La dualité - Masoniclib

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Pythagore.
C’est lors du quatrième voyage d’instruction au 2° que je découvre le nom
de Pythagore. Maître à penser qui marquera l’Occident du Vème siècle
avant JC mais aussi savant et philosophe, vocations qui s’harmonisaient
en lui, se tempérant entre elles, Pythagore influença en son temps la
maçonnerie opérative puis plus tard pénétra la FM:. spéculative. C’est par
ces quelques mots que le VM:. me présente l’illustre personnage tout en
m’invitant à le découvrir au gré de mes pérégrinations.
Qui fut Pythagore et qu’apporta-t-il à la pensée en son siècle ? Quels
enseignements prodiguaient-ils pour que, de nos jours, son nom soit
encore vivant dans nos mémoires tant dans le domaine de la philosophie
que dans le domaine des sciences mathématiques ? Quels messages nous
transmet-il, pour nous FM:. de la Gldf qui cherchons à devenir les
géomètres du Temple intérieur ?
I – Qui fut Pythagore
A son sujet, il est difficile de démêler la légende de l’histoire. L’on prêtera
à Pythagore des pouvoirs magiques, des facultés extraordinaires, des
miracles qui feront de lui tant un personnage mythique qu’un acteur de
l’histoire de la Grèce.
Pythagore naît sur l’île de Samos vers 580 avant JC. Hasard de l’Histoire ou plan du GADLU - il vécu en même temps que Lao-Tseu et Confucius en
Chine, Bouddha en Inde, Zoroastre en Perse. Le mythe prête à Pythagore
une âme voyageuse, réincarnations successives de simples pécheurs, de
fils de Dieux grecs, de devins.
Jeune, il reçoit l’enseignement en Grèce comme en Crête des plus grands
Maîtres du siècle (il apprendra notamment l’Iliade et l’Odyssée par cœur).
Ces études l’appellent aux voyages : il passe ainsi par la Phénicie, la
Chaldée et l’Egypte. C’est ici et avec le plus grand zèle qu’il visite les
temples et se fait instruire dans les moindres détails sur chaque chose, ne
négligeant nul enseignement de ceux qui étaient réputés à son époque, ni
aucun homme parmi ceux qui étaient connus pour leur sagesse, ni aucun
mystère où qu’ils se tinssent. Il se rend auprès de tous les prêtres
s’instruisant auprès de chacun d’eux. Il passe ainsi 22 ans en Egypte dans
le secret des temples à s’adonner à l’astrologie, à la géométrie. Il étudie
les nombres, la musique et se fait initier à tous les mystères des Dieux. Il
est initié tour à tour à Héliopolis cité sacrée de Râ, à Memphis ville de
Ptah, à Thèbes domaine d’Amon.
A l’age de 56 ans, il rentre en Grèce pour fonder un ordre initiatique –
l’homakoeion - qu’il installera à Crotone. Secte religieuse, philosophique et
scientifique, elle initiera jusqu’à 10 générations de disciples. Dans une
Grèce où fleurissent le commerce, la sensualité et l’esthétique, Pythagore
fait entendre la voix de l’Egypte ancienne et parle Sagesse, Force et
Beauté. Par une initiation authentique, il crée des hommes et des femmes
libres à qui il enseigne l’art de la méditation, la quête de l’harmonie. Il y
prêche la tempérance et le goût de l’étude.
Persécuté par le pouvoir politique en place, il fuit Crotone pour rejoindre
Métaponte où il y retrouve une communauté pythagoricienne. Il meurt en
497 avant JC.
De Pythagore lui-même il n’y aurait rien, aucun écrit. Son enseignement
était-il uniquement oral mais à supposer même qu’il l’ait transcrit,
Pythagore, en véritable initié, ne pouvait qu’effacer la trace de ses pas
afin que seule demeure la pensée symbolique. Auront néanmoins pu
parvenir jusqu’à nous les vers d’or, exposé de la pensée du corps entier
des pythagoriciens, vers prononcés par Pythagore lui-même pour certains,
recueillis par un de ses disciples pour d’autres, compilation réalisée par un
auteur anonyme regroupant des fragments de livres plus anciens et de
discours recélant la doctrine attribuée au Maître pour d’autres encore.
La vie de Pythagore ressemble à une légende : elle mêle le fantastique du
mythe à la rationalité – et à la brutalité - de la vie en cette époque. Elle
confie à l’Histoire un enseignement ésotérique qui traversera les siècles,
non sans critique et opprobre.
