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VITTOZ I.R.D.C.
Les états-limites
Françoise Michel
Psychologue clinicienne
septembre 2014
Introduction
I Historique
II Comportement
III Sémiologie
IV Psychopathologie
V Evolution
VI Thérapeutique
VII La méthode Vittoz
Bibliographie
Introduction
Contrairement aux névroses et aux psychoses, il s’agit d’un trouble, plutôt que d’une
pathologie claire, et d’un aménagement sans notion de structure. Ce trouble est fréquent : on
parle de plus en plus de patients « états-limites ». Ils constituent une grande partie de la clientèle
des psychothérapeutes, psycho praticiens et thérapeutes.
Ce concept comporte de nombreuses ambiguïtés : historiques, nosographiques,
sémiologiques et psychopathologiques. Il s’est peu à peu dégagé à partir de patients qui posaient
problème : devant la difficulté de poser des indications de cure, les psychanalystes réfléchissent à
une catégorie intermédiaire entre névrose et psychose. La notion d’état limite reste en pleine
discussion et suscite des désaccords. Par exemple, pour les lacaniens, cela n’existe pas.
Quelques mots-clés
Instabilité : dès la nomination : état limite…cas limite… border line…pathologie narcissique…
Instabilité du comportement,
de l’humeur, de l’image de soi, des relations
Souffrance : leur mode relationnel les fait souffrir ainsi que leur entourage
Limite : entre la névrose et la psychose
Aménagement, organisation : et non pas structure, qui serait synonyme de stabilité
Angoisse : du vide, de l’abandon
Relation anaclitique : besoin d’un autre sur qui s’appuyer
Agressivité : principal voire seul affect réellement éprouvé
Dépression : quand l'agressivité se retourne contre soi
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I Historique
Cette notion date du 20èeme siècle. Différentes descriptions sont faites par différents auteurs.
En 1924, Freud parle de déformation du Moi (pour ne pas avoir à se morceler) qu’il dit
« intermédiaire » entre l’éclatement psychotique et le conflit névrotique. Ses derniers
travaux décrivent le clivage et le déni et font allusion à un type narcissique de
personnalité.
1952 Wolberg : intolérance aux frustrations, volonté de maîtriser et en même temps de se
faire exploiter.
1953 Knight: anaclitisme ego faible processus secondaires perturbés.
1968 les post-kleiniens étudient le clivage, mécanisme de défense toujours présent chez
l’état-limite (Fairbain).
1974 Kohut : Soi grandiose, hypertrophie narcissique du sujet. Ces patients sont conduits
à des fluctuations pour maintenir un niveau suffisant et stable d’estime de soi.
1975 Kernberg : pour lui l’état limite représente une pathologie névrotique particulière par
le fait qu’elle s’exprime par des mécanismes psychotiques éphémères mais récurrents. Il
s’agit de protéger les sujets contre les conflits internes (pas contre la dissociation).
L’épreuve de réalité permet de distinguer les psychotiques des états-limites. On observe
souvent des contradictions entre affects, contenus de pensée et comportements. La
violence de l’agressivité entraîne une division défensive du Moi : un clivage entraîne une
mauvaise maturation du Moi et du Surmoi et finalement une non-acquisition d’une
identité stable.
Qu’en est-il en France ?
-1967 Bouvet : il développe la notion d’une relation d’objet « prégénitale » différente de la relation
d’objet psychotique et de la relation d’objet du névrotique. Les références à l’Oedipe sont
fragmentaires ou occasionnelles. La triangulation oedipienne ne peut arriver à jouer un rôle
organisateur.
-1975 Bergeret : il parle d’une organisation autonome distincte, ni psychose ni névrose, un
aménagement plus ou moins stable et plus ou moins réussi entre les deux structures. Pour lui
c’est une maladie du narcissisme.
II Comportement
Leur adaptation sociale n’est souvent qu’apparence, ils peuvent la maintenir tant qu’aucun
problème ne survient. On les croit lucides, matures mais une conduite inadéquate, excessive peut
survenir en réponse à une situation de niveau de stress moindre. Ils s'attendent souvent à être
pris en charge par l’entourage. Le comportement est en effet imprévisible : la personne peut
manifester un manque total de cohérence, une dissonance entre ses affects et ce qui se passe
réellement dans l’instant.
L’humeur est labile, l’intensité est plus grande que chez l’hystérique. On parle de dérégulation
émotionnelle, de tempête émotionnelle, de surémotivité.
