pas de réactions agressives, elles attendent des autres une relation de
complémentarité ; elles ont recours au repli, à l’intellectualisation.
3
-Etats-limites névrotiques : ressemblance avec la névrose de caractère narcissique.
Dépression anaclitique en rapport avec leur quête d’une relation symbiotique avec une figure
maternelle perdue.
III Sémiologie
L’état limite est victime de ses émotions (cerveau limbique).
La diversité caractérise cette pathologie : tous les symptômes peuvent se rencontrer chez les états
limites.
1 l’angoisse de l’état-limite est une angoisse de perte d’objet : elle concerne un vécu passé
malheureux sur le plan narcissique plus qu’érotique. Le patient limite tente de juguler l’angoisse
d’une certaine manière. Comme c’est inefficace il tente un autre système de défense : inefficace !
Ainsi l’angoisse perdure, elle est diffuse, flottante et conduit souvent à une demande de thérapie.
Antoine fait une demande de thérapie quand sa femme veut le quitter : l’angoisse de perte d’objet, d’abandon surgit.
Les évènements amenant l’angoisse peuvent paraître anodins en apparence mais c’est la fragilité
due au Moi faible qui entraîne le manque de tolérance à l’angoisse.
Line 26 ans est totalement anéantie après un entretien pour intégrer un master qu’elle croit avoir raté.
2 identité troublée en rapport avec la perte des relations affectives
Instabilité du sentiment d’identité personnelle, immaturité, incertitude, confusion. La frontière
Moi-l’Autre est discontinue.
On peut rencontrer des personnes charmantes un peu inquiétantes avec immaturité affective :
c’est un signe de prolongement de la pseudo-latence (cf. tableau Bergeret).
L’état limite a du mal à repérer ses sensations, ses besoins.
Il manque de contrôle pulsionnel et affectif ; il peut se sentir submergé par un besoin qui prend
toute la place, au détriment du contexte, ce qui entraîne le passage à l’acte.
3 relations anaclitiques c’est à dire relations affectives de dépendance
Il s’accroche au contact, il a du mal à lâcher prise. Il peut s’épuiser dans une contrainte de
perfection pour ne pas être abandonné.
Il veut être aimé d’un grand, d’un fort, d’un objet distinct de lui sur lequel il peut s’appuyer. Un
avenir meilleur est investi dans une relation de dépendance vis à vis de l’autre.
Parfois on observe un appui sur les deux parents : il s’agit d’une triade narcissique qui n’est pas la
triangulation.
Le retrait peut être anxiogène.
On observe parfois deux secteurs du champ relationnel :
- dans l’un il y a une évaluation correcte de la réalité, (polarité adulte)
- dans l’autre, fonctionnement sur un mode plus idéaliste en même temps que plus utilitaire
(polarité enfant immature).
Aline assume ses responsabilités professionnelles, elle sait s’organiser, s’occupe beaucoup des autres mais sa vie
sentimentale est un fiasco.
4 dépression
Pour Bergeret c’est l’élément central de cette organisation. Elle est liée à un sentiment de
solitude. Le fond dépressif est très marqué, le fonctionnement ressemble à "je ne serai jamais
suffisamment parfait pour être à l’abri de l’abandon".
L’agressivité est retournée contre lui d’où dépression. Il peut éprouver la culpabilité d’avoir
détruit l’objet en cas de séparation.
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Il éprouve fréquemment un sentiment de vide.
L’angoisse due au sentiment de vide intérieur est réactivée quand il y a vide extérieur.
Parfois impression d’absurdité de la vie.
Certains s’ennuient, traînent une lassitude de vivre. D’autres à l’inverse sont hypomanes, se jettent
dans l’action qui fait office de lutte contre la dépression.
Travail, action permettent d’éviter l’angoisse du vide et la dépression.
Le risque de suicide est grand, il dépend de la tendance ou non au passage à l’acte. Il peut s’agir
d’auto agressivité.