II – L’école pythagoricienne
On trouve dans l’histoire de la philosophie une nostalgie non dissimulée
pour cette première communauté de penseurs contemplatifs et combatifs,
philosophes et politiques, savants et religieux, qui unirent la connaissance
à l’action à travers l’amitié qui les liait au Cosmos tout entier. Pythagore a
incontestablement rapporté d’Egypte l’image d’un ordre, d’une vie stable
vouée à la culture scientifique et morale et qui durait une vie entière.
L’école pythagoricienne fut le premier modèle d’une société secrète,
fermée sur ses particularités mais ouverte sur l’universel par son rôle
politique et l’importance accordée à la philosophie.
C’est à Pythagore que l’on doit le terme de philosophe (homme en quête
d’une sagesse proprement humaine) et c’est encore à lui que nous devons
l’idéal de cette connaissance démonstrative dégagée de toute croyance
religieuse ou mystique. Le pythagorisme est à la croisée de ces jeux
d’opposition qu’on appellera plus tard ésotérisme et exotérisme, laïc et
religieux et qui définissent les sociétés ouvertes et les sociétés closes.
La confrérie de Crotone est une société secrète mais dont ni les femmes ni
les étrangers n’étaient exclus. Initiations à des rites secrets, engagement
à garder le silence sur les doctrines révélées, abstention de viande - les
âmes humaines pouvant se réincarner en des formes animales -, croyance
en l’immortalité de l’âme sont les particularités de la fraternité que
certains interprètes identifieront à l’orphisme.
La confrérie est régie par des règles hiérarchiques et ordonnée à l’image
du Cosmos. L’enseignement des disciples est délibérément oral refusant
d’utiliser l’écriture comme moyen de formulation et de transmission de la
pensée.
L’initiation à la communauté pythagoricienne impose des obligations
rigoureuses : période probatoire de trois ans lors de laquelle on examine
la famille, l’éducation, le caractère du postulant, le penchant de son âme.
Jugé digne d’entrer dans la communauté, le novice est reçu en qualité de
disciple exotérique devant, pendant 5 années de silence, écouter les
leçons sans prendre la parole ni voir le Maître qui parle dissimulé derrière
un voile. Ce n’est qu’à la fin de ces années d’épreuve que le novice peut
devenir un disciple ésotérique et passer de l’autre côté du voile.
La fraternité est ainsi constituée de 2 grandes classes : les Acousmaticiens
ou Auditeurs (les pythagoristes) et les Mathématiciens (les pythagoriciens)
qui travaillent à la connaissance véritable sous la conduite du Maître. La
société entière est un organisme bâti à l’image du monde et dans lequel
chaque groupe, remplissant sa tâche propre, tient une place bien définie.
La communauté est ordonnée autour de la personne sacrée de Pythagore
dont nul ne prononce le nom – formule « il [le Maître] à dit. »
La vie des membres est soumise à des règlements minutieux :
méditations sur les enseignements passés, promenades matinales et
apprentissages, exercices physiques, repas végétariens, étude des affaires
communes et des questions politiques, promenades vespérales pour
revenir sur les enseignements de la journée, prière collective puis examen
de conscience.
Cette étroite communauté renforçait les liens personnels d’amitié d’autant
plus étroits que le pythagorisme affirmait la parenté de tous les hommes
et de tous les êtres vivants. On notera l’importance chez les
pythagoriciens accordée à l’ordre des signes de reconnaissance réservés
aux Auditeurs, disciples parvenus à l’enseignement oral et des symboles,
réservés aux Mathématiciens qui avaient pénétré plus avant
l’enseignement de la nature.
Ces préceptes, fondements de l’enseignement de Pythagore à ses
disciples, se divisent en 3 catégories : les uns révèlent l’essence (qu’estce que c’est ?), les autres l’absolu (qu’est-ce qui est le meilleur ?),
d’autres enfin comment il faut agir (que faire ?). Nous sommes en
présence de 3 groupes de questions qui témoignent de préoccupations
ontologiques, religieuses et éthiques. Nous trouverons notamment les
préceptes suivants : le plus juste c’est le sacrifice, le plus sage c’est le
nombre, le plus beau c’est l’harmonie, le plus fort c’est la raison…
La dimension énigmatique de l’enseignement oral des pythagoriciens est
inséparable de la pratique du secret qui révèle une ligne de fracture entre
le visible et l’invisible. Bien que le Cosmos soit unique et que le nombre
soit le principe de toutes choses, le pythagorisme en est venu à
développer la séparation entre deux formes de langage, entre l’ignorant et
l’initié. Cette séparation au sein du langage nous oriente vers une
séparation plus fondamentale qui affecte la réalité elle-même, entre le
domaine des choses saisissables par les sens et le domaine des choses
relevant de la seule raison. Ainsi, seuls sont en mesure de comprendre
l’intelligibilité du monde ceux qui ont fait l’effort nécessaire pour être
initiés et partager les mêmes secrets.
