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L’EXPANSION BRITANNIQUE EN INDE
HISTOIRE ÉCONOMIQUE
PROF. : J-C. LAMBELET
ASS. : ANA CRIISTINA
Semestre d’été 2003
Dady Kelvin
Dubas Céline
Fussen Denise
Inde sous domination britannique
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Table des matières
INTRODUCTION
4
1. EMPIRE MOGHOL (1526–1857)
5
1.1. Un bref aperçu historique............................................................................................. 5
1.1.1. Babur (1526-1530) ................................................................................................ 5
1.1.2. Humayun (1530-1556) .......................................................................................... 5
1.1.3. Akbar le Grand (1556-1605) ................................................................................. 5
1.1.4. Jahangir (1605-1627) et Shah Jahan (1628-1658) ................................................ 6
1.1.5. Aurangzeb (1658-1707) et la chute de l’empire ................................................... 6
1.2. Le système du Mansabdar ............................................................................................ 7
1.2.1. Un gouvernement centralisé ................................................................................. 7
1.2.2. Le système du Mansabdar .................................................................................... 7
1.3. La chute d’un système ................................................................................................. 9
2. L’EXPANSION BRITANNIQUE EN INDE
10
2.1. Un processus .............................................................................................................. 10
2.2. L’historique de cette expansion ................................................................................. 10
3.THE BRITISH EAST INDIA COMPANY (1600-1858)
12
3.1. Sa création .................................................................................................................. 12
3.2. The Dutch East India Company ................................................................................. 12
3.3. Conflit entre Hollandais et Britanniques .................................................................... 13
3.4. Caractéristiques de la Compagnie .............................................................................. 14
3.5. Conflit entre Français et Britanniques ....................................................................... 14
3.6. Evolution de la Compagnie dans la 2ème partie du 18ème au 19ème siècle ................. 15
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4. L’INDE SOUS DOMINATION BRITANNIQUE
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4.1. Historique ................................................................................................................... 17
4.2. Comment si peu d’Anglais purent régner sur l’Inde .................................................. 18
4.3. Changements économiques dus à la domination britannique .................................... 19
4.3.1. L’industrie textile ................................................................................................ 19
4.3.2. Les plantations .................................................................................................... 20
4.3.3. Système fiscal ..................................................................................................... 22
4.3.4. L’économie capitaliste ........................................................................................ 23
5. L’INDÉPENDANCE
25
5.1. La prise de conscience de la Nation Indienne ............................................................ 25
5.2. Le Congrès ................................................................................................................. 25
5.3. La Première Guerre Mondiale ................................................................................... 28
5.4. Gandhi et l’entre-deux guerres ................................................................................... 29
5.5. La Seconde Guerre Mondiale .................................................................................... 31
5.6. L’indépendance .......................................................................................................... 32
5.7. Quelques mots sur la réorganisation .......................................................................... 33
CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
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Introduction
La Grande-Bretagne a dominé pendant plusieurs siècles différents pays dans le
monde. Grâce à son avance technologique et industrielle, elle a su se
développer pour devenir à cette époque la plus grande puissance coloniale :
l’Empire britannique.
L’Inde fut l’une des plus importantes colonies de cet empire. Il régna d’ailleurs
sur celle-ci jusqu’au milieu du 20ème siècle. Il paraît étonnant qu’une nation de la
taille de l’Angleterre ait su dominé un pays de plusieurs centaines de millions
d’habitants. C’est pourquoi nous avons voulu nous intéresser à ce cas particulier
plutôt qu’à une autre colonie britannique.
La première étape de notre travail consistera à mettre en place le
« background » qui permit aux Anglais de prendre possession de l’Inde. En effet,
cette dernière était alors sous la domination de l’Empire Moghol. Par la suite,
nous nous attarderons sur l’histoire de l’East India Company, société
commerciale par le biais de laquelle l’Empire Britannique puit pour la première
fois mettre le pied sur le territoire indien. La compagnie fut dissoute suite à une
révolte et la Couronne britannique prit le pouvoir. Nous analyserons ensuite les
divers effets de cette domination coloniale sur l’Inde. Finalement, nous
aborderons les évolutions récentes qui menèrent à l’indépendance de l’Inde en
1947.
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1. Empire Moghol (1526–1857)
1.1. Un bref aperçu historique
1.1.1. Babur (1526-1530)
L’empire Moghol est une dynastie musulmane d’origine turque qui règne sur
l’Inde de 1526 à 1857. Cet empire est lié à l’empire Mongol1 puisque son
fondateur Babur est un descendant de Gengis Khan. Babur venu d’Asie centrale
décide d’attaquer le sultanat de Delhi qui gouverne à cette époque l’Inde du
nord. En 1526, la ville de Delhi tombe entre les mains de l’empire Moghol
nouvellement fondé. L’empereur meurt quatre ans plus tard et son fils Humayun
lui succède.
1.1.2. Humayun (1530-1556)
Il hérite d’un empire sans aucune structure politique, administrative ou sociale
viable. Cet empire est donc principalement marqué par ses conquêtes (de l’Oxus
au Bengale et de l’Himalaya à Gwalior ).
Humayun tente de poursuivre le travail de son père mais il est rapidement
destitué par un Afghan nommé Sher Khan (1540). L’empereur Moghol décide
alors de s’exiler en Iran. La dynastie afghane règne sur l’Inde pendant quinze
années et instaure une administration cohérente et efficace .
En dépit du travail fourni durant son règne, Sher Khan ne trouve pas de
successeurs capables de poursuivre sa tâche. Humayun en profite alors pour
reconquérir les territoires perdus et remonte sur le trône à Delhi en 1555. Il y
meurt une année plus tard et son fils Akbar et proclamé empereur.
1.1.3. Akbar le Grand (1556-1605)
Akbar conserve encore aujourd’hui une place très importante aux yeux des
indiens. Il est considéré comme un souverain mythique, tolérant et soucieux de
gouverner l’Inde comme une nation.
Dès le début de son règne, il décide de reconquérir les territoires perdus par ses
prédécesseurs. Poursuivant cette politique, il s’attaque notamment aux
Rajpoutes (Hindous), qui sont les ennemis les plus déterminés des conquérants
musulmans. Habile diplomate et politique il sait que la survie de son empire
passe par une alliance avec les Indous. Akbar décide don, après une lutte
victorieuse contre les Rajpoutes, de les associer aux affaires de l’Etat. Afin de
faciliter cette alliance, il leurs propose de nombreuses fonctions à responsabilité
dans son administration et son armée et va même jusqu'à épouser une femme
rajpoute.
L’empire Mongol fondé par Gengis Khan en 1162 fut l’un des plus vastes empire qui n’est jamais régné,
il s’étendit de la Chine au porte de l’Europe.
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Son règne est aussi marqué par une grande tolérance en matière de religion. En
effet, il met fin au prosélytisme musulman en abolissant la Jizya2 et en
supprimant la conversion forcée des prisonniers de guerre. Il est alors assez aisé
de constater qu’Akbar tente d’établir une société indo-muslmane. C’est dans
cette optique qu’il déclare en 1587 la fin de l’Islam comme religion d’Etat.
Akbar est non seulement un grand réformateur mais aussi un habile
administrateur. En effet, c’est lui qui va permettre à l’Empire Moghol de passer
d’un empire de conquête, ne possédant ni structure politique ni structure
administrative, à un vaste empire structuré et unifié. Pour permettre cette
transition il va mettre en place le système du Mansabdar discuté au chapitre
suivant. Le règne d’Akbar offre à sa mort les bases de « l’âge d’or des
Moghols ».
1.1.4. Jahangir (1605-1627) et Shah Jahan (1628-1658)
Jahangir et Shah Jahan vont gérer l’héritage politique et philosophique d’Akbar et
permettre à l’Inde de connaître une période de prospérité économique, de
stabilité sociale et politique. Ce contexte permet une production culturelle et
artistique dont le Taj Mahal reste l’un des plus fidèle témoignage.
Malheureusement, le règne de Shah Jahan est perturbé par son fils Aurangzeb
qui lui vole le pouvoir.
1.1.5. Aurangzeb (1658-1707) et la chute de l’empire
Pendant plus de dix ans, Aurangzeb contrôle totalement l’empire et y rajoute des
territoires. Il en profite pour revenir sur la politique d’ouverture de ses
prédécesseurs envers les non musulmans. En effet il prône pour un retour aux
valeurs islamistes fondamentales, rétablit la Jizya, détruit les lieux
d’enseignement hindous et interdit la construction de nouveaux temples.
Aurangzeb, ne pouvant plus financer ses nombreuses campagnes militaires,
décide d’augmenter considérablement les impôts. Il s’en suit une période
marquée par des révoltes rajpoutes et marathes3. L’empereur va devoir faire face
à cinquante années de lutte durant laquelle il va ruiner l’Inde.
En ce qui concerne les successeurs d’Aurangzeb, ceux-ci ne pensent qu’a leurs
intérêts personnels et précipitent le déclin de l’empire Moghol. Dès lors, celui-ci
n’existe plus que nominalement et peine à gouverner Delhi et sa région. Pendant
ce temps, les indiens musulmans vont progressivement s’allier avec l’Angleterre.
Il existe désormais trois grandes puissances en Inde : les Marathes, l’Angleterre
et la France. Les derniers Moghols seront anéantis en 1857 par les Anglais lors
de la révolte des Cipayes4.
Taxe imposée aux non musulmans dans le but qu’ils se reconvertissent à l’Islam.
Peuple indou formé de paysan guerrier
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Soulèvement des indiens contre le raj britannique
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1.2. Le système du Mansabdar
1.2.1. Un gouvernement centralisé
Le système politique Moghol est mis en place durant le règne d’Akbar. Comme
nous montre le schéma ci-contre l’empereur décide de centraliser le
gouvernement afin de lui permettre de
contrôler
et
administrer
plus
facilement. Afin de gérer son empire
correctement, il prend sous ses ordres
quatre ministres :
1) ministre des
finances (Divan-i-ala) 2) ministre des
stocks, routes et commerce (Vakil) 3)
ministre des affaires militaires (Mir
Bakshi) 4) ministre des affaires
religieuses (Sadr al-Sudur).
L’empire se sépare ensuite en quinze
provinces (subans). Celles-ci sont
administrées de la même façon avec
quatre différents responsables pour
chaque
ministères. Comme nous
montre la figure on a répété le
processus plusieurs fois, divisant ainsi
les provinces en Sarkar puis en
Pargana.
Cette réplication est une manière idéale de contrôler les gouverneurs de
provinces. En effet, en donnant la responsabilité des finances à une tierce
personne, il sera difficile pour le gouverneur de mettre en place une révolte
contre l’empereur. Par conséquent, le but principal de ce gouvernement est
d’éviter de créer des concentrations de pouvoir.