Mylène travaille énormément et le justifie par des échéances à respecter. On regarde cela en thérapie, elle décide de
prendre un peu plus de temps pour elle. Confrontée à une journée de RTT où sa fille est au lycée, seule chez elle, elle
panique. Elle pense à m’appeler puis y renonce, elle a du mal à demander de l’aide. Elle a envie de mourir mais ne
veut pas le faire pour ne pas imposer ça à son père et à sa fille.
5 passage à l’acte
L’angoisse est tellement intense et envahissante qu’elle entraine le passage à l’acte.
Le passage à l’acte peut dépendre aussi de l’agressivité et comment elle est gérée.
Manque de contrôle des pulsions : le surplus d’excitation lié à la pulsion n’est pas élaboré
mentalement et se dirige vers le corps, ex. comportements destructeurs (automutilation).
On trouve parfois des conduites antisociales (proches de la psychopathie),
Parfois instabilité professionnelle voire affective ; l’insertion sociale est fragile.
Le passage à l’acte peut aussi être source de satisfaction pulsionnelle directe.
Catherine : son mari veut divorcer et refuse une thérapie de couple. Sa colère éclate, elle casse une chaise : libération
de l’agressivité, jouissance ressentie.
Valérie quitte son lieu de travail quand un contrôleur l’invective. Dans une entreprise précédente, elle travaillait
beaucoup, faisait des heures sup. Elle s’absente une journée pour enfant malade, elle voit sur sa fiche de salaire
qu’on lui a retiré une journée de travail. Elle ne tente pas de demander pourquoi, elle donne sa démission.
6 dépendance
On rencontre des toxicomanes, des alcoolo-dépendants, une dépendance passive à l’autre, une
dépendance affective, parfois de la soumission. La relation bascule si l’autre ne répond plus aux
attentes. On observe souvent une idéalisation primitive suivie d’une dévalorisation.
7 autres
- symptômes d’apparence névrotique
phobies : elles peuvent être multiples parfois jusqu’à être invalidantes
obsessions
conversions hystériques changeantes
hypocondrie
(on peut dire que Dora cas de Freud était plutôt limite qu’hystérique car il y avait amnésie)
- parfois conduites sexuelles déviantes
avec aspect impulsif, sexualité chaotique, sado-masochisme
- épisodes psychotiques aigus
états confus perte de repère idées délirantes non élaborées correspondant au chaos interne.
La labilité fait qu’on peut hospitaliser la personne devant un état inquiétant ; le lendemain elle
sort car tout va bien !
5
La personnalité borderline selon le D.S.M. IV 2002
(Classification des psychiatres, discutable au niveau psychanalytique)
Mode général d’instabilité des relations inter-personnelles, de l’image de soi et des affects avec
impulsivité marquée qui apparaît au début de l’âge adulte, présent dans divers contextes. Avoir au
moins cinq des manifestations suivantes :
-efforts pour éviter abandons réels ou imaginés
-relations interpersonnelles instables et intenses (différent de la « froideur de fond » dans
l’hystérie) : alternance idéalisation dévalorisation
-perturbation de l’identité
-impulsivité dans au moins 2 domaines dommageables pour le sujet (dépenses, sexualité,
toxicomanie, boulimie, conduite dangereuse)
-répétitions de comportements gestes ou menaces suicidaires ou d’automutilation
-instabilité affective réactivité marquée de l’humeur
-sentiment chronique de vide
-colères intenses inappropriées difficulté à contrôler sa colère
-survenue transitoire en situation de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes
dissociatifs sévères
En guise de résumé : la personnalité borderline selon la Cim 10 (classification internationale des troubles mentaux)
Le type borderline est inclus dans la personnalité émotionnellement labile :
Tendance à agir avec impulsivité, manque de contrôle de soi associée à une instabilité de l’humeur
avec comme caractéristiques :
Images de soi, objectifs et préférences personnelles perturbés ou incertains, sentiment de vide,
crises émotionnelles fréquentes, efforts pour éviter l’abandon, gestes auto-agressifs.