III – Une pensée pythagoricienne : l’arithmologie
L’Evolution est la loi de la Vie.
Le Nombre est la loi de l’Univers.
L’Unité est la loi de Dieu.
Les choses sont des nombres, les nombres se trouvent dans les choses,
les nombres sont les causes et les principes des choses, les choses sont
constituées par les nombres. Le nombre est pour Pythagore un modèle au
sens idéal. Chez Pythagore, le mot nombre ne signifie pas chiffre ou
numéro mais plutôt proportion. Aussi, c’est le nombre qui rend le réel
accessible à nos sens : Sans lui, nous ne pourrions rien penser ni
connaître. Cette conception arithmologique s’avère inséparable de
spéculations géométriques, harmoniques, physiques et cosmologiques
liées à des préoccupations morales, politiques et religieuses.
Nous sommes confrontés à un double système, mystique et rationnel,
scientifique et religieux, théorique et expérimental qui n’éprouva pas de
remord à rapprocher en une même intuition le vol de l’âme vers les
hauteurs du monde et celui d’une colombe de bois à la surface de la Terre.
Les pythagoriciens parviennent à la conscience d’une méthode capable de
gagner l’assentiment intime de l’intelligence et d’en mettre hors de
conteste l’universalité. Ils découvrent notamment l’harmonie et
l’adéquation radicale des suites numériques dont ils déduisent des
principes mathématiques que Pythagore appliquera à l’âme. Le nombre (la
décade plus particulièrement), d’origine divine, est en tant qu’âme de la
beauté, un médiateur entre la nature et l’homme (culte du Tétraktys).
C’est à partir de ces principes que Pythagore élabore sa conception du
monde. Métaphysique et physique sont indissociables pour un
pythagoricien : l’univers ne peut être pensé sans l’homme, ni l’homme
sans l’univers, l’harmonie universelle englobant les rapports des hommes
entre eux et avec l’univers. Une vision du monde excluant l’homme ne
pouvait être une vision du monde pour Pythagore : tout comme l’œil est
intégré à l’ensemble du corps, l’homme est intégré au monde. Le sens de
l’existence humaine découle de ce sentiment d’appartenance au grand
Tout. Doué de mouvement, de respiration, d’organisation, le monde est
une sorte de grand vivant. Dans ce grand Cosmos - Pythagore fut le
premier à appeler Cosmos l’enveloppe de toute chose, à cause de l’ordre
qui s’y trouve – l’homme constitue un petit cosmos, un petit monde
organisé. L’homme est ainsi soumis, plus qu’aucun être singulier du grand
monde, à la loi de l’harmonie. C’est par cette loi que l’âme et le corps sont
unis.
Derrière le mouvement ordonné des astres (théorie du feu central qui
instaure l’harmonie dans l’univers sensible et autour duquel tourne sur
une orbite circulaire tous les astres), Pythagore voit le rayonnement de
l’Un, de l’Achevé (que l’on peut identifier à Dieu) qui façonna un monde
organisé, structuré, à partir d’une matière initiale appelée l’Inachevé ou la
Dyade.
De rapports numériques simples en gamme pythagoricienne, il en va pour
Pythagore de l’univers dans son ensemble – le macrocosme - comme de
l’homme – le microcosme -, tout s’explique par des rapports entre les
nombres, des proportions harmonieuses, un ordre arithmétique.
Nous pouvons comprendre le monde parce qu’il a été fait selon le nombre.
Nous pouvons deviner le sens de cette affirmation en pensant à la
musique ou à un édifice bien proportionné, lesquels touchent d’autant plus
nos sens qu’ils sont imprégnés de nombres. On devine alors la joie du
musicien qui a tiré des sons harmonieux du chaos des bruits, de la
cacophonie ; et celle de l’architecte qui a créé les premières proportions
plaisant à l’esprit autant qu’à l’œil.
Les pythagoriciens émettaient l’hypothèse que l’ensemble des intervalles
entre les orbites des astres étaient soumis aux lois de l’harmonie de telle
sorte que le tout formait une immense lyre aux cordes circulaires (le
cercle sera pour les pythagoriciens la forme parfaite) produisant des sons
agréables : l’harmonie céleste. De même que l’harmonie d’une lyre résulte
d’un certain rapport entre la longueur des cordes, de même l’âme est une
harmonie du corps.
Quand on faisait observer à Pythagore que cette merveilleuse musique
avait l’inconvénient d’être silencieuse, il répondait qu’il en est de
l’harmonie des sphères à nos oreilles comme du bruit de l’enclume à
l’oreille du forgeron : l’habitude nous empêche de l’entendre.
