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13/06/2007
Economie française : sortir de la dépression
On identifie aisément les causes de la langueur dont est atteinte l’économie française.
Certaines sont conjoncturelles (la baisse du dollar et la hausse du pétrole), d’autres plus
anciennes (un mauvais positionnement sectoriel et géographique à l’exportation, des
entreprises qui investissent trop peu, des ménages qui épargnent trop, la confiance minée par
le chômage de masse). Mais peut-on se satisfaire de ces explications économiques un peu
superficielles ? Ne faut-il pas plutôt incriminer les politiques menées indistinctement par la
gauche et la droite, qui n’ont pas su répondre aux défis de notre temps. Et, en dernière
instance, n’est-ce pas le corps électoral, donc le corps social lui-même, qui porte la
responsabilité de cette situation ?
Si l’économie est apathique, c’est probablement que la société française toute entière
« déprime », cette fois au sens psychanalytique du terme.
On le sait, la dépression est le résultat d’un excès de contraintes et d’interdits, imposés par le
« surmoi », lequel prime les initiatives, les pulsions du « ça » et met dans une impasse le
« moi », chargé de gérer ces forces contradictoires.
L’état du monde impose aujourd’hui à la France de remettre en cause les schémas de pensée,
les méthodes qui ont fait sa grandeur passée. Pays d’administrateurs, de soldats et de paysans,
édifié par la volonté de ses Rois et de ses Républiques, elle souffre de voir l’Etat central
naguère tout puissant se plier aux volontés de Bruxelles et ses entreprises nationales rachetées
par des fonds de pension. Ses valeurs les plus fondamentales sont bousculées par les réalités
du moment : l’égalité des conditions obtenue par une fiscalité par trop redistributive nuit au
progrès de tous ; la fraternité ne peut s’étendre à tous les démunis du vaste monde ; la soif de
liberté se heurte aux impératifs de la sécurité.
Pourtant, quoi qu’on en dise, la France s’adapte aux alités contemporaines, mais à contre-
cœur, à reculons, imparfaitement, maladroitement. Et surtout, en développant un immense
sentiment de culpabilité. D’où l’angoisse sourde qui étreint nos concitoyens, et les paralyse.
Ils n’ont pas la mondialisation heureuse !
Comment sort-on d’une dépression ? Le Prozac n’étant pas disponible à l’échelle
d’une nation (quoique les Français en soient très friands), la résilience doit être le résultat
d’une réorganisation de notre psychisme collectif. La France doit retrouver « l’estime de
soi ». Si le « ça » est écrasé par le « surmoi » et que le « moi » est désorienté, le remède est
simple dans son principe : il faut renforcer le « ça », remettre en cause le « surmoi » et
changer le « moi ». Ce processus est bien engagé.
La campagne électorale a redonné la parole au « ça », c’est-à-dire aux Français de la
base, avant même les scrutins successifs, en les laissant s’exprimer librement, sous les
préaux des écoles, dans les médias, sur Internet. A gauche comme à droite, les
candidats ont appelé eux-mêmes ce changement en se mettant à l’écoute du pays.
Changer le « moi », c’est chose faite avec l’élection d’un nouveau chef de l’Etat, doté
de pouvoirs sans précédent. La personnalité volontaire et énergique du nouveau
président laisse augurer d’une plus grande capacité à gérer les contradictions.
Remettre en cause le « surmoi », c'est-à-dire les idées reçues et les normes de notre
société, tel a été l’apport principal de Nicolas Sarkozy au cours de sa campagne.
Arrêtons de culpabiliser au souvenir de notre passé colonial, arrêtons de nous
singulariser dans une critique systématique des Etats-Unis, arrêtons de considérer que
le respect de la loi et la recherche de la sécurité sont des attitudes réactionnaires, alors
qu’elles conditionnent la vie en société, arrêtons de voir dans l’activité économique
seulement le moyen de réduire le temps de travail et les inégalités, alors que son
premier objectif est de rehausser les niveaux de vie, tout en valorisant le mérite et la
réussite professionnelle. Ces idées refoulées, censurées au nom du politiquement
correct, ont été enfin réhabilitées.
Les conditions du rétablissement paraissent donc réunies. Encore faut-il que la rupture
ne se limite pas aux seules questions de société, comme se fut le cas en 1974 avec
Giscard d’Estaing et en 1981 avec Mitterrand. Il faut aussi remettre en cause le mode
de gestion de l’économie, qui prévaut depuis un demi siècle : le recours à la loi plutôt
qu’au dialogue social et au contrat ; une réglementation et fiscalité tatillonnes,
fourmillant de conditions, d’exceptions et de plafonds multiples, qui s’illusionnent sur
leurs propriétés incitatives. Bref, il faut changer le « logiciel » de la politique
économique.
Trois sujets auront valeur de test en la matière :
Le renouveau du droit du travail. Il faut espérer que la nouvelle réglementation
des heures supplémentaires, encore passablement complexe, cache une réelle
volonté de dépoussiérer notre Code du travail.
La réforme de l’enseignement supérieur, laquelle passe par une simplification
de l’architecture des organismes de recherche et une véritable autonomie des
universités, bornée par la seule vertu de la compétition.
Enfin, la refonte de notre protection sociale, pour qu’elle aille à ceux qui en ont
réellement besoin, au lieu qu’elle est l’occasion d’une immense redistribution
horizontale et à un énorme gaspillage.
Nous saurons bientôt, sur ces critères là, si l’économie française est vraiment guérie de
sa dépression.
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