IV Psychopathologie
1 rappel génétique
1er étape : chez le petit enfant distinction du non-Moi sous forme d’états initiaux du Moi encore
un peu indifférenciés sans structure stable. (stade oral 0- 1 à 2 ans)
2ème étape : états où les lignes de force déterminées par les conflits, les frustrations, les effets des
pulsions ou de la réalité, les défenses, ses réactions aux poussées internes et externes commencent
à s’orienter vers la constitution d’une structure. (stade anal 2-3 ans)
3eme étape : (âge de l’Œdipe) véritable structure (décompensée ou non) ; à ce moment les lignes
de clivage seraient définitivement constituées. Comme un cristal se brise selon des lignes
préétablies, pas de communication possible entre lignée psychotique et lignée névrotique.
Selon l’hypothèse structurelle de Jean Bergeret, l’état limite est entre la structure psychotique et la
structure névrotique. Diatkine parle non de deux structures mais d’un équilibre avec passage entre
un noyau psychotique et une enveloppe névrotique.
6
2 dynamique
Un évènement traumatique (deuil, séparation) compromet l’état d’aménagement précaire du Moi
car il y a inflation pulsionnelle. Les mécanismes de défense sont insuffisants pour contenir
l’angoisse ; cela entraîne la régression.
L’état limite a vécu un traumatisme affectif dans l’enfance, entre 9 mois et trois ans; une
expérience réelle ou fantasmatique d’abandon. Cela entraîne une angoisse de perte d’objet.
A la suite d’un traumatisme tardif, il peut y avoir basculement vers une structure (névrotique ou
psychotique) ou maintien avec une série d’aménagements; les décompensations restent possibles
à tout moment.
Au début de la vie, la mère s’adapte totalement à son enfant (illusion de toute-puissance).
Progressivement, elle doit tout à la fois le rassurer et le désillusionner, lui permettre l’acceptation
de la frustration : elle doit être suffisamment bonne (Winnicott). Pour cause d’un comportement
discontinu ou imprévisible, ce mécanisme n’a pas fonctionné chez les états-limites. L’illusion a
été insuffisante et/ou la désillusion brutale.
Antoine dit : je me protégeais de ma mère, mais quand je me sentais mal je lui montrais ma faiblesse. Je me sentais
alors mangé ; c’est pas du tout ce que j’avais besoin, je voulais qu’elle me soutienne.
Le Moi se construit grâce aux bons soins de la mère. Si le maternage est insatisfaisant, le Moi
n’est pas suffisamment fort pour affronter l’Œdipe, il y a de la peur : l’état limite passe son temps
à tenter de passer la frontière. (cf. le rêve d’Aline)
Les éléments précurseurs du Surmoi en formation sont entraînés vers des fixations antérieures.
Fixation très archaïque au stade oral ou au stade anal voire sadique-anal. Les personnes étatslimites sont dans la toute-puissance (stade oral) ou dans le désir de toute-puissance (dominantdominé) stade anal. Il y a défaut d’intégration du Surmoi mais Moi Idéal pathologique par
gonflement du Moi. Ce n’est pas l’Idéal du Moi mais un Moi grandiose à la fois puéril et
gigantesque. La constatation de l’échec amène l’état limite à la dépression.
Rappel :Moi idéal : idéal de toute-puissance narcissique forgé sur le modèle du narcissisme infantile en référence à la
mère archaïque
Idéal du Moi : il résulte de la convergence du narcissisme et des identifications aux parents, aux idéaux collectifs, le
sujet cherche à se conformer à un modèle
Line, issue d’une famille d’origine italienne a été éduquée dans la soumission à l’homme. « Ne fait pas de bruit, ton
père est fatigué… viens dire bonsoir à ton père, accroche un sourire à ta face ». Line a peur de son père, la mère en
bloque l’accès, le père ne peut pas assurer la triangulation. De plus Line a été frappée par son frère aîné puis abusée
par un moniteur. Elle abandonne ses études avant de rédiger son mémoire et tombe dans la dépression. Elle vient en
thérapie, parvient à transformer l’image du père idéal en homme comme les autres (elle pleure : j’ai perdu mon papa
idéal) exprime en séance sa colère vis a vis des parents et de son frère, termine son mémoire.
