
I - LA NOTION D’ADDICTION
A - DEFINITION DU CONCEPT
Le terme d’addiction émerge dans les années 1970 en
Amérique du Nord et pour autant la traduction française vient prendre un
sens différent dans les années 1990. Alors qu’en anglais il s'agit « de
s'adonner à », en français la dimension active du sujet a disparu puisqu'il est
fait référence à la dépendance, voire à l'assujettissement de la personne et
donc à une dimension passive.
Alors qu'il est question de « troubles » dans la classification
psychiatrique nord-américaine, la clinique psychiatrique française du 19ème
siècle utilise le terme de toxicomanie. La toxicomanie semble être la
maladie de notre temps. Elle est à la fois la plus dramatisée des formes de
dépendance et le modèle sur lequel est construite la notion d’addiction.
Délit, vice ou maladie ? La société a du mal à savoir comment traiter les
toxicomanes et la situation s’en trouve paradoxale : l'usage de certaines
substances constituant encore de nos jours un délit grave, passible de prison,
il est en même temps admis que les usagers de drogue doivent être traités
comme des malades (politique d'accès aux soins et mesures de protection de
la santé).
On peut alors se demander si le succès de la notion d’addiction ne tient pas
de son rapprochement entre des expériences couramment vécues par tout un
chacun et la toxicomanie, de façon à mieux comprendre cette conduite
mystérieuse !
Les modalités descriptives du phénomène étant plutôt consensuelles,
les explications qui y sont liées se rattachent à des courants théoriques qui
vont tantôt s'attacher au comportement du sujet et à l'objet des addictions et
tantôt s'attacher au sujet lui-même et à ses propres difficultés à être au
monde.
1) L’addiction une dette symbolique
Pour autant, la terminologie est la suivante, nous retrouvons dans la
déclinaison étymologique entreprise par le philosophe Michel SERRE («les
cinq sens»), les racines du mot ADDICERE qui signifie : dire, vouer,
dédier, céder, vendre, donner en adjudication, confirmer une cession,
condamner. Il s'agit dans le droit médiéval inspiré du droit romain d'une
contrainte par corps d'une personne qui, se retrouvant dans l'impossibilité de
s'acquitter d'une dette, est alors mise par le juge la disposition du plaignant.
La reprise de son acceptation dans notre langue contemporaine a donné lieu
à une extension de son usage à propos des conduites de dépendance. Cette
idée de « contrainte par corps » va être reprise par la psychanalyse et
notamment par BERGERET dans le sens d'une dette symbolique à laquelle
va se soumettre le corps du sujet.
D’une manière différente, GOODMAN va définir l’addiction dans le
sens d'un processus d’ordre psycho-cognitif dans lequel l'objet et
l'expérience du sujet font force d'explication du phénomène.