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Les crises d’angoisse peuvent être aiguës. L’angoisse du vide peut amener à acheter beaucoup, à
travailler beaucoup.
Ce sont de gros consommateurs de psychotropes. 75 % des patients états limites sont des
femmes. Chez la femme on rencontre plutôt des crises de boulimie, chez l’homme plutôt des
crises d’alcoolisation.
Le mode relationnel est le même que dans la pathologie narcissique, non objectal. Il y a parfois
fusion parfois autonomie, c’est transitoire et ça peut être réactionnel.
La relation affective intime est difficile, cela constitue un paradoxe avec l’adaptation de surface.
Ils peuvent être exigeants : la relation est anaclitique c’est-à-dire dépendance, étayage, attente de
satisfaction positive. Ils ne connaissent pas la relation d’égal à égal c’est soit « petit-grand » ou
« fort-faible ». Ils peuvent être impulsifs, agressifs, la manipulation agressive est possible : ils
peuvent s’arranger pour que l’autre se sente coupable (se rapproche de la perversion).
Fréquemment déçus, ils manifestent leur désillusion.
L’état limite se défend contre la dépression. L’humeur bascule à partir des aléas de la vie
quotidienne ; une contrariété et tout s’écroule. Les tentatives de suicide sont nombreuses ; même
si ce ne sont parfois que des menaces, le taux de suicide reste important. Un abandon peut être
considéré comme mortel.
Avec son caractère imprévisible, impulsif, ses affects paradoxaux (fréquentes volte-face qui font
penser à l’adolescent) les personnes qui partagent son intimité finissent par être blessées par lui.
L’entourage n’a pas envie d’être empêtré dans son instabilité : aussi son réseau social peut ne pas
être très soutenant et difficile à maintenir.
Points forts :
- prise de risque possible, il peut agir ou réagir rapidement
- l’agressivité positive peut servir à défendre une cause
- la relation peut être intense
- beaucoup de sensibilité = beaucoup de richesse
- il peut être très créatif.
4 sous-groupes
-Etats-limites psychotiques :
comportements inappropriés, négatifs, agressifs
-Patients inconsistants qui oscillent dans leurs relations, agressifs et déprimés; des passages à
l’acte les protègent contre la dépression.
-Personnalités « as if » (décrites par Hélène Deutsch 1934) : elles ont un comportement adapté,
une bonne insertion sociale. Certaines passent leur vie dans une grande entreprise qui les
contient, leur sert de support anaclitique.
Elles s’épuisent dans la recherche de leur identité.
Si elles n’ont pas de réactions agressives, elles attendent des autres une relation de
complémentarité ; elles ont recours au repli, à l’intellectualisation.
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-Etats-limites névrotiques : ressemblance avec la névrose de caractère narcissique.
Dépression anaclitique en rapport avec leur quête d’une relation symbiotique avec une figure
maternelle perdue.
III Sémiologie
L’état limite est victime de ses émotions (cerveau limbique).
La diversité caractérise cette pathologie : tous les symptômes peuvent se rencontrer chez les états
limites.
1 langoisse de l’état-limite est une angoisse de perte d’objet : elle concerne un vécu passé
malheureux sur le plan narcissique plus qu’érotique. Le patient limite tente de juguler l’angoisse
d’une certaine manière. Comme c’est inefficace il tente un autre système de défense : inefficace !
Ainsi l’angoisse perdure, elle est diffuse, flottante et conduit souvent à une demande de thérapie.
Antoine fait une demande de thérapie quand sa femme veut le quitter : l’angoisse de perte d’objet, d’abandon surgit.
Les évènements amenant l’angoisse peuvent paraître anodins en apparence mais c’est la fragilité
due au Moi faible qui entraîne le manque de tolérance à l’angoisse.
Line 26 ans est totalement anéantie après un entretien pour intégrer un master qu’elle croit avoir raté.
2 identité troublée en rapport avec la perte des relations affectives
Instabilité du sentiment d’identité personnelle, immaturité, incertitude, confusion. La frontière
Moi-l’Autre est discontinue.
On peut rencontrer des personnes charmantes un peu inquiétantes avec immaturité affective :
c’est un signe de prolongement de la pseudo-latence (cf. tableau Bergeret).
L’état limite a du mal à repérer ses sensations, ses besoins.
Il manque de contrôle pulsionnel et affectif ; il peut se sentir submergé par un besoin qui prend
toute la place, au détriment du contexte, ce qui entraîne le passage à l’acte.