1.2.2. Le système du Mansabdar
Ce système est très important pour l’empire Moghol puisqu’il lui permet non
seulement de financer ses conquêtes mais aussi de fournir les hommes
nécessaires à celles-ci.
Ce système dépend d’un service impérial dont les acteurs sont des officiers
appointés (Mansabdar) choisi par l’empereur. Les Mansabdars sont responsable
non seulement de l’administration d’une terre accordée par l’empereur mais
aussi de fournir des effectifs pour l’armée Moghol. Les mansabdars sont
subdivisés en trois classes principales en fonction du nombre d’hommes qu’ils
ont à leur charge : 1) Amir-i-Azam ou grands nobles : 7000 à 3000 hommes 2)
Amir ou noble : 2500 à 300 hommes 3) Mansabdar ou officier appointé.
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Le nombre de soldats promis ainsi que le revenu accordé aux nobles dépend du
terrain accordé par l’empereur. Cette politique mise en place par Akbar permet
un contrôle efficace. En effet, les Mansabdars choisis sont révocables en tout
temps et non héréditaires. De plus, ces nobles sont fréquemment déplacés afin
de s’assurer qu’ils ne puissent pas construire une rébellion contre l’empire. Etant
donné que les Mansabdars couvrent tout le territoire Moghol, l’armée fournie à
l’empire est hétérogène mais reste néanmoins standardisée. C’est
principalement cette diversité culturelle qui protège une fois de plus notre cher
Akbar. En effet il est plus difficile pour des militaires culturellement différents de
mettre leurs idées en commun pour renverser le pouvoir.
Si on résume, on constate que les Moghols emploient des nobles pour que ceuxci administrent une terre et mettent à disposition une armée. En échange des
services rendus, l’empereur accorde des revenus aux Mansabdars. Ces revenus
peuvent soit prendre la forme d’une rémunération en cash appelé naqdi soit la
forme d’un jagir. Ce dernier est le revenu d’un terrain n’appartenant pas au
noble. Cependant, celui-ci ne peut disposer librement de sa rémunération, il doit
en investir une grande partie pour maintenir ses troupes . Enfin il est important
de noter que les nobles sont suffisamment rémunérés par l’empereur afin que
celui-ci gagne leur confiance qui est essentielle au bon fonctionnement du
système.
En ce qui concerne le système de taxation, celui-ci est mis en place par le
talentueux ministre des finances rajpoutes Raja Todar Moll. Le financement de
l’empire Moghol fonctionne principalement en taxant les récoltes agricoles. Afin
de mieux comprendre pourquoi les Moghols ont choisi ce moyen de financement,
il est nécessaire de faire un bref retour en arrière. A cette époque la plupart des
armées finançaient leurs conquêtes grâce aux pillages occasionnés lors de
celles-ci. Or dans notre cas, l’Inde fut pillée auparavant par les prédécesseurs.
Ceci excluait donc directement ce moyen de financement leur laissant pour seul
choix les taxes.
Afin de mettre en place cette méthode, le ministre a référencé les dix dernières
récoltes de chaque domaine et calculé une moyenne de leurs rendements afin
de prévoir les impôts. Il a ensuite fixé la part de la récolte allant à l’empereur a
environ un tiers de celle-ci. Cependant le paysan garde le choix entre donner à
l’empereur le tiers de sa récolte ou lui verser ce montant en cash. Les
préférences d’Akbar pour cette dernière méthode forcent les paysans à vendre
leur récolte sur le marché ce qui a pour effet de développer l’économie. Il faut
préciser que la vente de leurs récoltes n’est pas simple à mettre en place. En
effet, les paysans sont amenés, finalement, soit à emprunter soit à payer en
nature. Si cette dernière méthode est choisie par l’agriculteur cela augmente le
stock de l’Etat et qui devient ainsi un trop gros acteur sur le marché et pose
problème aux autres agriculteurs. On constate alors que ce système paraît
fonctionner d’un point de vue théorique mais il peut poser quelques problèmes
lorsqu’il est mis en place.
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1.3. La chute d’un système
Nous allons, à présent tenter de comprendre comment un tel empire a pu
s’effondrer. Une des raisons est que le bon fonctionnement du système repose
exclusivement sur la fidélité des responsables vis-à-vis de l’empereur. En effet,
c’est les Mansabars qui fournissent l’argent et leur service à l’empereur. Cette
méthode ne pose aucun problème au début mais par la suite avec
l’agrandissement de l’empire cette tendance change. Les moyens de contrôle
devenant de plus en plus difficiles à mettre en place, plusieurs nobles prennent le
droit de ne pas verser leurs dus à l’empereur. De plus certains, constatant les
méfaits de la centralisation - ils paient mais ne reçoivent aucun investissement
en contrepartie - décident aussi de ne plus payer. Il s’en suit ensuite plusieurs
révoltes et finalement la chute de l’empire.
Il est temps maintenant de se demander comment un tel empire - dans lequel on
a toujours favorisé l’Islam aux autres religions - a réussi à éviter les rébellions de
la part des peuples non musulmans. On constate alors qu’il a simplement suffit à
l’empereur de bien rémunérer les responsables hindous pour que ceux-ci aient
une politique de laisser-faire à l’égard du gouvernement.
Afin de conclure sur l’empire Moghol, nous allons essayer de comprendre les
conséquences de sa politique sur l’Inde.
Tout d’abord, analysons de plus près sa politique concernant la rémunération
des seigneurs. En leur versant un revenu suffisamment élevé afin de gagner leur
confiance impliqua un gaspillage des ressources. En dehors du fait que ces
terrains ne leur appartenaient pas, les seigneurs n’ avaient, en effet, guère
d’incitations à développer leurs terrains.
Regardons, à présent, la politique de financement. L’empire Moghol utilisait les
taxes principalement pour soutenir sa machine de guerre au détriment d’autres
secteurs beaucoup plus importants tels que le commerce et l’éducation. En effet,
l’empire n’investit dans aucune infrastructure permettant de favoriser les
échanges commerciaux.
Pour terminer on peut noter que cette empire avait une vision très basée sur le
court terme et créa, sans vraiment sans rendre compte, un cocon idéal pour y
faire naître une future colonie. En effet, un haut taux d’imposition, un manque
certain d’éducation, l’absence d’un réel successeur à l’empire Moghol et les
persécutions dont étaient victimes les non musulmans contribuèrent en grande
partie à l’accès progressif des Anglais au pouvoir.
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2. L’expansion britannique en Inde
2.1. Un processus
Nous allons, à présent, nous intéresser à ce qui suit l’empire Moghol. Pour cela,
il est important de bien comprendre que la domination européenne principalement anglaise – ne s’est pas mise en place en quelques années mais
fut un processus qui dura bien plus longtemps et commença même avant que
l’empire Moghol contrôle l’Inde.
Réfléchissons maintenant aux enjeux de l’empire britannique en Inde. Certains
historiens expliquent que ce dernier - après le schisme qui donna naissance à
l’église Anglicane - avait un souci d’agrandir son empire face à la dominance
croissante de l’empire espagnol. C’est donc principalement par souci de
concurrencer celui-ci que les Anglais se sont mis à chercher de part le monde de
nouveaux territoires.
Cependant, il est important de préciser que les enjeux des anglais sur l’Inde
furent essentiellement commerciaux. En effet, c’est en premier lieu sur l’échange
qu’ils construisirent petit à petit leur influence qui par la suite se transforma en un
véritable contrôle de l’Inde.
2.2. L’historique de cette expansion
Les premiers européens à s’installer en Inde sont les Portugais. Vasco de Gama
arrive en Inde en 1498 projetant de rétablir de façon solide les liens entre
l’Europe et l’Inde. Les Portugais effectuent quelques conquêtes et établissent
des entrepôts dans un objectif à la fois religieux et commercial. Cette domination
portugaise prend fin en 1580 lorsque le Portugal est annexé à l’Espagne. C’est
maintenant au tour des anglais et hollandais d’entrer en jeu après qu’ils aient
vaincu la flotte militaire espagnole.
L’Angleterre et la Hollande essaient d’établir une route commerciale vers
l’Orient, notamment en traitant les épices provenant d’Indonésie. Afin de mettre
leur plan en action chacun d’eux crée une compagnie commerciale. Les deux
compagnies poursuivant le même objectif - à savoir les épices d’Indonésie et en
second lieu celles de l’Inde – s’affrontent dès le départ. Les Hollandais font
preuve d’une concurrence très hostile ce qui amène les Anglais à se rabattre sur
le marché indien. L’Inde étant sous domination Moghol, les Anglais signent un
accord avec cette empire. Celui-ci permet aux Anglais de construire des places
fortifiées pour assurer la sécurité de leurs navires marchants en échange d’une
aide militaire navale. Ils décident alors de porte tous leurs efforts sur la conquête
de l’Inde.
Contrairement aux hollandais qui jouent plus sur les produits de luxes, les
britanniques jouent sur le volume des marchandises pour accroître leurs profits.
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La compagnie anglaise devient très vite plus rentable que sa concurrente
bénéficiant en plus de leur traité avec les Moghols pour économiser sur les coûts
de sécurité de leurs navires dans cette zone. Après cela les Français essaient à
leur tour de devenir une force commerciale dans la région mais leur compagnie
est vite démantelée par les Anglais qui deviennent ainsi les plus influent dans la
région.
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3.The British East India Company (1600-1858)
3.1. Sa création
La British East India Company, ou Compagnie des Indes Orientales britannique,
fut fondée par la Couronne d’Angleterre, plus précisément par Elisabeth I, en
1600. A l’époque, les puissances européennes se battaient pour conquérir de
nouveaux territoires et en ramener les biens les plus rares. On parlait partout de
la route des Indes découverte par le portugais Vasco de Gama en 1498. Le lien
de l’Inde avec l’Occident a depuis lors été principalement basé sur des relations
commerciales. Il convient cependant de remarquer que pendant le 16 ème siècle,
ces contrées étaient très peu connues. Quand les Anglais appareillèrent la
première fois en direction des « Indes », ils n’avaient aucune certitude quant à
leur destination. Ils étaient à l’origine partis là-bas dans l’espoir de découvrir le
monde et de faire du commerce, tentant de concurrencer les Portugais qui, à
cette époque, se partageaient le monde avec les Espagnols. Arrivés sur place, ils
rencontrèrent toutes sortes de problèmes, comme par exemple celui de savoir
quoi donner aux Indiens en échange des biens que ceux-ci fournissaient ou celui
de la sécurité de l’accès à ces marchés. C’est ainsi que vient la nécessité de
créer une compagnie commerciale.
La Reine Elisabeth I fonda donc la Compagnie le 31 décembre 1600 avec un
capital de 70'000 livres Sterling, lui donnant un monopole de 15 ans sur le
commerce avec les Indes Orientales. Remarquons que cela fut rendu possible
par la croissance spectaculaire qu’avait connu la ville de Londres dans les
dernières décennies du 16ème siècle, mettant ainsi des fonds à disposition. La
Compagnie établit sa base à Machlipattanam en 1611, puis à Surat en 1612.