Ensemble de forces informes, l’homme doit s’imprégner de la forme du
monde avant de songer à le transformer. Tel était le sens des longues
années de silence, de méditation et de réflexion que Pythagore exigeait de
ses disciples.
C’est en géométrie que l’influence du pythagorisme a été déterminante
sur la science grecque et sur la rationalité occidentale. Pythagore arracha
la géométrie aux mesures empiriques des arpenteurs pour en faire un
enseignement rationnel. Il donna à la philosophie géométrique la forme
d’une éducation libre, en reprenant les choses au commencement pour
découvrir les principes par un examen des théorèmes mettant en œuvre
une méthode non empirique et purement intellectuelle.
On aboutit à la convergence des nombres arithmétiques, des figures
géométriques et des éléments physiques en tant que le nombre-pointélément incarne la nature des choses sur le modèle d’un jeu permanent
d’oppositions. Ce jeu d’analogies (mélange de déterminations
arithmétiques, géométriques, astronomiques, physiques, biologiques et
morales à connotation mystique) possède une légitimité symbolique liée
aux propriétés arithmétiques découvertes par les pythagoriciens et fondée
sur leur intuition d’une correspondance universelle des formes de réalité.
IV – Pythagore et le FM:.
Que nous lègue Pythagore à travers ses enseignements ? Que réveille en
nous FM:. de la Gldf l’école pythagoricienne ?
Il est incontestable et nous l’aurons remarquer à l’étude des modes de
fonctionnement de l’école de Crotone que notre RL:. présente de réelles
similitudes avec la communauté fondée par Pythagore. Citons la méthode
progressive dans l’initiation aux mystères, les obligations au secret et au
silence des initiés, le goût de l’étude. Le langage ésotérique instauré par le
Maître me rapproche du disciple pythagoricien. Parfois communs (l’étoile à
5 branches sera le signe de reconnaissance de l’homakoeion comme elle
est le symbole majeur du Comp:. FM), les symboles participent chez
Pythagore comme dans notre propre démarche initiatique à la
déconstruction des anciennes références.
Tous comme pour ces disciples des temps anciens, l’initiation, parce
qu’elle est un effort nécessaire, un sacrifice de soi librement consenti, un
abandon des habitudes, me porte à découvrir ailleurs, par mes sens
éveillés par la raison, une harmonie jusqu’ici dissimulée derrière le voile
des préjugés, des certitudes.
C’est peut-être cet enseignement de Pythagore qui me relie à l’école du
Maître. Car que demande Pythagore à ses disciples ? Regarde l’Univers,
écoute l’harmonie céleste, étudie le monde et trace tel un géomètre les
rapports entre toutes choses, imite la construction du Tout et tu édifieras
ton Être dans l’Unité de l’Univers. C’est une construction de l’édifice
intérieur qui requiert la Connaissance des interactions entre toutes choses,
entre chaque partie du Tout et le Tout. Par le nombre, Pythagore invite
l’initié à rejoindre le Tout, l’Achevé (le 1) en partant de la Dualité, de
l’Inachevé (le 2). Ce jeu d’opposition, je le connais bien aujourd’hui
lorsque je porte mon regard sur le pavé mosaïque. Entre les Colonnes
Boaz et Jakin, à l’ordre face à l’Orient, je dessine le triangle, le Tétraktys
cher à Pythagore, symbole de la synthèse des dualités.
Pythagore m’invite à devenir géomètre. Nul n’entre ici s’il n’est géomètre
inscrira-t-il au fronton de l’école de Crotone. Les outils symboliques en
main, je trace en mon cœur les rapports arithmétiques, les angles, les
courbes qui me permettent, à partir de mes nouvelles fondations, d’ériger
pierre après pierre, mesure après mesure, un Temple dont le plan ne
m’est révélé qu’au fil de mon apprentissage. De géométrie méditative en
construction opératoire à partir de la pensée mathématique de
Pythagore :
- je donne une mesure au rapport des choses entre elles afin que leur
coordination logique ne dépasse point mes possibilités ;
- je ramène les faits à leurs proportions réelles pour ne pas être dupe
ni de mon imagination ni du prestige illusoire des valeurs usurpées ;
- je donne à mes raisonnements une limite afin de ne point m’égarer
en de fallacieuses contingences ;
- je considère toujours chaque chose et toutes les choses en leur
relativité.
Compagnon FM:. de la Gldf, je rejoins les rangs de l’école pythagoricienne
et m’inspire des enseignements de cet illustre initié aux mystères de
l’univers. Géomètre parmi mes FF:., je perpétue fièrement l’art du Trait
outils symboliques en main et poursuis résolument l’œuvre commune sur
le chantier du Temple, à la gloire du GADLU.
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