Il y a crainte de castration (névrose) et énergie investie pour ne pas tomber dans la psychose.
Les relations sont de type narcissique et non génital puisque l’Oedipe n’est pas atteint. Le choix
d’objet est narcissique (en miroir) : il s’opère sur le modèle de la relation du sujet à lui-même;
l’objet représente la personne sous tel ou tel aspect.
Incapacité de réaliser une synthèse des introjections et des identifications positives (pulsions
libidinales) et négatives (pulsions agressives)
Prédominance des pulsions : manque de contrôle, agressivité, impulsivité
Prédominance des processus primaires de pensée
Il y a imitation plutôt que véritable identification car le bon objet initial n’est pas introjecté (cf.
Mélanie Klein). Organisation intra psychique rudimentaire : tendance à avaler tout rond ce qu’on
lui dit plutôt qu’une véritable assimilation
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Antoine est très étonné adulte d’être considéré selon un test « compatissant ». Il se souvient : sa mère lui a dit : « t’es
dur, t’es incapable de sentiments » lorsqu’il était adolescent.
En résumé :
Moi faible : imitation avant identification véritable
Manque d’estime de soi car moi idéal, grandiose, inatteignable
L’état limite ne s’aime pas. Sentiment de honte fréquemment éprouvé.
L’objet est vital. La sécurité est fondamentale.
3 Les Mécanismes de défense
(contre l’angoisse de perte d’objet)
peu ou pas de refoulement
(car Moi Idéal plutôt que Surmoi)
les représentations liées à la pulsion sont assez peu repoussées dans l’inconscient : la conscience
entraîne une souffrance.
clivage
c’est le plus utilisé
il s’applique à l’objet ou à soi : tout bon (rassurant) /tout mauvais (terrifiant)
il protège soi ou l’objet de l’agressivité orale pathologique.
La bonne partie du Moi est protégée, le bon objet n’est pas contaminé par le mauvais.
Manichéisme : passage de la haine à l’amour (ou vice-versa)
ou manque de discernement entre amour et haine, bien ou mal, masculin ou féminin.
L’objet clivé n’est pas pleinement investi, les relations ont une nature artificielle, l’attitude change
quand l’objet est défectueux ou absent : dimension utilitaire des relations.
Le clivage est inadapté, la dépense énergétique importante, le moi s’épuise.
L’intelligence peut être élevée mais le rendement est faible en raison de l’énergie psychique
consommée pour se maintenir.
En thérapie, toute prise de conscience de la réalité bute sur le clivage (oui mais…)
La persistance de ce mécanisme archaïque est une entrave à la mise en place harmonieuse des
instances psychiques.
Les autres mécanismes sont des conséquences du clivage.
idéalisation primitive
elle s’applique également à l’objet ou à soi
le manque de perfection est une menace
solution : idéalisation encore plus grande ou dénigrement
parfois omnipotence
projection
elle sert à stabiliser les objets intériorisés ils sont protégés de l’agressivité. Si l’expérience interne
s’explique par un déclencheur extérieur elle devient moins troublante
ex quand il se sent mal à l’aise, il projette que les autres veulent le mettre mal à l’aise
identification projective
expulsion sur l’extérieur des mauvaises images de soi ou de l’objet que le patient ne peut
intérioriser. Ex Paul ne peut pas prendre conscience qu'il est en colère aussi il l’attribue à l’autre.