3.2. The Dutch East India Company
Cependant, une compagnie du même nom fut créée en 1602, celle des PaysBas. Celle-ci s’était installée près de Calcutta, à l’embouchure d’une rivière qui
menait ensuite au Gange, et rendait ainsi l’accès à toutes les villes bordant le
fleuve jusqu’à Delhi ainsi que l’accès au Bengale facilité.
Cette compagnie hollandaise, bien que fondée deux ans après la compagnie
britannique, domina les routes maritimes asiatiques pendant près de 100 ans,
monopolisant le commerce de produits allant des épices, qui étaient un marché
particulièrement lucratif, aux soies pendant près de 100 ans. Les Pays-Bas
étaient à l’époque une grande puissance, entre autre financière et navale, dont la
capitale Amsterdam était la ville européenne la plus dynamique. Les Hollandais
pouvaient envoyer 5 fois plus de navires en Asie que les Portugais et 2 fois plus
que les Anglais. Ils connurent ainsi une expansion rapide pendant tout le 17 ème
siècle, alors que la British East India Company ne devint permanente qu’en
1650.
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Mais ces deux compagnies ne pouvaient pas toutes deux avoir un monopole sur
le commerce avec les Indes Orientales. Il était absurde que de même biens
utilisent des routes différentes pour parvenir jusqu’en Angleterre et en Hollande,
géographiquement si proches. En s’établissant à Surat sur la cote nord-ouest de
l’Inde, la Compagnie Britannique essayait de gagner des parts de marché sur les
Hollandais. Les premières importations d’épices qu’ils effectuèrent depuis cet
emplacement furent très profitables. Mais la compétition ne tarda pas à jouer son
rôle régulateur et les prix baissèrent. Les épices constituant les ¾ du marché
hollandais, cela ne pouvait mener qu’à un conflit.
3.3. Conflit entre Hollandais et Britanniques
Entre 1652 et 1674, les Anglais menèrent trois guerres contre les Hollandais,
dont le but premier était de prendre le contrôle des principales routes maritimes
au départ de l’Europe occidentale, non seulement en direction des Indes, mais
aussi vers les Baltiques, la Méditerranée, l’Amérique du Nord et l’ouest de
l’Afrique. Ce fut l’une des rares fois où un conflit armé eut lieu pour des raisons
aussi commerciales.
Les Britanniques doublèrent la taille de leur flotte en 11 ans. Mais les Hollandais
l’emportèrent. Cela fut une surprise pour beaucoup. Finalement, la population
anglaise était deux fois et demi plus grande que la population hollandaise et son
économie était également plus importante. Le coût de ces trois guerres fut
ensuite difficile à supporter pour le gouvernement anglais.
En 1688, eut lieu la « Glorious Revolution », qui même si elle n’en eut d’abord
pas l’air, fut une étape décisive sur le chemin de la domination britannique des
Indes. Le Prince hollandais William d’Orange devint alors le nouveau chef de
l’exécutif anglais. Il apporta à l’Angleterre toute la connaissance de son pays au
sujet des institutions financières qui avaient énormément contribué au succès du
commerce international hollandais. La « Bank of England » fut fondée en 1694.
Les hommes d’affaire hollandais devinrent les principaux actionnaires de la
Compagnie Britannique des Indes Orientales. Les Anglais purent ainsi agir avec
beaucoup plus de liberté dans l’Est. Un accord fut d’ailleurs signé leur accordant
la liberté de développer le nouveau marché des textiles en Indes.
Cela se révéla être une excellente affaire car le marché des textiles connut une
croissance telle qu’il finit par supplanter celui des épices. En effet, les Européens
devinrent fous des textiles indiens tels que la soie ou le callico. Ainsi, en 1720,
les ventes anglaises dépassèrent celles des Hollandais. Le glissement du
marché vers les textiles impliqua également un déplacement de la base asiatique
de la Compagnie britannique. Surat fut petit à petit abandonnée, au détriment de
trois autres emplacement : Madras en 1630, Bombay en 1661 et finalement
Calcutta en 1690. Bombay fut en fait cédée par Charles II, que lui-même avait eu
par sa femme portugaise Catherine de Braganza, pour 10 livres par année.
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Il serait cependant faux de croire que les Hollandais laissèrent ainsi l’Inde aux
Britanniques. A ce stade tous deux n’étaient que de petits parasites sur le vaste
marché asiatique. Le pouvoir politique continuait d’être situé dans les mains de
l’Empire Moghol, à Delhi. En 1700, la population des Indes était 20 fois celle du
Royaume-Uni. La part de l’Inde au produit mondial à cette époque a été estimée
à 24% tandis que celle de la Grande-Bretagne s’élevait à 3%. L’idée que cette
dernière pourrait un jour diriger l’Inde était tout simplement inimaginable.
3.4. Caractéristiques de la Compagnie
La durée des voyages entre l’Europe et les Indes était un facteur qui empêchait
une concurrence trop grande sur ces routes. Il fallait en moyenne 6 mois pour
faire la traversée, et celle-ci se faisait au printemps entre l’Angleterre et les Indes
et en automne pour le retour, à cause des vents dominants de l’Océan Indien.
Cette caractéristique facilita la situation de quasi-monopole de la GrandeBretagne, cependant, elle rendait un contrôle de la Compagnie et des
marchandises qu’elle gérait difficile. En effet, même les lettres d’instruction
prenaient 6 mois à arriver à leur destinataire. Les employés de la Compagnie
Britanniques des Indes Orientales étaient donc assez libres. Comme leur salaire
était plutôt modeste, ils n^hésitaient pas à mener un petit business privé.
Certains même négligèrent complètement la Compagnie pour se consacrer
pleinement à leurs propres affaires. Un de ces plus grands interlopers fut
Thomas Pitt, entré au service de la Compagnie en 1673. A peine arrivé en Inde,
il commença à acheter des marchandises et à les transporter en Angleterre à
son propre compte. Malgré les ordres qu’il reçut de rentrer au pays, il resta.
Les hommes comme Pitt eurent une grande importance pour la croissance du
commerce britannique en Indes. Un énorme marché privé se développa à côté
du marché officiel. Cela contrecarrait les plans de monopole de la Couronne,
mais une situation de monopole n’aurait jamais mené à une telle expansion du
marché et le Gouvernement s’en rendait bien compte. En 1698, Pitt fut même
envoyer à Madras en tant que Gouverneur. Son contrat lui reconnaissait alors le
droit de mener ses affaires comme il le désirait. Il dût cependant très vite faire
face à l’interdiction que l’Empereur Moghol Aurangzeb de continuer le commerce
entre l’Europe et les Indes. Cela marqua le début de la fin de l’Empire.
3.5. Conflit entre Français et Britanniques
Après la mort d’Aurangzeb en 1707, le pouvoir Moghol se désintégra.
L’empereur devint un suzerain de façade et les gouverneurs provinciaux
devinrent les souverains de fait en tant que nababs des Etats issus de l’empire.
Le pays entra petit à petit dans une véritable anarchie, de laquelle les
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Britanniques profitèrent. Ils exploitèrent en effet les divergences en concluant des
alliances temporaires.
Le chaos régnant dans tout la pays poussa les villes britanniques à chercher une
plus grande protection que celle qu’elles pouvaient s’offrir. La Compagnie des
Indes Orientales engagea ainsi des recrues locales qu’elle disciplina et paya
régulièrement. A ce stade, on peut déjà observer l’évolution que la Compagnie
avait connu. Partie d’une société commerciale, elle était, au début du 18 ème
siècle, devenue un véritable royaume à elle seule, possédant des territoires, des
diplomates et même une armée.
L’Empire Moghol démantelé, il fallait décider qui prendrait le relais. C’est alors
que les Britanniques se lancèrent dans un conflit contre les Français. A cette
époque, malgré la fondation du Royaume-Uni en 1707, la France possédait une
économie deux fois plus importante que l’Angleterre et une population presque
trois fois plus grande. En 1664, elle s’était également dotée d’une Compagnie
des Indes Orientales, basée à Pondichery, légèrement au sud de Madras. Mais
la France ne représentait pas un danger au niveau commercial. Ce qu’elle
voulait, c’était du territoire.
Les hostilités entre les français et les anglais commencèrent en 1757 lors de la
guerre des 7 ans. L’homme qui fut responsable de la politique britannique fut le
petit-fils de Thomas Pitt, William Pitt. Il recruta 55'000 marins, il augmenta la
flotte jusqu’à avoir 105 bateaux contre 70 du côté français, et par là, il développa
incroyablement l’industrie navale en Angleterre. La Grande-Bretagne gagna la
bataille contre la France. Ce fut une victoire basée sur une supériorité navale.
Mais ce qui rendit cette victoire possible, c’est l’héritage qu’avaient laissé les
Hollandais en Angleterre : les institutions financières. Plus d’1/3 des dépenses
britanniques furent financées par des prêts. Les Français perdirent presque tous
leurs territoires en Inde. Cependant, le conflit se propagea encore, mais de façon
moins importante, jusqu’en 1815. La guerre des 7 ans avait décidé que l’Inde
serait anglaise et non française.
3.6. Evolution de la Compagnie dans la 2ème partie du 18ème au 19ème siècle
Pendant les 150 premières années de son existence, la Compagnie avait opéré
autour de la côte indienne, à partir de bases établies à Calcutta, Madras et
Bombay. Au milieu du 18ème siècle, les principales exportations étaient les
textiles, la soie grège des Indes et le thé de Chine. Les achats de produits
indiens étaient financés pour l’essentiel par les exportations de lingots d’or, et les
achats de produits chinois par des exportations d’opium et de coton brut du
Bengale.
En 1764, alors que les troupes de la Compagnie continuaient à gagner du
terrain, une chose était devenue claire pour les Britanniques : ils n’étaient plus là
pour faire du commerce. Le traité d’Allahabad à la fin de la bataille de Plassey en
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1757 leur donna l’administration des provinces du Bengale, de Bihar et d’Orissa.
Il leur assura également la permission des Moghols de prélever des impôts sur
ces provinces et de contrôler leurs armées. C’est ce qu’ils firent à travers le
nabab local. Les recettes fiscales s’élevèrent à plus de 2 millions de livres
Sterling par année. Elles leur permirent de financer leurs exportations sans
devoir expédier des lingots d’or d’Angleterre en Inde. Ainsi, les Britanniques
prirent le pouvoir mais pas la responsabilité. Leur politique fut cependant
soumise au Parlement anglais en 1773 et le nabab fut remplacé par un
Gouverneur, Hastings, qui fut directement chargé de l’administration du pays,
mais avec des responsables indiens.
