discours d’interprétation qui doivent être évalués par rapport à d’autres types d’étude. Nous
souhaiterions recevoir des articles qui s’engagent dans cette voie comparative.
Les TIC : vers la mobilisation des compétences et des connaissances dans des systèmes d’action
transnationaux ?
Nous constatons l’émergence des systèmes d’action transnationaux dans les domaines tels que
l’économie, la recherche, l’éducation et la santé, la protection sociale et la lutte contre la pauvreté, etc.
Ces systèmes ont un certain nombre de traits qui nous intéressent tout particulièrement : ils réunissent
des acteurs localisés géographiquement dans des pays d’accueil, d’origine ou qui sont en transit ; les
communications entre ces acteurs sont médiatisées par ordinateur ; cette connectivité induit un sens
développé de l’appartenance communautaire ; et forte de ce sentiment d’appartenance, des actions
collectives sont entreprises visant à capter, mobiliser et articuler des compétences et des connaissances
locales et distantes pour monter des projets d’intérêt reconnu pour les pays d’origine. Ce concept de
systèmes d’action transnationaux est intéressant à plusieurs titres. D’abord, il permet de contester
l’image du migrant comme la figure d’une personne en rupture avec son passé ; il est là-bas dans un
pays d’accueil, mais il est également ici, connecté à son histoire, à ses amis, à ses réseaux. Ensuite, il
permet d’insister sur le rôle des TIC dans la fabrication d’identités communautaires. Certains auteurs
n’hésitent pas d’affirmer que les TIC sont constitutives des diasporas, dont elles rendent possible
l’existence. Enfin, il permet d’envisager un nouveau cadre théorique pour penser le développement qui
n’est pas formulé en termes de transfert des compétences et des savoirs mais, au contraire, en termes
de leur co-développement ici et là-bas. Cela dit, le concept de systèmes d’action transnationaux
recouvre des réalités bien complexes. Par exemple, vus de la théorie politique, ces systèmes soulèvent
la question de leur gouvernance : comment trouver des ressources de leur fonctionnement ? Comment
partager les résultats ? Comment inciter les expatriés à travailler pour leurs pays d’origine sans ingérer
dans les affaires d’Etats souverains ? Vus de la théorie de la communication, une grande diversité de
canaux explique le développement de ces systèmes dont, par exemple, les sites officiels créés par les
gouvernements pour l’usage de leurs diasporas, les sites propres à des organisations diasporiques
spécifiques et, surtout, les blogs, wikis et téléphonie IP qui rapprochent les individus. Vus, enfin, de la
sociologie, une hétérogénéité de situations est désignée par le concept de système qui doit être
démêlée.
En invitant les auteurs à soumettre des articles sur ce thème, l’objectif est d’engager un débat critique
sur la possibilité de transformer la fuite des cerveaux (brain drain) en un capital de compétence et de
savoirs pour les pays et régions d’origine (brain gain). Une telle hypothèse ne saurait être ramenée à
une déterminisme technologique : si la culture du lien est actuellement plus visible et dynamique en
raison des TIC, les TIC n’explique certainement pas cette culture du lien. Son activation suppose les
procédures complexes de gestion collective de connaissances pour identifier et donner la signification
de compétences et de savoirs en émergence ; une capacité socio-politique de se faire entendre et d’agir
au sein des structures d’action collective déjà établies dans leurs pays et régions d’origine ; et, enfin,
une réflexion plus théorique sur ce qui est l’action transnationale dans un contexte de co-
développement. D’un tel débat émergeront les critères d’évaluation des TIC comme facteur
d’émergence et d’efficacité des systèmes d’action transnationaux pour le développement.
Les TIC : vers les études d’usages ?
Les systèmes statistiques nationaux produisent des informations sur leurs populations expatriées qui
sont peu comparables. Les problèmes sont multiples liés, entre autres, à la diversité des objectifs
politiques poursuivis, à l’ambiguïté des catégories statistiques (c’est quoi un expatrié ?) et aux
techniques de collecte des données (comment estimer les facteurs d’erreur ?). C’est donc à l’intérieur
d’un paysage national à contours flous que prend place le débat spécifique sur l’usage des TIC pour le
développement. Or, ce débat soulève lui-même des questions conceptuelles et méthodologiques
complexes. Comme nous l’avons vu, il s’agit de savoir comment intégrer les résultats obtenus en
faisant interagir entre elles des méthodes issues de l’informatique (traitement des traces, fouille de
données) et celles qui concernent la recherche qualitative sur le terrain. Deux axes d’investigation
qualitatives semblent particulièrement nécessaires : une approche ergonomique permettant de tester
l’accessibilité aux résultats, leur utilité par rapport aux autres méthodes d’analyse et leur utilisabilité