3 relations anaclitiques c’est à dire relations affectives de dépendance
Il s’accroche au contact, il a du mal à cher prise. Il peut s’épuiser dans une contrainte de
perfection pour ne pas être abandonné.
Il veut être aimé d’un grand, d’un fort, d’un objet distinct de lui sur lequel il peut s’appuyer. Un
avenir meilleur est investi dans une relation de dépendance vis à vis de l’autre.
Parfois on observe un appui sur les deux parents : il s’agit d’une triade narcissique qui n’est pas la
triangulation.
Le retrait peut être anxiogène.
On observe parfois deux secteurs du champ relationnel :
- dans l’un il y a une évaluation correcte de la réalité, (polarité adulte)
- dans l’autre, fonctionnement sur un mode plus idéaliste en même temps que plus utilitaire
(polarité enfant immature).
Aline assume ses responsabilités professionnelles, elle sait s’organiser, s’occupe beaucoup des autres mais sa vie
sentimentale est un fiasco.
4 dépression
Pour Bergeret c’est l’élément central de cette organisation. Elle est liée à un sentiment de
solitude. Le fond dépressif est très marqué, le fonctionnement ressemble à "je ne serai jamais
suffisamment parfait pour être à l’abri de l’abandon".
L’agressivité est retournée contre lui d’où dépression. Il peut éprouver la culpabilité d’avoir
détruit l’objet en cas de séparation.
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Il éprouve fréquemment un sentiment de vide.
L’angoisse due au sentiment de vide intérieur est réactivée quand il y a vide extérieur.
Parfois impression d’absurdité de la vie.
Certains s’ennuient, traînent une lassitude de vivre. D’autres à l’inverse sont hypomanes, se jettent
dans l’action qui fait office de lutte contre la dépression.
Travail, action permettent d’éviter l’angoisse du vide et la dépression.
Le risque de suicide est grand, il dépend de la tendance ou non au passage à l’acte. Il peut s’agir
d’auto agressivité.
Mylène travaille énormément et le justifie par des échéances à respecter. On regarde cela en thérapie, elle décide de
prendre un peu plus de temps pour elle. Confrontée à une journée de RTT où sa fille est au lycée, seule chez elle, elle
panique. Elle pense à m’appeler puis y renonce, elle a du mal à demander de l’aide. Elle a envie de mourir mais ne
veut pas le faire pour ne pas imposer ça à son père et à sa fille.
5 passage à l’acte
L’angoisse est tellement intense et envahissante qu’elle entraine le passage à l’acte.
Le passage à l’acte peut dépendre aussi de l’agressivité et comment elle est gérée.
Manque de contrôle des pulsions : le surplus d’excitation lié à la pulsion n’est pas élaboré
mentalement et se dirige vers le corps, ex. comportements destructeurs (automutilation).
On trouve parfois des conduites antisociales (proches de la psychopathie),
Parfois instabilité professionnelle voire affective ; l’insertion sociale est fragile.
Le passage à l’acte peut aussi être source de satisfaction pulsionnelle directe.
Catherine : son mari veut divorcer et refuse une thérapie de couple. Sa colère éclate, elle casse une chaise : libération
de l’agressivité, jouissance ressentie.
Valérie quitte son lieu de travail quand un contrôleur l’invective. Dans une entreprise précédente, elle travaillait
beaucoup, faisait des heures sup. Elle s’absente une journée pour enfant malade, elle voit sur sa fiche de salaire
qu’on lui a retiré une journée de travail. Elle ne tente pas de demander pourquoi, elle donne sa démission.
6 dépendance
On rencontre des toxicomanes, des alcoolo-dépendants, une dépendance passive à l’autre, une
dépendance affective, parfois de la soumission. La relation bascule si l’autre ne répond plus aux
attentes. On observe souvent une idéalisation primitive suivie d’une dévalorisation.
7 autres
- symptômes d’apparence névrotique
phobies : elles peuvent être multiples parfois jusqu’à être invalidantes
obsessions
conversions hystériques changeantes
hypocondrie
(on peut dire que Dora cas de Freud était plutôt limite qu’hystérique car il y avait amnésie)
- parfois conduites sexuelles déviantes
avec aspect impulsif, sexualité chaotique, sado-masochisme
- épisodes psychotiques aigus
états confus perte de repère idées délirantes non élaborées correspondant au chaos interne.
La labilité fait qu’on peut hospitaliser la personne devant un état inquiétant ; le lendemain elle
sort car tout va bien !
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