Avec l’arrivée de Hastings, les Britanniques commencèrent à s’intégrer dans la
population indienne. A cette époque, la dette nationale anglaise, qui avait permis
de financer le conflit contre la France, atteignait des sommets incroyables. Sous
Hastings, elle s’éleva jusqu’à atteindre 8.4 millions de livres Sterling. Il fut
remercié en 1784 et à son retour au pays on le jugea. Son procès dura 7 ans. Ce
procès remit en cause la Compagnie des Indes Orientales dans son ensemble.
La Grande-Bretagne décida de la restructurer afin qu’elle soit plus facile à
contrôler. C’est également à ce moment qu’apparut l’Indian Civil Service. Une
chose cependant ne changea pas. Les Britanniques continuèrent d’étendre leur
pouvoir par l’épée.
La Compagnie prit le contrôle du Mysore en tuant le sultan Tipu en 1792 puis
s’empara des provinces de Madras et de Bombay en 1803. En 1813, elle perdit
son monopole sur l’Inde. Entre 1814 et 1816, elle étendit son pouvoir au Népal.
Les Marathas furent battues entre 1817 et 1819. En 1815, environ 40 millions
d’Indiens étaient sous domination britannique. L’East India Company n’était donc
plus du tout une compagnie commerciale, elle était l’héritière des Moghols. A ce
moment là, les Anglais déterminèrent une politique qui devait leur donner le
pouvoir direct sur encore plus de provinces. Ce fut la « Doctrine of Lapse ». Elle
signifiait que si le dirigeant d’un état sous protection britannique décédait sans
avoir d’héritier naturel, celui-ci tombait sous domination directe des Britanniques.
Ainsi leur revint Satara en 1848, Nagpur et Jhansi en 1854 et Oudh en 1856.
Le gouvernement britannique n’établit une autorité directe sur l’Inde qu’après la
mutinerie de 1857, date à laquelle la Compagnie des Indes Orientales fut
dissoute.
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4. L’inde sous domination britannique
4.1. Historique
Après la révolte de 1857, les Anglais reprennent le pouvoir et introduisent
l’unification politique de l’espace indien. Ils contribuent ainsi à modeler le visage
d’une Inde moderne.
Le pouvoir de gouverner est transféré de la Compagnie des Indes à la Couronne
britannique. L’administration et le contrôle du gouvernement de l’Inde sont
confiés au vice-roi et à l’Indian Civil Service.
L’influence occidentale commence à produire des effets nouveaux. Jusqu’à ce
moment, les effet économiques de l’intervention européenne se limitaient à la
stimulation de certaines activités (cultures d’indigo,…) et à la dépression de
certaines autres (artisanat textile,…). Les structures de l’économie indienne et de
la société restaient inchangées. Maintenant, les intérêts britanniques
commençaient à primer sur ceux des Indiens et la production de la colonie se
faisait en fonction des besoins du pays mère. Les structures économiques
traditionnelles furent alors remplacées par les structures occidentales.
A ceci se rajoute l’arrivée des chemins de fer en 1853 et son développement
jusqu’en 1914, où le réseau ferroviaire s’étale à 56'000 km de voies. Ceci permet
un transport rapide des régions spécialisées dans les diverses cultures
d’exploitation vers les ports où les marchandises et matières premières sont
exportées vers l’Angleterre. De plus, à l’intérieur de l’Inde, la communication
entre les différentes provinces s’améliore ainsi et se fait plus vite. Malgré le
réseau très lâche, les principales villes sont ainsi reliées. L’effet sur les
campagnes reste indirect car la gare la plus proche est très éloignée du village.
Parallèlement à la mise en place des voies ferrées, le télégraphe fait son
apparition et facilite les contacts avec l'Angleterre.
Ce nouveau réseau de communication marque le début de l'ouverture
économique des villages et bouleverse ainsi les conditions de la vie indienne.
L’agriculture se trouve commercialisée et les marchandises produites sont
exportées en grandes quantités.
En 1869, le canal de Suez rapproche encore davantage l’Inde de l’Europe et la
route du Cap de Bonne Espérance est petit à petit remplacée par la nouvelle voie
traversant la Mer Rouge et la Méditerranée. Par conséquent, les exportations de
l’Inde s’accroissent nettement.
En 1876, la reine Victoria devient impératrice des Indes et la suprématie
impériale permet toute intervention dans les successions princières.
Inquiétés par l’avance des Russes en Asie Centrale, les Anglais attaquent
l’Afghanistan en 1878. Après quelques années d’occupation, des négociations
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concernant la délimitation des frontières indo-afghanes amène à la ligne de
démarcation en 1896. Certaines tribus se rajoutent ainsi au territoire britannique.
En 1885, la troisième guerre anglo-birmane est déclenchée suite à la signature
d’un traité entre la Birmanie5 et la France. L’intervention rapide des Anglais
permet l’annexion du royaume en 1886.
Suite à la consolidation du pouvoir britannique et à l’influence croissante de la
culture occidentale, des premiers mouvements nationalistes apparaissent en
1883 avec la première conférence nationale indienne à Calcutta. En 1885, deux
courants nationalistes se détachent : le Congrès National Indien et le mouvement
musulman. A l’occasion de la première réunion du Congrès, ils demandent au
régime anglais de procéder à des réformes politiques et économiques pour
diminuer la pauvreté du peuple indien. Malgré l’augmentation de l’influence des
années suivantes, les Anglais ignorent ces mouvements en estimant qu’ils
proviennent d’une infime minorité d’extrémistes.
4.2. Comment si peu d’Anglais purent régner sur l’Inde
Le nombre d’Anglais sur le territoire indien était assez restreint. En effet, pendant
la domination britannique, environ 100'000 Anglais régnaient sur 250 millions
d’Indiens. Les raisons pour lesquelles si peu d’Anglais purent gouverner l’Inde
sans provoquer de grandes révoltes sont multiples.
Après la révolte de 1857 (mutinerie), les Anglais changèrent leur façon de diriger
l’Inde pour éviter une deuxième révolte du peuple indien. Tout d’abord, il était
important de régner sur l’Inde directement en Inde. La Couronne britannique
envoya alors un Vice-Roi et des administrateurs britanniques en Inde pour
contrôler et gouverner la colonie. Ceux-ci installèrent l’ordre et la stabilité dans le
pays indien.
De plus, la reine Victoria décida que personne n’avait le droit de se mêler de la
culture et de la religion et qu’il devait exister une équité entre les européens et la
population indienne. Cette tolérance envers la culture et la religion des indigènes
apporta beaucoup à la domination « pacifique » des Anglais.
Pour diriger le pays indien, les Anglais adoptèrent un système mixte. C'est-àdire, deux tiers du territoire était administré directement, alors qu’un tiers était
localement représenté par un prince lié à la Couronne par des traités. C’était
l’East India Company qui avait signé ces traités avec les princes gouvernant des
états autonomes. Ces derniers étaient satisfaits de conserver leurs privilèges et
leur autonomie qui étaient garantis par les traités avec les Anglais. Ces derniers
de leur côté trouvaient avantageux de conclure ces traités sans devoir annexer
les territoires. En pratique, c’était les Anglais qui réglaient la politique étrangère
de l’Inde. Ces traités restèrent en vigueur jusqu’à l’Indépendance de l’Inde.
5
La Birmanie s’appelle aujourd’hui Myanmar
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Un rapport de la Commission Royale en 1863 informa que le taux de mortalité
entre 1800 et 1856 des Anglais en Inde était de 6.9 pourcent par rapport à 1
pourcent au Royaume-Uni. Des calculs montrent que dans une armée de 70'000
soldats britanniques, 4830 mouraient et 5880 lits d’hôpital étaient occupés par
les soldats malades. Ceci provoquait un coût de plus d’un million de livres par
année. Une force militaire similaire en Europe n'aurait provoqué que 200'000
livres pour la même période. Il fut alors décidé de ne plus envoyer de soldats en
Inde. Par conséquent, en 1881, l’armée indienne comptait 69'647 Anglais et
125'000 indigènes.
4.3. Changements économiques dus à la domination britannique
L’intervention britannique a implanté en Inde une économie de type colonial,
basée sur l’exportation de produits tropicaux et l’importation de produits fabriqués
européens. L’Inde, est ainsi devenue un pays exportateur de matières premières
pour l’Angleterre qui en profitait un maximum pour exploiter la colonie. En
d’autres mots, l’économie indienne est devenu un système organisé pour le
drainage des richesses vers l’étranger ou en faveur d’une communauté
étrangère installée dans le pays.
Des évolutions techniques ont soutenu l’évolution de l’économie de l’Inde. D’une
part, le développement du réseau ferroviaire, des routes ainsi que la construction
du canal du Suez et d’autre part l’arrivée du télégraphe en Inde sont les
évolutions les plus importantes qui ont influencé l’Inde et son commerce. Ces
développements améliorèrent les voies de communication à l’intérieur du pays.
De plus, les transports vers les pays occidentaux prirent toujours moins de temps
et permirent une augmentation des exportations.
Quels sont alors les changements primaires causés par l’arrivée des Anglais et
leurs technologies sur l’Inde au plan économique ?
En analysant les évolutions de certains secteurs économiques, nous allons
essayer de déterminer les changements les plus importants dans l’économie
indienne.
4.3.1. L’industrie textile
Au 17ème siècle, les tissus étaient la marchandise indienne la plus exportée. Dès
la seconde moitié du 18ème siècle, l’industrie textile de Manchester commença à
faire concurrence aux artisanats indiens. La supériorité technique des anglais,
principalement due à l’invention des machines, permettait alors de produire plus
vite et en plus grandes quantités que l’industrie textile de l’Inde. Cependant, les
tissus indiens étaient de meilleure qualité, mais également plus chers.
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Privées d’indépendance politique, les industries indiennes étaient totalement
exposées à la concurrence anglaise. Ainsi, les Anglais achetaient le coton en
Inde, le transportaient en Angleterre et y produisaient le tissu qu'ils exportaient
ensuite vers l'Inde pour le revendre au prix bas. Sur le marché indien, les tissus
bon marché de l’industrie anglaise étaient en concurrence directe avec les tissus
indiens. Suite aux prix plus bas des tissus anglais, les marchants indiens
n'arrivèrent plus à vendre leurs tissus.
A la deuxième moitié du 19ème siècle, l’industrie indienne commença à prendre
sa revanche en utilisant les techniques occidentales transmises par les
Européens et profitant des salaires indiens plus bas que celles de leurs
concurrents. Ils reprirent le commerce des tissus indiens qui furent vendus
ensuite non seulement sur le territoire indien, mais aussi dans les pays
d’Extrême-Orient.
A la suite, des protestations du côté de la Chambre de Commerce de
Manchester concernant les tarifs protectionnistes de l’industrie indienne
provoquèrent de longues disputes entre les intérêts indiens et anglais. A la fin du
19ème siècle, les droits de douane sur les tissus furent réduits. En même temps,
la concurrence japonaise fit son apparition sur le marché d’Extrême-Orient et
devint ainsi la rivale des Indiens sur ce marché. Ces évolutions rendirent la
situation de l’industrie textile de l’Inde à nouveau plus difficile.