Cela va l’empêcher de transformer certaines expériences en représentations symboliques car il
manque l’élaboration fantasmatique. La réparation est difficile, cela contribue au désespoir
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déni
chez l’état limite, il y a déni des affects et des représentations de l’autre et en particulier du
narcissisme de l’autre. Ce qu’il peut consciemment reconnaître, il le dénie dans ses actes ou ses
affects. (faire comme si…)
passage à l’acte
il permet d’évacuer la réalité psychique interne avant que la relation mentalisée à l’objet ou au soi
se développe
il peut intervenir devant une expérience source de souffrance
il évite ainsi la souffrance mais il n’y a pas d’élaboration psychique
il constitue un obstacle à l’abord thérapeutique
V Evolution
1 Evolution aiguë
Grande crise d’angoisse aiguë lors d’un deuxième traumatisme psychique désorganisateur : état
paroxystique transitoire proche d’une dépersonnalisation. Une cause extérieure (mariage,
deuil…) réveille par le vécu intérieur une situation pré-dépressive évitée jusque-là. L’excès de
surcharge pulsionnelle rappelle le premier traumatisme : l’aménagement imparfait du moi est
bouleversé.
 névrose
ex Trouble Obsessionnel Compulsif
le rituel est une tentative de stabiliser l’humeur
ex : syndrome d’amassement contre l’angoisse du vide


décompensation psychotique
voie psychosomatique
2 Stabilité dans l’instabilité : chronicisation
Certains se maintiennent toute leur vie dans une situation inconfortable mais assez habilement
aménagée ; parfois décompensation lors de la vieillesse.
2.1 aménagement caractériel
- névrose de caractère
l’état limite qui cherche la stabilité joue à la névrose mais n’en a pas tous les moyens structurels
génitaux et oedipiens
maladie de la relation avec l’objet et non un conflit ça-surmoi
sujets hyperactifs vie fantasmatique faible jugent sévèrement leur entourage personnalités
psychopathiques
- psychose de caractère
difficulté d’évaluation de la réalité
projection vers l’extérieur de tout élément gênant
ex hommes d’action très actifs besoin d’être aimé ou craint situation sociale éminente mais
souvent fin brutale entraînant la solitude
9
- perversion de caractère : perversité
ou parle aussi de « petit paranoïaque »
à la fois agressif et gentil ni souffrance ni culpabilité
déni du narcissisme de l’autre
2.2 aménagement pervers : perversion
Le mot vient de pervertere , en latin renverser (ruiner anéantir)
Le pervers a plaisir à avoir une emprise sur l’autre, il peut jouir sans limite et utiliser l’autre selon
son bon plaisir. Il y a absence d’empathie (aucun souci de la souffrance de l’autre). Dans son
cours, L. Oudjani vous a parlé de la violence insensible sans culpabilité dans la perversion.
La société actuelle est plus permissive et individualiste que l’époque du Freud. L’ère était
moralisatrice ce qui entrainait honte et culpabilité. La permissivité peut induire la perversion ; la
culture du résultat dans les entreprises amène à instrumentaliser l’autre. Les figures d’autorité
édictant les lois sont moins prégnantes, chacun fait sa loi, c’est ça la perversion, le pervers fait sa
propre loi.
Le pervers utilise beaucoup le langage ; il séduit, manipule ou trompe, raille, humilie. Il a tendance
au passage à l’acte et à la transgression.
Difficile de dialoguer avec un pervers. Les pervers consultent rarement ou bien pour avoir la paix
ou bien pour manipuler le thérapeute. Les thérapeutes reçoivent l’entourage du pervers.
Le pervers sait mettre le doigt sur la faille de l’autre il anéantit l’estime de nous-même.
Origine : l’enfant de 3 ans ne tolère pas la frustration (pervers id) la seule loi qui vaut est celle de
son désir. Au fond le pervers se déteste, il a subi un traumatisme initial, le processus d’évolution
s’est cassé, la relation à l’autre a été entravée trop tôt pour se construire (croyance : le monde est
pourri).
Tous les pervers ne sont pas narcissiques c’est une certaine forme de perversion dont on parle
beaucoup. Le pervers narcissique est manipulateur, a un ego surdimensionné, il séduit, peut
nous fasciner.
VI Thérapeutique
Travailler dans l’ici et maintenant
Le patient état-limite a besoin que s’établisse une relation thérapeutique satisfaisante et
contenante. Le thérapeute doit être stable, centré, et maintenir des limites claires. Clarifier le
contact dans l’instant présent. Il convient de restaurer la capacité d’un contact clarifié dans
l’instant présent.