Avant la Première Guerre Mondiale, l’industrie textile indienne se trouvait derrière
les Etats-Unis, la Grande Bretagne et le Japon à la quatrième position mondiale.
En résumé :
Dans un premier temps, l’avantage comparatif des Anglais dans l’industrie textile
pousse les artisanats indiens à laisser leur marché aux colonisateurs. Un siècle
plus tard, l’avantage comparatif s’échange en faveur de l’industrie indienne suite
aux salaires plus bas et à l'application de la technologie occidentale. Vers la fin
du siècle, de nouveaux concurrents et conditions tarifaires rendent la situation de
l’Inde une nouvelle fois plus difficile. Finalement, elle se trouve à la quatrième
position de l’industrie textile du monde.
4.3.2. Les plantations
L’économie de subsistance des villages indiens se transforma lors de la
domination britannique et grâce aux nouvelles possibilités de communication en
une économie commerciale dirigée vers l’exportation. Comme les profits des
marchandises destinées à l’exportation rapportaient plus, une partie des champs
furent cultivés dans ce but. Ainsi, les paysans devinrent de plus en plus
dépendants de l’extérieur. Cela signifie que des villages économiquement isolés
avant l’arrivée des Européens s’ouvrirent suite au commerce entre les divers
villages de l’Inde ainsi qu’à l’exportation vers des pays comme la Grande
Bretagne ou d’autres pays occidentaux.
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Les planteurs européens introduisirent une forme d’agriculture à structure
capitaliste et orientée vers les produits d’exportation. Pour financer les
plantations, les Européens apportaient rarement des moyens financiers, mais
empruntaient les capitaux aux Indiens ou aux agents de l’East India Company.
Le capitaliste européen concluait un contrat avec des paysans en leur faisant
une avance pour cultiver une certaine surface et lui achetait toute la récolte à un
prix fixé dans le contrat. De cette manière, les européens profitèrent de la
modestie des indiens et firent des profits sur les exportations.
Quels étaient les biens d’exportations les plus importants pour les Indiens et
comment a évolué le commerce de ces biens avec les Européens ?
L’indigo
L’indigo était connu comme vieille culture indienne, et gagna son intérêt pour les
Européens comme simple objet de commerce. Au 18 ème siècle, l’intérêt pour
cette matière colorante crût constamment, car elle devint une marchandise
lucrative pour l’industrie du textile anglais. A cette époque, il n’existait pas encore
de teintures chimiques pour le textile et l’indigo était une teinture naturelle. Ainsi,
les besoins d’indigo pour l’industrie textile anglaise accrurent la production de
cette marchandise en Inde.
A partir de 1897, l’indigo fut remplacé par les colorants synthétiques allemand et
perdit ainsi son importance. Après une petite phase d’augmentation de la
production suite à la suspension des exportations allemandes à cause de la
Première Guerre Mondiale, l’indigo disparut définitivement.
Le coton
Suite à la guerre de Sécession américaine (1861-65), les ports qui exportaient le
coton américain cessait l’exportation de matière première à l’industrie du
Lancashire. Par conséquent, le cours du coton augmentait fortement sur le
marché mondial. L’industrie du Lancashire s’adresse alors à l’Inde pour acheter
le coton pour sa production. Les paysans incités par la hausse du cours sur le
marché mondial remplacent une partie de leurs cultures traditionnelles par le
coton qui leur rapporte beaucoup plus. Ainsi, une évolution sur un autre continent
influençait l’économie de l’Inde massivement et provoque l’apparition d’une
culture faite pour la vente.
Après la guerre, les américains ont repris la domination du marché mondial du
coton. Ses produits étant de meilleure qualité sont alors préférés à celles de
l’Inde et les paysans indiens se trouvent dans la misère. Ceci ne représente pas
seulement le retour dans le passé. Suite à la révolution des transports, l’Inde se
trouve étroitement liée au marché mondial qui a alors une influence importante
sur les villages de l’Inde produisant du coton.
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Le thé
Le thé est une plantation de type différent cultivée en montagne. Sur l’initiative
d’un gouverneur, le thé se développa en Assan à partir de 1835. Le planteur
reçut un domaine de terre inoccupée qu'il exploita lui-même en collaboration
avec une main d’œuvre salariée. Avant la fondation de l’Assam Tea Company
Limited en 1840, les plantations de thé étaient gouvernementales.
Au milieu du 19ème siècle, la culture du thé devint très importante dans la région
d’Assam et évolua en une grande culture d’exportation. Le thé n’était pas
seulement exporté en Angleterre, mais aussi en Russie, au Canada, aux EtatsUnis et en Australie.
Le café
Le café, déjà existant au 17ème siècle, fut davantage développé deux siècles plus
tard sur une initiative européenne dans des régions montagneuses.
Cependant, suite à la concurrence de l’Amérique latine (Brésil), le café indien ne
su plus s'incruster sur le marché mondial et son développement déclina à partir
de 1862.
En résumé :
Le changement dans l’agriculture introduit l’augmentation des exportations de
l’Inde envers toutes les régions du monde et essentiellement vers la Grande
Bretagne. Ceci introduit une dépendance croissante des agriculteurs envers
l’économie mondiale et ses fluctuations. Des modifications économiques d’un
pays peut avoir une influence considérable pour l’Inde, comme l’a montré
l’exemple du coton.
Souvent, ce sont les commerçants occidentaux qui profitent des exportations et
exploitent les paysans, leur savoir faire ainsi que les ressources de l’Inde.
4.3.3. Système fiscal
A l’arrivée des anglais sur le territoire indien, la situation financière était très
désordonnée. Comme les Anglais ne connaissaient pas le système existant, ni la
langue et les institutions, il leur fut alors plus facile d’utiliser une institution
préexistante : le zamîndâr (collecteur d’impôt). Ce dernier se chargeait de
percevoir les impôts auprès de la population et remettait une part proportionnelle
au gouvernement. Avec ceci, les Anglais pensaient établir une aristocratie rurale
semblable à la « gentry » anglaise, la classe de propriétaires ruraux. Le système
ne fut pas introduit dans tout le pays, il se passa plutôt une expansion
progressive dans certaines régions de l’Inde. Il se créa ainsi une classe
intermédiaire qui opprimait les paysans pour profiter à leur compte des
ressources fiscales.
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Lorsque la Couronne britannique prit la succession de l’East Indian Company, le
système fiscal du être adapté aux conditions nouvelles de l’économie. Avec le
développement de l’économie commerciale, la catégorie des revenus
commerciaux et industriels prit une importance croissante. Ces revenus,
autrefois peu importants, n’étaient pas sérieusement imposés jusqu’à ce
moment-là. L’inégalité existante entre l’imposition importante de l’agriculture et
les faibles impôts sur le commerce fut alors réparée par l’institution d’un impôt
proportionnel au revenu annuel. Celui-ci n’était pas prélevé sur les bénéfices
agricoles, mais uniquement sur les bénéfices commerciaux et industriels.
En résumé :
Au début de la domination britannique, les Anglais utilisent le système
préexistant des collecteurs d’impôts qui imposait les bénéfices d’agriculture.
Après la reprise de l’Inde par la Couronne britannique et les changements
importants dans l’économie indienne, les impôts sont prélevés sur les bénéfices
commerciaux et industriels.
4.3.4. L’économie capitaliste
Avec les Européens, l’économie capitaliste s’introduisit dans les colonies
européennes. Une des conditions indispensables du capitalisme fut un système
monétaire et bancaire nouveau. En Inde, l’unité monétaire existe depuis 1835
suite à l’émission des roupies par l’East Indian Compagny. Quelques années
plus tard, le gouvernement reçut le monopole de l’émission du papier-monnaie à
côté des roupies d’argent. Ce papier-monnaie représentait un crédit qui pouvait
être échangé à la banque en roupies.
Les anciens prêteurs d’argent n’arrivaient pas à subvenir aux besoins des
entreprises modernes. Leur masse réduite de capitaux, les taux élevés des prêts
ainsi que leurs techniques de crédit les rendaient inadaptés à la nouvelle forme
de l’économie. La fonction bancaire était alors assumée par les maisons de
commerce britanniques établies dans les grands ports indiens. Plus tard, les
Banques de Présidence et les banques privées apparurent sur le territoire indien.
Comme les Indiens restaient fidèles à leur système ancien de prêt, ils ne purent
plus effectuer d'investissements importants et par conséquent, leurs revenus
restèrent modérés.
En 1860, un nouveau type d’association s’introduisit en Inde : les sociétés à
responsabilité limitée. Le groupement d’un grand nombre d’actionnaires permit
d’investir des capitaux importants dans des nouvelles entreprises. Les
investisseurs indiens ne furent pas attirés par ces entreprises et ils continuèrent
à prêter leur argent à des particuliers ou aux prêteurs ordinaires. Par rapport aux
rendements des nouvelles possibilités d’investissements, ces placements
traditionnels n'étaient pas productifs. Par conséquent, ce sont les Britanniques
qui investirent dans les nouvelles entreprises et qui profitèrent des gains
importants.
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L’argent investi par ces investisseurs britanniques ne venait pas de GrandeBretagne mais étaient, comme dans le cas des plantations, constitués des gains
faits par les Britanniques en Inde qui étaient alors réinvestis dans l’économie.
Pour les investisseurs qui ne connaissaient pas bien l’Inde, il existait une société
gérante à laquelle on pouvait confier son argent. C’était une des vieilles firmes
commerciales britanniques, depuis longtemps établie en Inde, qui connaissait
parfaitement les conditions du marché.
Les Indiens commencèrent à investir des capitaux après la Première Guerre
Mondiale et adoptèrent enfin le système importé par les Anglais.
En résumé :
L’économie capitaliste est importée par les Européens. Comme le capital indien
n’est pas attiré par les nouvelles entreprises, ce sont les capitaux des Européens
qui investissent dans des affaires profitables. Les indigènes restent avec leurs
investissements traditionnelles qui leur rapportent beaucoup moins. Les
nouveaux modes d’investissement créent alors de la richesse pour les
Britanniques.
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5. L’Indépendance
5.1. La prise de conscience de la Nation Indienne
L’Angleterre domina l’Inde pendant plus d’un siècle. Pendant tout ce temps
prévalut une attitude de collaboration entre les Britanniques et les Indiens. Ce
n’est qu’à la fin du 19ème siècle et dans la première partie du 20ème siècle que
s’éveilla, dans une élite seulement, la conscience nationale indienne.
Comme nous l’avons vu, durant le 17ème et le 18ème siècle, l’Inde était fragmentée
en castes, il n’existait donc aucun élément social susceptible de concevoir l’idée
d’une nation. Mais, au 19ème siècle, une partie des Indiens, principalement ceux
appartenant aux castes de la « classe moyenne », eurent, grâce à la domination
britannique, la possibilité de recevoir une instruction adaptée au monde moderne
qui leur permit de s’élever dans l’échelle sociale. Ils devinrent ainsi capables de
concevoir une autre solidarité que celle de la caste. De plus, la multiplication des
emplois permit à bon nombre d’entre eux d’acquérir dans la société une position
plus indépendante : libérés du cadre coutumier de la caste, ils commencèrent à
prendre des initiatives.
Un des grands obstacles à l’éclosion d’une nation indienne avait été l’absence
d’une langue commune. Le sanskrit se limitait à une classe d’érudits. Le persan,
qui avait été la langue culturelle de l’époque Moghole, était le véhicule d’une
culture musulmane. La diffusion de l’anglais par l’enseignement donna aux
Indiens une langue commune, que sa simplicité rendait accessible à un grand
nombre d’individus. Pour la première fois, les habitants de tout le pays purent se
comprendre. Cela aida à la diffusion des idées politiques dans la classe cultivée.
De plus, l’enseignement anglais révéla aux Indiens l’histoire de l’Europe : la
formation des nations modernes, les révolutions, etc. Le grand mouvement de
libération nationale qui avait d’abord affecté les pays d’Europe et d’Amérique,
atteignit ainsi l’Inde vers la fin du 19ème siècle.
Le nationalisme indien trouve cependant aussi son origine dans la culture de son
pays, et plus précisément sa religion. Elle donna en effet à l’Inde, à travers
quelques leaders, l’énergie de s’opposer à ce maître étranger qui lui apportait
des idéaux différents.
5.2. Le Congrès
Le développement d’une conscience nationale dans la classe cultivée aboutit à
l’organisation d’unions, telles que le Congrès National Indien et la Ligue
Musulmane. Plusieurs associations réformistes apparurent déjà dès 1876.
L’« Indian National Conference », qui se réunit à Calcutta en 1883, fut le plus
important de ces mouvements précurseurs.
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Le Congrès se réunit pour la première fois à l’appel d’un fonctionnaire anglais
retiré, Allan Hume, à Bombay en 1885. Il n’attira à ce moment-là que 70
membres. Cependant, dès sa seconde édition, ce nombre s’éleva à 450, puis
600, et pour sa quatrième réunion, le Congrès comptait plus de 1200 membres!
Au départ, le Congrès se donna comme objectif le progrès du pays. Les Anglais
étaient favorables à ce mouvement, comme le confirme une déclaration que fit le
Gouverneur Général, Lord Dufferin, à Allan Hume : « Ce serait un bienfait public
s’il existait quelque organisation responsable par laquelle le Gouvernement
pourrait être informé de la meilleure opinion publique indienne ». Le Congrès
était ouvert à toutes les communautés indiennes et comprenait ainsi quelques
musulmans. Mais une tendance à s’en écarter et à organiser des associations
rivales existait déjà chez ces derniers. Les musulmans redoutaient en effet d’un
régime démocratique qu’ils finissent par être dominés par les Hindous.
En 1880, Lord Ripon devint Gouverneur. Il fut le plus populaire des Vice-Rois. Ce
qui le rendit si admiré par la population indienne fut le projet de l’Ilbert Bill. Ce
dernier visait à abolir la discrimination raciale en matière judiciaire. A cette
époque, les Européens ne pouvaient comparaître que devant des juges
européens. L’Ilbert Bill permettaient aux juges indiens de juger les Européens. La
réaction extrêmement négative des Européens poussa Lord Ripon à modifier le
bill afin que le privilège des Européens reste intact. Cela marqua le début du
dissentiment entre Indiens et Britanniques.
Lord Curzon fut Vice-roi de 1899 à 1905.Il fit également un passage remarqué en
Inde, mais au mauvais sens du terme. En effet, malgré sa grande tolérance des
Indiens, son caractère et les conditions qui régnaient en Inde ne lui furent pas
favorables. A l’époque, la montée du nationalisme se faisait sentir et la grande
famine (causée par un manque de la mousson) qui affecta 60 millions de
personnes dans le nord du pays entre 1899 et 1900 n’arrangea pas les choses.
Curzon était extrêmement conservateur. Il était d’avis que l’Inde devait être
organisée de manière à ressembler à l’Angleterre féodale. Les états princiers
représentaient environ 1/3 de la superficie du pays, et les maharaja restaient
dans de grandes mesures à la tête de ces régions, bien que constamment sous
la surveillance d’un secrétaire britannique. Même dans les zones qui étaient sous
le joug direct des Anglais, la plupart des districts ruraux étaient dirigés par des
paysans indiens. Pour Curzon ces gens étaient les dirigeants naturels du pays.
L’apogée de Curzon fut le Delhi Durbar de 1903, une spectaculaire cérémonie
qu’il organisa pour l’ascension d’Edward VII. Mais Curzon se trompait. Ce n’était
pas sur les Princes qu’était fondé le pouvoir britannique en Inde, c’était sur une
élite d’avocats et de servants anglicisées.
C’est à cette époque que le Bengale fut partagé en deux unités administratives,
au grand désarroi des nationalistes qui voyaient ça comme une punition. Le
chant Vande Mataram, extrait d’un roman bengali, retentit pour la première fois
comme le cri de guerre des nationalistes. L’apparition d’une industrie indienne,
créée par des capitaux indiens, et qui concurrençait l’industrie britannique eut
également une grande importance politique. Les Indiens allèrent jusqu’à
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boycotter les marchandises britanniques en usant parfois même de violence
contre les Britanniques.
Le Congrès commença à présenter des projets de réforme au Gouvernement.
Ce qu’il désirait avant tout était l’accès des Indiens à l’Indian Civil Service. Mais
le Gouvernement rejeta systématiquement ces requêtes. Alors fit jour une
tendance politique nouvelle, selon laquelle on n’obtiendrait pas les réformes par
des paroles mais par l’action : la tendance radicale de l’indépendance indienne.
Cette dernière se manifesta au début du 20ème siècle et fut influencée par la
victoire du Japon sur la Russie en 1905. C’était la première victoire d’un peuple
asiatique sur un peuple européen. Depuis le 16 ème siècle, l’expansion coloniale
avait accoutumé les peuples à l’idée que l’Européen était invincible. La victoire
du Japon détruisit ce mythe.
La tendance radicale l’emporta
en 1906, lorsque le Congrès,
assemblé à Calcutta, adopta
pour la première fois le
programme
du
svaraj :
gouvernement autonome de
l’Inde sous la suzeraineté
britannique. Jusque là, le
Congrès avait eu à sa tête
Gokhale, qui croyait en l’esprit
de justice de l’Angleterre et qui
reconnaissait
dans
ce
gouvernement étranger un
appréciable bienfait. Il était
contre
le
terrorisme
qui
s’installait alors. Tilak, un
brahmane qui fut le premier
chef du nationalisme radical,
était partisan de l’action
violente dans la lutte patriotique
et donc du terrorisme. Cela
mena à la scission du Congrès
en modérés et radicaux lors de
la violente assemblée de Surat
en 1907. A ce moment-là, Tilak
fut exclu et forma un parti
distinct. Glokhale exerça son
influence modératrice sur le
Congrès jusqu’à sa mort en
1915. Les Britanniques ne se
rendirent compte qu’en 1908,
alors que deux de leurs
femmes furent tuées, que ce qui était en train de se passer était bien différent de
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la mutinerie de 1857. A ce moment-là, il y avait également eu un soulèvement,
mais celui-là avait été provoqué par des soldats qui voulaient défendre leur
culture religieuse. Cette fois-ci, ils avaient affaire à du terrorisme moderne. Mais
ils ne pouvaient en vouloir qu’à eux-mêmes. Ils avaient créé des Indiens à leur
image et les avaient ensuite aliénés.
Aurobindo, un Bengali dont le père avait été l’un des
premiers Indiens à faire ses études en Angleterre, était
imprégné de culture européenne. Il conçut cependant
très jeune (à l’âge de 15 ans) le dessein de participer à
la libération indienne. Il personnifia le nationalisme qui
allait bientôt se manifester dans tout l’Empire,
précisément parce qu’il était le produit de l’éducation
anglaise. Il démarra réellement son action politique en
1905 et donna, tout comme Tilak, un caractère religieux
au nationalisme.
La Ligue Musulmane fut fondée en 1906 : son intention initiale était de soutenir le
partage du Bengale (parce que le Bengale oriental était en majorité musulman)
et de s’opposer au boycottage des marchandises britanniques. Mais, lorsque le
nombre de ses adhérents augmenta, la Ligue Musulmane s’imprégna de l’esprit
nationaliste qui régnait dans le pays.
La vague de terrorisme atteignit son paroxysme au Bengale entre 1906 et 1908.
Le Gouvernement riposta par une campagne de répression : arrestations,
matraquage des manifestations pacifiques, déportations sans jugement. Tilak fut
emprisonné. Aurobindo fut arrêté à deux reprises, mais acquitté à chaque fois.
Cette politique de répression échoua et le Gouvernement chercha alors à rallier
les modérés. Le nouveau roi d’Angleterre George V (qui succéda à Edouard VII
en 1910) se rendit en Inde pour se faire couronner empereur : c’était un acte
sans précédent, destiné à flatter l’opinion publique en lui montrant le réel intérêt
que le souverain éprouvait pour le pays. Le couronnement eut lieu à Delhi. La
capitale fut transférée de Calcutta à Delhi. On entreprit alors la construction de la
New-Delhi. Le Bengale fut réunifié, pour la grande satisfaction de l’opinion.
Cependant, l’agitation ne cessa point.
Anecdote : Les mots suivants furent inscrits sur un mur de la New-Delhi: “ Liberty
does not descend to people, A people must raise themselves to liberty, It’s a
blessing that must be earned, Before it can be enjoyed.” La suprême ironie de
cette entreprise fut qu’elle fut financée par les Indiens, par le biais des impôts !
5.3. La Première Guerre Mondiale
Durant la Première Guerre Mondiale, l’Inde conserva une attitude loyaliste à
l’égard de la Couronne et les troupes indiennes rendirent un grand service à
l’Empire britannique. Se rendant compte de cela, le Royaume-Uni permit aux
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représentants indiens d’être présents dans les Conseils de l’Empire puis à la
Conférence de la Paix. Jamais les conditions n’avaient été aussi favorables à
l’octroi de l’autonomie dans le cadre de l’Empire et les extrémistes, à l’époque,
ne demandaient rien de plus. Mais c’était de la représentation sans pouvoir!