Travailler l’ici et maintenant favorise la stabilité du client, il convient de le confronter à la
réalité des faits. Avoir une démarche supportante, axée sur la réalité, centrée sur la réduction des
extrêmes sur le plan du comportement affectif. Mieux vaut réduire l’exploration intra psychique.
Le client a besoin de construire son Moi. La relation thérapeutique doit permettre à la personne
état-limite d’être reconnue et appréciée en tant que personne unique et digne d’amour.
Elle doit pouvoir se séparer et s’individualiser pour réactiver le processus de croissance, mettre à
l’épreuve de nouveaux comportements dans un environnement supportant et sécuritaire.
La thérapie peut être difficile, le cadre difficile à maintenir, le client est instable.
Un jour la thérapie lui fait du bien, la semaine suivante elle n’est plus bonne pour lui.
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Il peut être exigent accroché au thérapeute ou résister à toute forme de contact réel. Il peut
arrêter la thérapie sans prévenir. (faisant revivre une sorte d’abandon au thérapeute)
Certains semblent aller bien dans la séance, contraste avec ce qu’ils disent de leur vie ; d’autres se
montrent dans un état régressif infantile impulsif voire manipulateur. Il peut demander des
réponses toutes faites.
La thérapie peut être intense le thérapeute peut être très investi idéalisé puis totalement rejeté.
Risques pour le thérapeute : trop s’impliquer voire trop rejeter.
Ne pas se faire piéger (par exemple par un débordement d’émotion) et garder la distance : ça
peut mettre le client en colère mais ainsi il devient adulte, on ne le considère pas comme une
pauvre victime.
VII La méthode Vittoz
Le cadre de la thérapie Vittoz avec ses exercices structurés rassure ; c’est une très bonne réponse
à l’instabilité de l’état limite.
Le Moi est faible : le renforcer.
Travailler l’identification : Je suis …..
Dire haut et fort son nom, son prénom
Ecriture consciente du nom et du prénom
Jouer avec les lettres du prénom
Les actes conscients sentis décidés
Différés : attention au risque de sentiment d’échec
Besoin de sécurité :
les limites de la pièce, le sol solide, qui porte
Homme debout, l’axe vertical, Arbre planté (c’est renarcissisant)
Marche consciente
La réceptivité somesthésique, faire le contour du corps
La respiration
La Relaxation
Le 1 : sentiment d’unité continuité de Soi
Lâcher prise
Lecture consciente :
s’affirmer soi-même, expérimenter de lire haut et fort
S’affirmer devant l’autre
Balayage du champ de conscience
Elimination du « trop-plein du cerveau » afin de voir clair car diverses pensées et émotions
se mélangent
Le regard de l’autre, le sien dans la glace
La distance entre deux personnes
Eviter l’imitation : le thérapeute ne fera pas ce qu’il demande au client
Renforcer le moi et l’estime de soi : donner en conscience
11
Bibliographie
Bergeret (J.) Les état-limites in Revue française de psychanalyse 34 n°4 juillet 1970 P.U.F.
Paris pp. 600-634
Bergeret (J.) Psychologie pathologique 1972 Masson Paris
Bergeret (J.) La dépression et les états-limites 1975 Payot Paris
Chabert (C) et alii Névroses et fonctionnements limites
Charrier (P)
Les Etats Limites Armand Colin
Fourcade (J.M.) Les personnalités limites
Freud (S.)
Dunod
Eyrolles
Nouvelles conférences sur la psychanalyse 1936 Gallimard Paris
Kernberg (O.) Les troubles limites de la personnalité Dunod Col. Psychismes
Kohut (H.)
Le soi
P.U.F. Col. Le fil rouge
Marcelli (D.) Les états-limites P.U.F. Col Nodules
Searles (H.) Mon expérience des états-limites Connaissance de l’inconscient NRF
12
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