La guerre amena cependant une évolution dans l’opinion de la communauté
musulmane, parce que la Grande-Bretagne se battait contre la Turquie, dont le
souverain était le chef reconnu de tous les musulmans sunnites. A la même
époque, la mort de Gokhale permit à la tendance radicale de Tilak de prendre la
majorité au Congrès. Les modérés se rapprochèrent des extrémistes parce qu’il
leur était impossible d’approuver les méthodes britanniques de répression. Les
musulmans et les hindous se rapprochèrent, tous deux condamnant la politique
de l’Angleterre contre la Turquie.
5.4. Gandhi et l’entre-deux guerres
La première partie du 20ème siècle, mais particulièrement l’entre-deux guerres et
la Seconde Guerre Mondiale, ont vu le mouvement national indien progresser de
manière décisive. Toute cette lutte a été dominée par la personnalité du
Mahatma Gandhi, qui lui a imprimé un caractère nouveau.
Gandhi (1869-1948) était un
avocat, originaire du Gujrat
(nord-ouest de l’Inde), qui avait
fait ses études en Angleterre.
En 1893, il quitta Bombay pour
le Natal (Afrique). Son but était
de prendre la défense des
70'000 Indiens émigrés en
Afrique du Sud, ouvriers de
plantations ou de mines, qui
étaient brimés par une législation raciste et souffraient de l’hostilité des Noirs
aussi bien que des Blancs. En quelques années, il devint une des personnalités
politiques les plus connues de l’Afrique du Sud. Se passant de plus en plus des
biens superflus et adoptant une austérité qui devint définitive en 1906, il mit au
point une tactique de désobéissance non-violente. Arrêté trois fois en 1908 et
quatre fois en 1913, il sut par sa fermeté et la simplicité de sa vie être un
exemple pour les masses indiennes émigrées là-bas. Pour la première fois, la
masse populaire, ignorante, était intéressée à un mouvement politique.
Gandhi revint d’Afrique en 1915. La mort de Gokhale (1915) et Tilak (1920), ainsi
que le renoncement à l’action politique d’Aurobindo, permirent à Gandhi
d’exercer une influence prédominante. Son action, tout entière orientée vers le
relèvement de l’être humain, est délibérément religieuse. Il combat l’exploitation
de l’homme par l’homme, mais il éprouve autant de respect pour l’oppresseur
que pour l’opprimé. Gandhi est non-violent. La non-violence, employée
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systématiquement par les masses populaires sous la forme de la résistance
passive, pouvait devenir une arme redoutable. Il savait qu’un peuple sans armes
ne pouvait pas abattre la puissance de l’Empire britannique et qu’une révolte
violente entraînerait pour l’Inde de grandes souffrances. Gandhi lança sa
première « offensive » (satyagraha) en avril 1917 et intégra pour la première fois
les masses paysannes dans le combat pour l’indépendance.
En 1917, la politique britannique fut pour la première fois définie par les Anglais
comme un acheminement progressif de l’Inde vers l’autonomie dans le cadre de
l’Empire. En 1919, l’Angleterre leur accorda une Constitution par le Government
of India Act, qui organisait le gouvernement central et les gouvernements
provinciaux avec des assemblées représentatives. Ce système, qu’on appela la
Dyarchie, parce qu’il partageait le pouvoir entre les Britanniques et les Indiens,
était une étape décisive dans la voie de l’autonomie. D’abord bien accueillie, la
nouvelle Constitution, ressentie comme une répression anti-révolutionnaire, incita
cependant rapidement les Indiens à la critique. Les Anglais continuaient à régner
car ils restaient les chefs des ministères les plus importants (police, armée,
finance).
Gandhi organisa une résistance passive contre les lois de répression antirévolutionnaires en 1919. Le gouvernement y réagit avec vigueur. L’acte de
répression le plus violent fut le massacre d’Amritsar (13 avril 1919) où le général
Dyer fit tirer ses soldats sur une foule de manifestants sans armes (379 morts et
1500 blessés). La Chambre des Lords crut que Dyer avait sauvé l’Empire, mais
en réalité, il avait rendu impossible tous rapports amicaux entre Indiens et
Britanniques. Sa carrière prit fin là.
En 1920, le Congrès était devenu un grand parti, dont le peuple suivait les mots
d’ordre. A la session de Calcutta, il précisa son programme : « indépendance à
l’intérieur de l’Empire, si possible, à l’extérieur, si nécessaire ». En même temps,
il adopta la tactique de non-coopération : refus des titres du Gouvernement,
boycottage des institutions britanniques, etc. Gandhi lança la campagne du
khadi : le peuple indien devait se mettre à tisser le khadi, tissu de coton, habillant
la majorité des Indiens. Cette campagne avait pour but de fournir du travail à une
population sous-employée et d’affranchir l’Inde de l’importation des tissus
britanniques. On se mit d’ailleurs à brûler ces derniers.
Gandhi fut désigné à cette époque par le Congrès pour diriger la résistance
nationale mais s’en détacha rapidement (en 1922) car il était contre les
méthodes violentes qui étaient utilisées. C’est à ce moment-là qu’il fut arrêté,
puis condamné à 6 ans de prison. Cette décision de Gandhi mit fin à la phase
révolutionnaire du mouvement national indien. La Constitution de 1919 entra
alors en vigueur. Cependant, la Dyarchie n’engendra pas la collaboration qu’avait
souhaité l’Angleterre. Elle opposait les Indiens et les Britanniques par de petits
conflits.
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Celui qu’on appelait désormais le Mahatma (Gandhi) fut libéré de prison au bout
de deux ans pour des raisons de santé. Il reprit sa vie politique active en 1928,
alors que Nehru, un des ses disciples, devint Président du Congrès (1929). En
1929, le Parti Travailliste, qui sympathisait avec les aspirations indiennes, fut
porté au pouvoir en Grande-Bretagne. Ces dispositions favorables ouvrirent une
période de négociations. Il y eut toute une série de conférences qui réunirent des
représentants des grands partis britanniques, des partis et des princes indiens.
Mais elle n’aboutirent à rien, la division entre les Indiens (entre Musulmans et
Hindous) empêchant tout accord.
En 1930, Gandhi entreprit le satyagraha du sel. Il parcourut 360 km, du 11 mars
au 5 avril, pour atteindre la mer. Là, il prit de l’eau de mer et fabriqua du sel pour
désobéir à la loi. La campagne de désobéissance civile recommença. Elle aboutit
à l’arrestation de Gandhi le 4 mai. L’accord Gandhi-Irwin en mars 1931 mit fin à
la désobéissance civile.
La Grande-Bretagne décida alors de donner à l’Inde un nouveau statut. Ce fut la
Constitution de 1935. L’Inde devint une fédération, groupant les états autonomes
de l’Inde britannique et les états princiers. Cette constitution ne suscita
cependant aucun enthousiasme chez les Indiens. D’abord, elle ne réalisait pas le
programme d’indépendance complète décidé par le Congrès en 1927, car les
gouverneurs des provinces conservaient certains pouvoirs qui leur permettaient
de contrecarrer la volonté populaire. Les musulmans n’étaient pas non plus
satisfaits car ils redoutaient un régime démocratique où ils seraient en minorité.
Les Princes, qui jouissaient d’une autorité de fait sous le protectorat britannique,
ne voyaient pas la nécessité d’un changement. Enfin, la Constitution de 1935
stipulait que toute révision constitutionnelle dépendait du Parlement britannique.
La Constitution n’entra donc que partiellement en vigueur. En fait, c’était la
Dyarchie qui continuait sous un autre nom : les Britanniques restaient les maîtres
du pays et l’exploitation coloniale continuait.
C’est également pendant l’entre-deux guerres que le capitalisme indien prit son
véritable essor. Beaucoup de riches Indiens investirent leur capitaux dans
l’industrie moderne, les plantations, les banques, les assurances, etc. Ils
participèrent ainsi à l’essor de leur pays et contribuèrent à son indépendance
économique.
5.5. La Seconde Guerre Mondiale
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’Inde fut, comme en 1914, engagée dans
le conflit dès le début. Sa politique extérieure étant dirigée par la GrandeBretagne, elle adopta automatiquement les positions britanniques : non
intervention et défense de la paix. Le Congrès, et par lui l’Inde, était contre le
fascisme. Cependant, il protesta contre le fait que l’Inde soit engagée dans le
conflit sans son consentement. De plus, il n’acceptait pas de combattre pour des
buts équivoques. Si on combat pour la démocratie, pour la liberté des peuples,
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les buts de guerre doivent impliquer la libération des empires coloniaux. Or,
l’Angleterre s’abstint de prendre position sur ce problème. Ceci amena la
Congrès à refuser la coopération.
L’Inde avait connu un calme relatif depuis l’accord Gandhi-Irwin de 1931. La
guerre rompit cet équilibre. Les ministères congressistes, qui étaient en fonction
dans les gouvernements provinciaux, donnèrent leur démission. Les Anglais
continuèrent à administrer l‘Inde par leurs gouverneurs dans les provinces, mais
il n’y avait plus aucune coopération avec des Indiens élus. Cela représenta la fin
de la Dyarchie. En mars-avril 1942, au moment où les Japonais envahissaient la
Birmanie, Sir Stafford Cripps fut envoyé en Inde avec une mission de
conciliation : il offrit d’accorder à l’Inde le statut de Dominion après la guerre. Ses
propositions furent repoussées à la fois par le Congrès et la Ligue Musulmane.
Le 8 août 1942, le Congrès décida de lancer une action de masse contre la
coopération à la guerre. Le Gouvernement réagit en faisant arrêter, le 9, tous les
dirigeants du Congrès. La fin de 1942 fut une époque troublée, ponctuée par
60'000 arrestations et par des répressions violentes (940 tués et 1630 blessés).
En dépit de tout cela, les Anglais restaient les maîtres de l’Inde. Le recrutement
des soldats atteignit 2'500'000 hommes. Jamais au cours de l’histoire on avait
recruté une armée aussi nombreuse. En outre, 8 millions servirent dans les
travaux auxiliaires de l’armée, 5 millions dans les industries de guerre et plus
d’un million dans les transports ferroviaires. Cet effort de guerre coûta à l’Inde
beaucoup de vies humaines, moins par les combats que par la famine. La
grande famine du Bengale en 1943, causée par l’occupation japonaise de la
Birmanie dont le Bengale importait son riz, fit 2 millions de victimes.
En exploitant à fond les ressources de l’Inde, la Grande-Bretagne contracta
envers celle-ci une dette qui s’élevait, à la fin de la guerre, à 1’250 millions de
livres sterling. Afin de rembourser son du, elle commença à vendre une partie
des entreprises capitalistes qu’elle possédait dans ce pays. Les riches Indiens
achetèrent ces entreprises britanniques. Un des résultats de la guerre fut donc
que le mouvement économique de la colonisation fut renversé.
5.6. L’indépendance
Après la guerre, la situation politique se modifia du fait de l’avènement au pouvoir
en 1945 en Grande-Bretagne du Labour Party, qui était décidé à accorder à
l’Inde son indépendance. Mais le désaccord entre le Congrès et la Ligue
Musulmane retarda encore de deux ans la proclamation de l’indépendance. En
effet, le Congrès souhaitait le maintien de l’unité indienne, tandis que la Ligue
voulait former un état indépendant, le Pakistan. En août 1946, la tension
croissante entre les deux communautés entraîna des massacres et des pillages
à Calcutta. Le 3 juin, Lord Mountbatten, entré en fonction en mars 1947, annonça
la décision britannique de permettre la sécession des provinces à majorité
musulmane. Le Parlement Britannique vota, le 3 juillet, l’Indian Independance
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Act, en vertu duquel la souveraineté était transférée au gouvernement indien
dans la nuit du 14 ou 15 août 1947 à minuit. L’Inde devint un Dominion du
Commonwealth.
5.7. Quelques mots sur la réorganisation
Suite à la « partition » de 1947, il fallait réorganiser ce pays alors fragmenté en
groupes indépendants. A New-Delhi, un gouvernement congressiste fut
immédiatement constitué, présidé par Nehru (Gandhi ayant été assassiné en
1948 par un fanatique). Ce gouvernement fut appelé l’Union Indienne. Le
Pakistan fut constitué. Il groupa des pays à majorité musulmane et se donna un
gouvernement musulman. Dès leur naissance, ces deux états s’opposèrent par
principe, la doctrine congressiste d’intégration condamnant le partage dont le
Pakistan était issu. Cette opposition donna lieu à des massacres ainsi qu’à
d’impressionnantes exodes entre les deux états (au total environ 15 millions de
personnes). Ce fut un des plus vastes échanges de population dans l’histoire du
monde.
La première tâche de l’Union Indienne était de reconstituer un état cohérent. En
effet, il existait alors 562 états princiers qui couvraient 45% de la superficie pour
25% de la population. Nehru décida que ces états devaient s’intégrer à l’Union
Indienne. Les maharaja perdirent ainsi leur pouvoir politique mais reçurent des
pensions par le gouvernement indien jusqu’en 1971. Ce rattachement à l’Union
Indienne provoqua un conflit au Kashmir à cause de l’opposition musulmanshindous. L’intégration des états princiers fit de l’Union Indienne un très grand
pays qui, en 1951, comptait 360 millions d’habitants.
A la même époque se posa le problème des enclaves portugaises et françaises,
vestiges des établissements fondés depuis le 16ème siècle. Les Français furent
très conciliants, par contre les Portugais opposèrent aux revendications
indiennes un refus absolu. L’armée indienne passa à l’action à la fin de 1961 et
récupéra ses territoires.
La Constitution de 1949 forme la base de la démocratie indienne. La République
Indienne fut officiellement proclamée le 26 janvier 1950, dont l’anniversaire
restera la fête nationale, le Republic Day.
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Conclusion
Au terme du combat que menèrent les Indiens pour obtenir l’indépendance de
leur pays, on peut avoir le sentiment que la domination britannique était une
mauvaise chose pour l’Inde. A ce propos, il convient de faire quelques
remarques.
L’un des points sur lequel les nationalistes indiens se plaignirent fut la ponction
opérée par le Royaume-Uni du fait de son administration étrangère. Pourtant, si
on fait le calcul, cela représente environ 1% du revenu national indien par année
entre 1868 et 1930, ce qui est beaucoup moins que ce que les Hollandais
s’approprièrent en Indonésie. Le fait que la consommation du personnel
britannique en Inde, qui représentait alors moins de 1% de la population, s’éleva
à 5% du revenu national indien fut cependant encore plus important pour les
nationalistes. En effet, eux qui constituaient l’élite indienne auraient profité de
l’essentiel des ressources si les Britanniques avaient quitté l’Inde 50 ans plus tôt.
Ils pensaient de plus qu’une élite indienne modernisatrice aurait pu adopter des
politiques plus propices au développement du pays. Toutefois, si les Britanniques
n’avaient pas gouverné l’Inde du milieu du 18ème siècle à la fin du 19ème siècle,
il est peu probable qu’une élite modernisatrice ait pu naître des ruines de l’empire
Moghol, ou que cet empire ait pu produire le cadre juridique et institutionnel
nécessaire au fonctionnement du pays.
Cependant, il convient de rappeler que les Anglais ont exploité les richesses
offertes par l'Inde. Ils profitèrent des métaux précieux, des matières premières
ainsi que des produits coloniaux. De plus, l'Inde représentait un bon marché pour
la vente des tissus britanniques. L'apport des nouvelles technologies profita
beaucoup aux exportations des produits indiens, dont les gains revenaient
principalement aux colonisateurs. En effet, rappelons que l'East India Company,
par exemple, détenait le monopole sur le commerce entre l'Inde et l'Angleterre.
On peut en déduire que la majeure partie des profits effectués grâce à
l’industrialisation en Inde tombèrent dans la poche des Anglais.
La majeure partie du peuple indien n’a pas pu profiter des évolutions apportées
par les Britanniques. Exposée aux impôts lourds sur l’agriculture et aux contrats
d'exploitation des étrangers, elle se trouva souvent dans des situations
misérables. En abandonnant leur culture autarcique pour profiter du commerce,
ils furent obligés d’investir leur revenu supplémentaire en nourriture et besoins
naturels. L’Indien moyen n'est donc pas devenu plus riche sous domination
britannique. Entre 1757 et 1947, le produit intérieur brut anglais par tête
augmenta en termes réels de 347% tandis que celui de l’Inde ne s’accrut que de
14%.
Il convient cependant de considérer tout ce que les Britanniques ont apporté à
l’Inde. Avant tout, ils ont établit une certaine stabilité et de l'ordre après les
années de chaos de la fin de l'Empire Moghols. De plus, ils ont énormément
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contribué à l’infrastructure, à l’irrigation et à l’industrie. En 1914, ils avaient investi
pas moins de 400 millions de livres Sterling en Inde. A la fin de la domination
britannique, le quart du pays était irrigué contre 5% au temps des Moghols. Les
Anglais apportèrent des améliorations dans la santé publique grâce à des
vaccins et au traitement de l’eau, jusqu’alors cause de maladies telles que le
choléra. Ainsi, l’espérance de vie des Indiens augmenta de 21 ans à 32 ans
entre 1820 et 1950. Remarquons cependant que celle-ci augmenta de 40 à 69
ans en Grande-Bretagne sur la même période. Finalement, et bien que cela soit
impossible à quantifier, il est difficile à croire qu’il n’y ait pas eu des avantages à
être gouverné par une bureaucratie telle que l’Indian Civil Service.
Cependant, le développement des voies de communication impliqua également
des effets négatifs. L'économie de village se transforma en une culture
commerciale. Ceci eut des conséquences importantes au niveau de la
dislocation de la communauté villageoise. Les paysans produisant des
marchandises qu’ils vendaient dans la ville la plus proche commencèrent à se
lier à l’extérieur. L’importation d'artisanats d’Europe fit concurrence aux artisans
villageois qui disposèrent de moins en moins de travail. En espérant en trouver
en ville, ils y émigrèrent. Les cultivateurs dépendant des évolutions économiques
des autres pays se trouvèrent également ruinés ou réduits à la misère suite à
des fluctuations économiques et, eux aussi, émigrèrent vers la ville. Les villages,
qui étaient autrefois de petites économies indépendantes, disparurent
progressivement.
Le marché indien devint de plus en plus homogène et centralisé. Par la
circulation accrue des marchandises, les prix eurent tendance à s’égaliser sur
l’ensemble des régions.
Cette centralisation devint plus effective avec la liaison télégraphique entre
l’Angleterre et l’Inde établie en 1870. Elle permit à la Couronne britannique de
rester en contact rapproché avec ses subordonnés en Inde.
Malgré les points négatifs liés à la domination britannique, comment peut-on
savoir si les Indiens auraient été mieux autrement ? Par exemple sous
domination moghole ? Ou hollandaise ? On pourrait penser que l’idéal aurait été
d’être administrés par eux-mêmes. Mais est-ce que les choses auraient vraiment
été meilleures ? Cela doit certainement être vrai pour l’élite gouvernante, mais
beaucoup moins pour la majorité de la population. Beaucoup de choses qui
existent à l’heure actuelle en Inde peuvent être imputées aux Britanniques. Ces
derniers leur ont en effet permis, à l’époque, de jouir d’une instruction de pointe,
ce qui les a ensuite aidés dans la mise en place de leur démocratie. Le système
parlementaire et électoral de l’Inde sont d’ailleurs dérivés du colonialisme
britannique. La langue couramment parlée en Inde aujourd’hui est et reste
l’anglais. Elle permet à toutes les communautés qui constituent ce pays de
communiquer entre elles. Rajoutons enfin que, sous la domination britannique, le
peuple indien était assez libre d'exercer sa foi et sa culture. De plus, bien que
cela semble un peu prétentieux, on peut presque dire que l’Inde n’aurait jamais
existé sans les Anglais, ou en tout cas pas sous sa forme actuelle.
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Malgré tout, les Anglais ne réussirent pas à éviter les grandes famines. Ceci
parce que les conditions climatiques étaient telles que des pluies détruisaient
souvent la récolte des paysans. Lors des années déficientes, la récolte était
insuffisante parfois même nulle.
Bien sûr, l’Inde, en tant que riche colonie, a également beaucoup apporté au
Royaume-Uni. Kipling pensait que sans l’Inde, la Grande-Bretagne ne serait
jamais devenue le « greatest power in the world » à cette époque. De même, elle
n’aurait certainement pas gagné la Seconde Guerre Mondiale. Cependant,
quand on fait la balance des points positifs et des points négatifs, on pourrait
presque être amené à croire que la colonisation a été plus bienfaisante pour les
Indiens que pour les Britanniques. Nous touchons là un débat qui est encore
d’actualité, à savoir si les pays colonisateurs ont eu raison de mener une telle
politique…
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Bibliographie
Jaques Dupuis
Peter Robb
Angus Maddison
Niall Ferguson
Histoire de l’Inde ; Kailash editions 1996
A History of India; palgrave essential histories 2002
L’économie mondiale : une perspective millénaire;
ODCE; 2001
Empire : How Britain made the modern world ; Penguin
Books ; 2003
Sites internet:
http://www.chez.com/bharat/histoire/histoire2c.htm
http://www.cyberport.uqam.ca/francais/pays/inde/histAutomne2000R.htm
http://fr.encyclopedia.yahoo.com/articles/cl/cl_793_p2.html
http://www.bpb.de/publikationen/ALU618,2,0,Geschichtliche_Entwicklung.html
http://www.ac-montpellier.fr/crdp/services/prod/99ques/inde/99qinde.htm
http://presse-francaise-en-stock.chez.tiscali.fr/situnive/memallfr/poncet01/mem003aa...
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